La procédure de réclamations collectives
- celle des « réclamations collectives », introduites par les partenaires sociaux et d’autres organisations non gouvernementales (Procédure de réclamations collectives)
- et celle des « rapports », élaborés par les Etats parties (Procédure de rapports)
La procédure de réclamations collectives a été introduite par le protocole additionnel prévoyant un système de réclamations collectives adopté en 1995 et entré en vigueur en 1998.
L'objectif poursuivi par cette procédure était d'accroître l'efficacité, la rapidité et l'impact de la mise en œuvre de la Charte. La procédure de réclamations collectives a renforcé le rôle des partenaires sociaux et des organisations non gouvernementales en leur permettant s’adresser directement au CEDS pour qu'il se prononce sur une éventuelle non-application de la Charte dans les pays qui ont accepté ses dispositions et la procédure de réclamations.
La procédure de réclamations collectives est un système de protection des droits humains pour les droits sociaux et économiques qui complète la protection judiciaire prévue par la Convention européenne des droits de l'homme pour les droits civils et politiques. En raison de leur caractère collectif, les réclamations doivent soulever des questions d'ordre général concernant la non-conformité du droit ou de la pratique d'un État avec une ou plusieurs dispositions de la Charte. Les réclamations relatives à des situations individuelles ne peuvent pas être présentées. En raison de leur nature particulière, les réclamations peuvent être déposées sans que les voies de recours internes soient épuisées et sans que l’organisation soit nécessairement victime de la violation contestée
- les partenaires sociaux européens :
- certaines organisations internationales non gouvernementales (OING) dotées du statut participatif auprès du Conseil de l'Europe et inscrites à leur demande sur la liste établie par le Comité gouvernemental de la Charte sociale européenne et du Code européen de sécurité sociale (Comité gouvernemental) ;
- les organisations syndicales et patronales représentatives dans le pays concerné.
En outre, tout État peut accorder aux organisations non gouvernementales (ONG) nationales représentatives relevant de sa juridiction le droit de porter réclamation contre lui. Jusqu'à présent, seule la Finlande l'a fait.
Si une réclamation a été jugée recevable par le CEDS, les motifs de la réclamation sont alors examinés et une décision sur le bien-fondé est adoptée par le CEDS. Cette décision établit si le droit et/ou les pratiques d'un État sont ou non conformes à une ou plusieurs dispositions de la Charte. La décision est transmise par le CEDS aux parties et, pour son suivi, au Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Les décisions adoptées par le CEDS sont publiées et peuvent être consultées dans la base de données de la Charte sociale européenne HUDOC.
La Charte est un traité de droit international juridiquement contraignant et le CEDS, en tant qu'organe de traité, a la seule responsabilité de l'évaluation juridique du respect de la Charte par les États. La jurisprudence du Comité (décisions et conclusions) représente une interprétation faisant autorité des dispositions de la Charte. Les États Parties ont l’obligation de coopérer avec le Comité et ses décisions et conclusions, ce qui découle de l'application du principe de bonne foi dans l’exécution de toutes les obligations conventionnelles. Pour les États parties, ignorer ou ne pas prendre en compte les décisions et les conclusions du Comité reviendrait à ne pas faire preuve de bonne foi dans l'exécution des obligations qu'ils se sont engagés à respecter en vertu de la Charte.
