Cadre juridique visant à garantir l'indépendance des médias et à préserver leur pluralisme
Indicateurs
Risques |
Mesures pour éviter/remédier aux risques |
Le droit à la liberté d'expression n'est pas respecté |
Protection constitutionnelle effective du droit à la liberté d'expression |
Le droit à la liberté des médias n'est pas respecté |
Protection juridique de la liberté des médias dans la législation nationale ou les cadres réglementaires |
Concentration de la propriété des médias au sein des différents secteurs médiatiques et entre eux |
Les règles juridiques qui régissent la propriété des médias au sein des différents secteurs médiatiques et entre eux |
Règles juridiques concernant la transparence de la propriété des médias |
|
Partialité dans le soutien des médias |
Règles juridiques/garanties pour des mesures de soutien aux médias |
Pas de médias indépendants de service public |
Règles/garanties juridiques pour des médias de service public indépendants |
Manque de médias indépendants, y compris de médias régionaux, locaux, minoritaires et communautaires à but non lucratif |
Règles/garanties juridiques promouvant des médias indépendants, y compris les médias régionaux, locaux, minoritaires et communautaires à but non lucratif. |
Manque d'informations sur l'état de l'indépendance des médias dans le pays |
Obligation légale de procéder à une évaluation périodique de l'état de l'indépendance des médias dans le pays et d'en rendre compte |
Cadre juridique visant à garantir l'indépendance des médias et à préserver leur pluralisme (paragraphe 1 des lignes directrices)
Paragraphe 1
Les États membres devraient, conformément à leurs traditions constitutionnelles et législatives, garantir l'indépendance des médias et préserver le pluralisme des médias, y compris l'indépendance et la viabilité des médias de service public et des médias communautaires, qui sont des éléments essentiels d'un environnement favorable à la liberté d'expression.
Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et autres sources pertinentes
La mise en place d'un cadre juridique garantissant l'indépendance des médias et promouvant le pluralisme est cruciale pour la liberté des médias. Elle nécessite une garantie constitutionnelle forte, une législation primaire complète et des normes d'application. La Cour européenne des droits de l'homme a rendu des arrêts fixant des normes, et le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a fourni des orientations par le biais de déclarations et de recommandations.
Garanties constitutionnelles et légales de la liberté des médias et de l'indépendance éditoriale
L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui protège le droit à la liberté d'expression, est le texte de référence par excellence. La Cour européenne des droits de l'homme a souligné que la liberté d'expression s'applique "non seulement ... [aux] "informations" ou "idées" accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi ... à celles qui heurtent, choquent ou inquiètent" et elle a mis en évidence "le rôle essentiel d'une presse libre pour assurer le bon fonctionnement d'une société démocratique".[1] La Cour a en outre souligné la liberté éditoriale des médias de décider de la forme de leurs reportages,[2] et que les médias ne peuvent pas être empêchés de publier sur des questions d'intérêt public - et en particulier sur des questions d'actualité - à moins qu'un fort intérêt public ne s'y oppose.[3]
Le Comité des Ministres a adopté plusieurs recommandations et déclarations soulignant l'importance de la liberté des médias et de leur indépendance éditoriale. Il s'agit notamment de la Recommandation CM/Rec(2022)11 sur les principes de gouvernance des médias et de la communication ;[4] Recommandation CM/Rec(2022)4 sur la promotion d'un environnement favorable à un journalisme de qualité à l'ère numérique ;[5] Recommandation CM/Rec(2011)7 sur une nouvelle notion des médias ;[6] les Lignes directrices 2007 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur la protection de la liberté d'expression et d'information en temps de crise ;[7] et la Déclaration de 2004 sur la liberté du débat politique dans les médias.[8]
[1] Pedersen et Baadsgaard c. Danemark (GC), no. 49017/99, 17 décembre 2004, par. 71.
[2] Oberschlick c. Autriche (Plénière), no 11662/85, 23 mai 1991, par. 57.
[3] Stoll c. Suisse (GC), no 69698/01, 10 décembre 2007, par. 131.
[4] Adoptée le 6 avril 2022, lors de la 1431e réunion des Délégués des Ministres.
[5] Adoptée le 17 mars 2022, lors de la 1429e réunion des Délégués des Ministres.
