Le présent rapport est une compilation de bonnes pratiques destinées à promouvoir les mesures volontaires dans les soins et le soutien en santé mentale. Il reprend les pratiques communiquées au Secrétariat du DH-BIO par les délégations représentant les 47 États membres du Conseil de l’Europe (CdE) et par des parties prenantes de la société civile. Ce recueil poursuit l’objectif fixé par le Plan d'action stratégique sur les droits de l'Homme et les technologies en biomédecine (2020-2025) consistant à :

aider les États membres [en élaborant] un recueil des bonnes pratiques pour promouvoir les mesures volontaires dans les soins de santé mentale, à la fois au niveau préventif et dans les situations de crise, en se concentrant sur des exemples dans les États membres.

Certaines pratiques visent directement à prévenir, limiter ou éliminer les mesures coercitives dans les établissements de santé mentale et d’autres produisent indirectement les mêmes effets en progressant vers un objectif général de promotion des mesures volontaires dans les soins et le soutien en santé mentale.

Ce recueil ne prétend pas dresser une liste exhaustive des pratiques exemplaires émanant des États membres du CdE. Il constitue plutôt une première étape dans la compilation des pratiques destinées à promouvoir les soins et le soutien volontaires en santé mentale et à éliminer les pratiques coercitives dans les établissements psychiatriques. De manière générale, les documents communiqués prônent le respect de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), nonobstant les débats sur la coercition en matière de santé mentale dont il est question à la Partie 1(B) de ce rapport.

Retour Réduite la contention mécanique et l’isolement dans les unités psychiatriques d’hospitalisation en soins aigus

En Europe, il est légal d’isoler des personnes et/ou de les soumettre à des mesures restrictives dans des services de santé mentale ou d’autres établissements afin de contrôler ou de gérer leur comportement. Les autorités publiques, les services de santé mentale et d’autres instances ont entrepris de réduire et même d’éliminer le recours à la contention et à l’isolement (voir par ex., Gooding et al., 2020 ; Hirsch & Steinert, 2019). Deux pratiques ont été soumises à ce propos pour figurer dans ce recueil.


 Lovisenberg diaconal hospital, clinique de santé mentale – Norvège

Des efforts concertés ont été entrepris dans un grand hôpital d’Oslo (Norvège) pour limiter le recours à la contention mécanique dans une unité psychiatrique ; cette initiative a permis de réduire l’usage des contentions mécaniques de 85 % sur la durée de cinq ans de l’étude (2012-17) (contribution n° 17A). Le Lovisenberg diaconal hospital, une clinique de santé mentale, est situé dans une région confrontée à d’importantes difficultés socio-économiques.

Le projet était axé sur le perfectionnement professionnel des équipes de travail, et impliquait des interventions ciblées sur les professionnels de santé du service. L’objectif était d’améliorer les compétences du personnel dans la prise en charge des épisodes d’agression au moyen de formations et d’orientations. L’objectif clair et ambitieux de cette intervention était de réduire le recours à la contention mécanique. Cette initiative comprenait les mesures suivantes :

  • Supprimer des unités les lits équipés de sangles apparentes pour la contention mécanique ;
  • Enregistrer quotidiennement les jours sans recours à la contention mécanique dans un calendrier pour le personnel ;
  • Mette en œuvre une évaluation systématique de l’utilisation de la violence chez l’ensemble des patients (plusieurs outils sont disponibles à cet effet) en insistant sur la recherche des causes de l’agression ;
  • Mettre en œuvre une procédure de routine pour informer les nouveaux patients des méthodes du service en cas d’agression et de conflit.
  • Modifier l’environnement physique et l’attitude du personnel pour montrer que l’usager peut échapper à des situations tendues et ne pas avoir le sentiment d’être pris au piège, en se voyant proposer, par exemple, une couverture sur le canapé plutôt que d’être contraint de regagner sa chambre lorsqu’il a sommeil ;
  • Faciliter et encourager des principes qui favorisent une « organisation axée sur l’apprentissage ». La nouvelle pratique mise en place est conforme aux théories psychologiques actuelles sur l’agressivité ;
  • Les règles du service ont été revues et réduites autant que possible. Certaines règles du service étaient considérées comme une provocation par certains patients, etc.

