Les organes de contrôle des Nations Unies et la protection des droits des enfants Jane Connors
Le droit international offre, on le sait, un cadre solide de promotion et de protection des droits fondamentaux des enfants. D’ailleurs, l’obligation de protéger le droit des enfants a été prise en compte par plusieurs des premiers traités multilatéraux internationaux, notamment la Convention de 1926 sur l’esclavage. Mais c’est avec la création de l’Organisation des Nations Unies dont la Charte proclame que la promotion et l’encouragement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, est l’un des buts principaux de l’organisation, qu’ont été jetées les fondations d’un système juridique international global de la protection des droits de l’homme qui existe aujourd’hui et auquel les enfants, en tant qu’êtres humains, ont pleinement droit. Les enfants ont aussi le droit de bénéficier de la protection consacrée dans les instruments juridiques relevant du droit international pénal et humanitaire et du droit international du travail. On trouvera ci-après une présentation du système des traités et des mécanismes des droits de l’homme, sous l’angle de la protection des enfants. Sans minimiser nullement le rôle de la Convention relative aux droits de l’enfant, de ses protocoles facultatifs et des travaux du comité, nous ne les traiterons pas ici en profondeur puisqu’ils font l’objet d’autres communications. Normes des droits de l’homme Depuis l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, plus de 60 traités des Nations Unies ont été élaborés sur des sujets aussi variés que l’esclavage, l’administration de la justice, le génocide, la situation des réfugiés et des minorités et les droits de l’homme. Ils se fondent tous sur les principes de non discrimination, d’égalité et de reconnaissance de la dignité de la personne. En conséquence, les droits et mesures de protection qu’ils contiennent s’appliquent à tous sur un pied d’égalité, y compris aux enfants. Les enfants sont donc fondés à bénéficier des droits et protection inscrits dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CRC) ainsi que dans sept autres traités des Nations Unis relatifs aux droits de l’homme : la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, les Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et politiques; la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ; la Convention de 1984 contre la torture et autres peine ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant et la Convention internationale de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. La protection substantielle prévue par ces traités est étendue par le Protocole facultatif de 1979 sur la peine de mort se rapportant au Pacte relatif aux droits civils et politiques et les deux protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant respectivement la participation des enfants aux conflits armés et sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants qui ont été adoptés respectivement en 2000. Deux nouveaux traités des droits de l’homme, tous deux adoptés en décembre 2006, et actuellement ouverts à la signature, à la ratification et à l’adhésion des Etats – la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention sur le droit des personnes handicapées – offrent de nouvelles possibilités de protection. La Convention relative aux
droits de l’enfant et ses protocoles facultatifs créent un ensemble de
principes et de normes juridiques qui régissent toute la législation, les
politiques et les pratiques concernant les enfants. La plupart des traités
généraux prévoient aussi une protection particulière pour les enfants. Le
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
dispose par exemple que les Etats parties reconnaissent qu’il faut protéger
les enfants et les adolescents contre l’exploitation économique et sociale
et sanctionner par la loi l’emploi des enfants dans des travaux dangereux
pour leur moral, leur santé, leur vie ou susceptible d’entraver leur
développement normal. Il demande également aux Etats de fixer des limites
d’âge en dessous desquelles l’emploi rétribué des enfants doit être interdit
et sanctionné par la loi. Le pacte international relatif aux droits civils
et politiques prévoit que la peine de mort ne saurait être appliquée pour
des crimes commis par des personnes âgées de moins de dix-huit ans, que
chaque enfant doit avoir le droit aux que requiert son statut de mineur sans
discrimination, et comprend un certain nombre de dispositions concernant le
traitement des enfants pour ce qui est des peines, des arrestations et de la
détention. L’article 16.2 de Convention sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des femmes, pleinement applicable aux
jeunes filles âgées de moins de dix-huit ans, prévoit que les fiançailles et
le mariage d’un enfant n’auront aucun effet légal et que toutes les mesures
nécessaires, y compris législatives, doivent être prises par les Etats pour
spécifier un âge minimum pour le mariage et rendre obligatoire
l’enregistrement des mariages dans un registre officiel. L’importance des
dispositions spécifiques à la protection et à la promotion des droits de
l’enfant a été souvent soulignée par de nombreuses délégations et les
observateurs non gouvernementaux au cours des négociations qui ont débouché
sur l’adoption de la Convention sur les droits des personnes handicapées.
