Retour Allocution devant l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe

As delivered by Alain Berset, Secretary General of the Council of Europe

 

Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe,

Madame la Secrétaire Générale de l’Assemblée,

Monsieur le Secrétaire Général adjoint,

Excellences,

Mesdames et Messieurs les membres de l'Assemblée parlementaire,

 

J’aimerais tout d’abord vous remercier de votre accueil ce matin, Monsieur le Président, pour m’adresser pour la première fois à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

J’ai débuté mon mandat il y a moins de deux semaines, et je me réjouis de la collaboration avec toutes et tous.

Servir le Conseil de l’Europe est un privilège, servir le Conseil de l’Europe est un honneur, et je suis conscient de la responsabilité que cela représente en ce moment crucial pour notre continent l’Europe et pour le monde.

Et je tiens à honorer la confiance qui m’a été accordée par cette Assemblée.

Permettez-moi également de rendre hommage à Marija Pejčinović Burić, la Secrétaire Générale sortante. Son engagement, sa détermination, son sang-froid ont été essentiels à un moment déterminant pour le Conseil de l’Europe.

Nous le savons, le Sommet de Reykjavík, l'année dernière, a été une étape cruciale et je sais que l’engagement de l’Assemblée parlementaire a été essentiel pour obtenir ce résultat. Pour ma part, j'ai été très fier de signer la Déclaration de Reykjavík au nom de mon pays, et je suis très heureux et très fier aujourd'hui de reprendre l’action en tant que Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.

Ensemble, nous devons poursuivre le travail déjà engagé et mettre en œuvre les engagements pris par les Chefs d’État et de gouvernement.

Notre rôle, ensemble, consiste à protéger et promouvoir les droits humains, la démocratie et l'État de droit. Ces principes sont au cœur de la Convention européenne des droits de l’homme, ces principes sont au cœur de l’interprétation de cette Convention par la Cour européenne des droits de l’homme. Et nous savons que l’exécution des arrêts est une obligation essentielle pour tous les Etats membres.

Je compte sur votre détermination à m'accompagner afin que ces engagements soient toujours respectés.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Dans ce contexte et à ce moment de notre histoire, nous devons avoir des priorités claires.

La première priorité sera notre soutien renouvelé à l’Ukraine qui lutte face à l'agression de la Fédération de Russie.

La deuxième priorité sera la revitalisation de notre démocratie, soumise à des pressions et des chocs parfois violents.

La troisième sera de garantir l’unité de la famille européenne, composée, dans toute sa diversité, de 46 membres fiers et égaux. Et cette diversité doit être un enrichissement, une valeur en plus, un supplément d’âme… et pas un facteur de jugement ou de division.

En premier donc, notre soutien à l’Ukraine doit rester inébranlable et il restera notre priorité absolue.

Je saisis cette occasion pour rappeler d’abord que la Cour européenne des droits de l’homme, notre Cour, est dans ce contexte un instrument non seulement essentiel mais unique. Parce qu’à ce jour, la Cour est la seule juridiction internationale qui juge, sur le fond, les violations des droits humains dans le contexte de la guerre, depuis 2014.

En plus, le Registre des dommages est maintenant pleinement opérationnel. C’est une avancée essentielle, mais nous savons également que son succès reposera aussi sur l’élargissement du cercle de ses membres. Nous devons tout faire pour y rallier d’autres États, y compris des pays non-membres du Conseil de l’Europe. Vous imaginez bien que j’ai saisi toute occasion pour aborder cette question avec l’ensemble des acteurs avec lesquels je me suis entretenu la semaine dernière, à New York, dans le cadre de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies.  Et nous allons continuer à utiliser toutes les possibilités.

Le Registre est également crucial mais cela ne suffit pas. Il faut que le Registre soit suivi d’un mécanisme de compensation qui soit juste et qui devra avoir son propre financement, et les institutions du Conseil de l’Europe devront jouer pleinement leur rôle à cet égard.