[6] Adoptée le 21 septembre 2011, lors de la 1121e réunion des Délégués des Ministres.
[7] Adoptée le 26 septembre 2007 lors de la 1005e réunion des Délégués des Ministres.
[8] Adoptée le 12 février 2004 lors de la 872e réunion des Délégués des Ministres.
Pluralisme des médias, transparence de la propriété et prévention de la concentration de la propriété
Le pluralisme des médias est un élément essentiel du droit à la liberté d'expression et du droit du public à être informé.[1] La Cour européenne des droits de l'homme l'a affirmé dans plusieurs affaires. Par exemple, dans l'affaire Çetin et autres c. Turquie, qui concernait l'interdiction de la diffusion d'un journal dans une région de Turquie, la Cour a déclaré que :
"Les citoyens doivent être autorisés à recevoir des messages variés... Ce qui distingue une société démocratique, c'est la pluralité des idées et des informations." [2]
Pour ce faire, il ne suffit pas de s'assurer qu'il existe de nombreux médias. La Cour a souligné qu'"il ne suffit pas de prévoir l'existence de plusieurs chaînes ou la possibilité théorique pour des opérateurs potentiels d'accéder au marché de l'audiovisuel. Il est nécessaire, en outre, de permettre un accès effectif au marché afin de garantir la diversité du contenu global des programmes, reflétant autant que possible la variété des opinions rencontrées dans (...) la société".[3]
La Cour a souligné que l'État est le "garant ultime" du pluralisme des médias[4] et que les États ont "l'obligation de mettre en place un cadre législatif et administratif approprié pour garantir un pluralisme effectif".[5] Dans un arrêt de 2022, la Grande Chambre de la Cour a souligné que les États doivent "adapter les cadres réglementaires existants, notamment en ce qui concerne la propriété des médias, et adopter toute mesure réglementaire et financière nécessaire pour garantir la transparence et le pluralisme structurel des médias ainsi que la diversité des contenus diffusés".[6]
Le Comité des Ministres a fourni des orientations détaillées aux Etats sur la meilleure façon de mettre en œuvre ces normes. La Recommandation CM/Rec(2018)1 sur le pluralisme des médias et la transparence de la propriété des médias[7] recommande un certain nombre de mesures, notamment en surveillant régulièrement le marché, en garantissant une concurrence effective, en empêchant les acteurs individuels d'acquérir un pouvoir de marché disproportionné et en prenant des mesures pour promouvoir un journalisme de qualité et la disponibilité de contenus médiatiques diversifiés. La recommandation souligne également l'importance des médias de service public et des médias communautaires minoritaires, régionaux, locaux et à but non lucratif : "De tels médias indépendants permettent aux communautés et aux individus de s'exprimer sur des sujets correspondant à leurs besoins et à leurs intérêts, et contribuent ainsi à faire connaître au public des questions qui peuvent ne pas être représentées dans les médias grand public et à faciliter des processus de dialogue inclusifs et participatifs au sein des communautés et entre elles, ainsi qu'aux niveaux régional et local". La transparence de la propriété est essentielle et la Recommandation (2018)1 recommande donc également plusieurs mesures à cet égard, y compris de rendre publics les propriétaires bénéficiaires ultimes.
[1] L'article 11, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'UE protège explicitement le pluralisme des médias.
[2] Çetin et autres c. Turquie, n° 40153/98 et 40160/98, 13 février 2003, par. 64.
[3] Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano c. Italie, no 38433/09, 7 juin 2012, par. 130.
[4] Informationsverein Lentia c. Autriche, no(s). 13914/88, 15041/89, 15717/89, 15779/89, 17207/90, 24 novembre 1993.
[5] Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano c. Italie, no. 38433/09, 7 juin 2012, par.134.
[6] NIT S.R.L. c. Moldova, no 28470/12, 5 avril 2022, par. 186.
[7] Adoptée le 7 mars 2018, lors de la 1309e réunion des Délégués des Ministres.
