Réflexions sur la crise actuelle du COVID-19 par le groupe thématique de la CEC sur l'éducation, la démocratie et la diversité

Le texte suivant n'est pas une déclaration officielle de la CEC mais comprend des points de discussion destinés à contribuer au débat actuel sur le rôle des Églises et sur le COVID-19 en Europe.


Nous vivons actuellement une crise sans précédent en Europe et dans le monde entier. Les gens ne peuvent plus aller travailler, les membres de la famille doivent garder leurs distances et les services religieux ne sont possibles que de façon très limitée ou sont annulés dans un avenir prévisible. 

Les jardins d'enfants, les écoles et les universités sont fermés. La vie sociale telle que nous l'avons connue est inexistante.

Partout en Europe, des personnes occupant des postes à responsabilité dans la politique, la société civile et le domaine médical, s'efforcent de protéger des vies humaines. Les mesures prises ne sont pas toujours les bienvenues, car elles empiètent parfois profondément sur les libertés démocratiques.

Dans la Charta Oecumenica, les Églises affirment qu'elles ont une responsabilité commune en Europe. C'est maintenant, en particulier, le moment de réfléchir à cette responsabilité. Nous espérons que les réflexions suivantes favoriseront une discussion ouverte et fructueuse entre les Églises.

 

« Recherchez le bien de la ville. » Jérémie 29.7

Les gouvernements du monde entier ont réagi par des restrictions massives des libertés telles que la liberté de circulation, de voyage et de réunion - cette dernière affectant particulièrement la liberté de religion et de croyance, les Églises étant habituées à se réunir régulièrement et à pratiquer leur culte en groupe. Ces libertés sont les éléments constitutifs essentiels des sociétés démocratiques. Bien que ces restrictions temporaires mises en place pour protéger la population soient compréhensibles, elles ne devraient exister qu'aussi longtemps que cela s’avère nécessaire. Dans cette situation d'urgence, qui traverse toutes les frontières, nous encourageons les chrétiens du monde entier à renforcer leurs réseaux et à coopérer. Ce n'est pas le moment d'être introvertis et repliés sur soi-même, que ce soit en tant que nations ou en tant qu'Églises, mais plutôt de chercher comment nous pouvons sortir ensemble de cette situation.

Nous constatons avec inquiétude que des voix s'élèvent à nouveau en Europe pour tenter de semer la haine et la discorde. De plus en plus de personnes cherchent des boucs émissaires ; les discours de haine ou les fausses informations se répandent, en particulier dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ce sont surtout les personnes issues de l'immigration ou appartenant à une minorité ou à un groupe marginalisé qui souffrent. Nous pensons en particulier non seulement aux nombreux travailleurs saisonniers et aux aides aux récoltes, mais aussi au personnel médical d'Europe centrale et orientale, ainsi qu'aux frontaliers.

Ainsi, la Charta Oecumenica déclare :

Nos efforts communs se portent sur l'appréciation critique et la solution des questions politiques et sociales, dans l'esprit de l'Évangile. Puisque nous considérons la personne et la dignité de tout homme comme image de Dieu, nous nous portons garants de l'absolue égalité de valeur de tous.

 

« Lorsque ton fils te demandera un jour... » Deutéronome 6.20

Dans nos sociétés, les écoles publiques sont un instrument important de socialisation. Elles ont pour but d'offrir une éducation à tous, et ainsi, de lutter contre les inégalités. À l'heure de l'enseignement à distance, ces inégalités refont surface. Les inégalités des environnements d'apprentissage au sein des foyers peuvent accroître les injustices existantes en matière d’opportunités des enfants souvent issus de milieux défavorisés. L'éducation joue un rôle essentiel dans la société judéo-chrétienne. Nous considérons qu'il est du devoir des Églises de contribuer à la formation d'une société à travers l'éducation. Il ne s'agit pas seulement de transférer des connaissances, mais également de promouvoir la communauté par son élément unificateur. L'éducation joue un rôle précis dans le développement de la vie sociale et la croissance des individus. Elle prépare les jeunes à la participation à la citoyenneté démocratique et éveille leur conscience culturelle. Tous ces éléments sont des éléments essentiels à la promotion d’une coexistence pacifique dans une société socialement responsable et juste.

Nous constatons avec inquiétude que les personnes socialement marginalisées et pauvres sont fortement touchées pendant la période de confinement, et se sentent exclues.

Nous nous inquiétons pour les familles dont les enfants, les femmes et les hommes sont menacés par la violence domestique. Lorsqu’il n'y a pas de contact via les écoles ou les lieux de travail, ces situations peuvent rester cachées. Il est du devoir de chacun de relever l’existence de violences dans leur voisinage.

Durant cette crise, les élèves ainsi que leurs professeurs sont confrontés à des questions existentielles relatives à la souffrance, la mort, la vie et Dieu. Lorsque les Églises sont impliquées dans l'éducation, que ce soit dans les écoles publiques ou privées, leurs services peuvent être plus que jamais nécessaires.

C'est ce que déclare la Charta Oecumenica :

Notre foi nous aide à tirer les leçons du passé et à nous engager à ce que la foi chrétienne et l'amour du prochain, répandent l'espérance en matière de morale et d'éthique, dans la formation et la culture, en politique et dans l'économie, en Europe et dans le monde entier.

 

« Retenons fermement la profession de notre espérance... » Hébreux. 10.23

La crise actuelle ne se terminera pas simplement aujourd'hui et ne disparaîtra pas demain. Bien que nous ne connaissions pas encore toute l'ampleur de cette crise, nous sommes appelés à réfléchir à demain. L'espoir d'une « nouvelle Jérusalem » ne nous autorise pas à devenir des spectateurs désoeuvrés. Au contraire, en tant qu'Églises, nous devrions contribuer activement à façonner l'avenir de l'Europe. Cela comprend une discussion sincère et ouverte dans nos Églises, dans un esprit fraternel, qui prend en compte les grands défis concernant la construction d'une Europe socialement juste et unifiée. Nous vivons l'espoir chrétien que « Dieu fait toutes choses nouvelles ». Notre espérance nous unit et nous encourage à partager et à contribuer à un monde juste à travers nos traditions chrétiennes, notre expérience de la démocratie et notre appréciation de la valeur des droits de l'homme. Comme il est écrit dans la lettre aux Hébreux 10.23-24, « Retenons fermement la profession de notre espérance, car celui qui a fait la promesse est fidèle. Veillons les uns sur les autres, pour nous exciter à la charité et aux bonnes oeuvres. »

Que la foi puisse remplacer la peur, l'espoir le désespoir, et l'amour la haine.

C'est ce que déclare la Charta Oecumenica :

Les Églises encouragent une unité du continent européen. Sans valeurs communes, l'unité ne peut être atteinte de façon durable. Nous sommes convaincus que l'héritage spirituel du christianisme représente une force d'inspiration enrichissante pour l'Europe. Sur la base de notre foi chrétienne, nous nous engageons pour une Europe humaine et sociale, dans laquelle s'imposent les droits de l'homme et les valeurs fondamentales de la paix, de la justice, de la liberté, de la tolérance, de la participation et de la solidarité.

 

Rédigé par les membres du Groupe thématique de la CEC sur l'éducation, la démocratie et la diversité

Strasbourg, avril 2020