La violence domestique, ou violence dans les relations intimes, est la violence fondée sur le genre la plus répandue


Elle nécessite également une attention particulière, car il s’agit d’un type de violence relationnelle, dont la dynamique est par conséquent très différente de celle des incidents violents qui se produisent entre des personnes qui ne se connaissent pas. Le fait que la violence domestique ait longtemps été considérée comme une question privée et domestique a considérablement entravé la reconnaissance du phénomène comme une violation des droits humains. L’invisibilité du phénomène a été exacerbée par la croyance traditionnelle que le droit international des droits humains s’appliquait seulement aux relations entre l’individu et l’État (ou les États). Or, il est dorénavant reconnu que la responsabilité de l’État en vertu du droit international peut être engagée non seulement du fait de l’action de l’État, mais aussi de son inaction, lorsqu’un État ne protège pas ses citoyens contre la violence ou les abus (principe de la « diligence raisonnable »).

Selon la Convention d’Istanbul, le terme violence domestique « désigne tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime ».

Même si la violence domestique concerne aussi souvent des relations homosexuelles qu’hétérosexuelles et que, dans certains cas, ce sont les femmes qui maltraitent leur partenaire masculin, la grande majorité de la violence domestique est perpétrée par des hommes à l’encontre des femmes. La violence domestique (viol, coups et blessures, maltraitance psychologique et physique) provoque au plan physique et mental de graves souffrances, des blessures et souvent le décès. Elle est infligée contre la volonté de la victime dans l’objectif de l’humilier, de l’intimider et de la contrôler.

Très souvent, celle-ci est privée de tout recours : la police et les mécanismes d’application de la loi sont souvent insensibles voire hostiles aux questions de genre, et généralement absents dans ces situations12.

Une question revient souvent à propos de la violence domestique : « Pourquoi la victime ne part-elle pas ? » Il n’y a pas de réponse simple à cette question, car la violence domestique est un phénomène complexe qui implique souvent des formes physiques, psychologiques, émotionnelles et économiques de violence. Elle peut souvent induire le « syndrome de la femme battue » où, dans une relation violente, la femme commence à se sentir incapable de réagir, bonne à rien et impuissante, au point d’accepter la situation. Cependant, ce syndrome, outre le fait qu’il n’explique pas pourquoi certaines femmes tuent leur partenaire violent, détourne l’attention d’autres raisons pour lesquelles elles finissent par rester dans la relation violente. Ces raisons peuvent comprendre la dépendance financière à l’égard de l’agresseur, les contraintes sociales et l’absence de solutions de rechange, comme des foyers pour accueillir les victimes. La violence domestique implique souvent une victime isolée de sa famille et de ses ami.e.s et privée de ses biens personnels, des enfants manipulés, des menaces de représailles contre la victime, les enfants ou d’autres membres de la famille. Enfin, pour la victime, il est très difficile voire dangereux de quitter un partenaire violent quand pèsent les classiques pressions sociales du type « un père vaut mieux que pas de père du tout pour tes enfants ».
 

Une autre raison pour laquelle les personnes restent dans des relations de violence est le phénomène du « cycle de la violence13 »:

Le phénomène du « cycle de la violence » basé sur le site web White Ribbon Australia
Le comportement violent décrit par ce cycle, parfois instinctif parfois délibéré, vise à maintenir la victime dans la relation au moyen de promesses et de démentis.

Le fonctionnement de base est le suivant : une explosion de violence, suivie de ce que l’on appelle une « lune de miel », pendant laquelle le comportement du.de la partenaire violent.e change soudain positivement. On parle de lune de miel, car la victime décrit souvent cette période comme très similaire au début de la relation. L’auteur.e des violences s’excuse généralement de son comportement, promet de changer et peut même faire des cadeaux. Mais cette période ne dure pas longtemps, son unique fonction étant de mettre un terme aux inquiétudes de la victime quant à l’avenir de la relation. La victime est elle-même habituellement partie prenante de ce processus, car personne n’aime se souvenir des mauvaises expériences ; elle se réjouit donc du changement de son partenaire et des promesses faites.

Avec l’apaisement des inquiétudes de la victime vient la restauration de l’ancienne structure de pouvoir. Les moteurs caractéristiques du phénomène vont alors de nouveau nourrir la tension, qui va exploser, libérant la violence du.de la partenaire. Au début de la relation, les incidents violents peuvent être espacés d’au moins six mois, voire un an, d’où la difficulté d’en identifier la nature cyclique. Les premiers incidents vont être de nature verbale, suivis d’actes de violence mineurs qui empêchent souvent la victime de prendre conscience que les réprimandes, la vaisselle cassée, les bousculades, les gifles et finalement les coups témoignent d’une escalade de la violence.

L’escalade ne se produit pas seulement en termes de gravité des incidents, mais aussi de leur fréquence. Finalement, la phase de la lune de miel peut disparaître totalement. Dans certaines relations violentes, elle est même complètement absente et peut être remplacée par la minimisation ou le déni de violence, notamment dans les groupes sociaux où la violence domestique et des rôles de genre rigides sont moins bien acceptés.

Dans les contextes où les rôles de genre sont plus rigides, l’auteur.e des violences a davantage la possibilité de nier sa responsabilité. La panoplie de rôles de genre que l’on nous apprend à endosser en tant que femme et homme comporte quantité de contradictions et d’exigences impossibles à satisfaire. Au même moment, une part du rôle de genre masculin, hégémonique, est de surveiller que femmes et enfants se conforment à leurs rôles et, si nécessaire, de les discipliner.

Ces deux conditions se combinent pour offrir une justification banale au partenaire violent : il peut aisément trouver quelque chose à reprocher à sa femme pour justifier la violence commise et, ainsi, revendiquer le droit de lui infliger cette violence.

Le viol conjugal est une infraction pénale. Le viol commis par des personnes connues de la victime, en qui elle avait confiance, peut avoir des conséquences encore plus graves et durables que lorsque l’auteur.e est un.e étranger.ère. Néanmoins, le viol dans les relations intimes reste très difficile à établir.

Dans beaucoup de pays, les actes de maltraitance physique et affective, souvent accompagnés des violences sexuelles, sont perçus comme relevant du registre des actes ou crimes « passionnels », motivés par la jalousie ou un.e partenaire qui ne répond pas aux attentes. Une telle représentation est particulièrement courante dans les médias. Cependant, ce type de terminologie doit être évité lorsqu’on parle de formes de violence fondée sur le genre, car il perpétue l’idée d’impunité qui lui est associée et implique une responsabilité de la part de la victime. L’influence de l’alcool est souvent invoquée comme circonstance atténuante des actes de violence ou d’exploitation sexuelles, ignorant que ces mauvais traitements se répètent de façon systématique. Comme le fait observer Ronda Copelon, l’alcool rend certes violent, mais « beaucoup d’hommes s’alcoolisent sans pour autant battre leurs femmes… tandis que d’autres battent leurs femmes sans être ivres ». Dans la mesure où l’alcool favorise la violence masculine, il est un aspect important des efforts entrepris pour réduire la violence, mais il n’en est pas la cause14.

 

12 Copelon, R., (1994). ‘Understanding Domestic Violence as Torture’ in Cook, R. (Ed.). Human Rights of Women. National and International Perspectives. Philadelphia: University of Pennsylvania Press. (p.116- 152)

13 Basé sur le site web White Ribbon Australia.

14 Copelon: p.128-129