|
IP1 (2003) 57 F Forum des Citoyens « ONG – acteurs clés dans la gouvernance démocratique » Strasbourg
Table des matières Rapport final du forum des citoyens par Jill Lovecy, Rapporteuse générale, Université de
Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
Première séance plénière: le cadre analytique Helmut K. Anheier, Center for Civil Society, School of Public Policy and
Marc Tysebaert, Service Public Fédéral de la Justice, Belgique Discusssion, Contributions
Atelier 1 – Les ONG en tant qu’acteurs clés de la gouvernance locale
Etudes de Cas Marcos Herrero - Autorités Locales
Rapport de l’atelier 1 Christophe Pradier, EUROPA
en Estonie Rapport de l’Atelier n°2 : Jean-Marie HEYDT, Responsable du Regroupement “Droits sociaux, Charte sociale européenne, travail et politique sociale”
« L’existence d’une société civile active et de ses ONG est une composante vitale de la société européenne et un élément important de la démocratie. Les ONG jouent un rôle essentiel dans une démocratie pluraliste en servant de poids et de contrepoids et en intensifiant la participation active de tous les citoyens à la conduite des affaires publiques ».1 L’idée d’une nouvelle gouvernance démocratique associant différents acteurs dans un processus de prise de décision concertée passe progressivement du débat intellectuel à la pratique sur le terrain. Dans ce cadre, la société civile organisée est un acteur clé s’agissant de s’assurer que le gouvernement remplit son obligation de rendre des comptes. La nouvelle gouvernance démocratique, dont la consultation est un élément marquant, implique la participation au processus collectif de décision de toutes les parties prenantes susceptibles d’être affectées par les décisions en question. Les Objectifs du Forum étaient de :
Ce Forum a bénéficié d’une subvention spéciale du Gouvernement japonais. Rapport final du forum des citoyens Jill Lovecy, Rapporteuse générale, Université de Manchester Nul ne saurait mettre en doute l'importance du thème des débats de notre présent forum. En ce début du vingt-et-unième siècle, le mode de fonctionnement de nos institutions démocratiques et la manière dont on pourra renouveler et améliorer à l'avenir les pratiques démocratiques sont des questions qui occupent une place éminente à l'ordre du jour politique. Il va de soi qu'on peut largement contribuer à mettre au point des pratiques de démocratie participative plus efficaces en généralisant la présence et la participation d'organisations non gouvernementales dans le processus politique à tous les stades de celui-ci - établissement de l'ordre du jour et formulation initiale de lignes d'action nouvelles par application et évaluation de ces dernières - ainsi qu'à tous les niveaux - local, régional, national et supranational -, qui se trouvent désormais assemblés dans la nouvelle architecture politique et constitutionnelle de la gouvernance à plusieurs étages que nous avons édifiée en Europe. Ainsi que Yves Sintomer et John Casey l'ont tous deux souligné dans les premières parties du présent rapport, qui ont trait aux rôles joués par les ONG aux niveaux local et national, l'apport de celles-ci aux processus de la gouvernance démocratique ne tient pas seulement à leur fonction représentative, ni au fait qu'elles servent de porte-voix à la société civile, c'est-à-dire aux divers intérêts, groupements et identités dont est faite la mosaïque complexe de la société contemporaine ; il tient également à la fonction plus vaste qu'elles remplissent et qui consiste à donner leur mot à dire aux citoyens, ce dont elles s'acquittent en permettant à de larges cercles de personnes d'acquérir les aptitudes pratiques, les connaissances et la confiance nécessaires pour se comporter effectivement en citoyens actifs. L'élaboration de ces formes de démocratie participative, jointe à une représentation des partis elle-même ancrée dans la compétition électorale, est naturellement devenue une caractéristique notoire des États démocratiques libéraux d'Europe occidentale au cours du siècle dernier - quoique sous des formes et à des degrés très variables -, aux niveaux national, régional et local, de même qu'au niveau supranational, par le biais des processus consultatifs adoptés dans le cadre de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe. Une évolution analogue se dessine actuellement dans les États d'Europe centrale et orientale et d'Europe du Sud-Est, où l'agencement et la légitimité des ONG sont toutefois beaucoup moins affirmés. Si l'on examine, cependant, la contribution que les ONG peuvent apporter aux formes plus participatives de démocratie, il reste des questions épineuses et difficiles à résoudre s'agissant de savoir comment assurer et maintenir au mieux la représentativité, la responsabilité et la réactivité de ces organisations, ne serait-ce qu'à cause de l'hétérogénéité caractérisant le secteur non gouvernemental. Ainsi qu'il est apparu à plusieurs reprises au cours des débats que nous avons depuis deux jours, ces questions se posent aujourd'hui sous des formes beaucoup plus aiguës. Cela tient en partie à la complexité même du paysage institutionnel dans lequel les ONG doivent maintenant apprendre à s'orienter, elle-même due au fait que les multiples niveaux de nos nouvelles structures de gouvernance sont de plus en plus reliés les uns aux autres. De plus, les ONG ont une autre grande difficulté à surmonter dans la mesure où les autorités nationales et infra-nationales tendent aujourd'hui à se retirer du domaine d'action de l'État-Providence. De ce fait, les ONG sont de plus entraînées dans le monde contractuel et dans de nouveaux schémas relationnels avec les pouvoirs publics et l'État, nouveauté qu'Helmut Anheier analyse en détail dans son exposé d'orientation figurant au début du présent rapport. Des questions se posent alors quant à savoir jusqu'à quel point les ONG peuvent conserver une voix indépendante et jouer efficacement leur rôle représentatif à partir du moment où leur viabilité financière en vient à dépendre des relations contractuelles précitées. Les tendances considérées vont désormais au-delà des changements qui se produisent dans la protection sociale, car à tous les niveaux - local, national et aussi européen -, les pouvoirs publics semblent pousser davantage à l'établissement de relations contractuelles avec le secteur non gouvernemental. Ce défi lancé par la contractualisation pose, en outre, des problèmes particulièrement graves à ceux qui cherchent à mettre au point de nouvelles formes de démocratie participative ainsi qu'un partenariat entre le gouvernement et les ONG dans les États riverains de la Baltique comme en Europe centrale et orientale et en Europe du Sud-Est, où n'existe en tout état de cause aucune tradition, même récente, d'organisation indépendante. En présentant dans cette dernière partie du rapport les conclusions du Forum des citoyens organisé sur le thème "Les ONG, acteurs clés de la gouvernance démocratique", il est difficile de rendre justice à la richesse et à l'ampleur des discussions. Il y a plusieurs raisons à la réussite de ce forum : il rassemblait des personnes issues d'un très large éventail d'organisations qui travaillent dans des secteurs d'activité extrêmement divers ; de plus, ces personnes prennent part aux décisions à de nombreux niveaux et ont l'expérience des processus politiques, ce qui assurait la présence et la participation d'ONG très différentes les unes des autres. C'est pourquoi les séances des trois ateliers ont été consacrées principalement à l'échange et à l'examen de divers enseignements pratiques. Du reste, ce forum a eu pour avantage essentiel de permettre à chacun d'apprendre des autres, notamment par les contacts qu'il favorisait entre individus travaillant dans plusieurs régions d'Europe comme à plusieurs niveaux de gouvernance. En tant que Rapporteuse générale, j'ai donc pour tâche primordiale d'adresser, au nom de tous les participants, nos plus vifs remerciements au Conseil de l'Europe, et plus particulièrement à Walter Schwimmer, Secrétaire Général, ainsi qu'à Klaus Schumann, Directeur Général des Affaires politiques, pour avoir pris l'initiative de convoquer une réunion ouverte pendant deux jours à autant de monde, ce qui a permis la fructueuse mise en commun d'enseignements pratiques du genre dont je viens de parler. Tout en remerciant le Conseil de l'Europe, je voudrais revenir sur certains des thèmes développés au début par le Secrétaire Général et le Directeur Général des Affaires politiques, non sans m'appuyer sur mon domaine de spécialisation pour dire que ce n'est pas par hasard si le Conseil a pris une telle initiative et a consacré ses ressources à la tenue d'une telle réunion. Pour rendre compte de la place que le Conseil occupe dans l'architecture institutionnelle de l'Europe et de la contribution qu'il a apportée à l'élaboration des politiques publiques européennes au cours des cinquante dernières années, il faudrait souligner que l'Organisation a particulièrement cherché à promouvoir les valeurs et pratiques démocratiques ainsi qu'à faire œuvre normative en la matière sur le plan régional (Lovecy 2002 et 2003). Mais ce rôle du Conseil reste malheureusement méconnu du grand public européen, donc n'est pas aussi largement apprécié qu'il devrait l'être. Ces dernières années, en outre, il n'a pas vraiment reçu toute l'attention qu'il mérite de la part des chercheurs universitaires européens travaillant sur les différents aspects de l'intégration européenne. À certains égards, il est vrai, le Conseil de l'Europe semble avoir été aligné sur le modèle classique de l'organisation internationale, car il s'est vu confier par son traité fondateur, le Statut de Londres de mai 1949, la tâche très vaste consistant à promouvoir la collaboration et la coopération entre les gouvernements de ses États membres dans de très nombreux domaines d'action. Mais le Statut de Londres a assigné aussi au Conseil une mission plus précise : promouvoir et soutenir les traditions démocratiques de l'Europe et assurer le renouvellement de la démocratie européenne en mariant les pratiques démocratiques ayant cours au niveau national à une certaine forme de garantie collective des droits de l'homme au niveau européen. Comme on le sait, le Conseil a agi promptement sur ce dernier front en adoptant dès novembre 1950 l'instrument pionnier qu'est la Convention européenne des Droits de l'Homme. Toutefois, les dispositions institutionnelles du Conseil étaient inhabituelles dès le début, dans la mesure où le droit de formuler des propositions d'action au sein de cette organisation régionale n'était pas confié exclusivement au Comité des Ministres, organe représentatif des gouvernements membres, mais devait être exercé aussi par l'Assemblée parlementaire (appelée alors Assemblée consultative), composée de délégués des parlements nationaux des États membres, donc plus largement représentative de l'ensemble des citoyens européens. C'est en raison de cette volonté d'ouvrir les travaux du Conseil aux représentants des cercles plus larges de l'opinion publique que l'Organisation a pris très tôt - en 1952 - la décision d'offrir officiellement le statut consultatif à des ONG. Environ vingt-cinq ans après, le Conseil a établi un Comité de liaison pour coordonner les travaux de ces ONG et leur conférer un cadre permanent. Plus récemment encore, il a pris l'initiative d'un "Quadrilogue" afin d'institutionnaliser la présence et la participation des organisations non gouvernementales à l'établissement de sa politique, aux côtés du Comité des Ministres, de l'Assemblée parlementaire et du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l'Europe. En outre, l'approfondissement et l'extension des pratiques démocratiques au sein des États membres occupent une place de premier plan parmi les activités du Conseil, notamment depuis trente ans, puisque le Secrétariat en a fait alors le thème clé des plans à moyen terme élaborés par ses soins au cours des années soixante-dix et quatre-vingts, tandis que durant les années quatre-vingt-dix, cette question allait jusqu'à constituer l'élément central des programmes spécialisés que l'Organisation établissait à l'intention de sa nouvelle vague d'États membres d'Europe centrale et orientale, de la Baltique et des Balkans. Là encore, le Conseil a entrepris une tâche cumulative de longue haleine consistant à fixer et diffuser des normes, de même qu'il cherchait à identifier et faire reconnaître collectivement des valeurs européennes communes par l'élaboration de nouvelles conventions comme par d'autres formes de déclaration solennelle. J'en viens maintenant à mon autre tâche de Rapporteuse générale, qui est de résumer les principales conclusions de ce Forum des citoyens, et je voudrais commencer par insister sur une remarque déjà faite : au-delà des recommandations formelles adressées au Conseil de l'Europe en tant qu'organisateur, un résultat important du forum aura été de rendre possible la mise en commun d'enseignements. Grâce à cela, il sera possible aux participants de communiquer à leurs organisations respectives des connaissances d'une nouvelle nature, ainsi que de mettre à leur portée des contacts et réseaux nouveaux pouvant leur servir à développer leur action. En ce qui concerne les recommandations formelles émises par le Forum, ce n'est pas ici le lieu de décrire par le menu les recommandations formulées dans chaque section du présent rapport, établie par le président de chacun des trois ateliers, mais peut-être vaut-il la peine de faire une distinction entre deux grandes catégories de recommandations. La première catégorie de recommandations est axée sur les diverses manières dont le Conseil pourrait offrir aux ONG une aide très concrète. À cet égard, toute une série de propositions ont trait aux actions qu'il serait loisible à l'Organisation de conduire, dont la mise en œuvre ne serait pas trop exigeante en ressources supplémentaires et dont certaines sont d'ailleurs déjà en cours. On mentionnera, par exemple, l'idée de dresser un inventaire des ONG d'Europe en raison de l'utilité que celles-ci y trouveraient dans leur travail quotidien. Michael Remmert a déjà fait état de la participation du Conseil à l'élaboration d'un site Internet conçu à cet effet. Dans le même ordre d'idées, il a été