Retour Montenegro - Avis urgent sur le projet d'amendements révisés à la loi sur le ministère public

1041/2021

Demandé par : Monténégro, Vice-Premier Ministre

Mesures recommandées : 59. A la demande du Vice-Premier ministre du Monténégro, la Commission de Venise a examiné le projet révisé d'amendements à la loi sur le ministère public. Le présent avis a été préparé selon la procédure d'urgence, à la demande du Vice-Premier ministre, sur autorisation du Bureau. 60. Les projets d'amendements révisés ont été préparés en tenant compte de l'avis précédent de la Commission de Venise sur cette question, adopté en mars 2021. 61. La Commission de Venise souhaite d'emblée saluer l'approche constructive des autorités du Monténégro et leur volonté de dialogue. 62. La Commission se félicite en outre que la préparation de ces amendements révisés ait été accompagnée de consultations avec les principales parties prenantes et la société civile, même si ce processus aurait pu être plus large et plus long. La Commission encourage le gouvernement et le p=Parlement monténégrins à poursuivre un processus ouvert et transparent de consultation publique. 63. Le projet révisé représente un progrès significatif par rapport aux deux projets de loi examinés en mars. Plusieurs des recommandations clés contenues dans l'avis de mars 2021 ont été entièrement traitées et d'autres partiellement. 64. Les propositions visant à remplacer le bureau du procureur spécial de l'État par le nouveau "bureau du procureur pour le crime organisé et la corruption (le POOCC)" (et la réaffectation des procureurs et la redistribution des dossiers qui en découlent) et à supprimer le procureur spécial de l'État ont été abandonnées. En outre, les infractions disciplinaires (passibles de révocation) précédemment proposées, à savoir les "actions contraires aux compétences légalement prescrites" et le "manquement aux obligations légalement prescrites", ont été abandonnées. Le projet révisé ne tente plus de supprimer la garantie juridique essentielle selon laquelle un procureur (y compris le procureur spécial d'État) ne peut être révoqué que pour une infraction disciplinaire prévue par la loi, dans le cadre d'une procédure régulière et avec un droit d'appel. La Commission de Venise se félicite que ses principales recommandations à cet égard aient été pleinement prises en compte. 65. En ce qui concerne le mode d'élection des membres non professionnels, la Commission de Venise rappelle qu'il est nécessaire de veiller à ce que le Conseil des procureurs ne soit pas politisé. La Commission ne considère pas que l'élection par le parlement à la majorité simple soit propice à la neutralité politique ou du moins au pluralisme. Lorsque les systèmes de vote à la majorité qualifiée ou à la proportionnelle n'apparaissent pas comme une solution acceptable, la majorité simple ne peut être acceptée comme solution transitoire que si elle est assortie de garanties et de sauvegardes supplémentaires solides. 66. En ce qui concerne les membres non professionnels, le projet révisé maintient que leur nombre est porté à 5 et que leur élection se fait à la majorité simple. Toutefois, il contient deux propositions visant à atténuer le risque de politisation et de conflits d'intérêts. En premier lieu, de nouveaux critères d'inéligibilité seront introduits pour les membres non professionnels - également pour les membres procureurs - du Conseil des procureurs. Ces nouveaux critères créent une "distance de sécurité" entre les membres non professionnels et les partis politiques, ce qui rendra le CP plus neutre sur le plan politique. Ils sont donc les bienvenus ; une procédure devrait être élaborée afin de vérifier que ces critères continuent d'être remplis tout au long du mandat. 67. Deuxièmement, selon le projet révisé, l'un des membres non professionnels serait désigné par des ONG sélectionnées et sa nomination serait approuvée par le Parlement. Le candidat proposé par ces ONG ne devrait pas figurer parmi les candidats membres non professionnels. Le Parlement devrait voter séparément sur ce candidat. Les auteurs du projet révisé ont conçu un système qui tente de résoudre la difficulté de garantir que ce candidat représente la "société civile". Plusieurs critères ont été introduits pour sélectionner les ONG habilitées à présenter des candidats: exister depuis plus de trois ans, avoir travaillé dans le domaine de l'état de droit et avoir mis en œuvre des projets dans ce domaine avec un budget de plus de 20 000 euros par an. La Commission trouve positif que le projet révisé introduise certains critères, garanties et seuils objectifs, même s'il est difficile de dire si ceux-ci sont réalistes et s'ils peuvent effectivement garantir le caractère représentatif du processus à moyen et long terme. La représentativité serait accrue si le critère d'égalité formelle de toutes les ONG était abandonné et si les ONG les plus expérimentées et les plus anciennes avaient le droit de présenter plus d'un candidat. En tout état de cause, la loi devrait prévoir un mécanisme de sélection d'un candidat, s'il arrivait qu'aucun candidat ne reçoive plus de désignations que les autres. Le choix doit rester entre les mains des ONG, il ne doit pas être laissé à la discrétion du Parlement. 