Élaborer une initiative ou une stratégie
Toute action exige d’être planifiée.
La planification doit se faire en collaboration avec les membres de votre groupe/organisation, afin de vous assurer de vous concentrer sur ce que votre groupe attend, ce qu’il est capable de faire et les meilleurs moyens d’y parvenir.
Cette section propose une façon simple de structurer un plan et d’organiser le travail avec un groupe afin de l’aider à atteindre efficacement ses objectifs.
Étape 1 : Vous connaître
Vous pouvez vous servir des questions de réflexion pour réfléchir de manière critique au travail de votre groupe ou de votre organisation sur le genre et la violence fondée sur le genre. Toutefois, avant de commencer, vous pourriez aussi examiner les connaissances et les compétences présentes au sein de votre groupe, ainsi que les intérêts des participant.e.s.
L’analyse SWOT est un moyen efficace d’y parvenir, car elle permet de prendre également en compte les circonstances extérieures au groupe qui pourraient impacter ce que vous pourriez être en mesure de faire.
L’acronyme SWOT signifie :
- (Strengths) Points forts : ce que le groupe sait faire
- (Weaknesses) Faiblesses : ce pour quoi le groupe est moins compétent
- (Opportunities) Opportunités : possibilités présentes hors du groupe qui pourraient être utilisées au bénéfice de l’action
- (Threats) Menaces : éléments extérieurs au groupe qui pourraient entraver la réalisation des objectifs de l’action
Étape 2 : Faire des choix
Comment un groupe choisit-il la question sur laquelle travailler ? La plupart du temps, les membres du groupe souhaitent travailler sur des questions qu’ils jugent importantes. La principale difficulté peut alors être de parvenir à un accord sur la question à traiter et sur la meilleure façon de l’aborder.
Il faut que tous les membres du groupe adhèrent à la décision finale, alors ne précipitez pas la discussion sur les questions : donnez-leur suffisamment de temps pour exprimer leurs préférences et parler des avantages de choisir une question plutôt qu’une autre. Rappelez-leur qu’il pourrait y avoir des occasions d’aborder d’autres préoccupations plus tard. Rappelez-leur aussi que la chose la plus importante est que le groupe reste uni pour la mise en oeuvre d’une action. Par conséquent, si une personne est fortement opposée à un choix particulier, cela ne vaut peut-être pas la peine de poursuivre. Essayez de parvenir à un consensus au sein du groupe plutôt que d’obtenir une décision à la majorité.
Connaître le problème
« L’arbre des problèmes » est précieux pour analyser la question sur laquelle vous allez travailler. Cet outil permet de décomposer un problème, d’en examiner les causes et les conséquences et de le replacer dans le contexte d’autres problématiques. La méthode peut être utile à la fois pour permettre au groupe de mieux comprendre un problème et pour l’aider à aborder une solution d’une manière plus stratégique.
Suit la procédure à utiliser :
- Commencez par noter le problème que vous souhaitez aborder au milieu d’une grande feuille de papier.
- En dessous, écrivez tout ce qui contribue au problème, et reliez ces éléments pour matérialiser les racines du problème.
- Prenez chaque racine une par une, et réfléchissez à ses causes, en notant les aspects qui constituent cette « racine ».
- Continuez avec chacune des racines jusqu’à ce qu’il vous soit impossible d’aller plus loin. L’arbre peut avoir des racines plus profondes que vous ne le pensez !
- Vous pouvez prolonger les « branches » de l’arbre de la même manière : ce sont les conséquences de votre problème initial. Vous constaterez peut-être que ce qui constituait la préoccupation initiale principale est en fait la racine ou la branche d’un arbre différent.
Lorsque vous avez terminé, jetez un coup d’oeil à votre arbre.
- Devriez-vous d’abord vous attaquer à la tâche que vous vous êtes fixée à l’origine ou à l’un de ses facteurs constitutifs ?
- L’arbre vous a-t-il aidé à trouver les moyens de résoudre ce problème ?
A problem tree provides a useful tool for analysing the issue you will be working on. This is a method of breaking down an issue, looking at causes and consequences, and placing it in the context of other problems in society. A problem tree can be useful both in providing a better understanding of an issue for the group, and in helping to approach a solution in a more strategic way.
Étape 3 : Identifier la/les solution(s)
Il est important de savoir ce que vous souhaiteriez en guise de conséquence de votre action ! Qu’est-ce qui peut être considéré comme un succès ? Demandez au groupe de réfléchir à l’objectif qu’il vise et à la façon dont il mesurera s’il l’a atteint ou non. Les participant.e.s trouveront peut-être utile de revenir à l’arbre des problèmes et de s’en servir pour identifier des solutions concrètes. En général, s’attaquer aux racines amène à des solutions dans la partie supérieure de l’arbre.