proposé de faire l'inventaire des experts ayant pris part aux travaux du Conseil dans plusieurs domaines, dont les ONG pourraient se servir par le biais d'une banque d'expertise empruntant le canal du courrier électronique, ainsi que d'élaborer à l'usage des ONG des manuels où celles-ci trouveraient des conseils sur la meilleure pratique à suivre, entre autres, pour s'assurer une couverture médiatique. De même, les participants du Forum se sont intéressés surtout (cela se comprend) aux problèmes de financement, et en particulier à la rareté en Europe de grandes fondations indépendantes - comme celles existant aux Etats-Unis - qui sont disposées à financer dans une proportion importante tel ou tel programme d'activités d'une ONG. Le troisième atelier - en particulier - souligne à cet égard que le Conseil de l'Europe est peut-être en mesure de contribuer à identifier les sources potentielles de financement et autres possibilités financières s'offrant aux ONG travaillant sur le plan international, où l'on déplore l'absence des formules élaborées en la matière sur les plan local et national. Par-delà cette série de propositions concrètes, le deuxième recommandation importante émanant du Forum a trait au vaste rôle normatif que le Conseil joue à l'échelle de la région européenne ; elle mentionne le statut des Principes fondamentaux sur le statut des Organisations Non Gouvernementales, rédigée par un comité d'experts créé au sein du Conseil de l'Europe. Cette proposition émane du troisième atelier, mais en tant que Rapporteuse générale, je tiens à proposer qu'à cette dernière session, nous la présentions sous la forme d'une recommandation officielle du Forum tout entier. Les ONG ont particulièrement intérêt à ce que le Conseil de l'Europe adopte ce document comme déclaration officielle ; en effet, une fois passé dans le domaine public, un tel texte revêtira une grande utilité pratique pour elles à quelque niveau qu'elles opèrent, car il établit des valeurs et principes qui les légitiment, ainsi que des orientations en vue de leur action, de leur organisation et des meilleures pratiques à suivre, orientations qu'elles pourront suivre dans leur travail. Ce genre de ressource devrait être particulièrement précieux pour les ONG qui cherchent à promouvoir le partenariat entre les gouvernements et les ONG d'Europe centrale et orientale et d'Europe du Sud-Est. Pour conclure cette session plénière, je propose donc formellement, au nom du Forum, que ces principes fondamentaux sur le statut des ONG soit maintenant soumise à l'Assemblée parlementaire afin que celle-ci l'approuve et la transmette au Comité des Ministres pour adoption en tant que Déclaration du Conseil de l'Europe. Session d’ouverture Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe De plus en plus de problèmes exigent une stratégie globale et la contribution de tous les acteurs concernés, qu’il s’agisse d’organismes gouvernementaux ou non gouvernementaux. Les migrations en sont un bon exemple. Pour trouver des solutions, il faut engager le dialogue et établir une coopération entre les Etats d’origine, de transit et de destination. Il faut mettre en place une stratégie de gestion globale. Les migrations sont une question de droits de l’homme et de dignité humaine et l’intégration est l’un des piliers d’une gestion d’ensemble des migrations dans les pays d’accueil. Les ONG ont un rôle essentiel à jouer dans la promotion de l’intégration des étrangers. Par conséquent, le Conseil de l’Europe les associe étroitement à l’élaboration des politiques. La semaine dernière, les membres du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, les experts de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance et des comités intergouvernementaux ont rencontré des ONG représentant les étrangers, c’est-à-dire les conseils locaux de résidents étrangers. Ils ont étudié diverses solutions pour développer la participation des migrants à la vie publique locale, leur permettre d’être des citoyens actifs et faciliter leur intégration. Le Conseil de l’Europe élaborera avec ces ONG un manuel pour les autorités locales et établira un réseau de conseils consultatifs de résidents étrangers. Le Conseil de l’Europe veut élargir et approfondir ses relations de travail avec la société civile organisée. Cette évolution correspond à notre vision de la démocratie en tant que système en mutation permanente, capable de s’adapter aux exigences de la société moderne. Sur mon initiative, le projet intégré «des institutions démocratiques en action» a été lancé en tant qu’instrument visant à promouvoir et à diffuser, de manière ciblée, les normes du Conseil en matière de démocratie et de droits de l’homme et à déterminer les lacunes auxquelles il faut remédier. Nous devons, le cas échéant, prendre rapidement des mesures pour revitaliser les démocraties européennes. Nous comptons sur les ONG pour réaliser cet objectif ensemble! Pour nous, les ONG sont un véritable lien avec les 800 millions d’européens. Qu’est-ce qui a déjà été réalisé dans le demi-siècle de coopération entre le Conseil de l’Europe et les ONG? Selon quelles modalités les ONG participent-elles? Quelle différence cela fait-il? Quelques exemples :
J’estime que la participation des jeunes à l’élaboration des politiques contribue à contrebalancer l’apathie politique générale;
Je considère qu’il s’agit d’une contribution importante au renforcement de la démocratie dans nos nouveaux Etats membres;
Le fait d’unir nos forces à celles des dirigeants d’ONG nous a aidés à transmettre le message selon lequel la lutte contre le terrorisme ne doit pas être menée aux dépens des droits de l’homme;
Pour cette raison, nous projetons à présent de transformer le statut consultatif en statut participatif. Le Forum des citoyens traitera la question des principes sur lesquels pourraient se fonder de nouvelles relations de travail avec les ONG afin de tirer le meilleur parti possible de leurs connaissances et compétences dans nos efforts pour protéger et renforcer la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit. Le forum recensera également les pratiques novatrices mises en œuvre dans les Etats membres et pouvant servir d’exemple et d’inspiration pour la mise en place des nouveaux processus participatifs d’élaboration des politiques au sein du Conseil de l’Europe. Je vous invite à réfléchir à des questions telles que :
Je me félicite de la participation de membres de l’Assemblée parlementaire et du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe au Forum des citoyens. Ils seront certainement intéressés par les deux dernières questions ! Je vous invite également à nous dire ce que vous attendez du Conseil de l’Europe afin de renforcer encore à l’avenir notre coopération avec la société civile. Perspectives pour le forum La nature et le cadre de la participation des ONG aux travaux du Conseil de l’Europe prendront diverses formes au niveau des gouvernements, des parlements ou des autorités locales et régionales. J’attends avec beaucoup d’intérêt les résultats des trois ateliers sur le rôle des ONG dans la gouvernance locale, nationale et internationale. Je vous souhaite une réunion productive, émaillée de débats fructueux. Je suis convaincu que le forum apportera une contribution majeure, en jetant une lumière nouvelle sur la façon dont nous pouvons faire fonctionner les institutions démocratiques. Ambassadeur Gérard Philipps, representant permanent du Luxembourg aupres du conseil de l’europe, Président des Délégués des Ministres Le forum se tient quelques semaines seulement après la commémoration du cinquantenaire du statut consultatif des OING auprès du Conseil de l'Europe, célébré dans cette même enceinte le 24 septembre dernier en même temps que les 25 ans de la Commission de Liaison. La Présidente du Comité des Ministres et Ministre des affaires étrangères du Luxembourg, Mme Lydie Polfer, avait à cette occasion tenu à exprimer son soutien et celui que les autorités luxembourgeoises dans leur ensemble apportent au développement de la société civile, thème qui a d'ailleurs figuré parmi les domaines d'action prioritaire du programme de cette Présidence du Comité des Ministres qui s’achèvera cette semaine. Nous sommes bien évidemment réunis ici parce que nous sommes tous convaincus que les ONG sont un élément vital de la société démocratique. Elles interviennent en vérité au cœur de la société civile. Nous sommes également tous conscients de l’importance primordiale de l’implication et de la participation active des citoyens dans la construction de cette Europe stable et solidaire à laquelle nous aspirons et que nous souhaitons voir toujours plus unie. Ces convictions ont été affirmées par le Conseil de l'Europe depuis 50 ans. En intervenant tant au niveau local, régional que national et dans des domaines aussi cruciaux que les droits de l’homme, l’action sociale, la préservation de l’environnement ou la promotion de la culture et du patrimoine, pour ne citer que quelques exemples, les ONG se font l’écho concret des préoccupations des citoyens de l’Europe auxquelles nous, parlementaires, élus locaux, hommes politiques et diplomates, tentons de répondre, même si les suggestions voire même les interpellations des ONG passent parfois à côté de nous et que leurs représentants doivent plus d'une fois s'armer de patience et de persévérance pour se faire entendre. Le système de coopération introduit par le statut consultatif il y a donc de cela cinquante ans a largement contribué au développement et au renforcement de cette coopération entre le Conseil de l'Europe et le monde associatif et les ONG. 50 années de coopération et de travail commun qui prennent toute leur dimension et toute leur pertinence dans ce processus de consultation et de coopération régulier et soutenu entre les ONG, le Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe que nous appelons communément le "quadrilogue". Ce quadrilogue permet à notre Organisation de répondre à une triple nécessité : - être à l'écoute des citoyens européens et de la société civile au sens large ;
L'anniversaire récemment célébré et le forum des citoyens qui se tient aujourd'hui sont autant d’occasions pour explorer davantage et de manière résolue de nouvelles pistes permettant de mieux encore associer tous les acteurs de la société civile à la vie publique et politique et de véritablement faire de cette démocratie participative - dont nous aimons à nous réclamer en des termes idéalistes - une partie intégrante de la démocratie représentative. Il s'agit de franchir le pas - et de dépasser le stade des affirmations de principe. La Présidence luxembourgeoise soutient en ce sens les travaux actuellement en cours au sein du Conseil de l'Europe visant à renforcer le statut des ONG afin de refléter leur rôle actif et constructif dans la société démocratique européenne ainsi qu'à l’intérieur du Conseil de l'Europe, tous organes et secteurs confondus. Les consultations en cours devraient assez rapidement mener à l’adoption d’un nouveau statut des ONG internationales au sein du Conseil de l'Europe et donnant une nouvelle dimension qualitative à leur participation active aux travaux de l’Organisation. L’adoption, le moment venu, d’une Résolution du Comité des Ministres traduira sur le plan juridique l’évolution de cette remarquable coopération entre le Conseil de l'Europe et les ONG internationales et, finalement, consacrera le quadrilogue en tant qu'expression par excellence du pluralisme démocratique et élément essentiel et déterminant pour la poursuite du développement d’une Europe des citoyennes et des citoyens. C’est sur cet arrière-fond et dans cette perspective que doit s'inscrire le forum qui nous réunit aujourd’hui. Son objectif non équivoque doit être la projection, dans l'avenir le plus rapproché possible, des contours précis et des implications concrètes de l’action qui est le fondement des ONG internationales dans le processus de démocratisation permanente de notre continent européen et de ses sociétés en pleine évolution. Ce forum dispose donc d'une opportunité unique de pouvoir faire le point de la situation actuelle et des développements souhaités et souhaitables ainsi que de l’action d'ensemble de la société civile dans son partenariat avec le Conseil de l'Europe. Il faut profiter au maximum de cette occasion mettant en présence les protagonistes de la démocratie participative avec les autres acteurs du quadrilogue. Merci de votre attention et je nous souhaite bon travail ! Gianfranco Martini, représentant du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE) 1. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE) accorde une grande importance au dialogue direct avec les citoyens afin :
2. Le Congrès s’attache à faire fonctionner la démocratie participative au niveau local. Les activités menées avec la participation d’ONG englobent :
Dans de nombreux Etats membres, les collectivités locales et régionales elles-mêmes ont créé des associations qui les aident à échanger des informations, organiser des discussions sur les questions d’intérêt commun et à promouvoir l’autonomie locale et régionale. Des associations internationales de collectivités territoriales dotées d’un statut consultatif auprès du Conseil de l'Europe bénéficient d’un statut d’observateur auprès du Congrès. Elles sont actuellement au nombre de dix-huit et participent activement aux travaux du Congrès. 3. Le Congrès soutient l’initiative du Conseil de l'Europe visant à octroyer un statut participatif à des ONG internationales. Il étudiera concrètement les modalités d’ouverture de ses structures de travail à des représentants d’ONG (peut-être par le biais de moyens de communication électroniques comme la téléconférence). En outre, les ONG pourraient être contactées de manière plus systématique dans le cadre des missions d’enquête, d’observation des élections et de suivi du Congrès. 4. Le Congrès espère que les participants des ONG au Forum fourniront des exemples de partenariats entre ONG et collectivités locales qui pourront être diffusés par l’intermédiaire de ses réseaux. Les participants devraient aussi faire connaître leurs idées quant à la contribution des ONG pour renforcer la démocratie représentative au niveau local et régional et introduire des éléments de démocratie participative.