Le projet portait sur les admissions en soins aigus et les 40 premières heures au sein d’unités d’hospitalisation en soins aigus. Les expériences antérieures montrent que la plupart des épisodes de contention mécanique surviennent durant les six premières heures suivant l’admission dans le service, d’où l’importance de planifier une intervention dans les premières heures qui suivent une admission afin de prévenir le recours à la contention mécanique.

Une fois encore, au cours des cinq années qui ont suivi le début de cette initiative, les taux de contention mécanique ont baissé de 85 % (contribution n° 17A). Durant cette période, les cas de blessures ou les congés de maladie du personnel n’ont pas augmenté. La durée moyenne de la contrainte physique était de huit minutes pour les femmes et de 13 minutes pour les hommes. L’intervention ciblée est désormais appliquée dans le cadre de la prise en charge régulière et les résultats sont visiblement stables dans la durée. Les autorités de santé de la région de Norvège (HelseSørØst) où cet essai a eu lieu ont décidé de transposer les principes de ce projet dans la pratique régulière de tous les hôpitaux psychiatriques de cette région. Elles ont désormais rendu cette pratique obligatoire et des contrôles sont effectués.

Selon les données communiquées, cette initiative n’a pas eu d’incidence sur les coûts, car elle n’a pas nécessité de ressources en personnel ni de coûts supplémentaires. Il est mentionné que les usagers ont participé à la mise au point de l’outil d’évaluation de l’agressivité et les organisations d’usagers ont soutenu ce projet (contribution n° 17A).

Les facteurs qui ont facilité la mise en œuvre de cette pratique sont les suivants : adhésion de la direction au projet ; participation de tous les membres du personnel au projet ; développement local ; simplicité des initiatives ; personnel responsable des interactions avec les patients avant l’émergence de conflits, etc. Les obstacles rencontrés ont été les suivants : taille et complexité des hôpitaux (rendant difficile l'adoption de nouvelles pratiques) ; difficulté à maintenir de nouvelles habitudes ; réticence initiale de certains membres du personnel, critiques à l’égard du projet au motif qu’il n’était pas défendable ni professionnel et qu'il risquait d’engendrer des situations dangereuses ; maintien de bonnes pratiques en période d’insuffisante de temps et de ressources, etc. (Pour de plus amples informations, voir : Halvorsen, 2016 ; Vel et al., 2016)


Six stratégies fondamentales pour réduire les pratiques d’isolement et de contention – Espagne et niveau international

En 2017, l’Andalousie (Espagne) a adopté une initiative s’inspirant des « Six stratégies fondamentales pour réduire l’isolement et le recours à la contention » dans les services psychiatriques pour adultes. Selon les sources, elle a eu pour effet une diminution de 15 % de la durée totale d’exposition des usagers à des mesures de contention mécanique en Andalousie (contribution n° 9). L’Andalousie est une vaste région de l’Espagne (8,4 millions d’habitants) qui comporte 20 unités psychiatriques d’hospitalisation en soins aigus En 2011, un groupe de travail sur les droits humains et la santé mentale a été créé au sein du Bureau régional de santé mentale du Service de santé andalou. Ce groupe a élaboré un « Plan de santé mentale complet pour l’Andalousie » destiné à appliquer la CDPH dans les pratiques quotidiennes des services de santé mentale. (Les autres pratiques faisant partie de ce plan sont abordées à la p.2).

Le programme des « six stratégies fondamentales » sur lequel les autorités de santé andalouses se sont appuyées, a été appliqué par plusieurs pays dans le cadre d’initiatives visant à prévenir et réduire la contention. À l’origine, ces stratégies ont été établies en 2005 par le Centre national d’assistance technique des États-Unis (2005) et elles sont décrites ci-après.