Et enfin, la Russie doit être tenue responsable de tous les actes illicites au regard du droit international. C’est la raison pour laquelle, en plus de son travail sur le Registre et tout ce qui vient d’être cité, le Conseil de l'Europe participe aux consultations et négociations du Groupe restreint où diverses options pour la création d'un tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine continuent d'être discutées.

Dans ce contexte, il faudra rester ouverts à de nouvelles initiatives, et créatifs, pour accompagner l’Ukraine dans sa résilience, sa reconstruction et la recherche de la justice.

J’ai eu l’occasion ce matin d’échanger avec
11 femmes ukrainiennes qui sont à Strasbourg aujourd’hui et dont les proches sont détenus illégalement. Il faut rappeler que tout ce que nous faisons n’a un seul but, celui de protéger les droits humains, l’État de droit et la démocratie, et ceci partout où ces droits sont touchés. Je souligne à cet égard la grande importance du débat et de la résolution dont vous allez discuter demain.

Mais notre engagement ne s’arrête pas là.

J’en viens à ma deuxième priorité qui concerne la démocratie. Nous devons aussi faire face à la régression démocratique que nous observons dans le monde entier et aussi sur notre continent, à nos portes, qui touche à des degrés et sous des formes différentes, l’ensemble de nos États membres. Pour y répondre, nous avons des outils nécessaires, nous avons bien sûr le soutien des États membres qui ont adopté les Principes pour la démocratie affirmés à Reykjavík, nous avons le travail de la Commission de Venise et bien sûr, le vôtre, celui de l'Assemblée parlementaire, travail essentiel.

Car il ne suffit pas d'établir des normes internationales, il faut que ces normes soient appliquées au niveau national et, en tant que parlementaires nationaux, vous avez un rôle fondamental à jouer en ce sens.

Dans ce contexte, l’éducation joue un rôle primordial – c’est un investissement démocratique essentiel. Nous devons renforcer notre engagement pour renforcer et rappeler l’importance de la démocratie et la conscience que la démocratie n’est pas un acquis, mais au contraire un bien inestimable, pour lequel il faut se battre et s’engager, un bien qu’il faut préserver et développer.

Puis nous avons toutes les autres difficultés auxquels nous devons faire face.

Nous avons les effets combinés de la guerre, des guerres, celle qui se déroule sur le territoire européen du Conseil de l’Europe, et celles qui se déroulent à nos portes, avec des conséquences essentielles et dramatiques pour les personnes qui sont touchées et concernées, avec des conséquences essentielles et dramatiques sur notre propre continent, avec les divisions que cela engendre, avec la montée de l’antisémitisme, la montée de la haine antimusulmane et la division de nos sociétés.

Nous avons les effets combinés de ces guerres avec le changement climatique, nous avons les effets combinés de ces guerres avec le changement climatique et de l’érosion démocratique – c’est un défi sans précédent pour nos sociétés. Un défi que j’ai tenté de décrire comme the perfect storm.  

Face à ce défi, le Conseil de l’Europe a déjà montré sa solidité, sa grande expérience, son agilité, sa réactivité. Qu’il s’agisse de la lutte contre le trafic de migrants, qu’il s’agisse de la protection de l’environnement, qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, le Conseil de l’Europe a souvent montré la voie. Notre nouvelle Convention sur l'intelligence artificielle, récemment ouverte à la signature, en est un parfait exemple.

Et troisième élément que je citerai ce matin devant vous, c’est le soutien à l’unité de la famille européenne dans toute sa diversité.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, le Conseil de l’Europe a 75 ans d’expérience, c’est une organisation sans équivalent. Nous devons renforcer notre cohésion et notre action pour garantir aux citoyennes et citoyens de notre continent un avenir de paix, un avenir de stabilité, un avenir de prospérité, un avenir de sécurité dans des conditions dignes.

Qu’est-ce que veulent les citoyennes et les citoyens, qu’est-ce-que veulent toutes les personnes qui vivent sur notre continent ? Elles souhaitent une vie en paix dans des conditions de dignité qui permettent d’avoir des perspectives pour soi-même, pour sa famille, pour ses enfants, pour les prochaines générations.   C’est à cela que sert le travail que nous faisons pour avoir la stabilité sur le continent ; c’est pour ça que nous nous battons, pour l’État de droit, des relations basées sur des règles qui soient claires et acceptées par toutes et tous et non sur la force, la violence et l’arbitraire.