Au nom des 374 ONG internationales ayant un statut consultatif, je voudrais tout d’abord remercier le Conseil d’avoir organisé ces Forums de Citoyens dans le cadre des Projets intégrés. Le nombre de personnes présentes démontre l’intérêt de ce type de rencontres. L’intérêt de ces projets intégrés est double pour nous. Tout d’abord il nous permet de nous rencontrer en « quadrilogue », ensuite, les thématiques des Forums de Citoyens sont d’une grande importance dans notre vie au quotidien (Les Institutions Démocratiques en action, et les Réponses à la violence quotidienne dans une société démocratique, qui ne peuvent pas et ne doivent pas être que d’ordre sécuritaire). Tout d’abord je voudrais réaffirmer que pour nous, la société civile , est composée des élus locaux, régionaux, nationaux européens et des ONG. Il y a là une nécessaire complémentarité . Cependant cela nécessite une méthode de travail conjointe efficace et responsable. La méthode de travail au Conseil de l’Europe avec les ONG internationales, est une méthode « responsable ». Bâtir ensemble. Le cinquantenaire du statut consultatif que nous célébrons cette année en est une preuve flagrante. Mais la vigilance est nécessaire pour toujours ré-initier, renforcer, développer le partenariat. Le statut participatif, la Convention 124 sur la reconnaissance du statut juridique des ONG internationales, pour laquelle encore trop peu de signataires ont ratifiés, le travail sur les Principes Fondamentaux concernant le statut des ONG en Europe, sont autant de rendez-vous, pour nous pousser à progresser ensemble. Tout ceci est exigeant sur la qualité du travail à réaliser ; comme la démocratie, rien n’est acquis, il faut continuer à approfondir….La stagnation de ce processus démocratique, est un signe de régression dans nos sociétés . On parle de nouvelle gouvernance démocratique, de développement durable, mais pour moi tout cela dépend de la mise en œuvre d’une « Démocratie Durable » , et là, le travail du Conseil de l’Europe mais surtout des ONG internationales de par leurs fonctions (école du citoyen et de la démocratie) est essentiel. Mais le développement des ONG en Europe nécessite des conditions préalables :
Pour le futur des relations entre les ONG-internationales et le Conseil de l’Europe, il est nécessaire de rechercher un engagement réciproque, responsable, complémentaire. Ce n’est pas facile de par la disparité des institutions, qui chacune possède ses propres priorités et pistes de travail. (Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l’Europe, Comité des Ministres, Commissaire aux droits de l’Homme, Secrétariat….) Nos efforts doivent porter sur un plan de travail joint, guidé pour être efficace, pour éviter les doublons. Nous devrions encore plus pousser à l’ « inter-activité » des structures pour se questionner, réagir. Je voudrais à ce stade vous faire une proposition : pour protéger l’autonomie associative dans un partenariat avec les pouvoirs publics et pour garantir à ceux-ci la qualité de l’apport de son partenaire, nous disposons de deux pistes de travail , le réglementation administrative et le contrat moral. L’encadrement légal des rapports entre les autorités publiques et les ONG est à l’évidence nécessaire, c’est tout le travail réalisé sur les Principes Fondamentaux, même si nous regrettons d’être passé de l’idée d’un modèle plus coercitif (Charte) à un modèle uniquement incitatif. Mais s’appuyer exclusivement sur des procédures administratives comporterait des difficultés d’application et un risque de dérives bureaucratiques et corporatistes. Nous pouvons obtenir les mêmes avantages par une démarche contractuelle affirmant les principes et les « règles du jeu » de la coopération entre les pouvoirs publics et les associations, définissant les droits et devoirs de chacun. Nous pourrions profiter d’un groupe de travail du Quadrilogue pour travailler dans ce sens, à l’élaboration d’une Charte de partenariat. Dans ce contrat, nous y trouverions les engagements réciproques, clairement définis, régulièrement évalués, permettant de créer et d’établir dans la durée le climat de confiance mutuel nécessaire à une coopération respectueuse de l’identité de chacun. Plusieurs pays ont travaillé de tels projets (France, Royaume Uni….). Développer l’idée d’une nouvelle gouvernance démocratique, signifie que nous devons participer ensemble à l’élaboration des politiques, avec un seul objectif, répondre le plus simplement, et le plus efficacement aux problèmes quotidiens de nos citoyens. Mais cela nécessite aussi de faciliter une plus grande participation des usagers, des citoyens. C’est là, le gage à la fois d’une non confiscation et d’un plus grand respect de la parole, mais aussi d’une plus grande responsabilisation. Tous les lieux de vie, doivent être exploités pour faciliter cette participation, personnes âgées participant à la vie de leur logement d’accueil pour leur retraite, le malade dans l’hôpital, le citoyen dans sa commune, les locataires pour leur logement, les citoyens des pays du sud avec ceux du Nord, les jeunes à l’école, dans leur quartier… Cela nécessite un apprentissage, et là le lien avec l’école, ainsi que tous les lieux d’éducation formelle ou informelle, est très important. Le projet du Conseil Education à la Citoyenneté Démocratique était très judicieux. Mais cela nécessite un projet et un investissement de longue durée, dont les projets intégrés pourraient être le point de départ. L’enjeu est de taille, une société plus équilibrée, plus responsable et plus solidaire. La solidarité n’est ni une question de business, ne parlons nous pas de plus en plus d’entreprises solidaires, ni un acte de philanthropie, ni une mode. C’est une question d’éthique, un devoir partagé –ou qui devrait l’être- par chaque citoyen. Nous devons tous nous engager dans la mise en place d’un agenda de travail, la diffusion des résultats de nos échanges. Les 374 ONG internationales pourront là être un vecteur de communication et de diffusion. Mais avant tout il nous faut à tous, une vision commune de long terme. Bonnes journées de travail. Première séance plénière: le cadre analytique Helmut K. Anheier, Center for Civil Society, School of Public Policy and Social Research, Université de Californie, Los Angeles Introduction Au cours de la dernière décennie, la plupart des économies de marché développées d’Europe, d’Amérique du Nord et de la zone Asie-Pacifique ont assisté à un accroissement général du poids économique des associations à but non lucratif en tant que prestataires de services culturels, sociaux, de santé et d’éducation en tous genres3. En moyenne, le secteur à but non lucratif représente près de 6 % du total des emplois dans les pays de l’OCDE, et près de 10 % si on y ajoute les bénévoles (Salamon et al, 1999). Ce rôle économique, en particulier en matière de protection sociale, a été un dénominateur commun aux associations à but non lucratif dans la plupart des pays développés, même s’il a souvent été sous-estimé. Cependant, l’intérêt nouveau pour la société civile reflète des changements profonds dans le contexte politique global. Le discours politique à propos du secteur à but non lucratif s’est éloigné du modèle qui a longtemps prévalu dans ce domaine pour intégrer des éléments résolument néo-tocquevilliens. D’après cette approche, les associations à but non lucratif ou les ONG sont des prestataires efficaces et performants de services sociaux et autres que les gouvernements peuvent estimer ne pouvoir offrir qu’à un coût supérieur et avec une efficacité moindre. Il en résulte que les relations de coopération entre les gouvernements et les associations à but non lucratif en matière de protection sociale sont devenues progressivement une caractéristique essentielle dans des pays tels que les Etats-Unis (Salamon, 1995), l’Allemagne (Anheier et Seibel, 2001), la France (Archambault, 1996) ou le Royaume-Uni (Plowden, 2001; Strategy Unit, 2002). Pourtant, selon la théorie néo-tocquevillienne, le secteur à but non lucratif et bénévole doit former l’infrastructure sociale de la société civile. Les associations à but non lucratif doivent créer et encourager un sentiment de confiance et d’intégration sociale considéré comme essentiel pour le fonctionnement des sociétés modernes (par exemple Putnam, 2000; Anheier et Kendall, 2002). L’accent conjoint, explicite ou implicite, mis sur les prestations de services et la société civile, entraîne toutefois de nombreux défis théoriques et politiques. L’une des missions les plus importantes de la recherche dans ce domaine est de comprendre ces défis et leurs implications politiques, dans une perspective clairement comparative.
Prestataire de Services ou Institution de la Societe Civile ? Deux tendances, accompagnées d’orientations politiques, se sont affirmées au cours de la dernière décennie : · La première est la montée des associations à but non lucratif en tant que prestataires de services, éléments d’un partenariat public-privé, dans le cadre d’une nouvelle gestion publique et de l’essor de marchés et de quasi-marchés dans des domaines qui relevaient jusqu’ici de l’Etat providence. · La seconde est la (re)découverte de la société civile. Les décideurs politiques et les intellectuels prennent de plus en plus conscience du changement qui s’opère dans le tissu social. Le déclin de l’adhésion aux organisations traditionnelles telles que les syndicats, les partis politiques et les églises, l’érosion alléguée du capital social et de la confiance envers les personnes et les institutions et d’autres facteurs, entraînent un grand sentiment d’incertitude et des craintes pour la stabilité sociale. Dans ce contexte, le secteur associatif ou bénévole apparaît comme une panacée pour contrecarrer l’isolement social et les effets négatifs de l’individualisme sur la cohésion sociale. La Montee de la Nouvelle Gestion Publique L’accent mis sur les ONG comme prestataires de services et instruments de privatisation confère aux associations à but non lucratif un rôle essentiellement néo-libéral. Parmi les exemples caractéristiques, citons les efforts de l’Allemagne pour moderniser sa politique de subsidiarité par l’introduction d’appels à la concurrence dans les marchés de services sociaux (Anheier et Seibel, 2001), l’Accord du New Labour (New Labour’s Compact) au Royaume-Uni (Mulgan, 1999; Plowden, 2001), les diverses réformes du budget fédéral aux Etats-Unis (Abrahamson et al, 1999), ou encore la politique française d’« insertion » sur le marché du travail (Archambault, 1996). Le point à retenir à cet égard est que les associations à but non lucratif ne sont plus considérées comme les parents pauvres de l’Etat ou comme une forme démodée d’organisation, comme le prétend la littérature traditionnelle sur l’Etat-providence (voir Quadagno, 1987). Au contraire, elles deviennent les instruments de la réforme de l’Etat providence, selon l’équation « moins de gouvernement = moins de bureaucratie = plus de flexibilité = plus d’efficacité ». (voir Kettl, 2000). La recrudescence des quasi-marchés, les partenariats public-privé et la nouvelle gestion publique confèrent aux associations à but non lucratif un rôle de prestataires de services, en l’occurrence d’entreprises de service payés, au moins partiellement, par le gouvernement (Ferlie, 1996; McLaughlin, Osborne, et Ferlie, 2002). Le concept général de nouvelle gestion publique comprend plusieurs aspects qui associent spécifiquement le secteur à but non lucratif :
La nouvelle gestion publique a remis en cause rôles traditionnels des associations à but non lucratif et s’est focalisée sur la question de savoir si les associations à but non lucratif peuvent être à la fois des prestataires efficaces et performants de services sociaux, et des agents de la société civile. Kramer (1981), en particulier, distingue quatre rôles conventionnels conférés aux associations à but non lucratif, qui sous une forme ou une autre, semblent applicables aussi bien au monde développé qu’aux pays en transition et en voie de développement (Salamon, Hems, Chinnock, 2000; Edwards et Hume, 1996) : Rôle de prestataire de services : les programmes gouvernementaux étant généralement homogènes et à grande échelle, les associations à but non lucratif remplissent diverses fonctions importantes dans la délivrance de biens et de services collectifs, en particulier pour les minorités. Elles peuvent aussi être des prestataires de services primaires dans des secteurs où ni le gouvernement ni les entreprises ne veulent ou ne peuvent intervenir. Elles peuvent offrir des services complétant les prestations d’autres secteurs, mais s’en distinguent sur le plan qualitatif. Elles peuvent aussi compléter des services similaires, lorsque les prestations délivrées par le gouvernement ou le marché sont insuffisantes ou difficilement abordables. Rôle de pionnier : les associations à but non lucratif innovent et jouent un rôle de pionnier en expérimentant des approches, des processus ou des programmes novateurs de prestation de services. Dans leurs domaines, elles servent ainsi d’agents du changement. Si, après développement et mise à l’épreuve par les associations à but non lucratif, les innovations s’avèrent fructueuses, d’autres prestataires de services, et en particulier les agences gouvernementales à plus grande échelle peuvent les adopter. Rôle de gardiens des valeurs : les agences gouvernementales sont souvent forcées, pour des raisons constitutionnelles ou par la volonté de la majorité, de protéger et de faciliter l’expression de valeurs chères à différentes parties de l’électorat. Les entreprises commerciales ne poursuivent pas les mêmes valeurs, car cette approche est rarement rentable. Les associations à but non lucratif sont ainsi le mécanisme primaire de promotion et de sauvegarde de valeurs spécifiques, elles permettent à des groupes sociaux d’exprimer et de promulguer leurs opinions et préférences religieuses, idéologiques, politiques, culturelles, et sociales. La diversité d’expression qui en résulte dans la société contribue au pluralisme et à la démocratisation. Rôle de défenseur : dans le processus politique déterminant la conception et le profil des principes, les besoins des groupes sous-représentés ou victimes de discrimination ne sont pas toujours pris en compte. Les associations à but non lucratif interviennent ainsi pour permettre l’expression de la minorité et des valeurs et intérêts particuliers qu’elles représentent. A l’inverse, elles jouent les rôles de critiques et de sentinelles pour influer sur les modifications et améliorations des politiques sociales et autres. La nouvelle gestion publique, qui privilégie le rôle de prestataire de services et de pionnier au détriment de celui de gardien des valeurs et de défenseur, a quatre grandes implications pour les associations à but non lucratif :
En effet, alors que le secteur à but non lucratif continuera de se développer économiquement dans l’environnement politique actuel, il risque aussi de douter de sa mission et de sa place dans la société. La (Re)Decouverte de la Societe Civile A l’opposé du rôle néo-libéral des associations à but non lucratif dans la nouvelle gestion publique, l’approche néo-tocquevillienne insiste sur la fonction d’intégration sociale du secteur et sur sa contribution indirecte. Se profile la perspective d’une société civile forte et dynamique, caractérisée par une infrastructure sociale formée de réseaux denses de relations personnelles qui dépassent les clivages sociaux tels que la race, l’appartenance ethnique, la classe, l’orientation sexuelle et le genre, qui formera le socle d’un Etat démocratique fort et responsable (Edwards, Foley et Diani, 2001, p.17). Les réseaux d’associations civiles intègrent des valeurs d’échange, de citoyenneté et de confiance. L’essence de l’approche néo-tocquevillienne est la suivante : la société civile crée un capital social bénéfique pour la société et l’économie. En effet, la société civile ne se contente pas d’être un rempart contre un Etat qui pourrait devenir trop puissant, ou un mécanisme qui crée la cohésion sociale : c’est un principe général de la construction de la société basé sur l’individualisme, la responsabilité commune et l’auto-organisation. Le génie de Putnam (2000) a été de lier l’analyse de Tocqueville au XIXe siècle (mythologie antique, diraient certains ?) aux problèmes modernes de la société américaine. C’est ce qui a rendu son travail si populaire auprès des décideurs politiques aux Etats-Unis et ailleurs : il identifiait un problème (l’isolement, l’exclusion) et proposait une solution tirée du passé (associations de bénévoles, communauté), opposant à une situation incertaine la tradition et la continuité. Cette connexion a « fait mouche » non seulement aux Etats-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne (cf. le débat sur la « troisième voie », Giddens, 1999) ou dans des pays tels que l’Allemagne (Enquettekommission, 2002). L’approche axée sur le capital social/la confiance sociale a plusieurs implications déterminantes pour les associations à but non lucratif, parmi lesquelles :
