Politique de la santé

Rapport sur l'organisation des services de soins de sante dans les etablissements penitentiaires des etats membres

Contents

Preface

Methodologie de l'etude

1. la situation generale

qui est responsable en matiere de soins de sante?

l'etat actuel des prisons

2. les principaux problèmes au niveau de la distribution des soins

SIDA

MST

Tuberculose

Toxicomanie, alcoolisme, hepatite

Information, prévention et education en matière de santé

3. Aspects sociaux

4. Quelques exemples de droits fondamentaux des détenus, avec la question éthique qui s'y rattache

PREFACE 

    Le Comité européen de la Santé est de plus en plus préoccupé de la santé des groupes vulnérables et a décidé de faire une série d'études sur l'organisation des soins de santé des populations institutionalisées.

    La santé des populations placées en institution risque de pâtir de l'insuffisance des soins de santé. Sont en cause les difficultés d'accès aux soins, l'absence de choix, la mauvaise qualité des soins de santé ou, d'une manière générale, un échec possible de la coordination générale des services de soins de santé.

    Une prise en considération des droits des populations placées en institution, à titre de patients et de citoyens, s'impose. Ces droits comprennent notamment le droit de consentir un traitement ou de le refuser et d'exprimer ses préférences personnelles quant au choix du médecin, d'autres professionnels de la santé ou d'institutions et la protection contre la participation des recherches médicales ou scientifiques contraires à l'éthique.

    Dans l'examen de l'organisation des soins de santé des diverses populations placées en institution, le Comité européen de la santé, à sa 32e réunion, en novembre 1992, a créé un groupe de recherches médicales pour examiner, dans un premier stade, l'organisation des soins de santé à l'égard des personnes détenues dans des établissements pénitentiaires, et en particulier :

1. faire le point sur les problèmes de santé particuliers des populations détenues dans des établissements pénitentiaires et poursuivre leur examen;

2. passer en revue les systèmes de soins de santé prévus actuellement pour les populations détenues dans des établissements pénitentiaires et recenser les secteurs où des améliorations sont possibles, par exemple, en ce qui concerne l'accès et l'organisation des soins de santé et la liaison entre les différents systèmes de soins;

3. définir en détail le droit des populations détenues dans des établissements pénitentiaires à des soins de santé appropriés;

4. définir les principes qui devraient régir l'accès des populations détenues dans des établissements pénitentiaires à des soins de santé appropriés et assurer au mieux la sauvegarde de leurs droits.

    Le Groupe était composé des experts suivants :

- Dr Jean Tchériatchoukine, Inspection générale des Affaires sociales, Ministère des Affaires sociales et de l'Intégration, France - Directeur d'études

- Professeur Lazlo Buris - Institut de médecine légale, Université médicale, Debrecen, Hongrie

- Professeur Francesco Di Girolamo, Inspecteur général de la Santé, Administration des établissements pénitentiaires, Rome, Italie

- Professeur C. Kelk, Chief, Institut criminologique, Faculté de Droit, Université d'Utrecht, Pays-Bas

- Dr Marek Rzaczyski, médecin de prison, Varsovie, Pologne.

    METHODOLOGIE DE L'ETUDE  

    Le Groupe d'étude s'est réuni trois fois à Strasbourg
    les 15-16 mars 1993
    les 17-18 février 1994
    les 10-12 octobre 1994

    Un questionnaire a été rédigé et envoyé à tous les Etats membres pour une quête d'informations sur l'organisation des services de santé en prison. Les pays suivants ont répondu au questionnaire : Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, France, Allemagne, Hongrie, Italie, Pays-Bas.

    Chaque membre du Groupe avait pour obligation de visiter un certain nombre d'Etats membres et de recueillir les réponses au questionnaire relatif à ces pays ainsi que dans son propre pays. Les pays suivants ont été visités : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Irlande, Luxembourg, Norvège, Suède, Suisse, Royaume-Uni.

    Des rapports étaient ensuite élaborés sur la situation dans les divers pays membres. Sur la base de ces rapports le Groupe d'études a rédigé un rapport sur la situation actuelle en Europe.

    Bien que le mandat concerne clairement l'organisation des soins de santé dans les prisons, le Groupe d'études a estimé qu'il était opportun d'inclure dans le rapport un chapitre sur les aspects sociaux de la vie pénitentiaire qui a souvent un impact sur la santé du détenu.

    Le questionnaire envoyé aux pays membres ne contenait pas de questions sur les aspects sociaux. Ce chapitre est donc basé uniquement sur des renseignements obtenus durant les visites.

    Le Groupe d'études souligne que le rapport dans son ensemble est basé sur des informations obtenues grâce aux réponses au questionnaire ainsi que sur des discussions et des impressions lors des visites. Le rapport est publié sous la responsabilité des auteurs.

1. LA SITUATION GENERALE 

QUI EST RESPONSABLE EN MATIERE DE SOINS DE SANTE?

    Dans la plupart des pays européens la mise en place de soins de santé dans les prisons est de la responsabilité du ministère de la Justice; et les services médicaux sont organisés par l'Administration pénitentiaire. Toutefois, dans un petit nombre de pays (en Norvège, par exemple), cette mission incombe au ministère de la Santé. Dans certains pays, on a pris des mesures pour associer le ministère de la Santé à cette responsabilité; tel est le cas en France.

    Dans tous les pays les soins de santé sont financés par l'Etat. Au Royaume-Uni ce sont les administrations régionales qui ont la charge du budget; elles participent à l'organisation des services. En Italie c'est, en principe, le ministère de la Justice qui supporte le coût des soins de santé dans les prisons.

    Dans la grande majorité des pays, les détenus peuvent être hospitalisés soit à l'intérieur de la prison, soit à l'extérieur. A Chypre, en Lituanie, au Luxembourg, en Norvège, en Suède et en Turquie, les soins hospitaliers ne peuvent être dispensés qu'à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire.

L'ETAT ACTUEL DES PRISONS

    A quelques exceptions près les établissements pénitentiaires d'Europe sont des bâtiments anciens, qui datent du siècle dernier ou du début de notre siècle; ils ont été construits en fonction des attentes, des normes et des conditions qui prévalaient à l'époque. Malgré les efforts de reconstruction et de rénovation, il est très difficile de modifier l'état originel.

