L'apport du Conseil de l'Europe
La Justice en Europe face aux défis du numérique
Conférence organisée dans le cadre de la Présidence française du Comité des ministres du Conseil de l’Europe
Strasbourg, 14-15 octobre 2019
www.coe.int/digitaljustice
#DigitalJustice #FRPrezCDE
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Page d'accueil de la Conférence
Le Conseil de l'Europe est la plus importante organisation paneuropéenne de défense des droits de l'homme. Les principes édictés par la Convention européenne des droits de l’homme, notamment dans son article 6 qui consacre le droit à un procès équitable, constituent des normes de référence communes aux systèmes judiciaires des 47 Etats membres. Les différents organes et secteurs du Conseil se sont engagés, dès le début de la transformation numérique de la justice, afin que celle-ci soit menée en conformité avec la Convention et que l’informatique soit employée comme un levier d’amélioration de l’efficacité et de qualité de la justice. L’adoption de cette technologie est aujourd’hui une réalité dans l’ensemble des systèmes judiciaires européens.
L’innovation constante des technologies conduit les systèmes judiciaires et les professions du droit à relever un certain nombre de nouveaux défis. L’accès à la justice se trouve aujourd’hui grandement facilité par des services en ligne disponibles en permanence, à même d’informer les justiciables sur leurs droits, les différents modes de saisine des juridictions ou les procédures alternatives de règlement des conflits. De plus en plus de pays ont mis en place un suivi des procédures en ligne et le rappel de convocation à l’audience par message sur les téléphones mobiles. Le développement d’offres privées de résolution de litiges en ligne diversifie les modes de réponse offerts aux justiciables et encourage le traitement amiable. De nouveaux moyens d’automatisation et de traitement de l’information, comme l’intelligence artificielle, créent des nouvelles opportunités telles que des moteurs de recherche avancés ou l’analyse de la jurisprudence. Dans le domaine pénal, enfin, les forces de l’ordre et les autorités de poursuite disposent de moyens toujours plus performants pour prévenir et lutter contre la criminalité.
Le recours à ces outils numériques doit toutefois systématiquement s'accompagner d'une réflexion approfondie afin de pas affaiblir les principes fondamentaux guidant les systèmes judiciaires ni violer les garanties du droit à un procès équitable.
- Comment s’assurer ainsi que la généralisation en cours de services dématérialisés n’aggrave pas la fracture numérique ou ne compromette pas l’égalité des armes ?
- Comment trouver un point d’équilibre, qui ne banaliserait pas les recours devant les tribunaux sans trop complexifier l’accès au juge ?
- Comment rendre justice, dans le cadre d’une procédure en ligne, tout en donnant le sentiment d’avoir été entendu équitablement par un juge se trouvant derrière un écran ?
- Comment identifier, administrer et échanger des nouveaux modes preuves dans ce nouvel espace dématérialisé ?
- En particulier, quelle valeur accorder à un document électronique ou une information enregistrée dans une « blockchain » ?
- Comment s’assurer que les services judiciaires opèrent dans des conditions strictes de respect des droits fondamentaux et de l’Etat de droit ?
La valeur ajoutée du Conseil de l'Europe
D’autres Conventions du Conseil de l’Europe ont même une portée mondiale puisqu’elles sont déjà ratifiées par des États non membres : la Convention sur la cybercriminalité, ou la Convention 108 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. La Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, notamment son deuxième protocole additionnel (ratifié par 40 pays, y compris des pays non européens), permet de tenir des audiences par vidéoconférence entre pays et de transmettre des communications et des demandes par des moyens électroniques de télécommunication.
Le travail en cours
- la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ)
- le Conseil consultatif de juges européens (CCJE) et
- le Conseil consultatif de procureurs européens (CCPE)
ont déjà travaillé à plusieurs reprises sur les questions des technologies numériques appliquées à la justice et ont même été pionnières dans des domaine spécifiques.
Citons à cet égard la récente Charte de la CEPEJ sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires et leur environnement, publiée en décembre 2018, qui s’est imposée en tant que document de référence à l’échelle européenne et internationale.
- Les lignes directrices sur les preuves électroniques dans les procédures civiles et administratives, élaborées par le Comité européen de coopération juridique (CDCJ) et adoptées en janvier 2019, constituent également un instrument de référence.
- Le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) envisage quant à lui l’élaboration d’un instrument juridique international visant à établir des normes communes pour les aspects de droit pénal des technologies automatisées, en particulier des véhicules automatisés.
- Enfin, le Comité de la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité (T-CY) négocie actuellement un protocole à ce traité pour aider les services de poursuite à obtenir des preuves sur des serveurs dans des juridictions étrangères, multiples ou inconnues.
Par son mandat, le Conseil de l’Europe apporte ainsi une expertise de haut niveau à la définition de normes en la matière, en parfaite complémentarité à celle d’autres organisations internationales et notamment de l’Union européenne. Cette dernière appuie ses Etats membres dans la mise en œuvre des technologies numériques au sein de leurs systèmes judiciaires et offre des services visant à renforcer l’émergence d’une justice transfrontalière européenne.