Implications Dans quelles conditions les ONG peuvent-elles remplir les deux objectifs cités : agir en tant que prestataires de services dans des secteurs devenant des « industries à forte croissance » où les entreprises sont de plus en plus présentes (santé, éducation, services sociaux, environnement), et servir de pilier à la société civile et de moteur pour la formation de capital social, de relations de confiance, d’intégration sociale, etc. ? Que dire de l’évolution future du secteur sans but lucratif dans les pays d’Europe et d’Amérique du Nord ? La capacité des associations à but non lucratif à conjuguer une orientation axée sur des valeurs à la rationalité managériale est devenue un thème majeur dans la littérature (voir Moore, 2000). De l’avis général, il est très difficile de combiner les deux missions avec le même succès. Qui plus est, des auteurs tels que Frumkin et Andre-Clark (2000) entrevoient une différenciation dans le secteur sans but lucratif. Pour apprécier pleinement la tension entre les associations axées sur des valeurs et les prestataires de services performants, il est intéressant de suivre le raisonnement de Ryan (1999) et d’examiner plus en détail le contexte politique. Précisément, le secteur sans but lucratif est confronté à un éventail plus large de demandes pour ses services et ses activités, de la part de participants très variés. Et surtout, les gouvernements pratiquent des coupes claires et se déchargent progressivement de certaines de leurs tâches traditionnelles sur des associations à but non lucratif privées et des prestataires commerciaux. A l’ère des restrictions budgétaires, du « dégraissage » et des tentatives de privatisation, le secteur sans but lucratif est confronté à des défis et des opportunités essentiels. Sera-t-il en mesure de relever ces défis et devrait-il saisir toutes les opportunités créées par un Etat qui bat en retraite ? Si les versions divergent sur le diagnostic d’une relation équilibrée entre Etat et secteur associatif (voir Salamon, 1995), elles émettent en général des doutes sur la capacité du secteur à compenser les dispositions publiques au-delà d’un certain niveau (Steuerle et Hodgkinson, 1999). En définitive, il nous faut réexaminer les relations entre les quatre grands piliers institutionnels : ménages/familles, entreprises, gouvernement et associations/fondations en vue du bien public et le bien-être collectif dans les sociétés actuelles et futures. Certaines fonctions du gouvernement sont primordiales : défense, primauté du droit et infrastructures de base. Certains biens purement privés sont par contre gérés au mieux par les marchés. Entre ces deux extrêmes, une vaste zone de biens et de services quasi-publics ou quasi privés demeure néanmoins. C’est là qu’intervient la majorité des désaccords actuels sur le sens et la culture des biens collectifs (voir Barr, 1998). Plus important encore, de nouvelles formes d’organisation émergent principalement dans la zone contestée et c’est également là, à notre avis, que le secteur sans but lucratif s’est le plus développé. Il est essentiel de garder à l’esprit que deux et généralement trois formes organisationnelles sont envisageables dans ces domaines, le secteur sans but lucratif n’étant qu’une forme parmi d’autres. Il y a fort à parier que la différentiation dans le secteur sans but lucratif sera plus profonde. Certaines associations se rapprocheront des entreprises de marché ou se regrouperont. D’autres, de plus en plus proches des gouvernements, telles les ONG intervenant dans le financement du développement international, se rapprocheront plus du statut d’agence et ressembleront à des bureaucraties publiques. Certaines enfin resteront des associations à but non lucratif au sens conventionnel du terme. Nous suggérons encore qu’au-delà et en deçà de cette différentiation du secteur associatif, des forces plus fondamentales sont en mouvement si nous considérons que des processus de différentiation similaires sont intervenus dans le secteur public et à but lucratif. Ce raisonnement est sous-tendu par un éclairage de la théorie organisationnelle : fondamentalement, les formes d’organisation sont en concurrence plus ou moins ouverte les unes avec les autres. Si des mesures politiques fixent les règles du jeu, au fil du temps des clivages apparaissent entre les potentiels et les contraintes imposées aux formes organisationnelles, avec en corollaire une augmentation ou une réduction de leurs avantages concurrentiels par rapport aux autres. Certaines forces sous-jacentes responsables de ces clivages ont trait aux théories d’hétérogénéité et de confiance évoquées précédemment : changement dans la définition des biens et des services et changement dans les asymétries d’information, entre autres. Cette dynamique mène à des mutations dans la composition des domaines organisationnels en termes de forme. Mais d’où viennent ces formes ? La théorie organisationnelle fait référence à deux processus fondamentaux menant au développement de nouvelles formes ou spéciation : la recombinaison et la refonctionnalisation (Aldrich, 1999). La recombinaison suppose l’introduction de nouveaux éléments dans une forme organisationnelle existante, par exemple l’évaluation des performances, le franchisage, la stratégie de marque ou d’autres outils de gestion organisationnels dans les associations à but non lucratif, ou des programmes organisationnels de responsabilité dans les entreprises. La refonctionnalisation est le transfert d’une forme dans un contexte différent, par exemple la migration des prestataires à but lucratif dans des secteurs précédemment occupés en majorité par des associations à but non lucratif, comme ce fut le cas pour les services sociaux. Nous suggérons que les deux processus de recombinaison et de refonctionnalisation sont et ont été plus nombreux au cours des dernières années. Le glissement vers une économie de service est un moteur majeur en arrière-plan de ces processus, qui sont renforcés par la croissance démographique. L’importance croissante du secteur associatif n’est toutefois pas exclusivement le fruit de causes économiques et démographiques. Les changements politiques et idéologiques y ont eux aussi joué un rôle significatif. En particulier, le cadre politique et le pouvoir législatif qui en découle décident souvent de la manière dont la demande est canalisée vers le secteur associatif. En effet, les taux de croissance les plus élevés pour le secteur associatif sont notés dans les pays dotés de politiques appliquant une sorte de partenariat de travail entre le gouvernement et les associations à but non lucratif. Comme exemple, nous citerons le principe de subsidiarité en Allemagne, le système de cloisonnement (verzuilling) aux Pays-Bas, le concept de gouvernement tiers aux Etats-Unis et, de plus en plus, l’Accord du New Labour (Compact) au Royaume-Uni. Par essence, avec un partenariat de ce type, les associations à but non lucratif délivrent des services avec l’aide financière du gouvernement, et sont généralement parties prenantes de systèmes de contrat complexes. Néanmoins, une raison idéologique plus profonde pousse au développement du secteur associatif : le changement de rôle de l’Etat lui même. Malgré des traditions idéologiques différentes pour certains pays européens, les deux courants politiques du néo-libéralisme et des approches de type « troisième voie » impliquent une redistribution des responsabilités entre l’Etat et la société. L’Etat, manquant de certitudes quant à son rôle et sans la vision caractéristique des réformes sociales des années 1960 et 1970, proclame le citoyen actif, un citoyen assumant d’anciennes et de nouvelles libertés et responsabilités au sens du républicanisme libéral classique. Alliées à des politiques économiques mettant l’accent sur la privatisation des entreprises et des holdings d’Etat, les années récentes ont été les témoins d’un mouvement quasiment mondial qui a mis sous pression politique toutes les fonctions non essentielles de l’Etat et les agences publiques. Il s’agit entre autres des télécommunications, de la distribution de l’eau, des universités, des hôpitaux, des chambres de commerce et des organismes d’épargne publiques. La privatisation de la sécurité sociale, impensable il y a encore quelques années, fait partie désormais de l’agenda politique. Le consensus politique et institutionnel de feu la société industrielle vole en éclats. Un espace économique, politique et social s’ouvre pour le secteur associatif. Nous y trouvons des associations à but non lucratif et bénévoles traditionnelles, mais aussi de nouvelles formes de travail et d’organisation. Nous citerons comme exemple le nouveau mutualisme en Grande-Bretagne, les coopératives sociales en Italie, la recherche de nouvelles structures de propriété juridique permettant d’associer les activités avec ou sans but lucratif, les tentatives individuelles d’allier un travail rétribué et bénévole (voir le Rapport sur l’investissement social au Royaume-Uni). Tous ces exemples sont des indicateurs de glissements fondamentaux intervenant dans nos sociétés. En d’autres termes, le développement du secteur sans but lucratif est bien plus qu’un phénomène quantitatif, il s’agit d’une véritable évolution qualitative. Les nombreuses initiatives politiques gouvernementales actuellement en cours ou à l’étude laissent entrevoir un changement de politique plus fondamental, dont l’objectif à terme reste cependant peu clair : quelle « société » et quelle « communauté » l’administration américaine actuelle, le New Labour, etc., veulent-ils ? Quelles relations les gouvernements et les responsables civils envisagent-ils entre le secteur bénévole et associatif d’une part, et le gouvernement (à divers degrés) d’autre part ? A cet égard, quel est le rôle du « business » et de la responsabilité sociale des entreprises ? En quoi ces idées diffèrent-elles de celles d’autres partis politiques ? Comment les problèmes internationaux s’intègrent-ils dans ce contexte, s’ils s’y intègrent ? Dans le cadre de la politique sociale aux Etats-Unis, les problèmes transnationaux et la mondialisation n’interviennent que rarement ; dans le débat politique britannique, selon Plowden (2001), on dit que l’Europe n’a pas su agir (« Europe is the dog that did not bark »). Au niveau des nations, en Amérique du Nord, en Europe et au Japon, le débat politique actuel au sujet de la protection sociale et de la réforme gouvernementale, du renouveau civil et de la construction de la communauté présente une caractéristique très curieuse : l’absence de vision plus large du type de société future que nous envisageons lorsque nous discutons du rôle du secteur associatif. Quel type de société l’administration Clinton et aujourd’hui l’administration Bush envisagent-elles avec un accent mis sur des communautés fondées sur la foi comme composants de la réforme de la protection sociale ? Quelle société britannique future envisage le New Labour lorsqu’il lie la décentralisation à une dépendance plus grande au secteur bénévole ? Ou encore quel est le modèle de la future société allemande de la coalition des socio-démocrates et des verts au pouvoir lorsqu’elle discute simultanément du renouveau de l’engagement civil et de l’introduction d’appels à la concurrence dans les marchés d’aide sociale ? En l’absence d’un débat plus vaste ou d’un modèle politique explicite, nous suggérons les scénarios suivants comme repère pour esquisser les visions politiques plus profondes que les représentants du gouvernement, de l’opposition et du secteur bénévole peuvent avoir dans le futur (voir Anheier et al 2003):
Bien sûr, il s’agit de caricatures, mais chacune de ces « visions » repose sur des idées et implications très différentes. Elles sont aussi très diversement évoquées et échangées aux Etats-Unis et en Europe. La tradition française inspirée par Pierre Bourdieu (1984) s’oppose au débat mené aux Etats-Unis : elle voit dans le capital social une forme d’inégalité et non de cohésion. Le capital social n’est pas une sorte de « super glue sociale » assurant la cohésion de la société, mais, vue sous un angle plus critique, un élément d’inégalité sociale nécessitant des mesures et des interventions correctives de la part du gouvernement. Ces quatre scénarios fondés sur l’Etat-nation contrastent avec ce qui semble se passer au niveau mondial, transnational (Lindenberg et Bryant, 2001). Les tendances sont similaires, mais leur force n’est pas la même : l’emploi plus généralisé de la nouvelle gestion publique sans but lucratif dans la réforme de l’Etat providence est complété au niveau international par la montée des ONG dans l’aide humanitaire, l’aide au développement et en tant qu’outil permettant de contrecarrer la crise du multilatéralisme. Les ONG sont-elles des éléments constitutifs de nouvelles formes de multilatéralisme, des composants d’un développement politique qui semble s’orienter vers un changement dans les relations internationales ? Assistons-nous à l’émergence d’un nouveau système international de protection sociale faisant intervenir également des acteurs privés ? La montée des associations d’intérêt public au niveau international et le nouvel activisme anti-mondialisation, essentiellement sous forme de causes défendues sur Internet (dot.causes), semblent agrémenter le débat sur le capital social au niveau mondial. Un espace politique s’est ouvert au cours des dernières années, aidé par la chute du coût des communications et des transactions, en particulier transfrontalières. En effet, il semble que nous assistions à l’émergence de nouveaux « champs politiques » ou d’une nouvelle sphère publique au niveau transnational, avec un rôle éminent conféré aux organismes du secteur associatif. La question peut se résumer aux relations entre les ONG et le pouvoir politique. Il n’existe pas d’équivalent de l’Etat au niveau international. Le système des Nations Unies est faible, il manque des mandats et des ressources nécessaires pour diriger le processus politique et conduire les développements politiques et leur mise en oeuvre. Les relations entre l’Union européenne, qui fait campagne pour un Etat cosmopolite et actif, et les Etats-Unis, actuellement partisans d’un Etat minimaliste guidé par les intérêts nationaux, seront déterminantes dans le modelage de l’espace politique pour les ONG. Pour finir, la montée en puissance des ONG et l’émergence d’une société civile mondiale remet en cause un type de pensée politique qui, tout en transcendant les frontières des Etats nations dans les domaines économiques et politiques (cf. l’UE), semble appliquer à un phénomène du XXIe siècle les théories du XIXe quand il s’agit de réfléchir sur la société (voir Anheier, Glasius et Kaldor, 2001). Réfléchir sur le rôle des ONG et des institutions de la société civile en général revient à s’interroger sur la société que nous voulons ou visons pour l’avenir. L’ouverture de ce débat représente un défi politique fondamental pour les dix prochaines années. Références Abramson, A.J., L. M. Salamon et E. Steuerle. (1999). « The Nonprofit Sector and the Federal Budget: Recent History and Future Directions » Pp. 99-140 dans E. Boris et E. Steuerle (eds.). Nonprofits and Government: Collaboration and Conflict. Washington DC: The Urban Institute Press.