    Cette situation est aggravée dans tous les Etas membres par le surpeuplement pénitentiaire et par le fait que de nombreux détenus sont toxicomanes, sont séropositifs, souffrent de l'hépatite B ou sont porteurs du virus, ou encore sont atteints d'une maladie sexuellement transmissible. Dans certains pays on observe une augmentation du nombre de détenus atteints de tuberculose. On voit aussi augmenter, au sein de la population carcérale le nombre des malades mentaux. L'amélioration de l'hygiène est un aspect étroitement lié aux soins de santé. Il y a beaucoup trop d'établissements dans lesquels les conditions d'hygiène sont inacceptables. De même, la traditionnelle douche hebdomadaire instituée dans nombre de prisons est inacceptable du point de vue du maintien de l'hygiène personnelle. En outre, beaucoup d'établissements pénitentiaires sont trop grands. Il peut difficilement s'y établir de bons contacts personnels entre détenus conseillers; de même, ces établissements se prêtent mal à l'élaboration de programmes éducatifs et à l'exercice d'une surveillance efficace. Bien souvent, l'hôpital de la prison a une grande capacité en lits, ce qui est coûteux. Il serait plus commode de pouvoir disposer de petites unités régionales dans les hôpitaux civils, avec une infirmerie centrale plus petite, où seraient soignés les détenus faisant l'objet des mesures de sécurité maximale.

    Les grands établissements ont leur propre personnel médical et soignant, alors que les autres disposent d'un personnel de soins de santé primaires à temps partiel, qui peut inclure des psychologues, des psychiatres, des dentistes, des gynécologues. Tous les cas qui nécessitent des soins spécialisés sont orientés vers des hôpitaux ou des dispensaires locaux ou régionaux. A chaque fois que les médecins sont employés à temps partiel, les soins de santé de base sont dispensés par des assistants travaillant à plein temps et justifiant d'une formation universitaire, secondés par un personnel infirmier qualifié.

    L'évaluation psychologique des détenus fait partie intégrante de l'offre de soins de santé. On peut ainsi dépister les troubles de la personnalité, évaluer la nécessité d'un traitement, déceler et prévenir le développement d'un comportement dépendant. Ainsi, il est nécessaire de mettre en place des groupes de psychologie et de faire en sorte que les principaux établissements pénitentiaires disposent non seulement de médecins, mais aussi de psychologues.

    Travailler en milieu carcéral nécessite une formation spéciale. Le médecin travaille dans des conditions de stress, et il a besoin d'une formation psychologique appropriée. Il faudrait organiser des stages préparatoires à l'intention des professionnels qui souhaitent travailler en milieu carcéral, que ce soit à plein temps ou à temps partiel. Il faut que le personnel médical et infirmier reçoive la formation et acquière l'expérience qui lui permettront de reconnaître les symptômes de la toxicomanie et les dangers qui y sont associés; et il faut qu'il soit familiarisé avec des méthodes de détection telles que le dépistage rapide à partir d'échantillons d'urine.

    Il faut également qu'il soit capable de déceler diverses maladies et affections contagieuses et de sensibiliser les détenus à l'intérêt de se soumettre volontairement à un dépistage, un diagnostic et, le cas échéant, à un traitement du sida, de l'hépatite B, des maladies sexuellement transmissibles et de la tuberculose.

2. LES PRINCIPAUX PROBLÈMES AU NIVEAU DE LA 

    DISTRIBUTION DES SOINS 

2.1 ─ PERSONNES ATTEINTES DU SIDA OU D'UNE MST

    ─ PERSONNES ATTEINTES DE TUBERCULOSE
    ─ TOXICOMANES
    ─ PERSONNES ATTEINTES DE L'HEPATITE

    Dans tous les pays la population pénitentiaire est caractérisée par des cas de toxicomanies, de sida, de maladies sexuellement transmissibles, de tuberculose et d'hépatite virale B ou C. Dans beaucoup de pays, ces cas sont en augmentation.

    Il est essentiel de disposer d'informations sur les maladies si l'on veut organiser efficacement le système des soins de santé en milieu carcéral. Toutes les maladies qui viennent d'être citées sont synonymes d'un large éventail de problèmes qui sont de nature médicale, mais aussi de nature psychologique et sociologique.

    D'une manière générale, tous les détenus, dès qu'ils sont écroués, subissent un examen médical visant à dépister toute maladie contagieuse ou évolutive pouvant justifier des mesures d'isolement ou nécessiter d'urgence un traitement. Néanmoins, cette procédure n'a pas toujours lieu pour toute les maladies, ni dans tous les pays.

SIDA

    En ce qui concerne le sida des tests de dépistage HIV gratuits et anonymes sont mis à la disposition de tous les détenus dans la quasi-totalité des pays enquêtés. En Grèce et en Turquie il n'y a pas de dépistage systématique; et dans ces pays, on ne se fait pas un devoir d'informer les détenus sur les problèmes HIV/SIDA.

    En Lituanie et en Hongrie les tests sérologiques sont obligatoires. En Lituanie, l'anonymat n'est pas garanti; en Hongrie, les renseignements concernant les détenus séropositifs ne sont transmis qu'au Centre public de lutte contre les maladies.

    Dans tous les autres pays, les tests de séropositivité ne peuvent être pratiqués sans le consentement de l'intéressé; ils peuvent être recommandés, mais non imposés, aux détenus ayant un comportement à haut risque. Les détenus reçoivent toutes les informations pertinentes concernant les comportements à risque du point de vue de l'infection HIV, ainsi que les mesures de prévention. Des préservatifs sont couramment disponibles en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Finlande, au Portugal, en Italie, en Suisse, en Norvège et en Suède.

    En principe, les résultats des tests HIV sont communiqués aux détenus par les services médicaux internes. Les détenus séropositifs sont soignés par le personnel médical pénitentiaire. Les patients qui développent le sida sont admis dans un centre de soins public ou dans d'autres types d'établissements de soins, extérieurs à la prison.