68. De l'avis de la Commission, les deux propositions contenues dans le projet révisé vont dans la bonne direction pour réduire la politisation, mais dans l'ensemble elles ne sont pas encore suffisantes pour éliminer complètement les risques de politisation qui sont inhérents à l'élection à la majorité simple. La Commission encourage les autorités monténégrines à poursuivre la réflexion et à améliorer leur modèle. 69. Le projet révisé maintient la disposition prévoyant le remplacement immédiat de tous les membres actuels du CP dès l'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire avant la fin de leur mandat (qui expire le 22 janvier 2022). La Commission a précédemment déclaré, à propos des conseils judiciaires, qu'étant donné que l'une de leurs fonctions importantes est de protéger les juges de toute influence politique, "il serait incohérent de permettre un renouvellement complet de la composition d'un conseil judiciaire à la suite d'élections parlementaires". La Commission de Venise a estimé en revanche que le renouvellement complet des membres ne pouvait se justifier que lorsque le mode de désignation passait de la majorité simple à la majorité qualifiée, car le risque de politisation du conseil était alors moindre. 70. La Commission de Venise n'est pas convaincue que l'étendue de la réforme est suffisante à cet égard, même si elle contient plusieurs éléments positifs susceptibles d'atténuer le risque de politisation induit par l'élection à la majorité simple. En conséquence, la Commission ne considère pas que la résiliation du mandat de tous les membres actuels du Conseil des procureurs serait justifiée. Cela reviendrait à porter gravement atteinte à son indépendance. 71. Toutefois, la Commission estime que les critères d'inéligibilité introduits par le projet devraient devenir immédiatement applicables à tous les membres du CP. Une procédure devrait être élaborée pour évaluer leur éventuelle inéligibilité à la lumière de ces critères, et l'équilibre entre les membres non professionnels et les membres du parquet devrait être réévalué à l'issue de cet exercice, en prenant les dispositions nécessaires, si besoin est. 72. En ce qui concerne la nomination d'un procureur intérimaire par le CP, bien que la Commission n'y soit pas favorable, il semble que le départ à la retraite prévu du procureur général conduira à une impasse constitutionnelle, de sorte qu’un arrangement transitoire pourrait être nécessaire. Il existe de solides arguments en faveur de la sélection d'un PG intérimaire dans les rangs des principaux procureurs actuels. La Commission souligne néanmoins que ces dispositions transitoires ne représentent pas une solution à la question sérieuse de la nécessité de trouver un large consensus politique sur le prochain Procureur général. 73. Enfin, la loi devrait indiquer explicitement que l'obligation des deux procureurs principaux de présenter des rapports réguliers et spéciaux devant le Parlement et ses commissions n'inclut pas les affaires individuelles, en cours ou terminées, et/ou qu'il devrait être possible de donner une justification raisonnable à l'absence ou au refus de le faire. 74. Dans ses commentaires sur le projet d'avis d'urgence, le Vice-Premier ministre s'est déclaré satisfait que la Commission reconnaisse que les amendements révisés représentent une amélioration par rapport à la version précédente ; il a reconnu que le processus de consultation pourrait être amélioré. En ce qui concerne les recommandations de la Commission, il a déclaré qu'elles seraient prises en considération par les autorités, bien qu'il ait maintenu sa position quant à la nécessité de remplacer tous les membres du CP (mais il a offert une compensation monétaire) et quant à l'opportunité de choisir le PG intérimaire parmi les non-procureurs. Le Vice-Premier ministre a également exprimé l'engagement des autorités en faveur du dialogue politique afin d'élire un nouveau PG. Enfin, il a exprimé son ouverture à la recommandation de la Commission d'exclure les cas individuels des obligations de rapport des hauts procureurs. 75. La Commission de Venise salue les efforts des autorités monténégrines pour trouver une solution conforme aux normes européennes, les encourage à poursuivre ces efforts et reste à leur disposition pour toute assistance supplémentaire en la matière.

07/2021
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