Demandé par : Kirghizistan, Ministre de la Justice
Mesures recommandées :
41. La Commission de Venise note que l'hospitalisation obligatoire des personnes atteintes de troubles mentaux/comportementaux dans un établissement psychiatrique ou centre de traitement est déjà réglementée par la législation kirghize, qui n'est pas toutefois couverte par le présent avis. En outre, la police a l'obligation d'aider le personnel médical à cet égard, notamment en garantissant son accès à la personne concernée, en assurant la sécurité de la personne et d'autres personnes et en retrouvant et détenant la personne aux fins de l'hospitalisation obligatoire. Il n’est toujours pas clair pour quelle raison le cadre juridique existant est considéré insuffisant pour traiter le transfert obligatoire de délinquants en état d’ébriété en vue d'un traitement médicamenteux d'urgence.
42. Etant donné la nature complexe de la question, y compris, entre autres, les droits humains et les aspects médicaux, la Commission de Venise invite les autorités à assurer un dialogue significatif entre les organismes publics compétents, la société civile et toutes les autres parties prenantes concernées afin de parvenir à un large consensus sur la politique concernant le mécanisme de transfert obligatoire et la pertinence de compléter la législation actuelle.
43. La Commission de Venise considère que le fait d'autoriser la police à transférer obligatoirement des délinquants en état d'ébriété dans un établissement médical, dans tous les cas, sans obtenir de preuve médicale d'un professionnel de la santé, comporte des risques considérables. Donner à la police le pouvoir de décider de l'application d'une mesure médicale urgente sans preuve/expertise médicale comporte de sérieux risques d'arbitraire.
44. Dans l'ensemble, la Commission de Venise estime que non seulement la législation pertinente mais aussi sa mise en œuvre sera d'une importance cruciale pour le respect des droits humains conformément aux normes internationales, qui définissent un certain nombre de critères mentionnés ci-dessus. La nature interdépendante du travail de la police et des services médicaux doit être clairement définie et mise en œuvre. À cet égard, la législation devrait être complétée par des règlements/protocoles définissant clairement le rôle de chaque organe (police et soins de santé) et la manière de réagir et d'interagir lors du transfert obligatoire de délinquants en état d’ébriété, tout en respectant les garanties prévues par la loi.
45. En ce qui concerne le projet de loi, si les autorités parviennent à un consensus pour compléter la législation actuelle, la Commission de Venise considère qu'il doit être aligné sur les normes internationales sur un certain nombre d'aspects. Par conséquent, la Commission formule les recommandations clés suivantes et note que des recommandations plus détaillées figurent dans le texte du présent avis :
- définir et clarifier la portée des concepts utilisés dans le projet de loi, conformément à la législation nationale et aux normes internationales pertinentes ;
- préciser le champ d'action des forces de l'ordre ainsi que leur obligation d'assistance et d'interaction avec le personnel médical ;
- préciser que le transfert obligatoire doit être une mesure de dernier recours après que d'autres mesures moins graves se sont révélées insuffisantes ;
- prévoir que, dans certaines catégories de cas, les preuves médicales sont nécessaires pour décider du transfert obligatoire et de l'institution concernée ;
- prévoir explicitement dans le projet de loi toutes les garanties nécessaires en ce qui concerne la durée du transfert, l'examen médical obligatoire à l'arrivée, la durée de l'hospitalisation obligatoire, les périodiques évaluations indépendantes et l'obligation d'informer les parents/représentants légaux) ;
- interdire explicitement le recours punitif au transfert obligatoire afin de garantir que la mise en œuvre des dispositions du projet n’entraîne pas une détention administrative déguisée, en violation des garanties appropriées pour protéger les droits des individus, et garantir que les mesures de transfert obligatoire sont appliquées de manière équitable, légale et avec une contrôle approprié.