C’est pour cela que nous devons continuer à travailler ensemble, dans un monde qui est en proie à des forces centrifuges, dans un monde dans lequel des forces divergentes semblent souvent actuellement l’emporter, il faut retrouver plus de convergence. Et pour retrouver plus de convergence, il faut maintenir le cap de la vérité et des valeurs. Et c’est pour cela que dans la méthode que nous devons utiliser entre nous, nous devons nous parler, nous surtout nous parler lorsqu’il y a des difficultés, nous devons nous parler franchement, mais avec du respect pour des positions qui sont différentes. Et avec toute la transparence nécessaire pour progresser ensemble.

Ce dialogue, il est primordial. Un dialogue entre les 46 membres du Conseil de l’Europe, que j’ai décrit tout à l’heure comme fiers et égaux. C’est un dialogue interinstitutionnel au sein du Conseil de l’Europe – aussi bien formel qu’informel. Et c’est un dialogue dans le respect de la diversité, mais aussi fondamentalement ancré dans le socle de nos valeurs.

Et alors, la convergence redevient possible, si nous sortons des sentiers battus, si nous cherchons des points communs, des points de convergence à travers le dialogue.

C'est ainsi que nous pourrons construire un avenir plus uni, basé sur la compréhension mutuelle, sur l’inclusion et sur le respect des différences.

Et puis dans ce contexte, bien sûr il faut rendre visible ce que nous faisons. Il faut que le Conseil de l'Europe, dans l’opinion publique et dans les cercles institutionnels, reflète bien pleinement son importance, sa pertinence et la réalité des immenses réalisations qui ont été faites les
75 dernières années et qui continuent d’être faites aujourd’hui. Je l’ai encore entendu il y a quelques jours, ne serait-ce que dans le contexte de l’Assemblée générale des Nations Unies à
New York. Nous devons être visibles et fiers de ce que nous accomplissons et je vais travailler sans relâche à cet objectif.

Pour ce faire, j’aurai bien sûr besoin du soutien des États membres, c’est la raison pour laquelle nous devrons régulièrement organiser des Sommets de chef·fes d’État et de gouvernement, en conclusion de chantiers sur des questions essentielles, comme la revitalisation de la démocratie, qui doit faire l’objet d’un Plan d’action que je compte lancer immédiatement. Cela y contribuera certes, mais cela ne suffira pas. Nous devons trouver toutes les manières de mieux communiquer sur le travail essentiel que nous menons chaque jour.

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Pour terminer, j’aimerais rappeler ici que le travail du Conseil de l’Europe est plus fondamental que jamais. Que ce soit dans le soutien à l’Ukraine, dans la lutte contre les violences à l’égard des femmes, l’égalité de genre, la protection des droits des minorités et des plus vulnérables, ou encore la défense de la liberté d’expression et des journalistes, nous savons que notre Organisation se bat pour l’égalité et la dignité de chaque individu.

J’aimerais mentionner un point qui est extrêmement important pour la stabilité et la paix sur notre continent : c’est tout ce que nous pouvons faire pour l’égalité de genre, c’est tout ce que nous pouvons faire pour combattre efficacement les violences faites aux femmes et aux filles, c’est tout ce que nous pouvons faire avec cette très importante Convention d’Istanbul qui a été développée ici et se développe encore, qui doit retrouver plus de convergence et plus de soutien, non seulement dans nos États membres mais aussi au-delà.

Pendant mon mandat, je travaillerai avec passion et détermination avec tout l’engagement que je pourrai donner pour continuer à bâtir une Europe, où chaque être humain sera au centre, au cœur de nos actions, avec l’objectif ultime que chacune et chacun puisse vivre dans la liberté et la sécurité que procure la démocratie.

Je me réjouis de ce que nous allons accomplir ensemble et je compte bien mettre toute mon énergie au service de notre mission, au service de nos valeurs communes, au service du Conseil de l’Europe.

Strasbourg 1 octobre 2024
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