Marc Tysebaert, Service Public Fédéral de la Justice, Belgique C’est un grand honneur de pouvoir vous présenter en ma qualité de président du “ Groupe de travail élargi des parties contractantes à la Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales “, le résultat des travaux auquel le groupe a conclu lors de sa dernière session, le 5 juillet 2002. Le produit des discussions a pris la forme d’un document intitulé “ Les principes fondamentaux sur le statut des organisations non gouvernementales en Europe “ et se compose de deux components, l’un qui constitue le texte des principes fondamentaux proprement dit et l’autre comprenant l’exposé des motifs, contenant des éléments importants sans pour autant qu’ils relèvent le caractère essentiel pour être intégré dans le corpus du texte même. Ces principes fondamentaux, appelés ci – après les Principes, sont l’aboutissement d’une réflexion qui a été engagée par le Conseil de l’ Europe dès 1996 et trouve son origine dans une série de conférences multilatérales et régionales, organisées entre 1996 et 1998. Les conclusions de ces conférences ont été reprises dans un document “ Lignes directrices pour le développement et le renforcement des ONG en Europe “. Ce texte est la base des présents Principes qui peuvent être considérés comme le statut européen des ONG. et répondant ainsi aux désirs exprimés jadis. La rédaction du texte de discussion sur les Principes a été rédigée par professeur Jeremy Mc Bride, Directeur du Programme des droits de l’Homme et de la pratique à l’Université de Birmingham. Je lui rends hommage pour ses efforts, d’adapter lors des discussions, le texte afin de rendre le compromis possible. Il ne faut pas perdre de vue que ce texte est le fruit de la confrontation des points de vue tant des représentants des autorités que du secteur des ONG, dont les délégués ont également activement participé aux débats. Les Principes s’inscrivent dans le cadre de l’article 11 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et des droits fondamentaux, qui stipule “ toute personne a le droit de réunion pacifique et à la liberté d’association, sans pour autant d’oublier la liberté d’expression. Les ONG. sont à considérer comme un élément fondamental dans le développement de la société civile. Ils apportent une contribution essentielle au développement, à la réalisation et au maintien des sociétés démocratiques. Etant donné que le rôle des autorités publiques dans certaines domaines est de manière considérable et constante soutenue par les ONG, ils ne sont pas à considérer comme des concurrents mais bien comme des acteurs dans la réalisation d’une même finalité, le développement de la société civile. Dans ce cadre les Principes consacrent quelques articles à la participation active des ONG. ( 74 – 78 ). Le but n’est pas de laisser reprendre les ONG. des missions qui relèvent de manière classique du champ d’action des autorités publiques, mais bien de les faire participer au processus décisionnel dans les domaines où les ONG. peuvent avoir une valeur ajoutée ou dans les domaines qui sont de leur intérêt. Ces articles sont une incitation aux autorités d’organiser une concertation permanente avec les ONG sans pour autant de les laisser déterminer les options politiques. Il faut renvoyer un peu à ce qui existe sur le plan des relations de travail, où l’économie sociale implique une concertation avec les représentations des employés et des employeurs. Il est donc souhaitable que les Etats créent un climat propice au développement des ONG. et en particulier qu’ils prennent les mesures adéquates sur le plan législatif afin de permettre au secteur associatif de se constituer et d’organiser ses activités en toute liberté, tout en respectant l’Etat de droit et donc les principes de la légalité. Le but des Principes n’est pas de présenter une loi modèle pour les ONG mais de recommander l’application de principes qui devraient guider les lois et la pratique pertinente dans une société démocratique, fondée sur la prééminence du droit. Cela étant dit, j’arrive au contenu même des Principes, dont je vais vous présenter l’essentiel, étant donné que dans la limite du temps qui m’est attribuée, il n’est pas possible de vous expliquer toutes les nuances reprises dans le texte. Le texte des Principes a le mérite d’essayer d’esquisser une définition d’une ONG. On peut la critiquer ou la trouver imparfaite, mais au moins la tentative a été réalisée. Les ONG sont essentiellement des organismes volontaires, non soumises aux instructions des autorités publiques. Toutefois les parties politiques sont exclues du champ d’application des Principes, étant donné que les parties sont bien souvent soumises à une réglementation particulière. Une des caractéristiques fondamentales des ONG est que leurs objectifs sont démunis d’esprit de lucre, ce qui n’exclut pas des activités économiques, pour autant que ces dernières s’inscrivent dans le cadre de la réalisation de leur objectif principal. Les Principes contiennent quatre principes de base :
La variété des objectifs poursuivis par les ONG est la photo de leur diversité. Dans la poursuite de leurs objectifs les ONG doivent être attentifs qu’ils affectent des moyens au développement d’objectifs licites. Une attention particulière est consacrée dans les Principes aux ONG qui s’engagent dans des activités politiques. Toute personne morale ou physique, national ou étranger, doit avoir la possibilité de fonder une ONG. Lors des discussions il a été opté pour un minimum de deux membres pour autant que l’ONG ne souhaite pas obtenir la personnalité juridique et qu’elle préfère donc rester une organisation informelle. Dès que l’acquisition de la personnalité juridique est envisagée, un nombre plus élevé pourrait être requis, sans pour autant de fixer de nombres qui découragent l’établissement d’une ONG. Les membres d’une ONG sont l’élément clé. L’adhésion à une ONG. doit rester volontaire à l’exception de certaines organisations professionnelles. L’adhésion ne devrait pas faire l’objet de restrictions légales, mais relève de l’autonomie des ONG. Cette autonomie est balancée par des règles qui doivent protéger les membres contre des exclusions arbitraires. Dans le cas où il y aurait suffisamment de membres, l’organe suprême pour valider les décisions est l’assemblée générale des membres. Les mots “ statut “ ont une double signification. D’une part cela pourrait être l’acte constitutif, mais également, dans le cas de figure où un acte séparé existe, les statuts proprement dits, c’est à dire les informations de base et les règles de fonctionnement. Je vous renvoie au texte, qui a été mis à votre disposition et notamment au point 19 du corpus pour ce qui concerne le contenu idéal des statuts. L’obtention de la personnalité juridique est une faculté pour une ONG qui présente l’avantage que cela permet de distinguer la personnalité de ces fondateurs ou membres de celle de l’organisation, ce qui est intéressant au plan des répercussions financières au niveau personnel des membres ou fondateurs. Cette séparation ne signifie toutefois pas une carte blanche pour les dirigeants, qui doivent acter conformément aux statuts. La personnalité juridique peut découler soit de la constitution même d’une ONG soit après une procédure d’attribution. Quel que soit le régime en vigueur, les règles régissant l’octroi de la personnalité juridique doivent être claires, publics et objectives et ne pas faire l’objet de la discrétion des autorités compétentes. Si une procédure est fixée dans la législation, il est conseillé aux autorités de publier un guide reprenant les règles ou à tout le moins de fournir toutes les informations nécessaires aux candidats ONG et prêter en cas de nécessite leur assistance. Les frais inhérents à la création et, le cas échéant, le délai de décision doivent en tout cas être raisonnables. Une décision négative doit être motivée et un recours devant un tribunal indépendant doit être ouvert. Cet aspect peut paraître long, mais les Principes attachent une importance prépondérante à ce sujet. En ce qui concerne les ONG internationales, désirant développer des activités dans un pays différent de celui où se trouve leur siège, cette faculté pourrait être soumise à l’obtention d’une autorisation, mais sans qu’ils doivent créer une nouvelle entité ( CT 124 ). Le transfert du siège est toutefois soumis à des règles particulières. Tant q’une ONG reste dans le cadre légal, aucune entité externe n’a à intervenir dans la conduite des affaires internes. Les dispositions légales en ce qui concerne le personnel, la fiscalité etc. doivent être observés. Après toutes ces règles, je voudrais terminer en vous parlant des choses plus concrètes et matérielles. Les ONG peuvent solliciter des contributions, même en nature et ces contributions sont généralement la ressource financière la plus importante, leur permettant de réaliser les objectifs conformément aux statuts. Les Principes contiennent un nombre de règles afin de protéger les biens des ONG. Les ONG sont également libres de solliciter de l’aide publique. Comme pour l’octroi de la personnalité juridique, les règles, sur base du quels l’aide est octroyée, doivent être claires et objectives. Comme il s’agit à ce moment des biens publics, les citoyens bénéficient d’un droit de regard sur l’utilisation des fonds attribués. Au cas qu’une ONG génère des mouvements financiers, ils sont comptables de l’emploi des moyens financiers. La vérification des comptes doit s’effectuer par le biais d’une personne ou institution indépendante des structures de gestion de l’ONG, sans que la simple affiliation à cette ONG soit un obstacle. Il est en plus conseillé de soumettre un rapport d”activités à l’assemblée générale et éventuellement aux autorités, ayant apporté une aide financière. Enfin les ONG. peuvent désigner un successeur en cas de dissolution, afin d’assurer la continuité de leurs activités. Les Principes contiennent également des règles en cas de dissolution sans qu’un successeur ait été désigné ou au cas où les activités auraient été déclarées illégales. Je vous renvoie au texte pour les détails. J’espère vous avoir donné une idée des Principes fondamentaux, qui n’ont pas de valeur contraignante. On peut toutefois espérer qu’ils connaîtront une diffusion large et que ces textes serviront comme source d’inspiration pour des législations futures, permettant le développement des ONG. Il ne me reste que de remercier les participants au groupe de travail pour leur sens de compromis ainsi qu’au secrétariat, qui a adapté le texte sur-le-champ, permettant aux participants d’apprécier les modifications à l’instant. Contribution au Débat Kaori Kuroda, Conseillère spéciale, programme international,
Permettez-moi tout d'abord d'adresser mes vifs remerciements au Conseil de l'Europe et au Consulat général du Japon pour leur invitation à la présente conférence et pour l'occasion qui m'est ainsi donnée d'intervenir lors de la séance d'ouverture. Je me suis demandée, moi qui suis japonaise, quelle contribution je pouvais faire à la conférence. Comme vous le savez, le Japon diffère considérablement de la plupart des Etats occidentaux, sans parler des Etats-Unis. L'historien Sheldon Garon a comparé avec justesse la société civile au Japon et en Amérique4. Dans son étude, il écrit ceci : "(Robert) Putnam estime que le principal obstacle à une société civile dynamique en Amérique est son individualisme atomistique. Il compte sur l'activisme populaire et sur l'administration pour reconstituer le capital social local. En revanche, au Japon, le principal obstacle à une société civile indépendante n'est pas l'individualisme, mais la tendance de l'Etat à créer et à gérer les associations locales". Cependant, en dépit de ces différences, je voudrais évoquer, si vous en êtes d'accord, le statut du secteur associatif et le débat actuel sur la direction vers laquelle les ONG s'orientent dans la société japonaise, car le secteur associatif s'est considérablement développé en Asie comme dans d'autres régions du monde. Je pense aussi que les continents partagent certains points communs. J'espère qu'un exemple non européen pourra contribuer à alimenter le débat pendant cette conférence de deux jours. Permettez-moi de me pencher sur les organisations à but non lucratif, notamment sur des points juridiques, et de donner un aperçu de l'orientation que les organisations à but non lucratif pourraient prendre au Japon en gardant à l'esprit les quatre scénarios que le professeur Anheier nous a présentés dans son intervention. Avant d'en venir à ces questions, je voudrais évoquer brièvement les relations entre le gouvernement japonais et les ONG, qui rappellent ce que Sheldon Garon a décrit dans son étude quand il a parlé de la complexité du secteur des associations à but non lucratif au Japon. Historiquement, les pouvoirs publics japonais, caractérisés par une structure hautement centralisée et un système administratif puissant, ont contribué à créer des partenaires sociaux, notamment des associations locales, des organisations à but non lucratif et des organisations semi-gouvernementales par des décisions de haut en bas, pour mettre en œuvre telle ou telle politique. Ce type de partenariat Etat-société est paternaliste plutôt que démocratique. Il crée souvent ce qui a été qualifié de "liens affectifs (bonding) de capital social" au sein des organisations et d'une organisation à l'autre. Les textes qui régissent les organisations à but non lucratif ont été conçus pour refléter cette approche gouvernementale. Leur pièce maîtresse est la loi sur les sociétés d'intérêt public à but non lucratif, adoptée à la fin du 19e siècle, qui suppose que le "service d'intérêt public" est défini arbitrairement par l'administration et qu'il bénéficie de ressources financières appropriées. Ainsi, les ONG qui sont apparues, y compris les associations locales et les organisations civiques qui ont commencé à œuvrer indépendamment de l'administration depuis les années 60, ont-elles dû rester en marge du système légal jusqu'à ce qu'une loi d'encouragement des activités à but non lucratif soit adoptée en 1998. C'est pourquoi, la législation sur les organisations à but non lucratif est à deux niveaux pour refléter la double structure du secteur associatif au Japon. Quel est le statut des ONG au Japon ? A l'inverse des autres pays industrialisés, le Japon a eu un secteur associatif privé relativement faible tout au long de l'histoire moderne. Pour renforcer ce secteur, diverses initiatives ont été prises, en gros ces quinze dernières années, par les pouvoirs publics, le secteur privé et le secteur associatif lui-même. Les propositions en ce sens se sont multipliées ces dernières années. Pourquoi ? Permettez-moi de m'arrêter, parmi les nombreuses explications de ce phénomène, sur les raisons internes qui motivent l'évolution de la politique des autorités à l'égard des associations. D'abord, l'établissement de partenariats avec des associations peut être accéléré dans la foulée des réformes de l'administration, de la décentralisation et de la privatisation (notamment l'encouragement des partenariats privé-public) que le Japon a réalisées ces dernières années. Ensuite, on s'est rendu compte que l'administration et ses partenaires sociaux ne sont pas capables à eux seuls de faire face avec efficacité aux problèmes sociaux et aux défis à relever, ni de satisfaire les besoins qui apparaissent dans une société, devenue de plus en plus complexe ces quelque dix dernières années. Enfin, il semble aussi qu'une collaboration des pouvoirs publics à long terme avec des partenaires sociaux, dont beaucoup défendent des intérêts catégoriels, soit devenue extrêmement coûteuse. Ces facteurs expliquent pourquoi l'administration considère de plus en plus les ONG comme des partenaires en lançant des procédures d'appels d'offres concurrentiels et en optant pour des accords contractuels pour les travaux lancés par le gouvernement. Il semble que ces nouvelles ONG aient de plus en plus la faveur des pouvoirs publics, tandis que les sociétés d'intérêt public perdent du terrain au sein de la société japonaise, qui exige que l'administration soit plus efficace. Cependant, l'environnement légal dans lequel œuvrent les organisations à but non lucratif ne semble pas s'adapter suffisamment vite face à la croissance rapide des "nouvelles" ONG. La loi d'encouragement des activités à but non lucratif était capitale, car elle a simplifié le processus d'intégration des organisations, elle a permis à de petites associations fondées par les particuliers de se faire reconnaître et elle a réduit l'étendue de la marge d'appréciation laissée à l'administration pour juger de ce qui est dans l'intérêt public. Le processus d'adoption du nouveau texte mérite d'être relevé : il a été mené par des organisations civiques (conduite par la Coalition pour une législation encourageant les organisations de citoyens), qui ont œuvré étroitement avec des parlementaires non inscrits et ont noué des alliances souples avec des associations économiques et des syndicats. L'octroi d'avantages fiscaux à certaines ONG a été examiné séparément de la loi. La nouvelle loi fiscale, entrée en vigueur en octobre 2001, prévoit des avantages limités. Elle accorde des déductions fiscales aux donateurs qui soutiennent des sociétés reconnues à but non lucratif. Cependant, les exigences à remplir pour être reconnu comme société à but non lucratif posent des obstacles formidables à la plupart des associations. La loi fiscale est en cours de révision. De plus, un réexamen global de la vieille loi sur les sociétés d'intérêt public à but non lucratif vient de commencer. On escompte que ce texte sera révisé pour corriger d'ici trois ans environ la structure à deux niveaux de la législation sur les associations. Quelles perspectives s'ouvrent aux ONG ?