    Dans plusieurs pays (France, Espagne, Finlande, Norvège, Irlande, Suède, Italie, Luxembourg, Hongrie), les détenus séropositifs ou sidéens reçoivent un soutien psychologique; ils ont droit à une psychothérapie et à d'autres formes d'assistance.

    En Irlande, les prisons comportent des quartiers spécialement destinés à l'accueil des séropositifs et des sidéens, qui font ainsi l'objet d'une véritable ségrégation. En Belgique et en Pologne un détenu sidéen ou séropositif a le droit d'être seul dans sa cellule; mais il préfère parfois se trouver avec des codétenus atteints du même mal. En Suède, au Royaume-Uni, en Suisse et en Pologne tout le personnel pénitentiaire reçoit une information de base sur la séropositivité, le sida, les comportements à risque, la prévention, les tests et le traitement. En revanche, en Lituanie par exemple il n'existe, en matière de formation, qu'un certain nombre de brochures que le Centre lituanien de lutte contre le sida envoie périodiquement dans les établissements pénitentiaires. Dans les prisons grecques et turques les informations à ce sujet sont rares.

MST

    Le dépistage et le traitement des maladies sexuellement transmissibles est obligatoire pour les détenus en France, en Lituanie et en Pologne. En Bulgarie, on pratique souvent un dépistage sérologique lors de l'incarcération. En Hongrie, les tests sont obligatoires lorsqu'on soupçonne la présence de la maladie; en Espagne, le dépistage et le traitement incombent au service médical pénitentiaire. Au Portugal, le dépistage des MST n'est systématique que pour la syphilis; il représente un facteur de discrimination, car il n'est pratiqué que sur la population féminine.

    Dans tous les autres pays les MST ne font pas l'objet d'un dépistage systématique, et il est rare que le problème soit perçu comme étant particulièrement dramatique.

    Quant aux méthodes de traitement des MST, on en sait très peu à ce sujet.

TUBERCULOSE

    Les cas de tuberculose pulmonaire ou extra-pulmonaire sont relativement fréquents en Espagne et en Lituanie, mais ils sont extrêmement rares au Luxembourg, en Norvège et en Finlande.

    En Lituanie, une fluorographie est pratiquée sur tous les détenus lors de leur incarcération; les détenus qui présentent une tuberculose pulmonaire active sont placés dans des établissements spéciaux.
    En Espagne, une radiographie est pratiquée sur tous les détenus qui présentent les premiers symptômes de la maladie. Cette radioscopie pulmonaire n'est effectuée qu'à des fins diagnostiques et n'est effectuée que par un médecin.

    En Pologne et en Hongrie, également, la tuberculose fait l'objet d'un dépistage systématique par radioscopie. En France, l'article L.273 du Code de la Santé publique prévoit le dépistage systématique de la tuberculose pulmonaire lors de l'incarcération. En vertu de l'article D.394 du Code de procédure pénale, c'est aux conseils de région qu'il appartient de procéder au dépistage. A chaque fois qu'on soupçonne un cas de tuberculose infectieuse, on doit isoler le patient et, le cas échéant, l'hospitaliser.

    Il existe très peu d'informations concernant la tuberculose dans les autres pays.

TOXICOMANIE, ALCOOLISME, HEPATITE

    La toxicomanie, l'alcoolisme et l'hépatite se rencontrent fréquemment dans les prisons partout en Europe; mais seuls certains pays fournissent des statistiques en la matière.

    En Belgique, le taux de toxicomanie dans les prisons est de 42 %; le taux d'alcoolisme est de 34 %, et le taux de consommation habituelle de psychotropes est de 30 %. Au Royaume-Uni, environ 20 % des détenus sont toxicomanes. En Espagne, la lutte contre la toxicomanie dans les prisons est l'une des priorités des programmes de santé.

    Les toxicomanes et les alcooliques invétérés sont soignés dans une partie ad hoc de la prison ou dans un hôpital extérieur. En Pologne également, il existe des quartiers réservés aux détenus toxicomanes. Au Portugal, il existe un centre pour jeunes toxicomanes; cet établissement, qui fonctionne en régime ouvert, emploie plusieurs psychiatres, psychologues, omnipraticiens etc. En Italie et en Autriche, tous les services de santé pénitentiaires coopèrent avec le système national de santé pour soigner la toxicomanie et l'alcoolisme.

    Les détenus des prisons suédoises peuvent se faire vacciner contre l'hépatite. Dans des pays comme la Finlande, la question ne se pose pas, car les cas d'hépatite sont extrêmement rares. En Lituanie une vaccination généralisée contre l'hépatite B est jugée souhaitable; si elle n'est pas effectuée, c'est en raison des contraintes financières du pays.

INFORMATION, PRÉVENTION ET EDUCATION

EN MATIÈRE DE SANTÉ

    Dans tous les pays européens on déploie de grands efforts pour mener une action d'information générale en matière de santé. On met l'accent, en particulier, sur la prévention du sida et d'autres maladies sexuellement transmissibles. Dans la quasi-totalité des prisons les détenus se voient remettre une brochure d'information. Dans certains pays, comme la Suède, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, les supports didactiques et les méthodes utilisés dans les programmes d'information sont très avancés: on utilise une documentation écrite et un matériel audiovisuel; il y a des réunions individuelles et des réunions de groupe. Au Luxembourg et au Portugal, également, des exposés sur ce thème ont lieu systématiquement à l'intention des détenus. En Irlande, on utilise une bande dessinée dont tout le monde peut saisir facilement le message. En Suisse et aux Pays-Bas, toute la documentation est traduite en plusieurs langues. Par contre, en Grèce, il n'existe actuellement aucun programme d'information des détenus concernant le sida; enfin, nous ne savons pas grand-chose en ce qui concerne l'information des personnes détenues dans les prisons turques.

2.2. Les maladies mentales en milieu carcéral

    Dans presque tous les pays chaque établissement pénitentiaire dispose d'un certain nombre de psychologues qui ont pour tâche de soigner les détenus atteints de troubles psychiatriques, et de les aider à s'adapter au milieu carcéral.