Gardez à l’esprit que les changements de politique sont souvent difficiles à produire, mais pas impossibles. Le groupe doit être réaliste sur ce qu’il peut espérer ; il faut donc lui rappeler que même un résultat « modeste » peut être une contribution inestimable à la résolution d’un problème de plus grande ampleur. En réalité, une campagne efficace est presque toujours construite à partir de ces « petites » actions, et tout ce que votre groupe aura réalisé pourra soit être concrétisé plus tard, soit être repris par d’autres militants concernés par le problème.
Il peut être utile pour le groupe de faire un remue-méninges sur les raisons d’agir en général. Cela peut les aider à déterminer les raisons les plus pertinentes à leur propre problème, mais aussi à identifier un certain nombre d’objectifs spécifiques qu’ils jugent réalistes.
Étape 4 : Planifier votre action
À présent, votre groupe s’est mis d’accord sur une question et a une idée de ce qu’il pourrait essayer de faire. Il est temps de choisir des méthodes qu’il utilisera pour atteindre son but.
Quel problème voulez-vous résoudre ?
Cette étape est simple : elle sera le résultat de l’exercice de l’arbre des problèmes. Si vous n’avez pas utilisé cet outil, essayez d’amener le groupe à formuler le problème qu’il veut aborder aussi précisément que possible.
Quel est votre public cible ?
À moins que vous ne souhaitiez résoudre le problème immédiatement, le public cible de votre action n’est peut-être pas la ou les personnes qui peuvent amener le changement final que vous visez. Il est fort probable que votre action ne soit qu’un pas vers le changement ; par exemple, vous voulez peut-être alerter le public sur un problème afin de faire pression sur le gouvernement. Ou peut-être essayez-vous de mettre sur pied un groupe local pour qu’il puisse travailler sur la question qui vous préoccupe. Par conséquent, votre public cible peut être composé de plus d’un groupe de personnes.
Quels changements espérez-vous amener ?
Cette question concerne à nouveau votre action, mais pas nécessairement le changement final que vous visez. Vous serez peut-être en mesure de susciter de l’intérêt pour le problème, ce qui encouragera d’autres personnes à prendre des mesures de différentes façons, ce qui, à son tour, peut suffire à modifier la politique des entreprises ou les règlements gouvernementaux qui s’appliquent à ces entreprises. À ce propos, vous devez réfléchir à ce que votre action vise à accomplir et comment vous saurez si vous avez atteint ou non votre objectif.
Comment ce changement devrait-il se manifester ?
Cette question ne porte pas sur le mécanisme d’action choisi, mais sur le changement que l’action est censée induire. Le produit de votre action dépendra souvent de la psychologie de votre public cible ou de sa prise de conscience de la nécessité de faire certaines choses différemment. C’est une
question très importante, souvent oubliée, et la négliger pourrait affecter l’impact de votre action.
Quels moyens allez-vous utiliser pour influencer votre public ?
À ce stade, vous devez décider de la ligne de conduite précise à suivre. Les possibilités de choix auront été réduites grâce aux étapes précédentes. Le groupe devrait maintenant être en mesure d’établir une liste d’actions possibles qui pourraient aider à réaliser la transition identifiée précédemment. Encouragez les participant.e.s à faire preuve de créativité et à réfléchir à certaines des suggestions contenues dans cette section chapitre. Essayez à nouveau de parvenir à un consensus sur le choix final.
Étape 5 : S’organiser
Une dernière étape doit être franchie avant de présenter les idées du groupe au public cible. Il est fortement recommandé que le groupe élabore un plan d’action pour régler les aspects organisationnels. Bien que cette étape ne soit pas essentielle dans le cas d’une action simple, cela reste une bonne habitude qui garantit que les tâches sont réparties également, en fonction des compétences et des préférences. C’est aussi le moyen de vérifier que rien n’a été oublié !
Il convient donc de décider :
- Quelles sont les tâches à accomplir ?
- Qui va accomplir les différentes tâches ?
- À quel moment ?
Étape 6 : Suivi et évaluation
Il est essentiel de prendre un peu de temps après l’action afin de débriefer avec le groupe et d’évaluer ce qui s’est bien passé et ce qui aurait pu mieux se passer. S’il s’agit d’un projet plus complexe, vous voudrez peut-être prévoir un mécanisme de suivi et des réunions de groupe régulières pour évaluer au fur et à mesure comment les choses se passent, ce qui pourrait être modifié ou amélioré. Un tel suivi peut être envisagé à la fin de chacune des actions du projet.
