Points de réflexion pour la préparation au débat | ||||||||
Qu'est-ce que le sentiment d'insécurité dans une société en train de se globaliser: un phénomène lié à la transition, l'indice d'un risque structurel pour la cohésion sociale ou les deux à la fois? |
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Quelles en sont les véritables causes et quelles en sont les fausses perceptions ou les phénomènes dérivés? Quelles solutions sont à la hauteur de la réelle complexité du problème et lesquelles se basent en revanche sur des analyses superficielles voire même incorrectes finissant par approfondir le sentiment d'insécurité? D'où proviennent ces distorsions de la réalité? (cf. Session II, portant sur le rapport entre médias et insécurité)
D'où provient cette difficulté à transformer les enjeux privés dans un projet collectif de société? Et quelles conséquences a-t-elle en terme de cohésion sociale, de stratégies publiques et d'approche à la diversité? Si ce vide n'est pas rempli, arriverons-nous au paradoxe d'une société qui fonde sa cohésion sur la peur plutôt que sur la solidarité?
Quelles formes de participation faudra-t-il développer et quelles ressources existent déjà pour opérer ce changement ? |
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Session II : Informer ou effrayer? L'impact des médias sur le sentiment d'insécurité collective | Le système global des médias pourrait-il devenir en tant que tel un facteur d'insécurité pour une société démocratique? Comment et pourquoi les médias ont-ils tendance à effrayer le public au lieu de l'informer, produisant de fausses perceptions de l'insécurité plutôt qu'une connaissance de ses causes réelles ? À quelles conditions les médias pourraient-ils devenir, en revanche, un facteur-clé de la cohésion sociale future? |
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De plus, le système socio-économique qui dérive de ce processus semble avoir changé à son tour le contexte habituel où les médias agissent: qu'ils soient traditionnels ou de nouvelle génération, ils s'enracinent aujourd'hui de plus en plus dans une société de la connaissance qui fait du partage et de l'échange d'informations une de ses activités-clé. Ce qui entraîne en même temps opportunités et risques nouveaux à considérer.
Si l'on cherche à comprendre et à gérer l'insécurité actuelle dans le cadre de ces transformations, il faudra tout d'abord mettre en évidence: la façon dont les médias contribuent à créer des identités, opinions, peurs individuelles et collectives, même à travers les nouvelles technologies dont ils disposent actuellement; le poids des intérêts stratégiques et économiques, de plus en plus entrelacés aux médias, dans la représentation et la construction de la réalité. En particulier, dans le cas des nouvelles technologies il sera utile de se demander: si la capacité technique accrue de récolte et d'utilisation des informations personnelles produit des effets qui ne sont pas compatibles avec les principes d'une société démocratique; comment, dans ce contexte, le concept de privacy a évolué de la tutelle traditionnelle de la vie privée à la protection des données et dans quelle mesure les instruments législatifs s'inspirent de cette évolution; comment mettre en avant cette idée enrichie de privacy pour qu'elle soit reconnue comme facteur de sécurité individuelle et collective et non comme un obstacle dans la mise en place, par exemple, des mesures anti-terrorisme ou de toute autre utilisation des données. Dans le cas des médias de presse, il conviendra également de se demander: si leur actuelle organisation (concentration, moyens de financement etc.) modifie l'accès des citoyens à une information complète et sûre, condition préalable de toute société démocratique; si le gain des informations en quantité a oui ou non correspondu à une croissance en qualité et au développement de ressources critiques chez les destinataires (en terme de transparence, pluralisme et d'autres moyens de contrôle); si l'absence de ces garanties ne fait pas des médias, en tant que tels, un facteur d'insécurité et, si c'est le cas de quelles expériences disposons-nous déjà et quels nouveaux moyens faudra-t-il élaborer pour qu'une nouvelle «écologie de l'information» (I. Ramonet) sauvegarde le potentiel démocratique des médias.
