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Forum 2005 – Concilier la flexibilité du travail et la cohésion sociale
 
Remarques de clôture de M. Alexander Vladychenko, Directeur général de la cohésion sociale au Conseil de l'Europe

Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,

Depuis hier matin, nous étudions les moyens de concilier la flexibilité du travail et la cohésion sociale.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le signaler hier, cette tâche est essentielle dans l'optique du Conseil de l'Europe en matière de cohésion sociale.

Comme nous l'avons souligné dans la stratégie que nous avons élaborée, la cohésion sociale, qui se fonde sur notre engagement en faveur des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit, constitue un élément indispensable à l'application pleine et entière de ces droits. Il est naturel que le Conseil de l'Europe s'efforce de développer une conception de la cohésion sociale fondée sur les droits.

Selon la définition du Conseil de l'Europe, la cohésion sociale est « la capacité d'une société à assurer le bien-être de tous ses membres, à minimiser les disparités et à éviter la polarisation. Une société cohésive est une communauté solidaire composée d'individus libres poursuivant des buts communs par des voies démocratiques ».

Le bien-être des personnes suppose non seulement l'équité et la non discrimination dans l'accès aux droits de l'homme mais aussi la reconnaissance de la dignité, des compétences et de la contribution de chaque personne à la société ; la liberté de chacun de rechercher son développement personnel ainsi que la possibilité pour chaque personne de participer activement à la société en qualité de citoyen à part entière.

On voit aisément pourquoi la flexibilité du travail donne souvent aux individus le sentiment d'être moins en sécurité. En outre, comme l'a indiqué le représentant de l'Organisation mondiale de la santé, cette situation peut affecter la santé physique et mentale des individus.

Nous avons vu aussi en quoi la flexibilité du travail pouvait représenter une chance pour certains mais tendait à en exclure d'autres ; comment elle pouvait empêcher l'accès à des revenus stables, à la protection sociale et à un logement décent et comment elle pouvait perturber l'instauration d'un équilibre sain entre le travail et la vie personnelle et conduire certaines personnes à retarder le moment d'avoir des enfants.

Par ailleurs, les chefs et cadres d'entreprise nous ont indiqué qu'ils avaient besoin de souplesse et de main-d'œuvre flexible de manière à s'adapter aux marchés mondiaux et à être compétitifs. Or, il est couramment admis qu'une économie du savoir dynamique exige une flexibilité accrue de la main-d'œuvre. La cohésion sociale doit se fonder sur les bases stables d'une performance économique solide.

Nous avons recueilli beaucoup d'éléments d'informations qui confirment certaines de nos craintes et mettent en lumière les dilemmes auxquels nous devons faire face, de sorte que l'on commence à se demander s'il est véritablement possible de concilier la flexibilité du travail et la cohésion sociale.

Cependant, la première conclusion que je tire de ce forum est encourageante. Lorsque toutes les parties prenantes ont présenté leurs différents besoins de flexibilité et de stabilité, tout au début du forum, on s'est aperçu qu'il n'était nullement impossible d'harmoniser les divers intérêts de manière à trouver, d'un commun accord, des moyens de concilier la flexibilité du travail et la cohésion sociale. Ces deux notions ne s'excluent pas mutuellement à priori.

La flexibilité du travail n'est pas seulement une nécessité pour les employeurs. On a vu que, certes, les salariés n'aiment pas le risque mais qu'ils ne sont pas forcément contre la flexibilité en tant que telle. Ils cherchent, en effet, le type de flexibilité du travail leur permettant de s'organiser, de concilier leur vie professionnelle et familiale et d'avoir du temps pour élever leurs enfants ou s'occuper des personnes âgées. On a vu également que les employeurs ont besoin de stabilité et de fiabilité dans les relations de travail. Il ressort clairement que la flexibilité du travail n'est pas la seule variable dont dépendent la compétitivité et la performance économique mais complète plutôt une série d'autres mesures d’accompagnement.

