Vukota-Bojić c. Suisse 2017

Protection contre les filatures abusives dans les litiges avec les assureurs

[…] vu le manque global de clarté des dispositions de droit interne sur le sujet, la Cour n’est pas convaincue qu’elles aient suffi à offrir des garanties adéquates et effectives contre les abus.

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, janvier 2017

Contexte

En 1995, Savjeta Vukota-Bojić fut heurtée par une moto et blessée à la tête et à la colonne vertébrale.

Les examens médicaux se soldèrent par des conclusions contradictoires sur son aptitude au travail.

Avant l’accident, Savjeta était coiffeuse. Comme toutes les personnes travaillant en Suisse, elle était couverte par une assurance accidents obligatoire. Cependant, son assureur (un organisme public) l’invita à se faire à nouveau examiner. Cette fois, les médecins conclurent qu’elle était en pleine capacité de travailler.

S’ensuivit un contentieux de plusieurs années entre Savjeta et la compagnie d’assurances, ponctué de passages devant les tribunaux et d’examens médicaux supplémentaires.

Au cours du contentieux, Savjeta ayant refusé de subir un nouvel examen médical, l’assureur la fit suivre en secret par des détectives privés. Cette surveillance aboutit à la rédaction d’un rapport sur ses activités. L’assureur, dans un premier temps, refusa toute allocation à Savjeta, en partie sur la base du contenu du rapport.

Apprenant l’existence des détectives, Savjeta ressentit comme une atteinte à sa vie privée le fait d’avoir été filmée à son insu. Elle demanda une indemnisation et la destruction du dossier de surveillance.

En 2010, un tribunal suisse jugea que la surveillance était légale et que le dossier constituait une preuve recevable.

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme

La Cour européenne a conclu que la Suisse avait violé le droit de Savjeta au respect de la vie privée, car la loi suisse ne protégeait pas suffisamment contre les mesures abusives de surveillance secrète.

Suites

En réaction à l’arrêt de la Cour européenne, la Suisse a adopté en 2019 une nouvelle loi qui réglemente mieux les activités de surveillance secrète pour le compte de compagnies d’assurances.

La nouvelle loi comporte une liste de circonstances qui justifient une surveillance et une liste de méthodes soumises à l’approbation d’un tribunal. Elle précise la durée maximale, oblige à informer la personne concernée qu’elle a été surveillée et énonce des règles générales en matière de conservation et de destruction des données recueillies.

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