    En Grèce et en Italie, des examens psychiatriques sont pratiqués systématiquement; en outre, tous les détenus passent devant l'équipe de prévention du suicide, au cours de l'examen médical général qu'ils subissent obligatoirement à leur arrivée dans l'établissement.

    Dans tous les pays, les tribunaux ou d'autres autorités judiciaires compétentes peuvent demander qu'un rapport psychiatrique soit établi par un psychiatre/un psychologue avant et pendant le jugement. En France, il peut être procédé à un tel examen à la demande du détenu ou de sa famille/de ses amis. Au Luxembourg et en Lituanie, la chose n'est possible, respectivement, qu'avant et pendant le jugement. Dans certains pays tels que Chypre ou la Finlande, un examen psychiatrique peut être demandé même pendant la période d'emprisonnement. En Europe, la législation contient des dispositions relatives au traitement des délinquants atteints de troubles psychiques; elle prévoit la possibilité d'un traitement à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire, généralement dans un hôpital psychiatrique public. Le facteur décisif n'est pas la gravité de l'infraction mais l'état mental du délinquant. En vertu de la législation lituanienne les détenus atteints de troubles psychiques sont soignés dans les hôpitaux du système pénitentiaire. En Espagne, un nouveau code pénal est entré en vigueur. S'agissant du Royaume-Uni, le CPT a précisé, dans son rapport, qu'il a pris note d'une circulaire publiée par le Home Office (ministère de l'Intérieur) en septembre 1990, qui attirait l'attention des tribunaux sur la possibilité de confier le traitement des malades mentaux aux services de l'action sociale et sanitaire, au lieu de les soigner en milieu carcéral; bien qu'on ait observé, ces dernières années, une nette augmentation des prises en charge par le système de soins de santé, on continue de recenser dans les prisons un nombre considérable de malades mentaux. En Bulgarie, on sursoit à l'exécution de la peine de prison pendant la période au cours de laquelle le détenu est considéré comme malade par le service médical pénitentiaire responsable. Dès qu'on estime que le détenu est rétabli, la période d'emprisonnement reprend.

    Dans certains pays il existe des institutions psychiatriques spécialement destinées aux détenus atteints de troubles psychiques. Au Portugal, le service pénitentiaire dispose d'un dispensaire psychiatrique et de santé mentale où l'on envoie les détenus qui présentent des troubles mentaux; les détenus dont le comportement autorise à supposer qu'ils souffrent de troubles mentaux peuvent également être dirigés pour observation sur deux annexes psychiatriques, si leur traitement ne dure pas plus de 6 mois. En France, les détenus psychopathes sont accueillis dans deux unités centrales, respectivement à Metz-Barres et Château-Thierry. En Autriche, les détenus qui ne sont pas gravement atteints sont soignés dans une unité distincte comportant 45 lits, à la périphérie immédiate de Vienne. En Italie, il existe, à l'intérieur du système pénitentiaire, six hôpitaux psychiatriques (HPJ) accueillant les malades mentaux qui n'ont pas été condamnés à une peine de prison, mais qui sont placés en détention à la fois pour des raisons de sécurité et à des fins de traitement.

    Il importe de souligner que les établissements psychiatriques spécialisés dans l'accueil des détenus ne fonctionnent pas seulement comme des centres de détention, mais peuvent aussi être considérés comme des centres de soins. La France et l'Italie offrent des exemples intéressants de la coopération de plus en plus étroite entre l'institution carcérale et les organismes locaux ─ et, à travers eux avec le système de santé, et notamment le système de soins psychiatriques. En France, certaines prisons ─ au nombre de 18 ─ bénéficient du concours des services régionaux de santé mentale, qui incluent une équipe hospitalière au complet, attachée à un hôpital spécialisé. Cette équipe travaille dans la prison, établit le diagnostic et reste au contact des détenus psychiatriques. Si, au cours de sa détention, un détenu présente des signes de troubles mentaux nécessitant un traitement, il est dirigé vers le psychiatre de la prison ou vers l'équipe du service psychiatrique pénitentiaire pertinent. En Italie, l'administration pénitentiaire peut faire appel aux services nationaux compétents, en vertu des accords qu'elle a passés avec eux. Cet arrangement fonctionne dans les deux sens; en effet, d'une part, le personnel des services nationaux de santé peut se rendre dans les prisons; et, d'autre part, les détenus ont la «permission» de se rendre dans une antenne extérieure du HPJ, comme celle qui existe à Castiglione delle Stiviere. En Belgique, les détenus placés en libération conditionnelle peuvent bénéficier de soins complémentaires dispensés par un psychiatre ou un psychologue.

2.3. Difficultés liées à la précense de personnes détenues pour crime ou délit d'ordre sexuel

    D'une manière générale, le nombre des crimes et délits d'ordre sexuel a augmenté considérablement au cours des quatre dernières années. Les détenus coupables de ce genre d'infraction ne constituent pas un groupe homogène. Ils sont d'âge et d'intelligence variables et sont originaires de milieux très divers.

    Dans certains pays, tels que l'Irlande et l'Espagne, on place ces délinquants dans des quartiers d'isolement, afin de garantir leur sécurité. En effet, on considère souvent qu'ils risqueraient, autrement, de subir un comportement agressif, et même des voies de fait, de la part de leurs codétenus. Au Danemark, il existe à Herstedvester un centre de soins qui applique depuis longtemps une psychothérapie intensive aux détenus coupables d'une infraction d'ordre sexuel. Dans les dernières années, on peut, suite à un avis médical, offrir une castration médicale aux personnes condamnées pour délits graves d'ordre sexuel.

    On estime que la méthode thérapeutique la plus prometteuse en milieu carcéral est celle qui se fonde sur le modèle comportemental cognitif. Cette approche repose sur le principe selon lequel les actions de cette catégorie de délinquants procèdent de démarches mentales anormales, qui leur permettent d'agir comme ils le font et de justifier ensuite leur comportement.