Conditions de recevabilité des réclamations
Pour être déclarée recevable, une réclamation collective doit nécessairement :
- être déposée par écrit et indiquer clairement le nom et les coordonnées de l'organisation réclamante ;
- être signée par une personne habilitée à représenter l'organisation réclamante et fournir la preuve que la personne qui dépose et signe la réclamation est habilitée à représenter l'organisation ;
- si l’organisation réclamante est un syndicat national ou une organisation nationale d'employeurs, fournir la preuve que ces organismes sont représentatifs au sens de la procédure de réclamation collective ;
- si l’organisation réclamante est une ONG internationale ou nationale, fournir la preuve que l'organisation réclamante a une compétence particulière dans le domaine relatif à la (ou aux) disposition(s) de la Charte faisant l'objet de la réclamation ;
- être déposées contre un État dans lequel la Charte est en vigueur et qui a accepté le système de réclamations collectives (à partir du 1er mai 2023, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Slovénie, Espagne et Suède) ;
- concernent une ou plusieurs dispositions de la Charte qui ont été acceptées par l'Etat concerné ; en principe, les dispositions de la Charte qui peuvent faire l'objet d'une réclamation sont les suivantes :
a. Les articles 1 à 19 de la partie II de la Charte sociale européenne de 1961, les articles 1 à 4 de la partie II du Protocole additionnel de 1988 à la Charte sociale européenne de 1961 ;
b. Les articles 1 à 31 de la partie II et l'article E de la partie V de la Charte sociale européenne révisée, en combinaison avec un ou plusieurs des articles susmentionnés ;
- indiquer dans quelle mesure l'État n'a pas mis en œuvre la Charte ; en particulier, la réclamation doit indiquer le ou les points sur lesquels l'État en question n'aurait pas respecté la Charte ou l'aurait mal mise en œuvre, avec les preuves et les arguments pertinents, documents à l'appui.
Lorsqu'elles sont déposées par une OING, les réclamations doivent être rédigées dans l'une des langues officielles du Conseil de l'Europe (anglais ou français). Les réclamations déposées par les syndicats nationaux peuvent être rédigées dans la - ou une - langue officielle de l'Etat concerné.
Les réclamations doivent être adressées, de préférence par voie électronique, au Secrétaire exécutif du CEDS agissant au nom du Secrétaire général du Conseil de l'Europe.
Adresse électronique :
social.charter@coe.int
Adresse postale :
Service des Droits sociaux
Direction générale des droits de l'homme et de l'État de droit, Conseil de l'Europe
F-67075 Strasbourg Cedex
Examen des réclamations par le Comité européen des droits sociaux
Le Règlement du CEDS contient des dispositions détaillées sur l'examen des réclamations collectives.
Le CEDS traite les réclamations dans l'ordre dans lequel elles sont prêtes à être examinées. Il peut toutefois donner la priorité à une réclamation particulière.
Les réclamations déposées devant le CEDS sont notifiées à l'État défendeur et publiées sur le site Internet du Conseil de l'Europe.
Pour chaque réclamation, le président du CEDS désigne un membre du CEDS comme rapporteur. Le rapporteur prépare un projet de décision sur la recevabilité et, si nécessaire, sur le bien-fondé pour examen et adoption par le CEDS.
Décision sur la recevabilité
Avant que le CEDS ne se prononce sur la recevabilité, le président donne à l'État un délai pour fournir des observations écrites sur la recevabilité de la réclamation. Le président invite ensuite l'organisation réclamante à répondre aux observations de l'État défendeur. L'État défendeur est enfin invité à présenter, s'il le souhaite, une réponse.
Tous les documents enregistrés sont publiés sur le site Internet du Conseil de l'Europe.
L'inscription d'une OING sur la liste des organisations habilitées ne dispense pas le CEDS, lors de l'examen de la recevabilité, de vérifier si l'objet de la réclamation concerne effectivement un domaine pour lequel l'OING concernée s'est vue reconnaître une compétence particulière.
Afin d'assurer le bon fonctionnement de la procédure de réclamations collectives et compte tenu du très grand nombre de syndicats opérant dans certains Etats, il a été jugé nécessaire de préciser que l'organisation réclamante doit être "représentative". Le CEDS décide si l'organisation répond à ce critère lorsqu'il examine la recevabilité de la réclamation à la lumière des informations et observations présentées par l'État et l'organisation concernée. En l'absence de critères au niveau national, des facteurs tels que le nombre de membres et le rôle effectif de l'organisation dans les négociations nationales sont pris en compte. Toutefois, l'application de critères de représentativité ne doit pas conduire à l'exclusion automatique de syndicats de petite taille ou de création récente au profit de syndicats plus importants et plus anciens, ce qui porterait atteinte à l'effectivité du droit de tous les syndicats de porter réclamation devant le CEDS.