Mesures de soutien public aux médias, en particulier aux médias indépendants, y compris les médias régionaux, locaux, minoritaires et communautaires à but non lucratif
Recommandation (2018)1[1] recommande des mesures positives pour améliorer l’ampleur et la qualité de la couverture médiatique des questions qui intéressent et sont pertinentes pour les groupes sous-représentés dans les médias. Les mesures de soutien peuvent être financières, comme la publicité et les subventions, ou non financières. Les États doivent veiller à éviter toute partialité, ou même apparence de partialité, dans l'attribution du soutien, et les principes suivants doivent être respectés :
- L'aide doit être basée sur des critères clairs, précis, équitables, objectifs et transparents, et être gérée de manière transparente et non discriminatoire par un organisme indépendant ;
- L'autonomie éditoriale et opérationnelle des médias doit être respectée ;
- Il devrait y avoir des rapports annuels sur l'utilisation des fonds publics pour soutenir les médias.
La recommandation CM/Rec(2022)4 sur la promotion d'un environnement favorable au journalisme de qualité à l'ère numérique[2] recommande un certain nombre de mesures que les États peuvent prendre pour soutenir le journalisme de qualité :
- Effectuer une évaluation des besoins ;
- Fournir un soutien ciblé à des types de journalisme spécifiques ;
- Financer la diffusion d'informations locales dans l'intérêt du public ;
- Élaborer des politiques fiscales neutres qui soutiennent l'innovation dans les médias ;
- Permettre aux médias de fonctionner comme des organisations à but non lucratif et de bénéficier d’avantages fiscaux appropriés.
Le Comité d'experts sur le renforcement de la résilience des médias (MSI-RES) a été créé en 2021 pour élaborer, avant la fin de 2023, une étude sur les bonnes pratiques en matière de financement durable des médias.[3]
Médias de service public
La Cour européenne des droits de l'homme a estimé que lorsqu'il existe un radiodiffuseur public, l'État doit garantir qu'il "fournit un service pluraliste ... il est indispensable au bon fonctionnement de la démocratie qu'il transmette des nouvelles, des informations et des commentaires impartiaux, indépendants et équilibrés et ... qu'il offre un forum [où un large] éventail de points de vue et d'opinions peuvent être exprimés". [1]
La Cour a cité la Recommandation (1996)10 du Comité des Ministres sur la garantie de l'indépendance du service public de radiodiffusion, soulignant en particulier que le cadre juridique des organismes de radiodiffusion de service public devrait protéger leur indépendance éditoriale et leur autonomie institutionnelle ; que les règles régissant le statut et la nomination des conseils d'administration devraient prévenir tout risque d'ingérence politique ou autre ; et que le cadre réglementaire devrait exiger que les programmes d'information présentent fidèlement les faits et les événements et encouragent la libre formation d'opinions.
La Recommandation CM/Rec(2018)1 réaffirme l'importance des médias de service public dans le cadre du pluralisme des médias et recommande aux Etats de "garantir des conditions adéquates pour que les médias de service public puissent continuer à jouer ce rôle dans le paysage multimédia, y compris en leur apportant un soutien approprié à l'innovation et au développement de stratégies numériques et de nouveaux services." L'Assemblée parlementaire a appelé les Etats à protéger l'indépendance éditoriale et l'autonomie opérationnelle des médias de service public et à leur assurer un financement stable, durable, transparent et adéquat. [2]
La conférence conjointe du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne de radio-télévision (EBU) de 2022 sur "Les médias de service public pour la démocratie" s'est déclarée très préoccupée par les menaces qui pèsent sur les médias de service public dans de nombreux pays et a recommandé de renouveler l'engagement en faveur de la liberté des médias, du pluralisme et de médias de service public indépendants et durables, et de réduire l'influence de la politique partisane sur les décisions de financement. Il a recommandé que les engagements existants soient mis en œuvre, notamment par les moyens suivants :
- garantir une mission solide et large, neutre au niveau des plateformes, afin que les médias de service public puissent fournir des contenus impartiaux et de qualité à un large public, innover, s'adapter à un environnement médiatique en mutation et favoriser la transformation numérique ;
- fournir un financement stable et adéquat qui soit équitable, justifiable, transparent et responsable ;
- garantir une forte indépendance éditoriale et institutionnelle ;
- permettre une gouvernance efficace grâce à des organes de supervision à la composition pluraliste, dont les membres sont indépendants et compétents et qui peuvent demander des comptes aux médias de service public ;
- garantir l'indépendance des autorités réglementaires nationales ;
- assurer la disponibilité des médias de service public, ainsi que le fait qu’ils soient repérables, accessibles et dûment mis en évidence ;
- des informations et autres contenus y relatifs en ligne, y compris sur les médias sociaux.