La mise en œuvre de chacun des traités importants, y compris ceux qui ne sont pas encore entrés en vigueur, est contrôlée par un organe conventionnel comprenant un comité d’experts indépendants – composé de 10 à 23 membres – nommés et élus par les Etats parties, qui agissent en leur qualité individuelle. Un huitième organe conventionnel, le sous-comité de la prévention de la torture créé par le Protocole facultatif à la Convention contre la torture, et mandaté pour effectuer des visites dans des lieux où des personnes (y compris des enfants) sont privées de liberté, afin de prévenir la torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants et pour interagir avec les mécanismes nationaux de prévention, a commencé ses travaux cette année et effectuera sa première visite en octobre 2007. Les comités contrôlent la mise en œuvre du traité par tout un arsenal de procédures. Chacun examine la mise en œuvre en étudiant les rapports soumis par les Etats parties en présence des représentants des Etats et formule ensuite des conclusions contenant des recommandations de mesures à prendre. Cinq des traités actuellement en vigueur prévoient une procédure facultative de communication qui permet, dans les Etats qui ont accepté la procédure, aux individus de saisir l’organe conventionnel compétent en alléguant de violations de leurs droits au titre dudit traité. Une procédure facultative de saisine est possible en ce qui concerne les nouveaux traités alors qu’un protocole facultatif au pacte national relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels qui devrait prévoir une telle procédure est actuellement en cours de négociation. Le Comité contre la torture et le Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes sont compétents pour instruire des violations graves, sérieuses et systématiques des conventions pertinentes dans les Etats qui ont accepté ces procédures. Cette procédure, connue sous le nom de procédure d’enquête, est aussi incluse dans les nouveaux traités. Une procédure de réclamation entre Etats – qui n’a jamais été utilisée – est disponible pour contrôler la mise en œuvre de quatre des traités actuellement en vigueur : cette procédure est aussi prévue dans la Convention contre les disparitions. Un certain nombre de nouveaux mécanismes de suivi sont prévus dans ce traité : l’article 30 permet aux membres de la famille d’une personne disparue (qui pourrait être un enfant), son représentant légal, son conseil ou toute personne agréée par celle-ci ainsi que toute autre personne ayant un intérêt légitime, à présenter une requête au comité pour de rechercher et trouver d’urgence la personne en question ; l’article 34 permet au comité de porter une pratique de disparitions fréquentes ou systématiques sur le territoire soumis à la juridiction d’un Etat partie, à l’attention de l’Assemblée générale après que le comité a demandé des informations sur la question à l’Etat partie concerné. Le projet de protocole facultatif au pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels devrait créer des procédures de communication individuelle et entre Etats ainsi qu’une procédure d’enquête et un système de réclamation collective accessible aux organisations non gouvernementales. Ce dernier et nouvel élément–envisagé par les rédacteurs du protocole facultatif originel à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes – élargirait considérablement l’accessibilité de la procédure de requête actuellement possible pour toutes les personnes qui peuvent démontrer qu’elles sont victimes de violations ou à leurs représentants, et pour toutes les personnes découragées par les questions de procédure ou la crainte de représailles, y compris les enfants. Les organes de contrôle des Nations Unies et les droits de l’enfant On peut envisager avec une relative certitude que d’ici 2010, neuf traités majeurs des Nations Unies en matière de droits de l’homme seront en vigueur et que le sous comité de la prévention de la torture aura bien engagé ses travaux. Il est également probable qu’un protocole facultatif prévoyant davantage de mécanismes de contrôle pour le comité des droits économiques, sociaux