Il s'agit donc d'envisager d'une façon plus précise: si au vu des données sur la criminalité et les migrations, on remarque ou non l'existence d'une proportionnalité justifiable entre le sentiment d'insécurité de plus en plus ressenti et la montée effective des crimes ou des entrées de migrants en Europe; si les chiffres de l'insécurité sont en général fiables, qui les recueille et selon quels critères; si, en revanche, on remarque l'existence d'un lien entre certains évènements très médiatisés et la montée de l'insécurité collective; s'il est possible d'en conclure qu'il y a un usage irresponsable des statistiques et des médias: un usage qui accroît les peurs des citoyens, qui rend plus difficile leur accès aux véritables sources d'insécurité et sème ainsi la confusion dans le débat public.
S'il est donc vraisemblable que les médias risquent d'effrayer le public au lieu de l'informer et de développer son engagement, il sera utile par rapport à nos intérêts: de détecter les mécanismes médiatiques (sélection des thèmes, partage des points de vue, procédés rhétoriques etc.) qui produisent des représentations incorrectes de la criminalité, des migrations, des véritables sources de l'insécurité; de chercher à expliquer le succès de ces pratiques chez le public par rapport aux inquiétudes liées à la mondialisation (besoin de l'Etat perçu en terme d'ordre public, besoin d'identité sociale reconnue vécu en terme d'appartenance nationale etc.).
Pour gérer les risques que l'on vient d'évoquer, pour réglementer le pouvoir des médias et ainsi profiter des opportunités qu'ils offrent, on pourrait en particulier développer: le contrôle exercé sur les médias par des observatoires transnationaux ou même globaux; la transparence et le pluralisme de l'information, garantis par une offre plus vaste de presse indépendante et, en général, par une concurrence orientée vers la qualité et non vers les exigences du marché exclusivement; la participation des groupes habituellement privés de parole ou marginalisés à la production des programmes. Il faudrait en tout cas affirmer une culture de l'information comme bien public mondial. Ceci permettrait en effet de rappeler à tous les acteurs concernés les responsabilités impliquées par les technologies et les pratiques qu'ils autorisent ou mettent en place et de se demander en toute franchise quelle gestion économique et financière est compatible avec le projet d'une société démocratique de l'information. |
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Session III: Le droit à une vie sûre - Quels programmes et instruments législatifs pour combattre le sentiment d'insécurité? | Les instruments législatifs mis en place pour combattre l'insécurité collective prennent-ils en compte ses véritables causes? Quels sont les risques qui découlent d'une politique trop axée sur la sécurité intérieure et sur la dimension locale de l'insécurité? Quelles mesures publiques mises en place au niveau local ont en revanche contribué à rassurer durablement les citoyens ? |
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Pour évaluer la pertinence de cette vision, il faudrait se demander: si la perception locale de l'insécurité considère les dimensions multiples du problème; si la réponse sécuritaire touche à ses causes profondes. En effet, puisque c'est la politique de mondialisation actuelle qui risque systématiquement d'augmenter l'insécurité dans notre société (dans la mesure où elle dégrade la dimension locale et décentre l'Etat-nation par rapport aux processus d'intégration économique et financière), une focalisation locale du problème sécuritaire n'échapperait pas à ladite dérégulation globale du pouvoir. Plus qu'une véritable réponse, ce genre de focalisation serait donc partie du problème. Ainsi faudrait-il analyser son efficacité et ses effets, même négatifs.
à la limitation ou à la protection des libertés individuelles et des droits des personnes concernées; au gain ou à la perte de confiance (due à des abus) dans les institutions démocratiques, chargées de rapprocher Etat et citoyens; au renfermement sur elles-mêmes des communautés (à partir de l'ethnie, de la religion ou du milieu socioculturel) ou à la construction d'une société pluraliste, tolérante et critique par rapport à elle-même; au règlement de l'insécurité dans une dimension privée ou à l'engagement citoyen dans une société plus sûre pour tous. En effet, toute réponse à l'insécurité par le renfermement sur soi ou chez soi entraîne, en effet, un véritable cercle vicieux. Alors que la source la plus profonde d'inquiétude est le manque d'instruments pour gérer un environnement social de plus en plus complexe, différencié et multiculturel, toute politique visant à raffermir les identités sur une base territoriale, ethnique ou culturelle et visant à augmenter le contrôle des populations ne fait qu'approfondir l'inaptitude à vivre avec la différence et finit donc par augmenter davantage l'insécurité collective. De plus, le sentiment d'insécurité ainsi augmenté peut toujours alimenter le racisme et la xénophobie et devenir objet d'exploitation politique. C'est pourquoi le droit des citoyens à une vie sûre devrait être en accord avec l'ensemble des autres droits et autres principes d'une société démocratique. Autrement dit, les décideurs devraient aborder les politiques locales en matière de sécurité avec une vision aussi globale et approfondie que possible.