Pratiques et initiatives utiles qui fournissent des orientations dans ce domaine
Garanties constitutionnelles et légales de la liberté des médias et de l'indépendance éditoriale
Tous les pays européens garantissent le droit à la liberté d'expression, en vertu de leur droit constitutionnel et de leur ratification de la Convention européenne des droits de l'homme.
Dans certains pays, la constitution protège spécifiquement la liberté des médias et certains de ses aspects. C'est le cas, par exemple, des pays suivants:
- L'article 5, paragraphe 2, de la loi fondamentale allemande dispose que "[l]a liberté de la presse et la liberté d'informer par le biais d'émissions et de films sont garanties. Il n'y a pas de censure".
- La Constitution suédoise comprend quatre lois fondamentales, dont la loi sur la liberté de la presse et la loi fondamentale sur la liberté d'expression. Ces lois sont considérées comme les fondements de la société démocratique et fournissent des garanties détaillées sur la liberté des médias ;[1]
- La Constitution belge prévoit que "[l]a presse est libre ; la censure ne peut jamais être introduite ; aucune caution ne peut être exigée des auteurs, éditeurs ou imprimeurs ... Lorsque l'auteur est connu et domicilié en Belgique, ni l'éditeur, ni l'imprimeur, ni le distributeur ne peuvent être poursuivis".[2]
- L'article 14 de la Constitution grecque dispose que " [l]a presse est libre. La censure et toutes les autres mesures préventives sont interdites. La saisie des journaux et autres publications avant ou après leur diffusion est interdite".
En France, le pluralisme des médias est un objectif à valeur constitutionnelle.[3]
La Constitution portugaise ne protège pas seulement la liberté des médias, mais précise que cela implique une protection non seulement pour les médias, mais aussi pour les journalistes individuels. L'article 38 stipule que "[l]a liberté de la presse implique ... la liberté d'expression et de création des journalistes et des autres employés, ainsi que la liberté des journalistes de participer à la décision de la politique éditoriale de leur média, sauf lorsque celle-ci est de nature doctrinale ou religieuse".
L'indépendance éditoriale des médias et des journalistes est garantie dans les cadres législatifs de la plupart des pays européens. La loi autrichienne reconnaît expressément l'indépendance du radiodiffuseur public et de ses journalistes ;[4] la loi bulgare sur la radio et la télévision garantit l'indépendance des fournisseurs de services de médias et de leurs activités vis-à-vis des interventions politiques et économiques ;[5] la loi française sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 garantit l'indépendance des médias et des journalistes ;[6] la loi lettone sur la presse interdit toute ingérence dans les activités des médias ; et la loi lituanienne interdit d'exercer une influence sur les médias, leurs propriétaires et les journalistes dans le but d'obtenir des informations incorrectes ou tendancieuses.[7]
Certains pays européens protègent les journalistes contre la publication de documents qui contredisent leurs valeurs, leurs croyances ou leurs convictions. En Autriche, par exemple, les journalistes peuvent refuser de collaborer à la création du contenu d'articles ou de présentations qui contredisent leurs convictions sur des questions fondamentales ou les principes de la profession de journaliste ; la loi lettone sur la presse autorise également les journalistes à refuser de préparer et de publier du matériel s'il est en contradiction avec leurs opinions ; et la loi géorgienne sur la liberté d'expression protège le droit d'un journaliste "de prendre des décisions éditoriales fondées sur sa conscience".[8]
[2] Article 25.
[3] Décision du Conseil constitutionnel n° 84-181 DC du 11 octobre 1984
[4] Loi fédérale sur la Société autrichienne de radiodiffusion ; voir également Cour constitutionnelle 14.03.2013, VfSlg. 19742 ; Cour administrative suprême 22.05.2013, 2012/03/0144
[5] Article 5
[6] Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881
[8] Article 3, paragraphe 2, point d).
Pluralisme des médias, transparence de la propriété et prévention de la concentration de la propriété
Dans la pratique, le pluralisme des médias ne se limite pas à l'introduction d'une législation. Les pays qui présentent score, la plus faible concentration de propriété et le plus faible risque global pour le pluralisme des médias dans le Media Pluralism Monitor, une étude de surveillance des médias réalisée chaque année sous l'égide de l'Institut universitaire européen et couvrant 32 pays d'Europe,[1] disposent d’une combinaison de législation et de mesures supplémentaires.