Une réclamation peut être déclarée recevable même si un cas similaire a déjà été soumis à une autre instance nationale ou internationale. Le fait que la substance d'une réclamation ait été examinée dans le cadre de la procédure de contrôle de la Charte sur la base de rapports gouvernementaux ne constitue pas en soi un obstacle à la recevabilité de la réclamation.
Le fait qu'une réclamation porte sur une allégation déjà examinée dans le cadre d'une réclamation précédente n'est pas en soi un motif d'irrecevabilité ; la présentation de nouveaux éléments de preuve au cours de l'examen d'une réclamation peut amener le CEDS à réévaluer une situation qu'il a déjà examinée dans le cadre de réclamations précédentes et, le cas échéant, à prendre des décisions qui peuvent différer des conclusions qu'il a adoptées antérieurement.
La décision du CEDS sur la recevabilité d'une réclamation est notifiée à l'organisation réclamante et à l'État défendeur, ainsi qu'aux autres États parties à la Charte qui acceptent les réclamations collectives. En outre, la décision est publiée sur le site Internet du Conseil de l'Europe et peut être consultée sur la base de données de la Charte sociale européenne HUDOC.
Décision sur le bien -fondé
Si une réclamation est déclarée recevable, le Président du CEDS demande à l'État défendeur de présenter un mémoire sur le bien-fondé de la réclamation dans un délai donné. Le président invite ensuite l'organisation réclamante à présenter une réplique au mémoire du Gouvernement. Le président invite ensuite l'État défendeur à soumettre une réponse à la réplique de l’organisation réclamante (l'État défendeur ayant le droit de réponse finale).
Les États qui ont accepté la procédure de réclamations collectives peuvent présenter des observations sur toute réclamation déclarée recevable à l'encontre d'un autre État.
Les organisations internationales de syndicats et d'employeurs peuvent formuler des observations sur des réclamations déposées par des organisations nationales d'employeurs et de syndicats ou par des ONG. Les observations présentées sont transmises à l'organisation réclamante et à l'État défendeur, qui sont invités à y répondre dans un délai fixé par le Président du CEDS.
Sur proposition du rapporteur, le Président du CEDS peut inviter toute organisation, institution ou personne à présenter des observations (article 32A du Règlement). Toute observation reçue par le CEDS est transmise à l'État défendeur et à l'organisation réclamante, qui sont invités à y répondre dans un délai fixé par le président du CEDS.
Lorsqu'il le juge approprié et après consultation du rapporteur, le Président décide que la procédure écrite est close. Après la clôture de la procédure, d'autres documents ne peuvent être présentés qu'à titre exceptionnel et pour des raisons valables.
Les mémoires, réponses et observations, ainsi que tout autre document transmis à ce stade de la procédure, sont également publiés sur le site Internet du Conseil de l'Europe.
Au cours de l'examen de la réclamation, à la demande d'une des parties ou de sa propre initiative, le CEDS peut décider de tenir une audition. L'audition est publique, sauf décision contraire du Président.
Des tiers, qu'il s'agisse d'États ou d'organisations, peuvent être invités à présenter des observations ou à participer à l'audience.
Après délibération, le CEDS adopte une décision sur le bien-fondé de la réclamation dans laquelle il décide si une ou plusieurs dispositions de la Charte ont été violées.
La décision du CEDS sur le bien-fondé est motivée et signée par le Président, le rapporteur et le secrétaire exécutif ou le secrétaire exécutif adjoint. Toute opinion séparée, dissidente ou concordante, est jointe à la décision du CEDS.
Le rapport contenant la décision du CEDS sur le bien-fondé est transmis au Comité des Ministres. Il est également transmis à l'organisation réclamante et à l'État défendeur, qui ne peuvent le publier qu'après l'adoption d'une résolution ou d'une recommandation par le Comité des Ministres, ou au plus tard quatre mois après sa transmission au Comité des Ministres.