de la profondeur du diagnostique du territoire (besoins et points sensibles, sources subjectives et objectives du sentiment d'insécurité localement ressenti etc.) sur lequel l'intervention a été axée; des instruments mis en place pour élaborer et mettre à jour les données sur l'insécurité (usage des statistiques et des enquêtes d'opinion, observatoires etc.) et pour conduire le monitoring des mesures adoptées; du succès effectif des partenariats entre les différents sujets concernés (politiques, sociaux et économiques) et, en général, de la coopération entre l'Etat, les pouvoirs locaux et régionaux et la société civile; de l'équilibre envisagé entre la lutte contre la criminalité (rationalisation des forces de l'ordre) et la prévention structurelle (meilleure qualité de la vie urbaine, accès à des formes de médiation des conflits, apprentissage de la citoyenneté et toute activité permettant de renforcer la participation et le sens de la responsabilité). Dans la perspective d'une approche des problèmes de sécurité axée sur la participation, il serait important de promouvoir davantage le débat sur les politiques d'intégration des migrants, voire sur le droit de vote local des étrangers et sur ses effets en terme de cohésion sociale. La législation néerlandaise en la matière (1985) constitue, dans ce domaine, un exemple à considérer avec intérêt justement dans la perspective d'une extension de ces pratiques à l'échelle européenne. |
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Session IV: Le droit à une vie sûre - Quelles politiques pour assurer la confiance et la cohésion sociale future? | L'Europe est-elle consciente du défi que les transformations sociales et la mondialisation représentent pour la légitimité du pouvoir et la cohésion sociale? Les politiques mises en place jusqu'à présent s'encadrent-elles dans une perspective adéquate ou finissent-elles par augmenter davantage l'insécurité? Dans le cadre de quelle gouvernance économique faudra-t-il réformer le w elfare system pour que l'Europe renforce son identité en tant que société capable d'équilibrer développement, participation des citoyens et cohésion sociale? |
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Le sentiment d'insécurité s'est épanoui dans ce contexte, par rapport: à certains phénomènes systémiques (crise du plein emploi, crise fiscale et financière de l'Etat etc.); à la vision prévalente avec laquelle on s'est approché des transformations (primauté du marché et de l'initiative individuelle); aux stratégies de développement que cette perspective a souvent suggérées (flexibilité du travail, privatisations des biens et de services publics, réduction des dépenses sociales etc.). Cette analyse (cf. Session I) conduit à se demander: si les stratégies économiques mises en place sont les seules et, surtout, les plus adéquates aux problèmes structurels de notre société; si de telles stratégies répondent aux nouvelles demandes sociales et sont en accord avec l'identité démocratique et le besoin de cohésion d'une société qui ne cesse de se moderniser; comment envisager des politiques de développement durable dans le contexte de la mondialisation.
La volonté des pays européens de s'intégrer plus étroitement s'encadre désormais dans ce contexte critique. Si elle aboutit à un espace politique où il sera possible d'élaborer à nouveau des projets collectifs de société, elle aura surmonté la crise multiple des Etats-nations. Mais si ce n'est pas le cas, le manque d'identité, de solidarité et de légitimité pourra-t-il être substitué par l'union marchande ou monétaire, par des mesures de sécurité publique endurcies ou toute autre mesure visant, de façon plus ou moins ouverte, à distinguer ‘nous' et ‘les autres'?
