L’automne 2011 a été un moment difficile pour la ville néerlandaise d’Utrecht. Des demandeurs d’asile déboutés ont manifesté dans la rue et un groupe de Polonais, depuis longtemps sans abri, a rejoint des demandeurs d’asile somaliens eux aussi déboutés. Ensemble, ils ont installé un camp de tentes à proximité de la ville. Il semblerait que des groupes d’auto-défense aient patrouillé, armés de battes de baseballs, de couteaux et même, à en croire les dernières rumeurs, de fusils.
Lorsque les responsables municipaux ont appris qu’une organisation polonaise, appelée « Barka », avait déjà su faire face à de telles situations, ils se sont empressés d’aller la chercher
L’organisation Barka a été fondée par un psychologue polonais, Thomasz Sadowski, riche d’une longue expérience dans des milieux psychiatriques et des centres de détention. En 2012, une première équipe d’intervention, recrutée par la collectivité locale, a commencé à travailler à Utrecht. La philosophie de l’organisation Barka est un subtil mélange entre idéologie ancienne et psychologie moderne. Le responsable d’une équipe, lui-même ayant mené une vie de sans-abri, est secondé par un psychologue ou un travailleur social professionnel – situation qui ne reflète guère la pratique traditionnelle européenne : un psychologue dûment formé faisant équipe sur un pied d’égalité avec un vagabond converti.
Barka n’emploie pas le mot « retour », qu’il juge négatif, lui préférant l’expression « rétablissement des liens ». En effet, si une personne ne parvient pas à s’adapter à un nouveau pays, il se peut qu’elle ait besoin de renouer des liens avec son pays d’origine ; c’est exactement ce que fait Barka. L’organisation favorise le retour chez elles des personnes sans abri ou se trouvant dans une situation socioéconomique difficile, et elle gère un centre d’économie sociale qui aide les migrants souhaitant se réadapter économiquement et socialement et s’intégrer dans le pays d’accueil. Parmi ceux ayant bénéficié d’une aide par le biais du programme de Barka, certains sont eux-mêmes devenus animateurs et travaillent dans le cadre de projets gérés par des fondations Barka à l’étranger ; ou ils ont créé leur propre association et en soutiennent d’autres.
Depuis que l’équipe polonaise Barka a commencé d’intervenir à Utrecht, elle a permis à près de 400 personnes de « renouer des liens » avec leur famille ou avec des communautés Barka en Pologne. Parmi ces personnes, on trouve des toxicomanes, des victimes de la traite et des cas psychiatriques, en totale déshérence.
À l’heure actuelle, Thomasz Sadowski coopère avec des organisations africaines pour lancer, à partir d’expériences et de modèles de Barka, des projets d'économie sociale et d'intégration dans des pays africains qui vont être confrontés, comme le fut la Pologne, à une nouvelle réalité politique et sociale. Parce qu’il lui semble que, en Afrique aussi, les personnes vulnérables seront les dernières servies, il veut aider les Africains, eux-mêmes séduits par les modèles Barka, à appliquer la formule du partenariat, des communautés et d'autres expériences dans quelques pays africains.
Ainsi la ville néerlandaise d’Utrecht espère-t-elle qu’un jour, des organisations africaines, sous l’inspiration d’une organisation polonaise, aideront des âmes égarées à renouer des liens avec les communautés d’une Afrique renaissante.