En Allemagne, seul pays présentant un "risque faible" pour le pluralisme des médias, cette question relève de la compétence des États fédéraux (Länder). Ceux-ci disposent de réglementations strictes concernant la propriété et le contrôle des médias (au sein des différents secteurs médiatiques et entre eux), la transparence de la propriété, les mesures de soutien, l'indépendance des médias de service public et la protection des journalistes individuels. Elles encouragent également les médias indépendants, y compris les médias régionaux, locaux, minoritaires et communautaires à but non lucratif. Chacune des quatorze autorités des médias est conçue comme une autorité de régulation indépendante. Les radiodiffuseurs sont tenus de communiquer les informations relatives à la propriété et les projets affectant la structure de l'actionnariat ; les médias en ligne doivent afficher les informations relatives à la propriété dans les mentions légales de leurs sites web ; et les obligations de transparence de la presse écrite sont stipulées dans les lois sur la presse des différents États. La Commission sur la concentration dans les médias (KEK) surveille la concentration de la propriété et gère une base de données accessible au public.
Au Portugal, autre pays relativement bien noté en matière de pluralisme des médias, les investisseurs détenant plus de 5 % du capital social et les autres sources de financement importantes doivent être rendus publics ; les médias indépendants (en particulier les médias régionaux, locaux, minoritaires et communautaires à but non lucratif) et les médias de service public bénéficient d'un soutien ; les journalistes sont protégés par la loi contre toute influence indue ; et l'entité de régulation des médias procède à un examen périodique de l'état de l'indépendance des médias dans le pays.[2]
La transparence du financement et de la propriété est cruciale, et plusieurs pays ont récemment introduit ou renforcé leur législation à cet égard. En Croatie, la loi révisée sur les médias électroniques a mis à jour les règles sur la transparence de la publicité d'État et de la propriété des médias, ainsi que sur la concentration des médias ; l'Estonie a modifié sa loi sur les médias pour améliorer la transparence de la propriété des médias, y compris des propriétaires effectifs ; et le Portugal a étendu son cadre législatif déjà complet réglementant la transparence de la propriété des médias, en exigeant des services à la demande et des plateformes de partage de vidéos qu'ils enregistrent les données relatives à la propriété auprès de l'Autorité de régulation des médias.[3] En République tchèque, il existe un registre des bénéficiaires effectifs des entreprises, y compris des médias. [4]
Dans certains pays, il existe des registres accessibles au public qui détaillent la propriété et le financement des médias, y compris, dans certains cas, les revenus provenant de sources publiques (par le biais de la publicité ou d'autres formes de soutien). En Lituanie, par exemple, un système public d'information sur les producteurs et les diffuseurs d'informations publiques ("VIRSIS") fournit des données sur les propriétaires de médias et sur les fonds reçus par les médias de la part d'organismes publics. L'Euromedia Ownership Monitor, qui publie une base de données contenant des informations sur la propriété et le contrôle des principaux médias d'information dans 15 pays de l'UE, est une initiative universitaire précieuse dans ce domaine. [5]
Au Danemark et en Suède, les plus grands médias sont détenus et gérés par des fondations dont l'objectif est d'assurer la viabilité des médias sans dépendre d'actionnaires ou de fonds publics. Cela a d'importantes implications pratiques : "Le Danemark n'a pas connu de problèmes avec des propriétaires d'entreprises affiliées à des partis politiques qui aient pris le contrôle de médias centraux et l'aient utilisé pour exercer une influence politique directe ou indirecte. Cela est dû à l'importance du secteur des services publics et à la tradition de propriété des fondations".[6] En ce qui concerne le modèle suédois, des universitaires ont fait remarquer que "la défense du 4e pouvoir est une base importante pour les décisions stratégiques des fondations, et non la rentabilité en soi ; la rentabilité est plutôt considérée comme un moyen de produire un contenu journalistique".[7]
[2] Loi 78/2015, du 29 juillet, dans sa version actuelle, conformément aux lois sur la presse, la télévision et la radio ; loi exécutive 23/2015, du 6 février.