    L'objectif de l'approche comportementale cognitive est de contrecarrer ces démarches mentales anormales et de permettre à l'intéressé d'être sensible à l'impact de ses actes sur ses victimes et d'assumer la responsabilité de ses actes. Il s'agit aussi de permettre aux délinquants d'identifier les sentiments qui ont abouti au comportement délictueux. Le programme est généralement conçu pour un groupe de huit à dix participants. Grâce à l'interaction du groupe, il est beaucoup plus facile de contrer la démarche par laquelle ces délinquants tentent de nier ou de justifier les faits qui leur sont reprochés.

3. ASPECTS SOCIAUX 

Introduction

    Les divers services d'assistance et de soins aux détenus ne peuvent être considérés comme étant totalement séparés les uns des autres. Il existe entre eux un certain nombre de liens, dans la mesure où ils conjuguent leurs efforts pour contribuer au bien-être physique, mental et social des détenus.

    Ce phénomène implique, entre autres, que les effets des activités d'assistance ont souvent une portée plus large que celle qui est officiellement prévue. L'aumônier de la prison ─ pour ne prendre que cet exemple ─ peut contribuer à améliorer l'état de santé des détenus. Le corollaire de ce fait, c'est que si l'un des services fait défaut ou fonctionne mal, les autres services peuvent s'en trouver affectés. Certes, l'aide sociale aux détenus est très importante pour leur état de santé. Mais il est bien d'autres facteurs qui ont un impact essentiel sur les conditions de vie générales des prisonniers, et par conséquent sur leur santé; mentionnons les contacts et les relations avec autrui, notamment la préservation des liens familiaux et autres liens de caractère personnel. La relation entre une détenue et son enfant en bas âge occupe naturellement, à cet égard, une place particulière.

3.1. Les services sociaux disponibles

    On constate que, dans beaucoup de pays, des travailleurs sociaux sont employés dans les prisons; toutefois on ne sait pas exactement quel en est le nombre, ni quels sont le contenu et l'ampleur de leurs tâches.

    Les services sociaux pénitentiaires sont parfois organisés par l'administration pénitentiaire; mais ils peuvent aussi, comme à Chypre, émaner des services de protection sociale publics, ou, comme c'est le cas du service de probation aux Pays-Bas et en Suisse, d'associations privées, éventuellement subventionnées par l'Etat.

    Dans l'idéal, chaque service social devrait disposer d'un personnel suffisamment nombreux pour s'acquitter de certaines tâches fondamentales:

a. aider les détenus à prendre leur mal en patience et à s'adapter au milieu carcéral;

b. aider les détenus à résoudre leurs problèmes sociaux (comme le stipule la Loi néerlandaise sur les prisons) et à faire valoir leurs droits sociaux et leur droit à l'assurance sociale; cet aspect peut être particulièrement urgent pour les personnes qui sont détenues depuis très peu de temps et se trouvent en détention préventive;

c. conseiller les prisonniers pour des questions touchant à leur avenir, leur instruction et leur formation professionnelle (comme cela se fait en Suisse);

d. préparer les détenus à leur libération, et les aider à se réintégrer véritablement dans la société (du point de vue personnel, financier et social); il faut se préoccuper de trouver un emploi et un logement, ce qui peut nécessiter l'aide des organismes de protection sociale compétents (c'est ce qu'on observe, par exemple, en Allemagne et aux Pays-Bas).

    Naturellement, les travailleurs sociaux concernés ont besoin non seulement d'une formation professionnelle générale, mais aussi d'une formation spécialisée, orientée sur l'aide aux détenus (un peu comme la formation spécialisée dont ont besoin les médecins qui exercent en milieu pénitentiaire).

    Un bon travailleur social doit être capable de communiquer et de participer directement au dépistage et à la prévention du stress psychologique, des maladies contagieuses et des troubles psychiques.

3.2. Préservation des liens familiaux

    L'une des conséquences inévitables de l'emprisonnement est l'affaiblissement temporaire des contacts sociaux. Certes, les liens avec la famille ne sont pas entièrement rompus, puisque dans la plupart des cas une visite d'une heure au moins, par semaine est autorisée.

    Il reste que les relations familiales souffrent énormément de cette situation. Très souvent, le conjoint et les enfants du détenu ont le sentiment d'être autant punis que le détenu lui-même. Pire encore: dans bien des cas, les liens du mariage ne résistent pas. D'une manière générale, les contacts sociaux subissent, eux aussi le contrecoup de l'emprisonnement. Dans certains pays comme le Danemark et la Suisse, les détenus peuvent recevoir leur partenaire sans surveillance. En Suède également, la surveillance est très relâchée.

    Si l'on veut empêcher la contamination par HIV, il faut que des préservatifs soient mis à disposition lorsque le détenu/la détenue reçoit la visite de sa partenaire/de son partenaire, mais aussi lors de relations homosexuelles occasionnelles entre prisonniers. Dans certains pays cela n'est pas possible, car les relations homosexuelles sont officiellement interdites. Des préservatifs sont disponibles dans des lieux suffisamment discrets, tels que le centre médical (c'est le cas au Luxembourg) ou les cabines téléphoniques (c'est le cas aux Pays-Bas et en Suisse).

    Une question particulièrement délicate est celle des femmes détenues qui accouchent en prison ou qui ont déjà un bébé ou des enfants en bas âge.

    Certains pays, tels que Chypre et la Norvège, ne prévoient rien de particulier à cet égard. Mais dans la grande majorité des systèmes il existe des dispositions particulières, applicables aux détenues qui sont mères de famille. L'âge jusqu'auquel les enfants ont le droit de séjourner en prison avec leur mère est très variable: en Allemagne, par exemple, cette autorisation existe pour tout enfant qui n'a pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire; dans d'autres pays la limite d'âge est plus basse (deux à trois ans en France et aux Pays-Bas, trois ans en Espagne et en Suisse, dix-huit mois en Finlande).

    Le séjour d'enfants dans les prisons est une question très controversée. Certains experts craignent des répercussions dramatiques pour l'avenir de ces enfants, en raison des conditions non naturelles et coercitives qui sont, par définition, celles de la détention. Dans certains systèmes, les détenus ont accès à des services extérieurs, tels que des crèches (France); dans d'autres systèmes, il existe des centres spéciaux ou des quartiers spécialement aménagés dans la prison. En Espagne et en Suisse, par exemple, on trouve une crèche pour les bébés, une garderie de jour et un service employant des assistantes maternelles. Au Portugal également, les enfants sont installés dans un quartier spécial de la prison; les enfants qui, normalement, vivent à l'extérieur de la prison ont le droit de passer une partie de leurs vacances (quinze jours) en prison, en compagnie de leur mère.

