« Il est inhumain d’incarcérer une personne à vie sans lui offrir aucune perspective de libération », a déclaré le Président du CPT, Mykola Gnatovskyy. « Cela ne signifie pas que chaque détenu devra nécessairement être libéré à un moment ou à un autre, mais que les programmes et le suivi individuels sont essentiels pour déterminer au cas par cas si une personne peut retourner vivre au sein de la société et à quel moment ».
« D’expérience, nous savons également que les condamnés à la réclusion à perpétuité ne sont pas nécessairement plus dangereux que les autres détenus. Le régime de détention des condamnés à perpétuité ne devrait, en principe, jamais être le résultat automatique du type de peine prononcée mais devrait être décidé par les autorités pénitentiaires et devrait toujours se fonder sur une évaluation individuelle de la situation du détenu », a-t-il ajouté.
Bien que la majorité des pays imposant des peines de réclusion à perpétuité exigent une période incompressible minimale comprise entre 20 et 30 ans avant qu’un détenu ne puisse bénéficier d’une libération conditionnelle, certains autres – comme la Bulgarie, la Lituanie, Malte, les Pays-Bas et, pour certains crimes, la Hongrie, la République slovaque et la Turquie – n’ont pas de système de libération conditionnelle pour les condamnés à perpétuité. Ainsi, certains détenus ne pourront jamais être libérés (sauf pour des motifs humanitaires ou par une grâce).
Là où il a constaté des conditions de détention particulièrement dures pour les condamnés à perpétuité, le CPT recommande vivement aux Etats d’améliorer le régime carcéral qui leur est appliqué. Il rappelle également aux Etats que le recours systématique aux menottes et à la fouille à corps des détenus, ou encore l’utilisation de chiens à l’intérieur des zones de détention, sont inacceptables.
Le régime de détention devrait permettre aux condamnés à perpétuité de maintenir des contacts avec le monde extérieur, leur offrir la possibilité d’une libération conditionnelle dans la société et faire en sorte qu’à un moment donné, cette remise en liberté puisse être octroyée en toute sécurité, au moins dans la plupart des cas. À cette fin, les détenus concernés devraient disposer d’une date précise pour le premier réexamen de leur peine en vue d’une éventuelle libération, sur la base d’un programme individuel défini dès le début de la peine et régulièrement revu par la suite.
Au fil des ans, lors de ses visites dans les Etats membres, le CPT a constaté que les conditions dans lesquelles étaient détenus les condamnés à perpétuité variaient fortement d’un pays à l’autre, et même bien souvent d’un établissement à un autre. Dans de nombreux pays, les condamnés à perpétuité étaient habituellement détenus avec d’autres condamnés et bénéficiaient des mêmes droits, en termes d’emploi, d’activités éducatives et de loisirs, et de contacts avec le monde extérieur.
Cependant, dans un certain nombre de pays comme l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bulgarie, la Géorgie, la Lettonie, la République de Moldova, la Roumanie, la Fédération de Russie, la Turquie (*) et l’Ukraine, les condamnés à perpétuité étaient en règle générale détenus séparément des autres condamnés.
Dans plusieurs de ces pays, le CPT a également constaté que ces condamnés étaient soumis à des mesures de sécurité draconiennes et qu’ils avaient des contacts très limités avec le monde extérieur, notamment en ce qui concerne les visites. Les condamnés à perpétuité étaient systématiquement menottés et/ou soumis à une fouille à corps dès qu’ils quittaient leur cellule. Dans certains établissements, ils étaient aussi escortés systématiquement de deux surveillants et d’un chien de garde lors de tout mouvement en dehors de leur cellule. Ces détenus étaient parfois enfermés à clé dans leur cellule 23 heures sur 24 et n’étaient pas autorisés à rencontrer les détenus des autres cellules ni à participer à des activités motivantes.
Ces dernières années, certains Etats ont amélioré les conditions de détention des condamnés à la réclusion à perpétuité, en particulier en leur proposant des activités motivantes et davantage de contacts avec les autres détenus. Cependant, le CPT estime qu’il reste encore beaucoup à faire pour que la situation puisse être considérée comme satisfaisante.
En 2014, il y avait environ 27 000 condamnés à la réclusion à perpétuité dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, selon les Statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe (SPACE).
En 2017, le CPT prévoit d’effectuer ses visites régulières (dites « périodiques ») dans les 10 pays suivants : Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Estonie, Monténégro, Pologne, Slovénie, Turquie et Ukraine.
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Le CPT visite des lieux de privation de liberté dans les 47 Etats membres du Conseil de l´Europe afin d’évaluer la manière dont les personnes détenues sont traitées. Ces lieux visités incluent les prisons, centres de détention pour mineurs, postes de police, centres de rétention pour étrangers, hôpitaux psychiatriques, foyers sociaux. Après chaque visite, le CPT rédige un rapport comprenant ses constatations ainsi que ses recommandations.
(*) Seulement pour les détenus condamnés purgeant une peine de réclusion à perpétuité aggravée.