Retour Les taux d'incarcération continuent de baisser en Europe, selon les statistiques pénales annuelles du Conseil de l'Europe sur les populations carcérales pour 2020

Les taux d'incarcération continuent de baisser en Europe, selon les statistiques pénales annuelles du Conseil de l'Europe sur les populations carcérales pour 2020

Le taux global d’incarcération (c'est-à-dire le nombre de détenus pour 100 000 habitants) a continué de baisser légèrement en Europe en 2020, confirmant ainsi une tendance amorcée en 2013, selon les Statistiques pénales annuelles du Conseil de l'Europe (SPACE) sur les populations carcérales pour 2020, publiées aujourd’hui (voir aussi les principaux résultats).

Au 31 janvier 2020, on comptait 1 528 343 personnes détenues au sein de 51 (des 52) administrations pénitentiaires des États membres du Conseil de l'Europe, ce qui correspond à un taux d’incarcération européenne de 103,2 détenus pour 1000 000 habitants. Dans les 50 administrations pénitentiaires pour lesquelles des données sont disponibles pour 2019 et 2020, ce taux est passé de de 106,1 à 104,3 détenus par 100,000 habitants (-1,7 %).

Depuis 2013, année où il a atteint le niveau record de 131 détenus pour 100 000 habitants, le taux d’incarcération diminue chaque année ; la diminution globale est de 20 % entre 2013 et 2020. Selon le Professeur Marcelo Aebi, qui dirige l’équipe de chercheurs de l’université de Lausanne chargés du projet SPACE, cette baisse s’explique en partie par la diminution, au cours de cette période, du nombre d’infractions traditionnelles, comme les vols et les cambriolages, qui n’est pas compensée par l’augmentation des infractions commises dans le cyberespace, notamment des cyberfraudes. La cybercriminalité entraîne moins de condamnations car les auteurs de ces infractions sont souvent basés hors du territoire national et sont difficiles à retrouver et à sanctionner.

Les pays avec les taux d’incarcération les plus élevés en janvier 2020 étaient la Turquie (357 détenus pour 100 000 habitants), la Russie (356), la Géorgie (264), la Lituanie (220), l’Azerbaïdjan (209), la République tchèque (197), la Pologne (195), la République slovaque (193) et l’Estonie (184). Si l’on omet les pays de moins de 300 000 habitants, les taux les plus faibles se trouvaient en Islande (45), en Finlande (50), aux Pays-Bas (59) et en Norvège (59).

Pour la première fois, des données sur le nombre d’enfants qui vivent avec leur mère dans un établissement pénitentiaire ont été collectées : il y avait 1 608 au total dans les 37 administrations qui ont fourni leurs chiffres. Dans la plupart des administrations (21), les enfants pouvaient rester avec leur mère dans l’établissement pénitentiaire jusqu’à l’âge de trois ans ; le deuxième âge limite le plus fréquent était d’un an (dans sept pays). Cette question préoccupe tout particulièrement le Conseil de l'Europe, qui, en 2018, a adressé à ses États membres une Recommandation destinée à protéger les enfants de détenus, y compris les enfants vivant avec un de leurs parents en prison. On estime que plus de 2 millions d’enfants en Europe ont un parent en prison.

Les 87 367 femmes détenues représentaient 5 % de la population carcérale totale. L’âge médian des personnes détenues était de 36 ans ; 15 % des détenus avaient plus de 50 ans et 2,5 % avaient 65 ans ou plus. La part globale des étrangers dans la population carcérale, qui était de 14,4 % en 2019, a atteint 15,1 % dans les 40 pays qui ont fourni ces données, mais la proportion varie beaucoup d’un pays à l’autre. La proportion de détenus ne faisant pas l’objet d’une condamnation définitive est restée stable (22 %).

Globalement, la densité carcérale en Europe est, elle aussi, restée stable : il y avait 90,3 détenus pour 100 places disponibles dans les établissements pénitentiaires en 2020, contre 89,5 détenus pour 100 places en 2019. Quatorze administrations pénitentiaires ont fait état d’une densité carcérale supérieure à 100 détenus pour 100 places (ce qui constitue un indicateur de surpopulation carcérale), soit une administration de moins qu’en 2019. Au 31 janvier 2020, la surpopulation était la plus élevée en Turquie (127 détenus pour 100 places), en Italie (120), en Belgique (117), à Chypre (116), en France (116), en Hongrie (113), en Roumanie (113), en Grèce (109), en Slovénie (109) et en Serbie (107).

Les infractions en matière de drogues sont restées la raison pour laquelle les détenus sont incarcérés le plus fréquemment dans les 42 administrations pénitentiaires ayant fourni ces données (près de 260 000 détenus purgent une peine pour de telles infractions, soit 17,7 % de la population carcérale totale). Les autres infractions les plus fréquentes sont les vols (199 000 détenus, soit 13 %) et les homicides et tentatives d’homicide (169 000 détenus, soit 12 %). Quatre détenus sur 10 purgent une peine pour des infractions violentes (homicide, coups et blessures, viol et autres infractions sexuelles, et vol avec violence).

Près de huit détenus sur 100 purgent une peine pour viol ou pour d’autres infractions à caractère sexuel, ce qui représente au total 81 188 détenus. Trois détenus sur 100 purgeaient des peines pour des infractions au Code de la route, soit quelque 24 000 détenus dans les 40 administrations ayant fourni ces données. Les administrations pénitentiaires ont fait état de 30 524 détenus condamnés pour terrorisme ; le pays qui en comptait le plus était la Turquie (29 827), suivie de la France (292) et de l’Espagne (209).

Pour des raisons méthodologiques, certaines des données collectées concernent l’année 2019. Au niveau européen, la durée moyenne d’incarcération (qui a une forte influence sur le taux d’incarcération) s’est réduite, puisqu’elle est passée de 8,1 à 7,8 mois entre 2018 et 2019. Le coût de la détention a augmenté de 5 % ; il s’élevait au total à 27 milliards d’euros dans les 42 administrations pénitentiaires qui ont partagé cette information.

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Les enquêtes SPACE sont réalisées chaque année pour le Conseil de l'Europe par l’Université de Lausanne. L’enquête SPACE I réunit des informations fournies par les administrations pénitentiaires des 47 États membres du Conseil de l'Europe, alors que l’enquête SPACE II s’intéresse aux personnes placées sous la surveillance de services de probation.

Notes: 

  • Quarante-huit des 52 administrations pénitentiaires que comptent les 47 États membres du Conseil de l'Europe ont participé à l’édition 2020 de l’enquête SPACE I. La Bosnie-Herzégovine (État, fédération de Bosnie-Herzégovine et Republika Srpska) et l’Ukraine n’y ont pas participé. Pour certains indicateurs relatifs à ces administrations, les données utilisées proviennent d’autres sources.
  • Sauf indication contraire, les données se rapportent à la situation au 31 janvier 2020 et sont exprimées en valeur médiane, celle-ci étant plus fiable que la moyenne arithmétique, car moins sensible aux valeurs extrêmes.
  • Concernant la densité carcérale, il convient de noter que des pays où le nombre total de détenus est inférieur à la capacité globale du parc pénitentiaire au niveau national peuvent aussi connaître une surpopulation dans certains établissements.
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Strasbourg 08/04/2021
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