3.3. Influence de l'étude, du travail, du sport et des activités de loisir sur l'équilibre des détenus

3.3.1. L'étude et le travail

    Le niveau moyen d'instruction des détenus en Europe est relativement bas (beaucoup de condamnés n'ont même pas fait d'études primaires). Très souvent, on observe un manque de qualification professionnelle, qui aboutit au chômage et à une situation sociale défavorisée (logement, mode de vie etc.). L'âge moyen des détenus est compris entre 31 et 33 ans.

    Il est tout à fait évident que la majeure partie de la population carcérale est handicapée en matière de développement, de formation professionnelle et d'emploi. C'est pourquoi presque tous les systèmes pénitentiaires sont orientés vers les formes les plus fondamentales de la réintégration sociale. En d'autres termes, tous les détenus se voient proposer une instruction primaire. Très souvent, ils peuvent aussi bénéficier d'un enseignement de plus haut niveau et d'une formation professionnelle; toutefois, cette possibilité n'existe pas dans tous les établissements; et elle n'est parfois accordée qu'aux détenus dont la libération est proche (c'est le cas au Danemark).

    Parfois la formation professionnelle met en jeu des activités rémunérées (art et artisanat, à Chypre). Le contenu de la formation est variable: depuis la formation technique (en Suède: cours d'utilisation de machines-outils, technologie du bois, placage et soudure de métaux, travail électronique) jusqu'à la formation artistique.

    Le travail quotidien ordinaire est obligatoire pour tous les condamnés; il donne lieu à une rétribution très modique, qui ne permet aux détenus que de s'acheter quelques articles à la boutique de la prison: tabac, sucreries, boissons, etc. Il arrive que la rétribution soit un peu plus élevée parce que des accords professionnels favorables ont été passés entre la prison et telle ou telle branche d'activité (c'est le cas au Luxembourg).

    Les règles pénitentiaires tendent généralement à promouvoir des types de travaux axés sur le développement ou l'amélioration de compétences que les détenus puissent utiliser ultérieurement. Mais ces tentatives pour faire participer les détenus à des activités qui présentent un intérêt pour eux ne sont pas toujours couronnées de succès.

    Compte tenu du chômage élevé qui sévit dans la plupart des pays européens, trouver du travail pour tous les prisonniers ne va pas sans difficultés; il existe même des établissements qui n'offrent aucune possibilité de travail; c'est le cas de la maison d'arrêt d'Anvers; beaucoup de pensionnaires de cet établissement profitent ─ ce qui ne saurait surprendre ─ de l'heure de consultation médicale pour quitter les cellules où ils sont enfermés vingt-trois heures par jour.

    La formation professionnelle est supervisée soit par le ministère de la Justice (par l'intermédiaire des cours externes), soit par le ministère de l'Education (c'est le cas au Portugal). Dans certains systèmes, les détenus qui font des études, quel que soit le niveau de celles-ci (depuis le niveau primaire jusqu'au niveau avancé), perçoivent la même rétribution que les prisonniers qui travaillent. En outre les périodes de travail et les périodes d'étude ont lieu au même moment de la journée.

    La formation professionnelle est certes coûteuse. Malgré tout, il est souhaitable que les programmes de formation proposés aux détenus soient aussi nombreux que possible; tout détenu qui n'a pas fait d'études primaires a la possibilité de combler cette lacune pendant son séjour en prison.

    L'octroi d'une rémunération serait stimulant. Le fait de responsabiliser le prisonnier est important pour son équilibre. L'article 37 de la Loi allemande sur les prisons procède d'une approche très saine:

1. Le but principal du travail, d'une occupation ergothérapeutique, d'une formation professionnelle et d'une éducation postprimaire est de dispenser au détenu les connaissances théoriques et pratiques qui lui permettront de gagner sa vie après sa libération, ou de conserver et développer les connaissances et les savoir-faire qu'il possède déjà.

2. L'autorité pénitentiaire devrait confier au détenu une tâche productive au plan économique, en tenant compte de ses capacités, de ses compétences et de ses goûts.

3. Les détenus ayant un minimum d'aptitude doivent se voir proposer une formation, un recyclage ou une reconversion professionnel(le), ainsi qu'une participation à d'autres activités relevant de la formation professionnelle ou de l'éducation permanente.

4. Lorsqu'il n'est pas possible de donner à un détenu qui est apte au travail une tâche productive au plan économique, ni la possibilité de participer à une activité de loisir, il convient de lui assigner un autre type d'occupation raisonnable.

5. Si un détenu n'est pas apte à s'acquitter d'une tâche productive en termes économiques, il convient de lui attribuer une occupation quelconque, dans un souci d'ergothérapie.

3.3.2. Le sport

    La pratique du sport en prison dépend essentiellement de la présence d'installations et de moniteurs. Une activité sportive est toujours prévue sous une forme ou sous une autre pour les détenus; on privilégie les sports collectifs (football, volley-ball, handball).

    Au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Suisse, certains établissements sont bien pourvus en équipements de remise en forme. Dans d'autres pays les prisons sont moins bien équipées à cet égard.

    Quand les équipements font défaut, l'improvisation joue souvent un rôle capital; et certains endroits à l'intérieur de la prison sont réservés à l'exercice physique; c'est ainsi que la lutte est souvent pratiquée dans les prisons grecques.

    Tous les systèmes prévoient une promenade quotidienne à l'air libre: une heure, en Suède et en Allemagne; deux heures le matin et deux heures dans la soirée, en Italie; ou simplement, à l'heure choisie par le détenu.

    La fréquence de la pratique sportive est très variable d'un pays à l'autre; elle est, par exemple, de deux fois par semaine aux Pays-Bas et d'une heure par jour, au minimum, en Finlande. En Suède, au Portugal et en Suisse, certains établissements organisent des matches qui opposent les détenus à des clubs extérieurs.