D'abord, les ONG devraient être conscientes du danger de suivre le scénario NGP, car l'administration a pendant trop longtemps exercé un pouvoir sur les organisations à but non lucratif œuvrant dans le domaine de la protection sociale. Les ONG pourraient craindre d'être sélectionnées si elles deviennent les sous-traitantes de l'administration, ce qui mettrait leur indépendance en péril (des efforts ont été faits pour établir de bonnes relations entre l'administration et les ONG. Ainsi, plusieurs fonctionnaires municipaux et des associations locales se sont inspirés de l'expérience "Compact" menée au Royaume Uni pour instaurer un partenariat sur des bases saines entre pouvoirs publics et ONG.). Ensuite, il peut être risqué pour les ONG de poursuivre sur la voie de la commercialisation afin de réunir des financements, car les ONG pourraient perdre leur identité d'associations à but non lucratif (les associations n'ont pas de capacités ni de compétences comparables pour l'élaboration de produits, le marketing et simplement la gestion d'une activité en faisant preuve d'autant d'efficacité que les sociétés à but lucratif. Les ONG pourraient soit ne pas résister à la concurrence, soit finir sur un marché non rentable qui n'attire pas les sociétés à but lucratif et qui ne permette pas aux associations de dégager des revenus.) Si les ONG se comportent comme des sociétés privées, certains des avantages qui leur sont offerts, comme les déductions fiscales, pourraient être considérés comme abusifs aux yeux des sociétés privées, si bien qu'ils pourraient être remis en cause, ce qui serait préjudiciable aux ONG (c'est pourquoi, ce scénario ne serait pas soutenu par d'autres intervenants. Le grand public pourrait se demander ce que les associations ont de particulier et s'il y a une différence entre les ONG et les sociétés.) Enfin, les ONG tentent de plus en plus d'être mieux armées pour participer à l'élaboration des politiques de manière à les affiner. Même certaines organisations intéressées par l'octroi de services s'engagent dans ce lobbying. Comme les ONG peuvent jouer un rôle essentiel dans une démocratie pluraliste, il est indispensable que les pouvoirs publics comprennent le rôle particulier qui leur revient à cet égard, outre celui de prestataire de services. Il faudrait donc qu'en coopération avec les ONG, ils accélèrent l'amélioration de l'environnement juridique, social et politique dans le cadre duquel les ONG poursuivent leurs buts. Il s'agit de régler plus facilement les problèmes sociaux qui découlent souvent de l'injustice sociale et de l'inégalité. Il importe que les ONG définissent elles-mêmes des règles pour accroître leur légitimité et faire preuve d'une plus grande transparence face à la population. Pour qu'elles poursuivent leurs buts avec plus d'efficacité, quel que soit le scénario ou la combinaison de scénarios qu'elles préfèrent, les ONG devraient œuvrer avec leurs partenaires au sein de la société, des pouvoirs publics, de la société civile à l'échelle nationale ou internationale, des milieux universitaires, et des milieux d'affaires pour réfléchir au type de société qu'il faudrait promouvoir et œuvrer dans ce sens pour plus d'équité, de justice sociale, de démocratie etc. Atelier 1 – les ONG en tant qu’acteurs clés de la gouvernance locale Discours d’ introduction Yves Sintomer, Centre Marc Bloch, Berlin, Allemagne Cet atelier traitera de quatre thèmes principaux : (1) Il ébauchera une typologie des modes de participation des ONG à la gouvernance locale en Europe, selon les relations établies entre les ONG, les citoyens et les institutions démocratiques. Les ONG sont parfois les seuls partenaires officiels des collectivités locales ; dans d’autres cas, elles sont officiellement considérées comme des acteurs clés mais doivent entretenir des relations actives avec des citoyens non organisés ; enfin, elles ont parfois un simple rôle de mobilisation dans un processus qui ne fait officiellement intervenir que des citoyens. (2) Il débattra des trois différents degrés de la participation des ONG dans le processus de prise de décision. La participation consiste-t-elle simplement à renforcer la communication entre les responsables politiques et la société civile ? Permet-elle de prendre une véritable co-décision ? Est-elle au contraire un moyen de mettre en place dans certains secteurs un développement géré par des ONG sous le contrôle des collectivités locales ? (3) Il analysera les objectifs qui sont fixés lorsque des ONG sont associées à la gouvernance locale. Dans certains cas, le but est d’intégrer leurs compétences afin d’améliorer la gestion publique locale. Dans d’autres, le but est essentiellement social, avec notamment comme objectif de stimuler le capital social des citoyens. Enfin, le but est parfois politique, consistant à renforcer la démocratie locale. Ces buts sont-ils réalistes à la lumière de diverses études de cas ? (4) Dans quelle mesure les ONG facilitent-elles la participation des exclus à la gouvernance locale, c’est-à-dire d’individus et de groupes qui sont en marge du pouvoir social ? En conclusion, comment la participation des ONG à la gouvernance locale doit-elle être conçue si l’on veut qu’elle soit démocratique ? Etudes de Cas Marcos Herrero - Autorités Locales
Emilia Marinova : Jeunesse
Le conseil municipal de Gabrovo est devenu, en mai 1998, le premier conseil municipal de Bulgarie à adopter la Charte européenne de la participation des jeunes à la vie municipale et régionale, en tant que principe directeur de l’activité qu’il entend déployer aux fins de réaliser la coopération et la cohésion intergénérationnelles, en faisant fond sur les compétences des jeunes pour résoudre les problèmes et développer la ville.
1. travailler en équipe
C’est ainsi qu’au début de 1998, nous avons élaboré sur la base de la stratégie un programme d’activités qui a contribué à faire accepter par les autorités de Gabrovo l’idée de partenariat avec des jeunes, en stimulant la bonne volonté de ces derniers, soucieux de contribuer au développement de la ville. Le but principal du programme était de faire œuvre de vulgarisation pour que la Charte européenne de la participation des jeunes à la vie municipale et régionale soit adoptée et ses principes appliqués par la collectivité locale de Gabrovo.
1. formation d’un groupe de travail de jeunes
Déroulement des opérations:
Un an plus tard, en juillet 1999, du fait de l’activité du CCIJ de Gabrovo, l’Assemblée nationale de la République de Bulgarie adopte une Déclaration sur la Charte européenne dans laquelle elle encourage les pouvoirs exécutifs et les pouvoirs locaux à intégrer dans leur pratique les principes de la charte, reconnus nécessaires à l’accélération du processus d’intégration de la Bulgarie dans les structures européennes. A la suite de quoi, plus de 50 communes bulgares adoptent la Charte européenne et la mettent en œuvre et plus d’une soixantaine de communes (de la région du Danube et du Rhodope) prennent des dispositions en vue de son adoption. Le projet « Le pouvoir du partenariat » est la suite logique du parcours emprunté par le CCIJ de Gabrovo et la ville de Gabrovo pour aboutir à la création d’un modèle de politique municipale de la jeunesse, défini sur la base des résultats positifs des projets et de l’expérience acquise.
Afin d’encourager le partenariat entre les organisations de jeunesse et les pouvoirs locaux, nécessaire à la bonne réalisation des activités de projet, le CCIJ a mené des enquêtes et organisé des stages de formation pour les jeunes animateurs avec la participation des représentants des pouvoirs locaux; en outre, des débats et des réunions visant à définir des règles et le mécanisme de partenariat ont également été organisés à cet effet. Le CCIJ a créé aussi, dans le cadre du projet, un Forum municipal des jeunes dans la perspective d’aboutir à un accord de mise en œuvre. Finalement, ledit accord a été finalisé par une décision du conseil municipal de Gabrovo en mai 2001. Font partie du mécanisme les personnalités suivantes: les représentants du pouvoir local, à savoir le maire, le président du conseil municipal, les membres du comité permanent « activités et sports pour la jeunesse » du conseil municipal; ils participent personnellement aux initiatives des jeunes et rencontrent la société des jeunes; il s’agit à présent de créer auprès du maire un conseil consultatif, compétent en matière de politique de la jeunesse, mais aussi structure d’échanges d’informations et de débat sur les projets et programmes; de nommer un agent de l’administration municipale responsable de la politique de la jeunesse;de créer un Conseil de la jeunesse de Gabrovo chargé d’établir un dialogue direct entre les pouvoirs locaux et les jeunes; d’instituer un Fonds municipal destiné à financer les initiatives des jeunes. Sur décision du conseil municipal, les relations entre les jeunes et les pouvoirs locaux sont maintenant institutionnalisées et les pouvoir locaux reconnaissent officiellement les jeunes et leurs structures comme partenaires du développement durable de la commune. En 2002, le projet « Pouvoir du partenariat » s’est vu décerner le prix « Jeunes citoyens actifs » du Conseil de l’Europe, qui nous sera remis dans deux jours, le 7 novembre, à Thessalonique (Grèce) lors de la 6ème Conférence des Ministres européens responsables de la jeunesse. Les résultats du projet constituent une base stable qui nous permet de poursuivre et d’étendre notre action qui vise à créer un modèle de mise en œuvre des principes de la Charte européenne ainsi qu’à faire connaître et à multiplier une expérience positive aux niveaux régional et national. Nous travaillons depuis janvier 2002 sur le projet «Les jeunes et les pouvoirs locaux – partenaires effectifs » du programme « Euro practices » de la Fondation Open Society. Le projet a pour but d’élaborer des règles de travail à l’intention du conseil municipal, du maire et du Conseil de la jeunesse de Gabrovo et d’instituer un conseil régional pour la politique de jeunesse, qui sera chargé de conseiller et de soutenir les pouvoirs régionaux dans ce domaine. Une fois de plus sur décision du conseil municipal, les modalités juridiques de mise en place des structures de jeunesse auprès du maire et du conseil municipal ont été adoptées au mois de juillet de cette année; elles contribueront au développement d’un modèle de mise en œuvre de la Charte européenne de la jeunesse, ce qui correspond aux objectifs que nous avons poursuivis au cours de cinq années d’un travail acharné. Depuis le début du mois d’avril, à l’occasion de la dixième année de l’adoption de la Charte européenne par le Congrès des pouvoirs régionaux et locaux en Europe, quatre ans après son adoption par le conseil municipal de Gabrovo et enfin, trois ans après la Déclaration de l’Assemblée nationale de Bulgarie, nous avons lancé un campagne nationale ayant pour objet de faire connaître la charte à toute la population. Nous avons constitué un dossier d’information comportant une affiche et des brochures relatant nos expériences et l’avons distribué dans les 263 communes Bulgares. Voici quelques exemples de projets et d’initiatives menés à bon terme dans le cadre des principes de la Charte européenne. 1. Depuis 1998, nous accueillons à Gabrovo les réunions mensuelles des organisations de jeunesse à l’occasion desquelles nous échangeons expériences et idées en vue de réaliser des initiatives socialement pertinentes avec la participation active des jeunes. Des représentants des autorités municipales participent régulièrement à ces rencontres. 2. Nous avons créé, en 1998, avec le soutien de la commune de Gabrovo, un Centre d’écologie pour la jeunesse et un réseau municipal de groupes écologiques de jeunes, qui organisent tous les ans une campagne à l’occasion de la Journée de la Terre, le 22 avril. Plus de 6000 jeunes y ont participé en 2002. Un jardin public pour les enfants a été remis en état; situés à proximité d’écoles, ces jardins publics sont entretenus par des clubs, etc. 3. CCIJ - Gabrovo a été le principal initiateur et organisateur des sept éditions successives du Festival balkanique de la jeunesse « La jeunesse des Balkans » dont la devise est « La jeunesse balkanique aujourd’hui – L’avenir de l’Europe demain ». Le festival est le plus brillant exemple du « pouvoir du partenariat » en ce qui concerne la mise en œuvre de la Charte européenne sur la participation des jeunes à la vie municipale et régionale, parce qu’il combine les efforts des jeunes (plus d’une centaine de jeunes bénévoles), ceux des organisations de jeunesse (plus d’une dizaine d’organisations coopèrent à la coordination) et des pouvoirs locaux. Nous nous honorons de partager tout cela avec dignité car les résultats obtenus l’ont été avec les jeunes et non pas seulement à l’intention des jeunes, en toute fidélité avec les principes de la charte. Gabrovo, la ville où je suis né et où j’ai grandi, est située au cœur de la montagne qui donne son nom à la péninsule balkanique. Grâce à l’esprit d’entreprise et au talent de ses citoyens, c’est un centre culturel, industriel et éducatif important et aussi …un centre de jeunesse! Ces dernières cinq années d’un travail opiniâtre dans le domaine des activités de jeunesse ainsi que le partenariat conclu entre la société civile et les pouvoirs publics me permettent de l’affirmer à bon droit. Elizabeth Sclater et Elizabeth Hayes : Approche intégrée sur l’égalité des sexes au niveau local , Centre for Corporate Community 1ère partie: Elizabeth Sclater
Je vais traiter les deux premiers thèmes et je laisserai à ma collègue Liz Hayes le soin de vous parler des deux autres. Il va sans dire qu'on ne saurait résumer un projet de trois ans en dix minutes, mais au fil des discussions qui ponctueront cette séance, j'espère avoir l'occasion de vous en donner une idée plus précise. Approche intégrée de l'égalité des sexes L'approche intégrée garantit que les besoins des femmes et des hommes soient pareillement pris en compte dans tous les volets de l’action d'une organisation, des programmes qu’elle réalise au rôle plus général qu'elle joue dans la promotion du bien-être de la population en passant par la gamme des services qu’elle offre. L'objet du projet « Partenariats locaux efficaces » était d’interpréter et d’appliquer ce que nous savons de la manière de faire avancer l'égalité des femmes par le travail en partenariat. Compte tenu du fait que les femmes ne forment pas un groupe homogène, nous examinons également d'autres questions comme la race, l'orientation sexuelle, l'âge et le handicap.