Une fois rendues publiques, les décisions sur le bien-fondé sont publiées sur la base de données de la Charte sociale européenne HUDOC.
Mesures immédiates
Depuis 2011, le Règlement du CEDS prévoit la possibilité de mesures immédiates. Elles peuvent être indiquées par le CEDS à la demande d'une partie ou de sa propre initiative et à tout moment, que ce soit pendant la phase de recevabilité ou plus tard dans la procédure. L'objectif des mesures immédiates est d'éviter le risque d'un préjudice ou d'un dommage irréparable aux personnes concernées par la réclamation et d'assurer le respect effectif des droits reconnus dans la Charte. Lorsqu'elle demande des mesures immédiates, l'organisation réclamante doit préciser les raisons de ces mesures et les conséquences possibles si des mesures ne sont pas prises sans délai. L'État défendeur est informé de la demande et dispose d'un délai pour y répondre. Les parties sont informées de la décision motivée du CEDS concernant les mesures immédiates, et l'État défendeur dispose d'un délai pour fournir des informations sur les mesures effectivement prises.
Suivi par le Comité des Ministres
En cas de violation d'une ou plusieurs dispositions de la Charte, l'Etat défendeur est invité à informer le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe des mesures prises ou envisagées pour mettre la situation en conformité. Ceci est comparable au suivi des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme.
Au vu de ces informations et à la lumière de considérations de politique sociale et économique, le Comité des Ministres adopte une recommandation adressée à l'Etat concerné. La majorité des deux tiers est requise pour l'adoption d'une recommandation.
Il est important de noter que le Comité des Ministres ne peut pas revenir sur l'évaluation juridique faite par le CEDS (cf. §46 du Rapport explicatif du Protocole [lien]).
Le rôle du Comité des Ministres est essentiel car il peut contribuer à rendre opérationnelles les décisions du CEDS et ainsi concrétiser les droits garantis par la Charte.
Dans les cas où le CEDS ne constate aucune violation des dispositions de la Charte, le Comité des Ministres adopte une résolution clôturant la procédure.
Les textes adoptés par le Comité des Ministres dans le cadre de la procédure de réclamations collectives sont disponibles sur le site Internet du Comité des Ministres, ainsi que sur la base de données de la Charte sociale européenne HUDOC.
Rapport sur le suivi des décisions prises dans le cadre de réclamations collectives
Suite à la réforme adoptée par le Comité des Ministres en septembre 2022 , dans les cas où le Comité des Ministres a adressé des recommandations aux États parties après que le CEDS a constaté des violations de la Charte, les États doivent désormais soumettre un rapport unique sur le suivi entrepris environ deux ans après la recommandation du Comité des Ministres.
Il appartient ensuite au CEDS de déterminer si la situation a été mise en conformité avec la Charte. L'évaluation du CEDS sur ces rapports de suivi sera transmise au Comité des Ministres.
En fonction de l'évaluation du CEDS, le Comité des Ministres peut clore l'affaire par une résolution ou renouveler la recommandation ou, avant de le faire, il peut renvoyer l'affaire au Comité gouvernemental pour de nouvelles consultations. Ce renvoi peut se faire à la demande de l'État partie concerné ou à l'initiative du Comité des ministres. Les consultations peuvent aider l'Etat concerné à identifier les mesures qu'il pourrait prendre pour traiter l'affaire. Les consultations avec le Comité gouvernemental pourraient également, dans ces cas, permettre d'accéder à des exemples de bonnes pratiques d'autres Etats parties ou d'assister les autorités nationales qui le souhaitent dans l'élaboration et l'adoption de feuilles de route, de stratégies ou de plans d'action.
Service des droits sociaux
Conseil de l'Europe
Direction générale des droits de l'Homme et de l'Etat de droit
1, quai Jacoutot
F – 67075 Strasbourg Cedex
Tél. +33 (0)3 90 21 49 61
www.coe.int/socialcharter