    Dans les prisons belges le sport est obligatoire, sauf pour les détenus malades ou âgés.

3.3.3. Activités de loisir

    Un type de loisir très courant est celui qui consiste à regarder la télévision. Dans beaucoup de pays, le téléviseur individuel dans la cellule est autorisé; dans d'autres pays, les détenus doivent se rendre dans une salle commune s'ils veulent regarder la télévision. Partout on trouve des jeux comme les échecs ou le billard. La prison dispose en général d'une bibliothèque; et les détenus peuvent écouter les émissions d'une radio nationale au moins.

    Il y a parfois des séances de cinéma; dans certains pays (par exemple en Suède, à Chypre, en Grèce et en Suisse), des représentations théâtrales et/ou des concerts sont donnés dans l'enceinte de la prison; les prisons ouvertes organisent des visites de musées (c'est le cas au Luxembourg). En principe, l'initiative de telles excursions culturelles revient au directeur de la prison et au personnel pénitentiaire. Dans beaucoup de pays il existe des associations, telles

que la Croix-Rouge, qui se consacrent à la visite des détenus isolés. Notons aussi le rôle des associations privées qui, en particulier, fournissent une aide personnalisée aux détenus de telle ou telle origine.

    L'existence de salles de bricolage est très importante pour la détente et le bien-être des détenus; mais il va sans dire que la présence de tels locaux n'est pas garantie partout.

4. QUELQUES EXEMPLES DE DROITS FONDAMENTAUX DES DÉTENUS, AVEC LA QUESTION ÉTHIQUE QUI S'Y RATTACHE 

Introduction

    Il convient d'indiquer, tout d'abord, que le statut juridique du détenu doit se rapprocher autant que possible du statut juridique du citoyen libre; les restrictions qui pèsent sur sa situation doivent se limiter au minimum nécessaire et à ce que prévoit la loi. En cas de restrictions spéciales, les autorités pénitentiaires sont tenues de justifier les mesures prises en en démontrant la nécessité; elles sont tenues également d'appliquer les normes légales. En particulier les droits constitutionnels, fondamentaux et civils qui sont ceux des citoyens doivent être intégralement respectés dans l'enceinte de la prison. Un contrôle juridictionnel doit s'exercer à cet égard.

    La Cour européenne des Droits de l'Homme a rejeté la théorie selon laquelle une condamnation à une peine d'emprisonnement impliquerait ipso facto certaines aggravations et restrictions, telles que des éléments répressifs qui s'imposeraient d'eux-mêmes (la théorie dite des «restrictions implicites»).

    Etant donné que le présent rapport est axé sur les services de soins médicaux pour les détenus, nous ne pouvons aborder que très brièvement la question du statut juridique du détenu. Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que le respect des droits et de la dignité de la personne a, plus ou moins directement, une influence considérable sur l'état de santé des détenus.

    Deux éléments du statut juridique sont à prendre en considération ici: la garantie des droits substantiels, et la possibilité de faire valoir ses droits dans une procédure légale.

    Compte tenu du caractère spécifiquement coercitif de la vie pénitentiaire, une procédure bien structurée est de la plus haute importance.

    L'absence de dispositions juridiques ne signifie pas nécessairement que les droits du détenu sont négligés: la réalité est parfois plus satisfaisante qu'on ne pourrait le croire au vu de la situation juridique. Inversement, telle règle écrite peut sembler adéquate, qui n'est pas suivie dans la pratique. Néanmoins, un certain nombre de droits fondamentaux, y compris en matière de soins médicaux, sont plus faciles à mettre en œuvre lorsqu'ils sont énoncés dans des textes officiels.

    Les Règles pénitentiaires européennes ont incontestablement une influence et une valeur morale. En outre, les détenus ont accès à la Commission européenne des Droits de l'Homme, au Comité pour la prévention de la torture et au Comité des droits de l'homme de l'ONU.

4.1. Le droit d'élever une réclamation

    Il convient de distinguer deux types de réclamations:

A. Réclamations visant la qualité du traitement médical.

    Seul un médecin peut porter une appréciation sur un traitement médical professionnel, à la lumière des codes disciplinaires médicaux ou en procédant à un examen médical. Les examens médicaux peuvent être pratiqués systématiquement, ou bien ordonnés par le ministère de la Justice dans un but de contrôle des soins médicaux.

    Pour que la réclamation puisse être effective, il faut accorder aux détenus le droit d'accéder librement et directement (sans qu'une quelconque censure s'exerce) au service des inspections médicales, et de saisir les conseils de discipline médicaux.

B. Réclamations visant l'organisation et la fourniture des soins médicaux.

    Dans les cas de ce genre les détenus doivent pouvoir accéder librement et directement à un organe judiciaire, une commission des réclamations, un médiateur ou toute autre autorité juridiquement habilitée à examiner la réclamation et à rendre une décision obligatoire.

4.2. Le secret médical

    Les normes généralement observées dans les prisons en matière de secret médical sont inférieures à celles qui prévalent au sein de la société civile ordinaire. Lorsque les critères universels sont appliqués, seul le personnel médical pénitentiaire est autorisé à prendre connaissance du dossier médical des détenus. Quant aux autres personnes, par exemple les membres du personnel pénitentiaire général, on ne leur communique l'information qu'à des fins professionnelles, et à condition qu'elles ne la divulguent pas. Le consentement du détenu concerné est nécessaire; mais des dérogations sont jugées possibles, par exemple lorsqu'un détenu atteint d'une maladie transmissible cherche à dissimuler son état, et que ses codétenus sont alors exposés à des risques.

    Il faut que les conditions dans lesquelles la divulgation d'une information médicale est autorisée soient régies par la loi; cette exigence s'applique également aux procédures à suivre en pareil cas.

4.3. Le choix du médecin

    Les détenus sont soignés par le personnel médical de la prison; tel est le principe général. Dans certains systèmes cette règle ne souffre aucune exception. Dans d'autres systèmes les détenus ont le droit de s'adresser, à leurs frais, à un médecin privé (Portugal); en Suède, ils peuvent s'adresser à un médecin privé, dès lors que ce choix est considéré comme médicalement indiqué et justifié.