Financé par le Quatrième programme d'action de l'Union européenne sur l'égalité entre les femmes et les hommes, le projet a rassemblé principalement quatre partenaires oeuvrant tous de longue date à l'égalité des femmes et considérant le projet comme un moyen d'aller de l'avant dans ce domaine. Ces partenaires étaient les suivants:
Tout comme le Forum des citoyens réfléchit aujourd’hui aux moyens d'améliorer l'efficacité du quadrilogue, le partenariat constitué au niveau transnational reflétait les obstacles que les diverses organisations devaient surmonter au niveau local. En nous appuyant sur les enseignements tirés de précédentes activités européennes, nous nous sommes dotés de ressources à consulter en permanence pour développer la méthodologie, les outils et l'évaluation. En outre, en tant que responsable du projet, j'ai mis en place au Royaume-Uni un comité directeur consultatif comprenant des représentants nationaux et locaux :
Ceci a permis de relier le projet au programme national général pour en tirer d'une part, certains enseignements et, d'autre part, l'infléchir. Les individus constituant ce partenariat venaient d’horizons aussi divers que les types d’organisations qu’ils représentaient. Nous avions ainsi dans nos rangs aussi bien des personnes en prise directe avec les hautes sphères socio-professionnelles et politiques que d’autres travaillant avec les plus démunis et les plus marginalisés, des personnes intervenant au plan national et international et d’autres mettant leurs compétences spécialisées au service des groupes de femmes locaux pour les aider à se faire entendre et s’employant, en dépit de la modicité des ressources à leur disposition, à faire pression et à influencer les décideurs par leur approche avisée. Le travail mené dans le cadre de ce projet se caractérisait ainsi par de grandes différences sur
Je passe à présent la parole à ma collègue qui va vous exposer et expliciter les modalités de fonctionnement et les résultats du projet. 2ème partie – Approche intégrée des sexes
En guise d'introduction, voici un bref résumé de mon parcours professionnel:
Pour ce projet européen, j’ai fait office d’évaluateur extérieur pour une évaluation dite «formative» en ce sens qu’elle est continue et fait partie intégrante de l’élaboration du PLE. On m'a qualifié d’«amie critique» poussant à l’adoption de nouvelles visions et orientations en s’employant à poser les bonnes questions et à inciter les partenaires à mettre leur expérience à profit et à réfléchir à la manière dont leur travail concourt à l’approche intégrée de l’égalité des sexes. Résultats Il est apparu clairement à l’issue du projet triennal que le partenariat transnational avait été en réalité un réseau d’apprentissage qui s’est employé à étudier les expériences et pratiques locales destinées à favoriser une approche intégrée de l’égalité des sexes dans des contextes très divers. Il a souhaité ensuite en tirer les leçons et les conclusions qui s’imposaient en vue d’une application élargie. Les résultats étaient notamment les suivants:
Trois éclairages
2. Adaptation et changement de tactique
Propriété ou paternité des politiques (Policy by Ownership or Policy by Authorship)
Or nous assistons à l’émergence d’une nouvelle approche, celle de la « paternité », celle de la page blanche et de la création commune d’une politique par l’ensemble des partenaires concernés. Exemple :
A la fin de la deuxième année, il s’était opéré un net revirement. Pour les projets de diffusion du «produit» et d’apprentissage à partir du PLE, il fut soudain question de «propriété». Ainsi, au lieu d’un rapport dans la forme usuelle, il a fallu élaborer un pack destiné à une large palette de publics cibles et l’on s’est attaché essentiellement à créer ensemble un modèle commun utilisable par d’autres et à réfléchir aux moyens de rendre le matériel accessible et convivial. C’est ainsi que -stupéfaite autant qu’inquiète- j’ai vu se déstructurer lentement, mais sûrement, pour s’imbriquer dans les différents éléments du pack, mon rapport d’évaluateur externe que j’avais si soigneusement structuré ! 3. Les leçons à retenir pour soutenir la démocratie participative
Conclusion
Rapport de l’atelier N°1 La réflexion, menée dans le cadre de l’atelier consacré au rôle des ONG en tant qu’acteurs clés de la gouvernance locale, est fondée sur le postulat suivant lequel la démocratie n’est jamais définitivement acquise. Elle doit faire, selon les participants, l’objet d’innovation constante, être perpétuellement réinventée dans ses modalités afin d’assurer sa consolidation et son approfondissement. Cet impératif doit inspirer les acteurs de la démocratie à tous les niveaux. Les travaux de l’atelier révèlent à cet égard la volonté de ces acteurs, au niveau local, de renouveler les modalités d’expression de la démocratie, traditionnellement fondée sur un système représentatif, en développant les mécanismes de participation citoyenne. L’objectif est d’assurer la mise en place d’une collaboration directe, dans la prise de décision politique au niveau infra-étatique, entre les pouvoirs locaux et la Société civile. La contribution des ONG dans l’instauration de cette véritable démocratie participative locale est apparue, à la lumière des expériences concrètes présentées lors des travaux, absolument fondamentale. La présentation, notamment, de trois expériences en Espagne (participation directe des citoyens à la prise de décision dans le cadre de la municipalité d’Alcobendas), en Bulgarie (mise en place et fonctionnement du Centre culturel et d’information de la jeunesse de Gabrovo) et au Royaume-Uni (mise en place d’une approche intégrée sur l’égalité des sexes au niveau local) a, en effet, démontré que le moyen privilégié de la promotion de la démocratie participative au niveau local passe par la mise en place d’un partenariat entre les ONG et les pouvoirs locaux. Cette notion cardinale de partenariat constitue, derrière l’apparente diversité des expériences, le véritable dénominateur commun des discussions de l’atelier n°1.
1. Les conditions nécessaires à la mise en place du partenariat :
La première concerne l’initiative de cette collaboration. La mise en place du partenariat implique de façon évidente l’existence d’un accord de volonté entre les différents partenaires. Cependant, il apparaît souhaitable que la démarche soit initiée par les ONG puis acceptée par les pouvoirs locaux. Le partenariat revêtira une signification démocratique plus importante s’il est le résultat d’une demande citoyenne, d’une démarche volontariste de la Société civile manifestant ainsi son intérêt pour la chose publique. La deuxième condition implique la création d’une structure, d’un lieu de discussion et de concertation entre les partenaires. Toutes les expériences évoquées lors de l’atelier passent par la mise en place de Forums, de Conseils consultatifs ou de Comités divers. Cet organe constitue le lieu de ce partenariat sous forme d’un espace ouvert de rencontre entre les pouvoirs locaux et la Société civile. Sa légitimité semble conditionnée par sa représentativité : ainsi, sa composition doit impliquer l’ensemble du corps social c’est-à-dire non seulement la Société civile « institutionnalisée » (les ONG notamment qui sont le vecteur privilégié de cette participation citoyenne), mais aussi les « citoyens ordinaires » qui ne participent pas à une association (désignés via, par exemple, un système de tirage au sort) et de façon plus générale ceux que l’on a appelé les « outsiders », exclus de toute sorte, femmes, jeunes ou chômeurs. L’importance de la prise en compte de cette diversité, des sensibilités de chacun, a été maintes fois soulignée par les participants à l’atelier. Cet espace de discussion doit être le lieu d’expression de conflits sains, positifs et constructifs, entre les intérêts souvent contradictoires des différentes composantes de la Société civile. Il s’agit, en se fondant sur le respect mutuel, d’intégrer cette richesse « interculturelle », et pas seulement multiculturelle, dans la gouvernance locale. La troisième condition est relative à l’objet de ce partenariat. La collaboration, pour être effective, doit concerner l’ensemble de la vie d’une politique publique, de son élaboration au stade de son évaluation à long terme. Il est important que l’ensemble des partenaires soit associé à chaque étape. Il s’agit de développer, dans le ou les secteurs concernés par ce partenariat (politique de la jeunesse, urbanisme, éducation…), une vision commune de l’action politique.
Ces conditions semblent indispensables à la mise en place du partenariat dont les modalités peuvent varier. 2. Les modalités du partenariat :
Les travaux ont en effet révélé la grande diversité des expériences qui permet, cependant, d’identifier ces différentes modalités. Ce partenariat vise à assurer une participation plus ou moins importante de la Société civile à la prise de décision politique. C’est en fonction de l’intensité de cette collaboration que l’on peut distinguer des modalités plus ou moins participatives, et donc une gradation qui va de la consultation pure et simple à la codécision voire jusqu’à l’auto gouvernement contrôlé. Ces trois modalités confèrent à la Société civile une place plus ou moins importante au sein du partenariat : alors que, dans la première, les ONG constitueront surtout une force de proposition dans la procédure de codécision, il s’agit de leur donner une voix décisionnelle au même titre que celle dont disposent les élus. Le cas de l’auto gouvernement contrôlé est une modalité plus rare conférant à la Société civile une grande autonomie dans la gestion d’un aspect de la vie publique (voir par exemple les jurys populaires de quartier à Berlin qui gèrent, sous un certain contrôle du pouvoir politique, une enveloppe budgétaire qui leur est allouée pour mener des actions dans leur quartier). Ces modalités, malgré leur diversité, se fondent sur une même conception de la démocratie. Elles remettent en cause la distance entre l’élu et le citoyen qu’implique la démocratie représentative. Dans ce dernier système, les élus sont considérés comme une élite dotée d’une certaine expertise et capable de répondre aux attentes de la Société civile, de les traduire en actes politiques. Or, la mise en place de ce partenariat se fonde précisément sur la volonté de réduire cette distanciation entre l’élu et le citoyen consubstantielle du système représentatif. Il s’agit de constater que la Société civile, et notamment les ONG, disposent, elles aussi, d’une forme d’expertise « civile », d’un « savoir d’usage » qu’il convient d’intégrer dans la prise de décision politique pour une meilleure gouvernance locale. Ce rapprochement que permet le partenariat, quelles que soient ses modalités, s’opère par un maintien des principes du système représentatif tempérés par des mécanismes de démocratie directe. Au-delà de cette diversité des modalités du partenariat, les travaux de l’atelier n° 1 ont permis d’identifier, grâce aux études de cas concrets, certains facteurs du succès de cette collaboration. 3. Les facteurs du succès de ce partenariat en action :
Il apparaît tout d’abord souhaitable que ce partenariat donne lieu à la définition préalable et concertée d’une véritable méthodologie. Les différents intervenants à l’atelier ont en effet souligné l’importance de l’établissement de règles précises concernant la conception, le fonctionnement et l’évaluation de ce partenariat. Cette sorte de « charte », gage de l’efficacité de la collaboration ONG/pouvoirs locaux, doit aussi assurer la souplesse de fonctionnement du partenariat.