et culturels sera finalisé et éventuellement en vigueur. Ainsi, et avec l’impact de la Convention relative aux droits de l’enfant, de ses protocoles facultatifs et des travaux du comité des droits de l’enfant, les normes juridiques internationales relatives aux droits fondamentaux, qu’elles soient générales ou spécifiques, seront en nombre suffisant. Avec l’acceptation quasi universelle de la Convention relative aux droits de l’enfant et la large adoption des traités des droits de l’homme en général, l’élaboration d’autres instruments internationaux contraignants ne devrait pas être nécessaire. Un arsenal de règles ou des recommandation définissant des mesures concrètes pour mettre en œuvre ces normes et régissant des questions particulières comme la violence à l’égard des enfants, pourrait être utile. S’il n’est sans doute pas nécessaire de mettre en place de nouvelles normes, il n’en reste pas moins que les insuffisances constatées dans leur mise en œuvre persisteront et pourraient s’aggraver, faute de capacité ou de volonté politique ; or, les mécanismes actuels de contrôle du respect du droit des enfants pourraient être considérés comme insuffisants pour combler ces lacunes. En examinant les rapports des Etats parties et en formulant des observations de conclusion et des observations générales, élaborées à la lumière des informations obtenues par le système de rapport et d’autres contributions, comme les journées de débat général et les activités de suivi, le Comité des droits de l’enfant a donné des indications aux Etats parties et à d’autres sur le contenu des droits consacrés dans la convention et les mesures requises pour sa pleine mise en œuvre. Les autres organes conventionnels soulèvent également des questions concernant la jouissance des droits des enfants à la lumière des rapports, des observations de conclusion et des observations générales ainsi que des recours individuels et des avis adoptés sur les recours. Par exemple, dans son observation générale sur le droit à l’éducation, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels considère que les châtiments corporels dans le cadre de l’éducation sont en contradiction avec le droit international des droits de l’homme et la dignité de la personne. Le Comité sur l’élimination et la discrimination à l’égard des femmes s’est penché systématiquement sur les droits des jeunes filles, en adoptant des recommandations générales sur les obligations des Etats au titre de la convention concernant l’excision des femmes et exposant les obligations légale des Etats concernant la violence contre les femmes fondée sur leur appartenance sexuelle. Toutefois, la qualité du
contrôle des organes conventionnels dans le cadre de l’examen des rapports
dépend dans une large mesure des informations et du soutien dont il
bénéficie, y compris par le biais des communications reçues du système des
Nations Unies, des ONG et des institutions nationales de droits de l’homme.
Dans ce contexte, l’information est plus facilement accessible au Comité des
droits de l’enfant qu’aux autres organes conventionnels. En outre, le
contrôle par la procédure de rapports est réactif et dépend de la volonté
des Etats de faire rapport - et dans un délai opportun - avec tous les
problèmes que cela comporte. Les requêtes et procédures d’enquêtes offrent
des moyens plus proactifs bien que l’examen des requêtes puisse être aussi
considérablement retardé. Toutefois, les procédures internationales
actuelles en matière de requêtes posent de graves problèmes dans le contexte
des droits de l’enfant et il faut observer que rares sont les requêtes qui
ont été introduites au nom d’enfants et que celles-ci visaient avant tout à
faire valoir les droits des parents ou tuteurs plutôt que ceux des enfants
requérants. Une approche plus large permettant les réclamations collectives
plutôt que des plaintes limitées aux personnes pouvant prouver qu’elles sont
victimes des violations alléguées ou à leurs représentants, pourrait rendre
ces procédures plus accessibles aux enfants. On pourrait aussi s’efforcer de
mieux faire connaître ces procédures aux enfants et de les simplifier. |