    Les détenus qui sont autorisés à sortir de l'établissement sont considérés comme constituant une catégorie spéciale. Dans plusieurs systèmes, ceux des prisonniers qui ont la qualité de prévenu ont le droit de consulter, à leurs frais, leur médecin personnel (c'est le cas, par exemple, aux Pays-Bas). Ceci est conforme au paragraphe 98 des Règles pénitentiaires européennes (possibilité de recevoir la visite et les soins de son médecin ou de son dentiste personnel, si la demande est raisonnablement fondée). Cette disposition repose sur le principe de la présomption d'innocence. Ainsi, les restrictions applicables aux détenus ne peuvent dépasser le strict nécessaire.

    Le recours à plusieurs médecins peut provoquer des situations ambiguës: les médicaments prescrits peuvent différer de ceux qui sont habituellement administrés dans la prison; en outre, ceux des détenus qui n'ont pas droit à un médecin privé risquent d'éprouver un sentiment d'injustice.

4.4. Les droits spécifiques des minorités ethniques

    La plupart des établissements pénitentiaires abritent un nombre non négligeable de personnes appartenant à une minorité ethnique (le système pénitentiaire irlandais constitue à cet égard une exception), c'est-à-dire de personnes qui sont susceptibles d'être différentes par leur religion, leur culture, leur langue, leur mode de vie et leurs habitudes alimentaires.

    Ne pas vouloir tenir compte de ces différences c'est porter atteinte au bien-être général du détenu. Dans beaucoup d'établissements la cuisine est équipée de manière à pouvoir proposer des types de nourriture particuliers, qui correspondent aux différentes cultures représentées.

    Si l'on veut mettre en œuvre une véritable tolérance religieuse, il est essentiel que l'administration pénitentiaire établisse des contacts avec divers ministres du culte et avec des conseillers. On doit également respecter les principaux jours de fête observés dans les différentes religions représentées; cette remarque concerne plus particulièrement le travail obligatoire et les aliments spéciaux.

    La langue est un autre facteur potentiel d'isolement. On peut, pour faire tomber les barrières linguistiques, regrouper les détenus qui connaissent, du fait de la langue, des problèmes de communication comparables. Il est bon, aussi, de recourir aux services d'un interprète et de faire appel à des associations extérieures dont les membres parlent la langue minoritaire en question.

4.5. Expérimentation médicale

    En raison de la vulnérabilité des détenus, qui sont dans une situation de grande dépendance, il est difficile d'évaluer la réalité de leur consentement. Il serait donc trop dangereux de procéder, sur la personne des détenus, à une forme quelconque d'expérimentation médicale. Tel est le point de vue exprimé dans les codes déontologiques généraux de l'Association médicale mondiale.

4.6. Grèves de la faim

    Les grèves de la faim comptent parmi les plus grands dilemmes auxquels sont confrontés, de temps à autre, les directeurs d'établissements pénitentiaires.

    Certains pays (par exemple la Finlande) s'en tiennent à la Déclaration de Tokyo de l'AMM: les détenus qui font la grève de la faim sont informés des conséquences de leur action, et leur état de santé est surveillé; une hospitalisation a lieu, le cas échéant (si le patient y consent); on donne aux intéressés des conseils sur l'importance d'absorber des liquides. Aucun traitement n'est dispensé si le détenu s'y refuse.

    Dans d'autres pays (Espagne et Suède), on peut procéder à une alimentation forcée, si le médecin estime qu'un danger immédiat pèse sur la vie ou la santé du patient.

    Dans certains pays (en Italie par exemple), l'alimentation forcée est interdite, sauf si le gréviste de la faim n'est plus en mesure d'avoir conscience des conséquences de son refus. Partout en Europe on juge important d'informer les grévistes de la faim des conséquences possibles de leur démarche; cette information intervient dès le début, et de manière systématique.

    En 1985 le ministre de la Justice des Pays-Bas a publié des principes directeurs sur la conduite à tenir en cas de grève de la faim chez les détenus. Ces principes doivent être interprétés dans le contexte du droit qui est reconnu à toute personne de régler comme elle l'entend les questions concernant sa santé. Il est capital que le médecin rappelle au gréviste de la faim, à intervalles réguliers, quels sont les effets de son action; et il est également capital que soit clairement enregistrée la volonté de l'intéressé de poursuivre la grève. Celui-ci doit faire une ou plusieurs déclarations, à l'adresse du directeur et du médecin de la prison, indiquant qu'il ne souhaite pas que sa grève de la faim soit interrompue s'il tombe dans le coma.

    On estime que la mise en place d'une équipe permanente n'est pas la meilleure solution pour pourvoir aux besoins des grévistes de la faim. Il est clair que l'intervention de spécialistes extérieurs qui jouissent de la confiance du détenu peut être extrêmement utile, à condition que l'intéressé consente à cette intervention. Mais il ne faut pas oublier que c'est le médecin de la prison qui demeure juridiquement et médicalement responsable; et par conséquent, on doit toujours le consulter, lui aussi.

4.7. Peines de substitution

    Dans certains cas le droit pénal prévoit des peines non privatives de liberté, qui se substituent à des peines d'emprisonnement de courte durée; il peut s'agir d'un travail d'intérêt général à effectuer pendant un certain nombre d'heures/de jours.

    Une autre solution est la prison ouverte, pour les détenus qui purgent la phase ultime de leur peine. Dans les prisons ouvertes, les gens ont généralement moins de problèmes de santé que dans les prisons traditionnelles.

    L'application d'une peine de substitution requiert le consentement de l'intéressé; en effet, le travail forcé est interdit par l'article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

    Un inconvénient qui existe, dans le cas des peines de substitution, c'est que les juges ont tendance à prononcer cette peine en remplacement d'une amende ou d'une condamnation avec sursis, plutôt qu'en remplacement d'une peine ferme. Ce phénomène, à propos duquel on parle d'«élargissement du filet» ou des «effets élargissants des peines de substitution», est particulièrement visible aux Pays-Bas.