D’aucuns pourraient soutenir que le modèle de la relation thérapeutique est dépassé, car « la notion de patients se plaçant entre les mains d’un médecin et sollicitant son avis d’expert est remplacée par le concept de patients produisant des connaissances de santé et acquérant des connaissances d’expert pour gérer leur maladie par eux-mêmes ». Cette caractérisation de la médecine suggère que les relations médecin-patient ont évolué et peuvent faire sans difficulté une place à l’IA, sans que cela n’ait d’influence sur la nature de la prise en charge médicale.

Avec l’évolution de la pratique de la médecine face aux nouvelles technologies, « une partie du passé est inévitablement perdue, pas toujours pour le pire ». La médecine connaît depuis longtemps des avancées technologiques qui bousculent le modèle traditionnel dans lequel les soins sont prodigués au patient de manière individuelle et en personne par le médecin. Internet a, par exemple, donné aux patients les moyens d’accéder à un plus grand volume de données médicales, mais a entraîné de nouveaux risques découlant d’informations trompeuses ou inexactes. L’intégration de nouvelles parties prenantes dans les relations de soins n’est pas problématique en elle-même, mais doit être mesurée en termes de conséquences sur la relation thérapeutique et sur les fins de la médecine, autrement dit, en termes de conséquences sur la prise en charge du patient.

La relation thérapeutique doit être comprise comme un cadre idéaliste régissant la relation entre les médecins « experts » et les patients « vulnérables ». En tant qu’idéal, ce modèle ne reflète pas celui des soins au « patient autonomisé », qui est apparu en parallèle ces dernières décennies. En partant du principe que la médecine moderne se caractérise par des patients « autonomisés » qui affaiblissent la position privilégiée des médecins comme « experts », on ne saurait présumer que confiance et guérison vont de pair.