Les questions suivantes peuvent servir de trame à une discussion d’évaluation avec votre groupe :
- Quels sont vos sentiments suite à l’action ? (ce point peut être examiné en faisant un rapide tour du groupe)
- Qu’est-ce qui s’est passé de façon satisfaisante ?
- Y a-t-il eu quelque chose de plus difficile que vous ne l’aviez imaginé ?
- Y a-t-il eu quelque chose d’inattendu ?
- Pensez-vous qu’il y ait des leçons à tirer pour la prochaine fois ?
- Avons-nous atteint nos objectifs ?
- Avons-nous réalisé autre chose que nous n’avions peut-être pas prévu ?
- Êtes-vous satisfaits de vous-mêmes, et aimeriez-vous tenter à nouveau une telle aventure ?
- Qu’allons-nous faire ensuite ?
L’arbre des problèmes
Vous pouvez utiliser l’exemple de cet arbre des problèmes51 pour étudier les réalités de la violence fondée sur le genre dans votre communauté ou organisation et élaborer des stratégies pour vos campagnes, actions ou activités éducatives. Vous pouvez également utiliser l’arbre des problèmes comme outil éducatif pour travailler avec les jeunes afin de permettre une meilleure compréhension de la violence fondée sur le genre :
- Expliquez que pour comprendre la violence fondée sur le genre et y répondre, nous devons la considérer comme un problème qui présente de multiples liens avec la socialisation et les relations de pouvoir dans la société. Il peut donc être utile d’examiner les causes sous-jacentes de la violence fondée sur le genre.
- Présentez aux participants « l’arbre de la violence fondée sur le genre » et expliquez-leur qu’ils vont travailler en groupes pour identifier certaines des causes qui génèrent la violence fondée sur le genre (les « racines » de l’arbre) et certains des effets de cette violence (les « branches »).
- Expliquez-leur le fonctionnement de l’arbre. Chaque case qui conduit à une autre case de l’arbre répond à la question « pourquoi ? ». Cela vaut pour les branches comme pour les racines. Vous pouvez prendre un exemple de violence fondée sur le genre pour illustrer votre explication, comme « la violence domestique est une affaire privée concernant la famille » entraîne/est aggravé par « les plaintes pour violence domestique sont classées sans suite par la police ». Il est également possible d’examiner comment ces causes et ces effets se nourrissent ou se justifient mutuellement.
- Les racines : lorsque les participants travaillent à la base de l’arbre, en partant de la violence fondée sur le genre elle-même, ils explorent les réponses à la question : « Pourquoi cela se produit-il ? ». Ils doivent compléter les cases avec le plus de causes possibles. Donnez-leur un exemple de « cause qui possède ses propres causes ». Par exemple, demandez-leur pourquoi les plaisanteries sexistes sont nombreuses. Encouragez la discussion au moyen de questions sur les endroits où nous « apprenons » des aspects négatifs que nous croyons sur les LGBT+ ou les « féministes ».
- Les branches : au niveau des branches, les participants explorent les conséquences possibles de la violence fondée sur le genre. Demandez-leur ce qui pourrait se passer si un individu ou un groupe était la cible de la violence fondée sur le genre. Interrogez-les sur les conséquences qui pourraient en découler.
- Répartissez les participants en groupes et donnez-leur une grande feuille pour y dessiner leur arbre. Invitez-les à noter le texte ci-après, ou tout texte de votre choix, dans le « tronc » de l’arbre, puis à compléter le plus de causes possibles au niveau des racines et des branches. Vous pouvez leur proposer cet exemple publié sur Internet : Il faut s’attacher à soigner les gays et non pas à les tolérer ! Ou cet exemple extrait d’un titre de journal : Une femme sur dix est victime de violences conjugales52.
- Donnez aux groupes 20 minutes pour compléter leurs arbres. Puis demandez-leur de présenter leurs résultats et leurs arbres aux autres.
- Faites le bilan de l’activité, en mettant l’accent sur les liens entre les arbres et les branches, sur les difficultés rencontrées et sur les endroits où il est possible ou nécessaire d’introduire des changements. Vous pouvez aussi aborder les « cercles vicieux » de l’arbre : par exemple, le manque de confiance dans les forces de police se traduit par un moins grand nombre de plaintes pour violence, ce qui renforce le sentiment d’impunité et de supériorité...comment mettre un terme à ce cercle vicieux ?
51 Cette activité est adaptée à partir de l’activité « Racines et branches » de Connexions - Manuel pour la lutte contre le discours de haine en ligne par l’éducation aux droits de l’homme (2014), Conseil de l’Europe, 2016.