[3] Comme indiqué dans le rapport sur l'État de droit 2022 de la Commission européenne.
[4] Informations fournies en réponse au questionnaire diffusé par le secrétariat du CDMSI.
[5] Il propose également un atelier d'éducation aux médias axé sur les questions de propriété, destiné aux élèves de l'enseignement secondaire : https://media-ownership.eu/media-literacy-resources/.
[6] Monitoring Media Pluralism in Europe, Country Report Denmark :
https://cadmus.eui.eu/bitstream/handle/1814/74686/MPM2022-Denmark-EN.pdf?sequence=1&isAllowed=y.
[7] Leona Achtenhagen, Stefan Melesko & Mart Ots, "Upholding the 4th estate-exploring the corporate governance of the media ownership form of business foundations", (2018) 20(2) International Journal of Media Management 129, p. 146, cité dans Safety of journalists and the fighting of corruption in the EU, EU Parliament Policy Department for Citizens' Rights and Constitutional Affairs, juillet 2020.
Mesures de soutien public aux médias
Plusieurs États soutiennent les médias, sous différentes formes :
- Au Portugal, la loi exécutive 23/2015 garantit un soutien public aux médias d'information régionaux et locaux, en fonction de leur niveau de développement et de leur audience ;
- En 2021, le Parlement luxembourgeois a approuvé un programme de soutien aux médias numériques et émergents, dont le montant est calculé en fonction du nombre de journalistes;[1]
- Au Danemark, les subventions publiques sont déterminées par le nombre de journalistes employés, la diversité de l’audience et la quantité de contenu politique et culturel créé.[2]
Il est essentiel de garantir l'absence de parti pris. En 2021, le gouvernement autrichien a annoncé la mise en place d'un processus de réflexion, compte tenu des inquiétudes concernant les dépenses élevées consacrées à la publicité d'État, l'équité et la transparence de leur attribution et l'influence politique dans le processus. [3]
[1] FIJ : Luxembourg : approbation d'un nouveau régime d'aide avec des subventions pour les journalistes des salles de rédaction, 20 juillet 2021.
[2] Loi sur les subventions aux médias (Mediestøtte), Lov nr 1604, 26/12/2013.
[3] Comme indiqué dans le rapport sur l'État de droit 2022 de la Commission européenne.
Médias de service public
L'indépendance des médias de service public est primordiale pour leur permettre de remplir leur fonction. Le moyen le plus efficace de garantir cette indépendance est de l'ancrer dans la législation, d'allouer un financement à long terme et d'établir une structure de gouvernance qui protège le radiodiffuseur de toute ingérence politique. L'Observatoire du pluralisme des médias classe l'Allemagne au premier rang à cet égard en raison de l'importance des fonds alloués aux médias de service public, déterminés par un organisme indépendant ; des procédures de nomination équitables et transparentes pour les directeurs et la direction des radiodiffuseurs, un tiers seulement des membres du conseil de surveillance étant nommés par le pouvoir politique ; et de l'absence de tentatives d'influence des politiciens sur les radiodiffuseurs publics.[1] La Lituanie obtient un score tout aussi solide. La loi sur la radio et la télévision nationales lituaniennes[2] (LRT) garantit que le mandat des membres du conseil ne coïncide pas avec celui des institutions et organes de nomination, que les membres ne peuvent pas être membres de partis politiques et qu'ils ne peuvent pas être révoqués avant la fin de leur mandat, sauf pour les motifs limités spécifiés dans la loi. Le directeur général de la LRT est sélectionné à l'issue d'un concours public et ne peut être révoqué qu'à la majorité des deux tiers des membres du Conseil. Le LRT est financé par une part fixe des recettes fiscales.
En Suède, où l'indépendance des médias de service public est également étroitement surveillée, la loi suédoise sur la radio et la télévision et la loi sur la liberté d'expression garantissent l'indépendance des médias de service public vis-à-vis des intérêts économiques et politiques. Les procédures de nomination protègent l'indépendance des conseils d'administration et de la direction, et il n'existe aucune indication ni aucun exemple de conflit concernant la nomination ou la révocation des directeurs et des membres des conseils d'administration.[3] Le Parlement suédois décide de la mission générale, du cadre organisationnel et de l'allocation des fonds pour les entreprises de médias de service public avant chaque nouvelle période d'octroi de licence, sur la base des propositions d'une commission d'enquête et d'une consultation publique. Les entreprises de médias de service public sont tenues de présenter un rapport annuel et public sur le respect des conditions de la mission ; ces rapports sont évalués par la Commission de radiodiffusion.[4]
[1] Comme décrit dans le rapport national du MPM pour l'Allemagne : https://cmpf.eui.eu/mpm2022-results/.
