La liberté d’expression – rôle et pouvoirs des institutions nationales de défense des droits de l’homme (INDH) et autres mécanismes nationaux Strasbourg, 15 Décembre 2016 Agora, G03 Séminaire à haut niveau co-organisé par le Conseil de l’Europe et le Réseau Européen des Institutions de défense des Droits de l’homme (ENNHRI)


Document Concept provisoire

Contexte

La liberté d’expression et la libre circulation de l’information sont des pierres angulaires du débat public et de la démocratie. En tant que « chiens de garde » de ces libertés, les journalistes et les autres acteurs apparus dans le nouvel écosystème médiatique jouent un rôle crucial dans le fonctionnement même de nos sociétés.

Depuis des années, le Conseil de l’Europe a régulièrement mis à la disposition de ses États membres des lignes directrices pour la protection des journalistes et autres acteurs des médias, permettant par la même occasion de favoriser l’usage effectif du droit à l’information des citoyens. Les activités normatives du Conseil de l’Europe relatives à la liberté des médias ont pour base et inspiration la Convention européenne des droits de l’homme (la Convention), telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui, au fil des décennies, a su développer bon nombre de principes relatifs à la liberté d’expression y compris sur le sujet de la sécurité des journalistes.

Pourtant, ces dernières années l’Europe a assisté à un accroissement des pressions, des menaces, des intimidations et agressions physiques envers les journalistes dans plusieurs pays, posant la question de la nécessité de leur accorder une protection spéciale dans l’exécution de leurs tâches, dans le but d’assurer le fonctionnement effectif des médias et le procédé de diffusion de l’information.

Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a répondu à cette tendance préoccupante par une Déclaration du 30 avril 2014 sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias. Cette Déclaration fut suivie le 13 avril 2016 par la Recommandation CM/Rec(2016)4 sur la protection du journalisme et la sécurité des journalistes et autres acteurs des médias qui apporte une liste exhaustive des principes relatifs à la sécurité des journalistes, tels qu’établis par la jurisprudence de la CEDH. Elle exhorte les États membres à faire réaliser une étude indépendante pour évaluer si les garanties à l’exercice de la liberté d’expression dans chaque État sont effectives et pérennes et si les cadres juridiques respectifs de ces États membres sont appuyés par un mécanisme effectif d’exécution. Conformément à la Recommandation, ces études indépendantes devraient être réalisées par des organismes indépendants tels que les structures nationales de défense des droits de l’homme, y compris les commissions nationales des droits de l’homme, les médiateurs (ombudsman) ou tout organisme indépendant créé spécialement dans ce but.

De surcroît, dans son rapport « Situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit en Europe » de 2015, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, a proposé un programme biennal et paneuropéen afin de soutenir des structures nationales pour protéger les journalistes comme des institutions de médiateurs, de commissionnaires en charge de la presse et des organisations non-gouvernementales. Ce programme a notamment pour but (a) de renforcer les compétences de telles structures, (b) de promouvoir coordination et échanges d’expériences dans le domaine de la sécurité des journalistes et (c) de faire prendre conscience du problème dans les États Membres. Ces mécanismes nationaux ou structure nationales comprennent les institutions nationales de défense des droits de l’homme (INDH), les institutions de médiateurs (Ombudsman), les  organismes de promotion de l’égalité, les autorités de protection des données, et d’autres organismes spécialisés dans la défense des droits de l’homme au niveau national.

Les INDH sont des organismes indépendants dotés d’un large mandat constitutionnel ou légal pour la défense et promotion des droits de l’homme. Leurs fonctions comprennent : l’assistance aux individus (au travers de mécanismes de plainte ou d’assistance juridique), l’évaluation de la situation des droits de l’homme sur le terrain, le conseil aux gouvernements et aux parlements conformément  aux normes internationales en matières de droits de l’homme,  le signalement aux mécanismes internationaux de défense des droits de l’homme, et la promotion d’une culture des droits par l’éducation aux droits de l’homme et un travail de sensibilisation. En ce sens, les INDH fonctionnent comme un pont entre la société civile et l’État, ainsi qu’entre les sphères nationale et internationale. Assurer l’indépendance, le pluralisme et la responsabilité va donc dans l’intérêt des États démocratiques, en concordance aux « Principes de Paris » des Nations Unies[1]. Selon ces Principes, les INDH ont entre autre comme tâche de « faire connaître les droits de l’homme et la lutte contre toutes les formes de discrimination, notamment la discrimination raciale, en sensibilisant l'opinion publique notamment par l'information et l'enseignement, en faisant appel à tou organes de presse ». De plus, les « Principes de Paris » des Nations Unies établissent que « dans le cadre de son fonctionnement, l'institution nationale doit s'adresser directement à l'opinion publique ou par l'intermédiaire de tous organes de presse, particulièrement pour rendre publics ses avis et recommandations ».

