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FORUM 2006 - « Quelle cohésion sociale dans une Europe multiculturelle ? »
 

Discours de Alexandre Orlov, Ambassadeur de la Fédération de Russie auprès du Conseil de l’Europe et président des Délégués des Ministres

Session d’ouverture (9 novembre 2006)

Je tiens à remercier les organisateurs de m’avoir invité à l’ouverture du Forum sociale de cette année. C’est la première fois à ma connaissance que la présidence du Comité des Ministres est représentée à cette importante manifestation, et je me réjouis que la présidence russe ait été à l’origine d’une telle initiative, qui constituera – je l’ espère – un précédent.

Je voudrais féliciter les organisateurs pour avoir décidé de dédier le Forum 2006 de la cohésion sociale à un thème qui est effectivement central pour le futur de l’Europe : la capacité de répondre aux changements liés aux migrations passées et en cours, sans céder à la « peur des autres » et des « différences » dont les migrants peuvent être porteurs.

C’est pourquoi le Forum se demande justement, et pas de manière rhétorique : « quelle cohésion sociale dans une Europe multiculturelle ? ».

Dans le peu de temps que j’ai, je ne peux qu’essayer de donner une toute première réponse, voir même une perspective de réponse. La cohésion sociale est bien possible dans une Europe multiculturelle, à condition de :
1. reconnaître et promouvoir les diversités, dans le cadre d’une société démocratique 
2. soutenir le dialogue interculturel et interreligieux et
3. créer les conditions sociales, économiques et politiques favorables aux diversités et au dialogue.

Reconnaître et promouvoir les diversités - politiques, culturelles, religieuses - dans le cadre d’une société démocratique est au cœur des valeurs qui fondent le Conseil de l’Europe. Dans cette capacité d’attacher de la valeur aux différences se reflète entre autre l’expérience historique d’un continent que l’opposition entre nations et l’affirmation d’idées totalitaires avaient fait précipiter dans la barbarie.

A partir de cette expérience, au lieu d’appréhender toute identité comme un acte d’affirmation unilatérale par opposition à des « autres », l’Europe a su récupérer et développer ses meilleurs traditions en matière de tolérance et de respect du pluralisme et de représentation démocratique des différences. Dans les sociétés européennes le sentiment d’appartenance peut et doit se fonder sur quelque chose d’autre que sur des identités renfermées sur elles mêmes: la réalisation des droits de l’homme, les garanties de l’état de droit, la lutte aux disparités sociales et économiques, les procédures et les espaces de la démocratie permettent en effet la construction d’une solidarité transversale et sensible aux identités particulières de chacun. C’est dans un tel contexte que les diversités peuvent être appréhendées comme l’expression de l’autonomie et de la dignité des personnes, donc un atout et pas un obstacle à la cohésion sociale.
Cet effort pour une Europe unie sans clivages a joué un rôle clé dans le processus qui a conduit les pays de l’Europe centrale et orientale, y compris la Fédération de Russie, à devenir membres du Conseil de l’Europe. Ces sociétés très diversifiées en terme de cultures et de formes de vie, constituées souvent par nationalités et groupes ethniques différentes, ont enrichi et confirmé par leurs expériences que seule la reconnaissance des diversités et la construction d’espace pour la négociation pacifique des conflits assurent en même temps le bien-être collectif et des individus. Ce n’est donc pas un hasard, si une des priorités de la Présidence russe du Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe a été le développement du dialogue interculturel et interreligieux.

La « Déclaration du forum de la Volga », qui a fait suite à la conférence internationale de Nizhniy Novgorod en septembre 2006 sur le dialogue culturel et la coopération interreligieuse, s’inscrit dans cette démarche. La déclaration admet que le rejet de la violence comme moyen pour imposer certaines vues n’est jamais acquis de manière définitive : ils demandent un effort toujours renouvelé - à tout niveau et par tous les membres de la société. Il ne faut donc jamais arrêter de dialoguer, et pour dialoguer il ne fait jamais arrêter de se remettre en question, voire de se protéger du risque d’être prisonnier de stéréotypes face aux « autres ». Cela est particulièrement le cas dans des moments historiques de grand changement, comme celui dans lequel nous vivons, pendant lesquels la tentation de se renfermer et de considérer toute diversité comme une menace devient plus forte.

Le Forum 2006 nous propose un exercice salutaire dans ce sens. Il nous pousse en effet à nous demander si l’Europe, qui est déjà assez multiculturelle et plurielle à son interne, est capable d’élargir la valeur qu’elle rattache à ses propres différences également aux diversités qui se manifestent suite aux migrations, notamment suite à celles provenant des pays non-européens et non occidentaux. Le Forum arrive jusqu’à poser la question si la « diversité culturelle » absolutisée ne risque de devenir l’alibi pour renoncer à l’inclusion des migrants et de leurs descendants dans les sociétés européennes. La question est légitime, car l’inquiétude qui accompagne souvent ce genre de débat renforce l’image des migrants comme un « problème » ou pire comme une « menace pour notre identité » et nos standards de vie : la reconnaissance des diversités est donc, dans le cas des migrants, une question très ouverte, qui demande un effort supplémentaire de compréhension et de dialogue politique avec toutes les personnes concernées, à partir des migrants eux-mêmes.

L’histoire européenne, encore une fois, devrait avoir montré de manière suffisante que l’appel à la xénophobie et à l’affirmation des identités les unes contres les autres, justifiant les traitements inégaux en matière de droits, ne répond pas aux questions de fond de la cohésion sociale. Au lieu de développer la capacité de vivre une vie autonome et digne, ou d’élargir un sentiment de responsabilité collective face au futur, ce genre de réponse à court terme finit plutôt pour empirer les conflits, créant une « culture de l’inimitié » et du suspect qui rend impossible toute solution négociée. En lisant le programme du Forum j’ai pu constater un effort vers des solutions concertées et à long terme, qui relient la valorisation des diversités culturelles aux exigence de la justice sociale. Cet effort nous devraient trouver d’accord et mériter donc tout notre soutient.

Je vous souhaite bon travail.