Au vu de ces observations, il nous incombe la responsabilité de décider: s'il convient de continuer à défendre les acquis sociaux sans remettre en question le contexte actuel, en risquant ainsi de ne pas toucher aux sources profondes de l'insécurité; s'il convient d'envisager, en revanche, une gouvernance alternative qui n'entende plus (ou pas seulement) le welfare system comme réparation a posteriori des dommages du système économique mais comme organisation du travail orientée a priori à la production de bénéfices sociaux. Dans le cas où ce projet obtiendrait un vaste consensus, il faudra s'engager: à ce que les Etats, impliqués dans la mondialisation, partagent leurs compétences avec la société des citoyens et pas seulement avec les marchés; à ce que, à son tour, cette société règle démocratiquement les actions des Etats et des marchés à partir de leurs effets sociaux, voire selon une éthique publique renouvelée.
à la nature spécifique du chômage dans la société post-industrielle; au manque d'un plan en adéquation avec les nouvelles formes de la consommation, voire les nouvelles demandes sociales; au manque de cohérence entre la stratégie de l'emploi, les politiques sociales et le cadre macro-économique. Au vu de ces analyses, on pourra mieux juger: la contribution à l'employabilité et à la qualité du travail des politiques actuelles, en particulier de celles trop axées sur la rigidité de l'offre d'emploi (flexibilité, réduction des coûts d'entreprise etc.); les conditions nécessaires à mettre en place une organisation alternative du travail qui ait des effets sociaux positifs (voire le modèle d'une entreprise solidaire ) mais soit aussi praticable dans le contexte mondial. En effet, si la mondialisation tend à produire une asymétrie entre le capital (mobile et global), la force-travail et les institutions publiques (plus statiques et locales), il faudra assurer à nouveau: la contribution du dialogue social au développement durable, à l'échelle nationale et européenne; la fonction des Etats et leur coopération stratégique dans les domaines de l'emploi, de la consommation (revenus et inflation) et des services (éducation, santé, protection etc.); la capacité de la société (organisations de consommateurs, associations à but social, entreprises d'utilité écologique et sociale, etc.) à structurer ses expériences au niveau européen et à coopérer avec les acteurs traditionnels du dialogue social.
L'évolution du monde du travail et de la structure familiale, unie aux tendances démographiques actuelles, semble mettre en crise la viabilité financière et la pertinence de ce système. Alors qu'il s'agit d'un des piliers de la cohésion de notre société, il faudra vérifier que toute réforme: soit inspirée du principe de l'universalité, pour assurer à tous une qualité de vie adéquate tout au long de la vie (ce qui implique la prise en charge des nouvelles formes d'emploi et d'exclusion de l'emploi); mette en place des critères équitables dans le partage des coûts et des bénéfices; développe davantage si nécessaire les piliers non-publics de protection, tout en gardant la solidarité entre les générations; soit le fruit d'un consensus avec les concernés, à vérifier régulièrement et éventuellement à réviser. Pour qu'une réorganisation durable de tout le système économique soit possible: les prestations sociales dans les autres domaines (aides au chômage, maladie et soins de santé, logement et prestations familiales, exclusion sociale, handicap etc.) doivent être modernisées selon les mêmes principes; les politiques sociales doivent faire l'objet d'une coopération européenne plus étroite (pour augmenter l'autonomie, favoriser la mobilité volontaire, endiguer le dumping etc.).
dans quelle mesure le cadre macro-économique actuel est cohérent, voire facilite ou fait obstacle au dit-projet; si, en particulier, les politiques actuelles en matière d'inflation et de taux d'intérêt, malgré les bénéfices produits en terme de santé des bilans, ne risquent pas d'accentuer l'insécurité (avec influences négatives sur les politiques salariales, sur la distribution du surplus social, sur le budget des Etats en matière de welfare etc.); à quelles conditions on pourrait envisager une réforme de ce cadre pour qu'il finance les extensions des droits requis à un développement durable, en tenant compte des inégalités entre les pays et dans les pays-mêmes. Quand on se pose ce genre de problèmes, on est confronté à des phénomènes mondiaux, tels que la libre circulation des capitaux et toute politique monétaire postérieure à la fin du système des taux de change fixe. Il faudrait quand même expérimenter des formes alternatives: de gouvernance de la monnaie (axée vers une transparence et un dialogue avec les acteurs sociaux); de politiques fiscales et des dépenses publiques (axées vers des investissements dans le domaine social ou de l'emploi); de financement des entreprises qui produisent des biens publics (finance éthique, micro-crédit etc.). |