Par ailleurs, le Conseil de l’Europe soutient activement les efforts de régulation des technologies numériques, y compris celles s’appuyant sur l’intelligence artificielle, et des effets de celle-ci sur les individus et sur la société dans son ensemble. Il entend notamment s’inscrire dans l’architecture globale de coopération numérique des Nations Unies. Le Conseil de l’Europe a été également observateur au sein du groupe indépendant d’experts de haut niveau sur l’intelligence artificielle constitué par la Commission européenne, qui a adopté des lignes directrices en matière d’éthique pour une IA digne de confiance et des recommandations de politiques et d’investissement. Le Conseil de l’Europe a aussi été attentif aux résultats des travaux de l’OCDE, et notamment sa Recommandation publiée le 22 mai 2019 sur l’intelligence artificielle, ainsi que les Principes sur l’intelligence artificielle centrée sur l’humain, adoptés par le G20 le 9 juin 2019. Enfin le Conseil de l’Europe a été représenté à la conférence de l’UNESCO « Principes pour l’IA: vers une approche humaniste? » du 4 mars 2019, qui a préfiguré les conclusions d’une étude préliminaire sur les aspects techniques et juridiques liés à l’opportunité d’un instrument normatif sur l’éthique de l’intelligence artificielle, publiés le 21 mars 2019.
Travaux à ce jour
Le Conseil de l’Europe élabore essentiellement des conventions, des recommandations, des lignes directrices et des études ; plus de vingt instruments traitant de nombreux aspects d’application du numérique dans le domaine de la justice (accès au droit, traitement des données et droits de l’homme, utilisation de l’intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires, répercussions des technologies numériques sur le droit pénal) ont déjà été publiées ou le seront prochainement.
L’impact de l’intelligence artificielle sur la justice fait aussi l’objet d’une analyse dans des documents plus généraux du Conseil de l’Europe :
- la recommandation du Commissaire aux droits de l’homme « Décoder l’intelligence artificielle : 10 mesures pour protéger les droits de l’homme »,
- la Recommandation 2012(2017) de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) sur « La convergence technologique, l’intelligence artificielle et les droits de l’homme
- ou encore la Recommandation 2077 (2015) de l’APCE « Accroître la coopération contre le cyberterrorisme et d’autres attaques de grande ampleur sur internet ».
Le Comité des Ministres a adopté le 13 février 2019 une Déclaration constituant ainsi le premier instrument mondial formalisant les risques substantiels de capacité de manipulation des processus algorithmiques. Enfin, le Conseil de l’Europe a coorganisé, avec la Présidence finlandaise du Comité des Ministres, la Conférence « Maîtriser les règles du jeu - l'impact du développement de l'intelligence artificielle sur les droits de l'homme, la démocratie et l'état de droit » à Helsinki les 26 et 27 février 2019. Ses Conclusions (dont certaines portent sur l’impact de l’intelligence artificielle sur la justice notamment) ont influé sur les discussions et actions subséquentes du Comité des Ministres.
Future action of the Council of Europe
Lors de sa 129e session tenue à Helsinki les 16-17 mai 2019, le Comité des Ministres a chargé ses Délégués d’examiner, sur la base de consultations multipartites, la faisabilité et les éléments potentiels d’un cadre juridique pour le développement, la conception et l’application de l’intelligence artificielle, fondé sur les normes du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit. A cet effet, le mandat d’un nouveau comité ad hoc sur l’intelligence artificielle (CAHAI) a été adopté en septembre 2019. Un projet de Recommandation du Comité des Ministres relative à l’impact des systèmes algorithmiques sur les droits de l’homme est également en cours d’élaboration par le Comité d'experts sur la dimension droits de l'Homme des traitements automatisés de données et différentes formes d'intelligence artificielle (MSI-AUT).
Par ailleurs, la Stratégie 2016-2019 du Conseil de l’Europe pour la gouvernance de l’internet arrive à son terme et une nouvelle Stratégie pour la gouvernance numérique devrait être adoptée d’ici à la fin de l’année. Cette Stratégie décrira le champ d’action du Conseil de l’Europe en la matière dans les prochaines années ainsi qu’un plan de coordination avec les autres organisations internationales. Les actions qui seront entreprises par l’Organisation en matière de justice et technologies numériques seront précisées dans cette Stratégie.
Il convient également de noter que des lignes directrices sur la conception de mécanismes de règlement des litiges en ligne, en conformité avec les articles 6 et 13 de la CEDH, sont actuellement en cours de préparation par le Comité européen de coopération juridique (CDCJ).
Dans le domaine du droit pénal, deux axes de travail sont pertinents :
- les travaux en cours sur des normes communes en matière de responsabilité pénale découlant des technologies automatisées, en particulier des véhicules automatisés, et
- en ce qui concerne les preuves dans les procédures pénales, tant les traités d'entraide judiciaire existants du Conseil de l'Europe que le futur Protocole à la Convention sur la cybercriminalité traitant des preuves dans les nuages.
Enfin, de nombreuses initiatives de promotion, de suivi et de mise en œuvre des principes de la Charte éthique d’utilisation de l’intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires et son environnement sont déjà entreprises par la CEPEJ. Elle explore actuellement la faisabilité d’un mécanisme de certification des produits d’intelligence artificielle utilisés dans les systèmes judiciaires au regard de la Charte, qui s’appuiera entre autres sur une opérationnalisation de ses principes. L’objectif est d’ancrer ainsi dans la réalité et dans la pratique judiciaire au quotidien, un texte juridique adaptatif et novateur dans le domaine de la justice numérique, qui s’adresse tant aux décideurs publics, qu’aux entrepreneurs et aux citoyens.
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