En rassemblant toutes les parties prenantes, on s'aperçoit qu'il est possible de créer une situation où tout le monde est gagnant et qu'il y a un espace de négociation mutuellement bénéfique.

Au cours de la journée et demie écoulée, nous avons eu la chance d'entendre parler d'une série de propositions novatrices et d'expériences éclairantes. Les intervenants nous ont décrit tout d'abord le modèle danois de flexicurité, puis le modèle néerlandais et les bonnes pratiques mises en œuvre dans des pays comme l'Autriche, l'Espagne ou l'Italie. Chefs d'entreprise et ONG ont également donné des conseils pour s'attaquer au problème. Ce matin, d'autres organisations internationales ont présenté leur stratégie, après quoi des responsables politiques chevronnés ont exposé leurs différents points de vue.

Il est stimulant de constater la multiplicité des idées positives avancées pour instaurer de nouvelles formes de cohésion sociale dans un monde de marchés du travail flexibles. Bien que l'on ne puisse transférer purement et simplement les meilleures pratiques d'un pays ou d'une région à l’autre, il est important d'être informé des mesures concrètes et novatrices qui peuvent faire partie d'une stratégie localement ou nationalement adaptée pour assurer la cohésion sociale.

Par tous ces moyens différents, on s'efforce de combiner la flexibilité et la sécurité de manière à garantir ce que l'on appelle inélégamment la « flexicurité ».

Toutefois, les stratégies de flexicurité ne sont pas toutes également compatibles avec la cohésion sociale, comme l'ont montré les débats sur la protection et l'insertion sociales. La conception de la cohésion sociale qui est celle du Conseil de l'Europe peut, je crois, contribuer à établir un cadre normatif fondé sur les droits sociaux.

C'est pourquoi nous vous avons soumis un avant-projet d'« inventaire des politiques générales » qui pourrait servir à structurer le débat en cours et à souligner les divers aspects qui doivent être pris en compte. Ce débat pourrait ensuite aider les intéressés à concevoir des solutions intelligentes compatibles avec la cohésion sociale et inspirées par les bonnes pratiques.
Pour trouver le type d'instruments de flexicurité favorisant la cohésion sociale, il est essentiel d'associer toutes les parties prenantes et de développer le sens des responsabilités partagées. La cohésion sociale n'est pas seulement un objectif mais aussi un processus qui s'efforce de s'adapter aux besoins de chacun. Toutefois, comme la flexibilité rend les formes traditionnelles de dialogue social plus difficiles, il nous faut concevoir de nouvelles méthodes et de nouveaux espaces pour ce dialogue.

Le Conseil de l'Europe aimerait engager ce processus en proposant comme base de discussion l'inventaire des politiques générales.

Malgré les différences de situation entre les pays d'Europe occidentale et les pays en transition, le but de la cohésion sociale est applicable partout ; il doit, cependant, être ajusté en fonction des diverses situations économiques, institutions et traditions. Le Conseil de l'Europe espère qu'un forum paneuropéen peut contribuer à promouvoir l'échange d'expériences et de bonnes pratiques et aider ainsi tous nos Etats membres à élaborer des stratégies à long terme.

L'action du Conseil de l'Europe repose sur la garantie des droits sociaux fondamentaux. Nous avons vu que le droit au travail doit être interprété différemment compte tenu des changements intervenus dans le monde de l’entreprise. De nouvelles interprétations et une évolution du droit du travail sont nécessaires pour donner un nouveau souffle au droit au travail. Comme nous l'avons vu, nous avons besoin d'un droit à l'emploi, d'un droit à de bonnes transitions et d'un droit au développement autonome. Nous devons à nouveau examiner nos textes de loi dans cette optique.

J'espère que nous ferons tous de ce forum un tremplin pour agir. Concilier la flexibilité du travail et la cohésion sociale est tout à fait possible mais nous avons encore un long chemin à parcourir.