Six stratégies fondamentales pour réduire l’utilisation de l’isolement et de la contention (Centre national d’assistance technique des États-Unis 2005))

  1. « Leadership favorable au changement organisationnel » -  définir une philosophie des soins qui prévoit de réduire l’isolement et de la contention ;
  2. « Techniques de débriefing » — analyser les raisons qui ont entraîné l’isolement et la contention et évaluer les conséquences de ces pratiques sur les personnes ayant une expérience vécue.
  3. « Rôle des usagers dans le contexte de l’hospitalisation — notamment les patients, soignants et représentants des usagers dans les initiatives de réduction de l’isolement et de la contention ; et
  4. « Utiliser des outils pour réduire l’isolement et la contention » — utiliser des évaluations et des ressources pour une prévention individualisée des agressions ;
  5. « Effectifs » — mettre au point des procédures, pratiques et formations basées sur les compétences et principes du rétablissement en matière de santé mentale ;
  6. « Utiliser les données pour éclairer la pratique » — utiliser les données de façon empirique, « non punitive » pour examiner et contrôler les modes d’utilisation de l’isolement et la contention ;

Ces stratégies ont été appliquées dans des services aux États-Unis, au Canada, en Espagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande et elles font l’objet d’un nombre croissant d’études (pour de plus amples informations, voir Melbourne Social Equity Institute, 2014).

En Andalousie, cette initiative s’est déroulée selon les phases suivantes :

  1. Leadership et création d’un groupe principal : Un groupe principal a été créé en mai 2015 et des réunions périodiques en face à face ont été organisées avec les cadres infirmiers et médecins coordinateurs de 20 unités psychiatriques d’hospitalisation en soins aigus.
  2. Analyse de la situation, coordination et retour d’expérience : Une plateforme virtuelle a été créée pour faciliter la communication entre le groupe principal et les responsables des unités. Le groupe a échangé des informations sur les stratégies ainsi que les expériences des unités elles-mêmes afin de tenir compte des progrès enregistrés localement en matière de réduction de la contention mécanique.
  3. Formation de sensibilisation des chefs de service : Les cadres infirmiers et médecins coordinateurs de 20 unités psychiatriques d’hospitalisation en soins aigus ont suivi une formation de sensibilisation d’une journée en 2016.
  4. Système unifié d’enregistrement de la contention mécanique en Andalousie : À des fins de suivi, le groupe principal a mis au point un système d’enregistrement unifié de tous les épisodes de contention mécanique dans l’ensemble des unités d’hospitalisation andalouses. Ce dispositif reposait sur les registres de contention mécanique des 20 unités. Le groupe a défini des indicateurs clés pour une évaluation en continu. Une base de données a été créée en juillet 2016 et depuis cette date, le Bureau régional de santé mentale du Service de santé andalou, avec le concours des chefs de clinique régionaux, procède à une évaluation régulière des données.
  5. Élaboration de deux cours de formation à l’échelon local dans chaque unité. Les supports de formation ont été mis à la disposition des chefs de service via la plateforme virtuelle. 
  • Une formation d’une durée de 7 heures a été mise au point en 2017 dans le but de limiter le recours à la contention mécanique. Le cours a commencé en avril 2018.
  • En 2018, une formation de 7 heures a été consacrée à l’examen des épisodes de contention mécanique et aux moyens pour les éviter. Cette formation consistait à revenir sur les épisodes survenus dans l’unité à une période précise, à apprendre à examiner en détail certains épisodes de contention mécanique entre professionnels et à les analyser avec la participation des usagers du service. Le cours a démarré en 2019.

Le Groupe de travail a surveillé le pourcentage d’épisodes de contention mécanique, le pourcentage de personnes différentes exposées à une contention mécanique, le nombre total d’heures, la durée moyenne, l’occupation des lits de l’unité au moment de l’épisode de contention mécanique, les diagnostics cliniques, le motif de recours à la contention et l’état de la personne, le sexe et l’origine de la personne (p. ex., Espagne, Europe). Il a également recueilli des données relatives à l’impact des formations sur les connaissances de l’équipe.

