Table Ronde n°3 « A look into the future: the ethical dimension of good governance at the core of integrity systems (transparency, whistleblower protection, code of good administrative conduct and code of ethics, register of interest groups, other tools for the prevention of corruption…)
Intervention du Directeur Général des droits humains et de l’Etat de droit sur le thème :
« Ethique publique et bonne administration – perspective européenne »
>Avant d’aborder le thème de l’éthique publique et de la bonne administration, je voudrais vous remercier pour cette invitation aux journées des Défenseurs des droits et souligner le grand intérêt du Conseil de l’Europe pour les travaux des Ombudspersons. Ils remplissent un rôle clé dans la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’Homme et plus largement de nos standards européens, tant en apportant un soutien aux individus qu’en contribuant à la sensibilisation de nos sociétés aux droits humains et à l’Etat de droit.
Cet intérêt s’est matérialisé dès les années 1980 avec une Recommandation de 1985 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à l’institution de l’Ombudsman en ce qui concerne la mise en place de telles institutions. Le Conseil de l’Europe a ensuite énormément et pendant de nombreuses années soutenu la mise en place et le développement de vos institutions.
Plus récemment, en 2019, deux documents importants ont été préparés au sein de la Direction générale des droits humains et de l’Etat de droit:
- La Commission de Venise a adopté les « Principes de Venise » sur la protection et la promotion de l’Institution du Médiateur, texte de référence international unique énumérant les principes juridiques essentiels à leur établissement et à leur fonctionnement dans une société démocratique. La Commission de Venise a également adopté des avis spécifiques sur des lois concernant les Médiateurs ;
- La Recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres sur le développement de l’institution de l’Ombudsman qui porte plus spécifiquement sur l’établissement et les caractéristiques fondamentales de l’institution, ses tâches principales, la coopération et le dialogue.
Il ressort de ces documents que les Défenseurs des droits ont un rôle important à jouer en matière d’éthique publique et de bonne administration.
> A partir des années 1990, parfois plus tôt dans certains pays, l’approche de la gestion publique a évolué en focalisant la réflexion sur les demandes des citoyens (qui n’est plus un « administré ») et la recherche de l’efficacité. Cette approche a conduit à une plus grande responsabilisation des agents publics. Elle a aussi placé la question de l’éthique publique en haut de l’agenda, de manière à s’assurer que l’intérêt public est placé devant les intérêts privés et à renforcer la confiance des citoyens dans les institutions publiques.
Les organisations internationales ont accompagné ce mouvement. C’est le cas du Conseil de l’Europe avec par exemple les Principes directeurs pour la lutte contre la corruption en 1997 puis les Conventions pénales et civiles sur la corruption de 1999, ou la Recommandation du Comité des Ministres sur les codes de conduite pour les agents publics de 2000 et le Code de bonne administration de 2007.
Le Conseil de l’Europe a naturellement poursuivi ses travaux en matière d’éthique publique et de bonne administration, qui s’inscrivent dans un cadre plus large de respect des droits humains et libertés fondamentales, de respect de l’Etat de droit, et des normes démocratiques.
Aujourd’hui, l’éthique publique peut être considérée comme indispensable à la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques.
Dans un contexte de recul démocratique, il convient d’accorder une importance particulière à ce thème. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont adopté en 2020 des Lignes directrices sur l’éthique publique qui précisent qu’il s’agit de « l’un des éléments fondamentaux garantissant le bon fonctionnement et l’efficacité de la démocratie », que les attentes de citoyens sont plus prononcées que par le passé et concernent tous l’ensemble des agents exerçant des responsabilités publiques, y compris les élus de tous niveaux.
Ces Lignes directrices visent à aider les Etats membres à établir un cadre complet et efficace en matière d’éthique publique reposant sur des textes juridiques visant à ancrer la pratique éthique dans toutes les activités et processus décisionnels des organisations publiques, à diffuser une culture éthique parmi les agents publics. [Elles définissent les principes de l’éthique publique : légalité, intégrité, objectivité, obligation de rendre des comptes, transparence, honnêteté, respect, leadership.]
La notion d’éthique publique doit dorénavant irriguer toute l’action publique. Ainsi, de nombreux autres textes du Conseil de l’Europe qui ne sont pas spécifiquement dédiées à l’éthique publique comprennent des éléments relatifs à la conduite des agents publics et participent donc au renforcement des exigences. C’est le cas par exemple des travaux sur l’égalité entre les femmes et les hommes ou en matière de lutte contre le discours de haine.
> Mais, plutôt que de vous exposer les règles définies au niveau européen, que vous connaissez, je voudrais m’attarder sur les apports des institutions indépendantes en matière d’éthique publique.
Parmi ces autorités indépendantes, figurent bien entendu en bonne position les Défenseurs des droits dont l’action devrait s’étendre « à l’administration publique à tous les niveaux ».
Votre action est indispensable pour « protéger toute personne contre la mauvaise administration, la violation des droits, le manque d’équité, les abus, la corruption ou toute injustice causée par des prestataires de service publics » mais aussi pour « proposer des réformes administratives ou législatives ».
C’est pourquoi le Conseil de l’Europe accorde une grande importance aux conditions de travail de vos institutions, qui sont parfois soumis à des pressions et des attaques. Les Etats membres ont ainsi été appelés à « prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’institution de l’Ombudsman contre les menaces et le harcèlement » [pi, extraits des Principes de Venise et de la Recommandation du CM de 2019].
> Je voudrais enfin attirer votre attention sur le fait que les Défenseurs des droits peuvent s’appuyer sur les travaux du Conseil de l’Europe, sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme ou le suivi d’exécution de ces arrêts, mais également sur les rapports et recommandations des organes de monitoring du Conseil de l’Europe.
Prenons par exemple un sujet essentiel en matière d’éthique publique : la lutte contre la corruption. A l’appui des instruments juridiques visant à améliorer la capacité des Etats à lutter contre la corruption, qui traitent de sujets comme l’incrimination de faits de corruption dans les secteurs public et privé, la responsabilité dans les affaires de corruption, la conduite à tenir des agents publics, ou encore le financement des partis politiques, le Conseil de l’Europe dispose d’un mécanisme composé d’experts indépendants – le Groupe d’Etats contre la Corruption, le GRECO.
A travers ses cycles d’évaluation, le GRECO a adressé de nombreuses recommandations aux Etats membres, dont certaines portent sur la bonne administration et l’éthique publiques. Le GRECO a aussi été amené à travailler sur la protection des personnes rendant compte de suspicions de corruption. La Convention civile sur la corruption prévoit que ces personnes doivent être protégées contre des sanctions injustifiées, et traite plus largement la question de la protection des lanceurs d’alerte.
Comme sur d’autres sujets, la Cour européenne des droits de l’homme a développé une jurisprudence importante sur la protection des lanceurs d’alerte, et sur la base de l’article 10 de la Convention EDH.
> Pour conclure, du point de vue du Conseil de l’Europe, il importe que les Défenseurs des droits continuent à s’intéresser aux questions liées à l’éthique publique et à la bonne administration, pour venir en aide aux personnes comme pour renforcer ou améliorer les règles et dispositifs existants.
Je vous remercie de votre attention.