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Retour Les victimes de violations des droits de l'homme méritent mieux

Point de vue

Il est important de veiller à ce que les tortionnaires et tous les autres auteurs de violations des droits de l'homme paient pour leurs crimes, mais il ne faut pas oublier leurs victimes. Souvent, les épreuves qu’elles ont endurées les ont traumatisées, ont bouleversé leur vie et les privent de toute perspective d’avenir. Pour que justice soit faite, les victimes doivent obtenir réparation.

Le droit à un recours et à réparation est un droit fondamental. Il est protégé par de nombreux instruments internationaux, dont la Convention européenne des Droits de l'Homme (article 13). Les victimes d’atteintes graves aux droits de l'homme et au droit humanitaire doivent obtenir réparation de la souffrance et du préjudice subis.

La réparation est la dernière étape du processus de protection des droits de l'homme. Premièrement, il faut empêcher que des violations des droits de l'homme ne se produisent. Deuxièmement, si une violation se produit, elle doit donner lieu à une enquête des pouvoirs publics (rapide, minutieuse et impartiale). Troisièmement, les victimes doivent avoir accès à la justice. Enfin, elles ont droit à une réparation adéquate.

C’est peut-être aussi parce que la réparation est la dernière étape qu’elle est souvent négligée.

En 1993, dans une étude concernant le droit à restitution, à indemnisation et à réadaptation des victimes de violations flagrantes des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Theo van Boven concluait que la question de la réparation n’avait pas fait l’objet d’une attention suffisante et devrait être étudiée de manière plus systématique et plus approfondie tant au niveau international qu’au niveau national.

Aujourd’hui, la question de la réparation due aux victimes ne reçoit toujours pas l’attention qu’elle mérite. Pas même face aux nombreux cas de personnes détenues illégalement et torturées pendant la « guerre contre le terrorisme » n’est affirmée avec fermeté la nécessité d’une juste indemnisation. Les gouvernements éludent la question et laissent les anciens détenus se débattre dans des procédures judiciaires complexes pour faire valoir leurs droits.

Qu’entend-on concrètement par réparation ? L’indemnisation financière est la forme de réparation la plus répandue. Si certains dommages se prêtent à une évaluation économique (la perte de revenus ou les frais d’une assistance, par exemple), d’autres ne peuvent être chiffrés. Je pense ici au préjudice physique ou psychologique et au dommage moral.

Cela dit, les victimes n’attendent pas seulement une indemnisation financière. Il y a aussi d’autres formes de réparation :

la restitution, qui vise à rétablir la situation antérieure à la violation ; elle comprend, par exemple, la libération des détenus, la restitution des biens confisqués et le retour à l’emploi ;

la réadaptation : accès à des services juridiques et sociaux et prise en charge médicale et psychologique ;

la satisfaction, qui peut englober la vérification des faits, la divulgation publique de la vérité et des excuses publiques, et un hommage à la victime ;

la révélation de la vérité, forme de catharsis pour la société, qui contribue à éviter que des violations ne se reproduisent ;

- des garanties de non-répétition, qui peuvent consister à réformer des lois ou des institutions pour améliorer le respect du principe de primauté du droit.

Ces différentes formes de réparation sont d’ailleurs décrites dans un document des Nations Unies intitulé « Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire », adopté par l’Assemblée générale le 21 mars 2006.

En adoptant une approche axée sur la victime, nous affirmons notre solidarité avec les victimes de violations flagrantes des droits de l'homme. Nous tentons de les dédommager des conséquences qu’a eues pour elles l’incapacité de l’Etat à empêcher que certains risques ne se réalisent et ne causent des préjudices.

Bien entendu, la réparation ne permet jamais d’effacer toutes les conséquences d’une violation. Les violations graves des droits de l'homme sont irréparables. Mais cela ne doit pas nous faire renoncer à lutter pour que justice soit rendue aux victimes. Les « Principes fondamentaux » de l’ONU forment une bonne base pour mettre en œuvre les différents aspects de la réparation, composante essentielle de la protection des droits de l'homme.

Thomas Hammarberg

Strasbourg 23/07/2007
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