Dans l’ensemble de l’Andalousie, les données montrent une réduction du nombre total d’heures de contention mécanique de 15 % sur la période 2017-2019, mais il subsiste des écarts importants entre les unités.

Les indicateurs de réduction englobaient le nombre d'épisodes, le nombre de personnes différentes et la durée moyenne de la contention, les résultats étant tous analysés au niveau hospitalier.

Vingt-huit formations ont été organisées dans l’ensemble des unités en 2018 et 15 formations en 2019. Au total, 615 professionnels de toutes catégories y ont participé, en particulier dans le domaine des soins infirmiers et de la psychiatrie. Le niveau de satisfaction global à l'égard de cette formation a été élevé (sur une échelle de 1 à 10, la note moyenne était 8, en 2018 et 9 en 2019).

Selon les sources, la participation de l'école andalouse de santé publique (« Andalusian School of Public Health ») a été déterminante pour cette initiative en raison de son expérience dans le domaine des droits humains, de la CDPH, des méthodologies de mise en œuvre et de ses travaux antérieurs avec les services de santé mentale du Service de santé andalou. Bien qu’elle fasse partie du système de santé publique andalou, l'école andalouse de santé publique conserve une certaine autonomie et n’est pas fortement centrée sur les études cliniques, ce qui, selon les sources, était « important pour une remise en question de la contention mécanique sous l’angle des droits humains » (contribution n° 9). Les autres facteurs utiles ont été les suivants : implication des responsables cliniques locaux ; intégration de l’objectif de réduction de la contention dans la politique au sens large ou dans le Plan de l’Andalousie en matière de santé mentale ; capacité à recueillir des données de bonne qualité pour faire ressortir les écarts importants entre des unités similaires, mettant ainsi en évidence « l'impact considérable de la culture d’une unité sur les taux de contention mécanique » ; et « l'opinion publique critique à l’égard de la contention mécanique, et la nécessité [d']éliminer cette pratique, en favorisant notamment la liberté de mouvement des usagers » (contribution n° 9).

Parmi les obstacles signalés, citons la culture négative des unités et les compétences (connaissances, aptitudes et attitudes) des professionnels. Des écarts considérables ont été observés entre les 20 unités, y compris des différences « initiales » entre les taux de contention appliqués. Il est toutefois signalé que l’échange de pratiques positives entre les unités a été un précieux atout. Selon les sources, l’Espagne n’a pas une législation claire en matière de contention mécanique et la CDPH doit être mieux intégrée dans la législation. 

La contribution fait part de certaines inquiétudes relatives à l’absence d’autres initiatives importantes pour limiter les pratiques coercitives en Andalousie, comme la planification anticipée, le « traitement communautaire volontaire, l'hospitalisation à domicile et d'autres solutions qui permettraient de prévenir les hospitalisations, et par conséquent le risque d'exposition à des mesures coercitives comme la contention mécanique ». Selon cette contribution, le groupe de travail cherche à mobiliser davantage de ressources pour ces autres initiatives.

  • Diminuer la taille du texte
  • Augmenter la taille du texte
  • Imprimer la page
EXAMPLES OF PRACTICES
Community-Based
Hospital-Based
Hybrid
Other
Country
Albanie
Andorre
Arménie
Autriche
Azerbaïdjan
Belgique
Bosnie-Herzégovine
Bulgarie
Croatie
Chypre
République tchèque
Danemark
Estonie
Finlande
France
Géorgie
Allemagne
Grèce
Hongrie
Islande
International
Irlande
Italie
Lettonie
Liechtenstein
Lituanie
Luxembourg
Malte
Monaco
Monténégro
Macédoine du Nord
Norvège
Pays-Bas
Pologne
Portugal
République de Moldova
Roumanie
Saint-Marin
Serbie
République slovaque
Slovénie
Espagne
Suède
Suisse
Türkiye
Ukraine
Royaume-Uni
Reset Filter