[3] Comme décrit dans le rapport national du MPM pour la Suède : https://cmpf.eui.eu/mpm2022-results/.
[4] Tel que rapporté au mécanisme de l'Etat de droit de l'UE :
https://commission.europa.eu/system/files/2022-07/61_1_194050_coun_chap_sweden_en_0.pdf
Suggestions pour la mise en œuvre
Garanties constitutionnelles et légales de la liberté des médias et de l'indépendance éditoriale
- Les États devraient mettre en place une protection constitutionnelle du droit à la liberté d'expression ainsi que de la liberté des médias et de ses composantes, telles que la liberté éditoriale des journalistes, le droit d'accès à l'information, la protection des sources d'information confidentielles et le pluralisme des médias.
- De même, les lois et cadres réglementaires nationaux devraient garantir sans équivoque la liberté des médias et tous ses éléments constitutifs, et indiquer les paramètres détaillés de sa promotion et de son application effective, ainsi que les circonstances limitées dans lesquelles elle peut être restreinte.
Pluralisme des médias, transparence de la propriété et prévention de la concentration de la propriété
- Les États devraient adopter une législation exigeant la transparence de la propriété des médias, notamment en ce qui concerne les bénéficiaires effectifs des entreprises de médias, et rendre le registre qui en résulte accessible au public.
- Les États devraient limiter la concentration de la propriété des médias, notamment en promouvant une concurrence effective et en veillant à ce qu'aucun individu, entreprise ou consortium d'entreprises ne puisse acquérir la propriété ou le contrôle d'un pourcentage important du marché des médias au sein d'un secteur ou entre différents secteurs.
- Les États devraient assurer un suivi et une évaluation indépendants et réguliers de l'état du pluralisme et de l'indépendance des médias.
- Les États devraient promouvoir la disponibilité, la repérabilité et l'accessibilité de la plus grande diversité possible de contenus médiatiques.
- Les États devraient élaborer, dans un environnement multipartite, des stratégies et des mécanismes visant à soutenir les médias d'information professionnels et un journalisme indépendant et d'investigation de qualité.
- Les États devraient mettre en place un cadre réglementaire complet pour la propriété des médias.
Mesures de soutien public aux médias, en particulier aux médias indépendants, y compris les médias régionaux, locaux, minoritaires et communautaires à but non lucratif
- Les États doivent mettre en œuvre des mesures de soutien et veiller à ce qu'elles soient fondées sur des critères clairs, précis, équitables et transparents.
- Les mesures de soutien doivent respecter l'autonomie éditoriale et opérationnelle des médias.
- Les mesures de soutien doivent être gérées de manière non discriminatoire et transparente par un organisme indépendant.
- Il devrait y avoir des rapports annuels sur l'utilisation des fonds publics pour soutenir les médias.
- Les États devraient procéder à une évaluation des besoins en matière de viabilité financière du journalisme de qualité.
- Les États devraient apporter un soutien ciblé à des types de journalisme spécifiques.
- Les États devraient soutenir la diffusion d'informations locales dans l'intérêt du public et mettre en œuvre d'autres mesures pour veiller à ce que les médias communautaires et indépendants disposent de ressources suffisantes.
- Les États devraient élaborer des politiques fiscales neutres pour soutenir l'innovation dans les médias.
- Les États devraient autoriser l'opération des médias en tant qu'organisations à but non lucratif et leur accorder des avantages fiscaux appropriés.
- Les États devraient soutenir l'innovation et le développement de stratégies numériques et de nouveaux services.
Médias de service public
- Les États devraient protéger l'indépendance éditoriale et l'autonomie opérationnelle des médias de service public, notamment en limitant l'influence de l'État et en veillant à ce que les conseils de surveillance et de gestion soient indépendants.
- Les États devraient assurer un financement stable, à long terme, durable, transparent et adéquat des médias de service public.