On constate dès lors que la liberté de la presse et la liberté d’expression, au même titre que la réalisation et la jouissance des droits de l’homme en général, constituent une composante essentielle de la mission des INDH.


Objectifs

Dans le cadre du programme biennal du Secrétaire Génal mentionné ci-dessus, le Conseil de l’Europe et l’ENNHRI organisent ce séminaire dans l’optique de rapprocher les représentants des INDH et autres mécanismes nationaux, ainsi que les juges de la CEDH et autre organes du Conseil de l’Europe traitant du sujet en question. Participeront également des organisations de journalistes dont la Fédération européenne des journalistes (FEJ), la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Reporters sans frontières (RSF), Article 19, Index on Censorship, le Comité pour la protection des journalistes et l’Institut international de la presse (IPI).

La sécurité physique et psychologique de journalistes et autres acteurs des médias, bloggeurs, auteurs, etc… n’est que l’un des moyens d’assurer un environnement propice à la liberté d’expression. Bien d’autres aspects néfastes ont été identifiés et abordés à travers les instruments pertinents du Conseils de l’Europe, à savoir l’impunité des auteurs de crimes à l’encontre des journalistes, menaces sur la confidentialité des sources journalistiques, menaces pour la vie privée des journalistes et les effets dissuasifs à la liberté des médias causés par le harcèlement judiciaire et l’intimidation politique des journalistes, y compris par le discours de haine et l’incitation à la violence envers les eux. Ce séminaire tâchera d’apporter une perception de ces sujets tant du point de vue du Conseil de l’Europe que de celui des structures nationales de défense des droits de l’homme.

Le séminaire est soutenu par le Réseau européen des institutions de défense des droits de l’homme (ENNHRI), qui rassemble 40 INDH à travers les membres du  Conseil de l’Europe.

Le séminaire est conçu comme un premier pas dans la recherche de synergies entre le travail du Conseil de l’Europe et de l’ENNHRI dans le domaine de la promotion et de la protection de la liberté d’expression. Exploratoire par nature avec la protection des journalistes comme point de départ, le Séminaire ne se cantonnera cependant pas à cette seule thématique mais pourra également aborder d’autres aspects de la liberté d’expression dans lesquels des intérêts communs entre les organismes participants pourront se révéler.

Son principal objectif consiste à servir de plate-forme d’échange d’expériences et de pratiques entre les organismes participants dans les domaines mentionnés précédemment, identifier intérêts et préoccupations communes, ainsi que les obstacles à la coopération. A cet égard, il convient de rappeler que les rôles, les compétences et les priorités des INDH dans les différents pays peuvent varier et que les droits de la communication ne revêtent pas nécessairement un caractère prioritaire dans leurs activités. Néanmoins, comme le montre, entre autre, la jurisprudence de la CEDH, le travail de ces institutions demeure lié à la mise en application de la liberté d’expression. Il devient dès lors envisageable que ce premier échange de vue mène ultérieurement à des mesures concrètes de coopération pour  favoriser un environnement où tous pourront exprimer leurs opinions sans crainte.


A cette fin, le séminaire cherchera à

  • présenter les normes et les travaux du Conseil de l’Europe et de la CEDH en rapport avec la liberté d’expression et la sécurité des journalistes,
  • présenter les compétences et les activités des INDH et autres mécanismes nationaux en rapport avec la liberté d’expression, y compris la sécurité des journalistes,
  • inclure et discuter des expériences des INDH et autres mécanismes nationaux,
  • identifier les points d’intérêts communs qui ont jusqu’à présent été abordés par tous les organismes participants (par exemple partager des avis sur le cadre juridique sur la liberté des médias, analyser les dispositifs de restrictions de la liberté d’expression ou de lutte contre l’impunité des auteurs de crimes à l’encontre des journalistes) ;
  • placer ces enjeux dans le contexte de la tendance récente à réduire la liberté d’expression et ainsi en accroître la visibilité auprès des INDH et autres mécanismes nationaux,
  • explorer les opportunités de futures coopérations.

 

Le séminaire entend alors poser les jalons :

  • d’un partage d’information renforcé entre le Conseil de l’Europe, les INDH et les autres mécanismes nationaux,
  • d’un dialogue ciblé et continu entre le Conseil de l’Europe, les INDH et les autres mécanismes nationaux.

[1]  Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris) Adoptés par la résolution A/RES/48/134 du 20 Décembre 1993 de l’Assemblée Générale. ttp://www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/StatusOfNationalInstitutions.aspx