Enfin, l’un des facteurs les plus déterminants, sinon le plus important, réside dans la pérennité de la motivation des partenaires. La mise en place du partenariat résulte d’une démarche purement volontariste, de telle sorte que si cette motivation initiale s’émousse l’existence même de la collaboration est remise en cause. Plusieurs moyens, propres à assurer cette durabilité, semblent envisageables. Outre le rôle, analysé précédemment, du tiers neutre dans l’instauration de la confiance et l’entretien de la motivation des partenaires, la mise en place d’une véritable stratégie de communication sur les actions menées par le partenariat paraît fondamentale. Il s’agit d’assurer une visibilité gratifiante, dans les médias locaux par exemple, des réalisations concrètes de cette collaboration. Par ailleurs, il apparaît souhaitable d’associer l’ensemble des partenaires à toutes les étapes du projet. L’exclusion de la Société civile lors de telle phase de la conception ou de l’évaluation du projet, est en effet, génératrice de frustration et donc de défection. Enfin, la notion de partenariat ONG/pouvoirs locaux doit devenir une valeur fondamentale de l’action politique, commune à l’ensemble des partenaires. Elle doit être élevée au rang de composante fondamentale d’une nouvelle gouvernance locale. Outre ces facteurs de succès, les travaux ont permis la formulation de propositions concrètes concernant le rôle du Conseil de l’Europe dans la promotion de cette nouvelle gouvernance démocratique. 4. Le rôle du Conseil de l’Europe dans le développement de ces partenariats :
A ce titre, plusieurs actions plus ou moins interventionnistes, destinées à fournir aux partenaires une assistance technique, ont été envisagées. Tout d’abord le Conseil devrait créer, en son sein, une structure, un organe qui constituera un interlocuteur pour les acteurs locaux de ces partenariats. Répondant à leurs nombreuses interrogations, il aura auprès d’eux un rôle d’information et de formation (développement dans ce cadre de modules de formation au profit des éventuels partenaires). Par ailleurs, les discussions ont fait apparaître la nécessité de mettre en place un système de gestion centralisée de l’expertise, commun aux différents domaines d’intervention du Conseil de l’Europe. Ce fichier d’experts permettrait au Conseil d’intervenir de façon plus directe dans certains partenariats, au titre de médiateur, par la désignation par exemple du tiers neutre. Cependant, au-delà de cette assistance technique dans la mise en place ou dans la gestion de ces partenariats, le Conseil de l’Europe devrait promouvoir les actions menées à bien, les réussites. Il leur donnerait, grâce à une stratégie d’information et à la mise en place d’une sorte de recueil des expériences réussies les plus édifiantes, une dimension d’exemple et encouragerait leur développement. Les travaux de l’atelier n°1 ont ainsi fait apparaître, à travers la notion de partenariat, combien le niveau infra-étatique est propice au développement du rôle des ONG, et de façon plus générale de la Société civile, dans la conduite des affaires publiques. Cependant, si cette collaboration permet l’émergence d’une nouvelle gouvernance démocratique, le risque de glissement vers un partenariat de façade, « faire-valoir » de l’action du pouvoir politique, existe. Ainsi, toutes les expériences présentées tendent à démontrer qu’il ne s’agit pas seulement de redonner une légitimité démocratique à l’action politique des pouvoirs locaux. Ne retenir que cette finalité conduirait, en effet, à réduire la participation de la Société civile au rang de moyen de conforter la position du pouvoir politique. Il s’agit donc également, in fine, de promouvoir une nouvelle gouvernance locale, une nouvelle approche du politique et de la démocratie, fondées sur la confiance et la sincérité de l’engagement des partenaires. Atelier 2 - les ONG en tant qu’Acteurs Clés de la Gouvernance Nationale Discours d’Introduction
1. Introduction Mon rôle dans cet atelier est de donner quelques indications générales sur les moyens de déterminer le poids réel des ONG dans l’élaboration des politiques nationales. Comme il ressort des objectifs de ce forum, nous cherchons à comprendre la tendance actuelle vers une plus grande participation des organisations de la société civile aux processus décisionnels démocratiques, et à étudier les conditions qui renforceraient la capacité d’intervention des ONG. Ces observations préliminaires, qui n’occupent que vingt minutes sur les cinq heures de délibérations consacrées à l’atelier, en définiront les paramètres à travers l’examen de deux questions fondamentales :
Il s’agit essentiellement ici de leur participation directe à la définition des orientations politiques. Je centrerai ma réflexion sur le rôle des ONG en tant qu’acteurs dans les processus de négociation des orientations et politiques au plan national. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que les ONG participent indirectement aux processus décisionnels en ce qu’elles favorisent la constitution d’un capital social et d’un ensemble de citoyens informés, et qu’elles ont une influence sur le discours social et sur les convictions des gens sur le plan des politiques à suivre. En outre je ne traite ici que de politiques nationales, donc des organismes nationaux de coordination des ONG, organisations de pointe ou ONG individuelles ayant une dimension nationale appréciable. Cet exposé serait sans doute très différent si nous participions à l’un des autres ateliers consacrés aux questions locales ou internationales. Il paraît assez évident que tous les pays industrialisés et démocratiques ont connu, au cours des dernières décennies, une augmentation importante de l’activité des ONG en matière de définition des politiques à l’échelle nationale. Un projet comparatif international qui a étudié l’activité des ONG dans un grand nombre de pays a qualifié ce phénomène de révolution associative mondiale5. Comme le montre le titre de ce forum, l’un des résultats de cette révolution est que nous ne parlons plus de gouvernement mais de gouvernance. La gouvernance participative suppose une plus grande participation des ONG dans tous les aspects de l’activité gouvernementale et nous présumons que cela signifie une participation plus importante et effective au processus décisionnel pour compenser le déficit démocratique jugé responsable de la crise actuelle dans les gouvernements démocratiques. Indéniablement, pour une large part, ce que nous entendons dire des ONG suggère qu’elles participent de manière décisive et efficace aux processus décisionnels. Cela correspond-il vraiment à la réalité ? Pour tenter de répondre à cette question, nous devons étudier la participation des ONG sous plusieurs angles :
Ce sont trois manières d’envisager le même phénomène, c’est-à-dire la participation des ONG. Nous serons en mesure, en les rassemblant, de proposer des réponses aux deux questions fondamentales que j’ai posées ci-dessus, ainsi que quelques recommandations. 2. Les époques Au cours des trois dernières décennies, le rôle des ONG dans les processus décisionnels a rapidement évolué dans les démocraties occidentales. On discerne quatre époques distinctes, pour lesquelles les dates données sont approximatives : elles représentent la période à laquelle ces idées ont été couramment acceptées. Le fait que les périodes se chevauchent indique qu’alors même que les ONG endossaient un nouveau rôle, elles continuaient à assumer le précédent. 2.1 Le conflit (1970-1985) Comme l’a précisé Helmut Anheier au cours du discours qu’il a prononcé dans le cadre de cette même conférence, c’est dans les années 70 que le nombre et les activités des ONG ont commencé à se multiplier. Les ONG existent sous une forme ou une autre depuis l’avènement de la société industrielle moderne, mais les années 70 ont vu de nouvelles organisations d’activistes se former dans les démocraties occidentales au fur et à mesure que les mouvements sociaux précédemment non structurés engendraient de nouvelles organisations de mouvements sociaux et des ONG. Depuis les travaux de De Tocqueville à la fin du XVIIIe siècle, le rôle des associations était traditionnellement salué dans les démocraties, mais dans les années 70, l’activisme politique des ONG a été jugé superflu par l’opinion dominante dans le processus démocratique de l’époque, et ces organisations ont été perçues comme opposées aux institutions démocratiques. On considérait que les ONG troublaient le processus décisionnel ordonné et qu’il fallait résister à leur influence (à moins bien sûr qu’elles ne soient capables d’obtenir suffisamment de soutien auprès des citoyens, à travers des manifestations et d’autres stratégies de lutte, pour que leurs revendications soient rapidement satisfaites). 2.2 La consultation (1980-1995) Au début des années 80, les ONG avaient atteint, en nombre et en activisme politique, une masse critique qui ne pouvait plus être ignorée par les gouvernements. La réaction a été une tentative d’intégration du conflit créé par le nombre toujours croissant d’ONG dans les processus formels de prise de décisions. Le conflit a commencé à céder la place à la consultation. C’est à cette époque que les comités consultatifs et de liaison, qui formalisent le rapport entre les ONG et les décideurs, ont commencé à se mettre en place. La plupart de ces mécanismes de consultation existent encore et continuent d’être sujets à controverse. Certaines ONG les dénoncent, estimant qu’ils ne constituent pas de véritables forums de participation, mais sont davantage des opérations propagande utilisées par les gouvernements pour vendre des politiques déterminées à l’avance. Il n’en demeure pas moins que la consultation est toujours un élément central des processus actuels de prise de décision et de prestation de service. Les processus de consultation font maintenant partie intégrante des procédures normales de fonctionnement des services gouvernementaux et sont même inscrits dans les dispositions législatives. 2.3 La collaboration (1990-2005) Cette époque est marquée par l’avènement de la nouvelle gestion publique. Les stratégies de base de la gestion publique accordent maintenant une large place aux partenariats, contrats, ententes et conventions de services, qui représentent tous des moyens de faire des ONG des collaborateurs clés de la prestation de services publics. On parle de « gouvernance » dans les discours, et on dit que les gouvernements devraient « barrer et non ramer » . Généralement considérée comme un programme économique rationaliste ou néo-libéral, cette orientation est en fait le résultat des pressions exercées par toutes les composantes du spectre politique. Tandis que les conservateurs demandaient des privatisations, les progressistes faisaient pression pour que les organisations communautaires jouent un rôle plus important dans les processus de prestation de services, de manière à obtenir des services plus adaptés. Pendant que les idéologues de droite critiquaient l’omniprésence de l’Etat qui continuait de contrôler une grande partie du patrimoine national, la gauche s’en prenait au gouvernement « universaliste », incapable de redistribuer efficacement les ressources à ceux qui en avaient le plus besoin ou à l’éventail complet de la société moderne. Ce nouveau niveau de collaboration étroite entre gouvernements et ONG pour la prestation des services est interprété de deux manières contradictoires dans le débat autour du processus décisionnel :
2.4 La citoyenneté (2000-2015) Une nouvelle tendance voit les gouvernements contourner les ONG en tant que représentants de groupes et chercher à obtenir la participation directe des citoyens. Il s’agit alors de rapports établis directement entre les gouvernements et les citoyens individuels pour déterminer des choix politiques, sans la médiation des ONG. Cette évolution annonce une nouvelle époque de la citoyenneté dans laquelle les gouvernements utiliseront de plus en plus les scrutins directs et les techniques démocratiques directes telles que les jurys de citoyens, les tribunes populaires et les votes en ligne. La démocratie directe cherche à exploiter les possibilités offertes par les nouvelles techniques d’enquête et les nouvelles technologies, mais elle est aussi considérée comme un moyen de freiner l’autonomie des ONG. Elle traduit le fait qu’on fait de moins en moins confiance à leur capacité de représenter les intérêts des citoyens. En raison des rapports étroits établis par la collaboration décrite ci-dessus, et de la complexité obligatoire des organisations de prestation de services, les ONG passent de plus en plus pour être déphasées par rapport aux besoins de l’ensemble de la communauté et pour chercher davantage à satisfaire leurs propres intérêts commerciaux que l’intérêt public en général. Pour mieux comprendre cette tendance, je vous recommande la lecture de la récente Note de synthèse sur la gestion publique (PUMA) de l’OCDE Engaging Citizens in Policy Making6. Ce document est entièrement consacré aux relations directes avec les citoyens, et vous verrez que les ONG et organisations de citoyens y ont peu de place. Ces quatre phases correspondent à des périodes historiques différentes, mais certaines des idées qu’elles représentent perdurent dans les sociétés actuelles et font l’objet d’une partie des débats internes des ONG concernant l’impact des mécanismes de consultation et des contrats sur leur participation effective à l’élaboration des politiques. Ces phases décrivent l’évolution qu’ont connue les démocraties industrielles occidentales ces dernières décennies. Dans d’autres pays, comme l’ancien bloc soviétique d’Europe de l’Est, l’histoire est bien évidemment différente, mais nombreux sont les éléments semblables, caractéristiques de ces époques, qui apparaissent dans les débats animant maintenant ces pays. 3. Les modèles Il existe différentes manières de classer les ONG par régions/cultures. Gøsta Esping Andersen parle de « régimes d’assistance sociale »7, alors qu’Helmut Anheier et Jeremy Kendall, dans un ouvrage récent, emploient les termes « scripts nationaux »8. Je propose, dans le cadre de notre discussion sur la participation des ONG aux processus décisionnels nationaux, la classification suivante des différents modèles culturels : 3.1 Le modèle anglo-industrialisé Il s’agit des pays anglophones industrialisés, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande. Ce sont ceux qui ont poussé la logique de la nouvelle gestion publique le plus loin et qui ont établi des relations commerciales complexes entre les gouvernements et les ONG en sous-traitant les services publics. De nombreuses ONG sont devenues de grandes organisations bureaucratiques qui passent de plus en plus pour être très éloignées de la base des membres fondateurs. Leur avenir est étroitement lié aux financements qu’elles reçoivent des gouvernements qui leur imposent de strictes directives précisant souvent que ces financements ne peuvent être employés que pour la prestation de projets ou services très spécifiques et ne peuvent être utilisés pour leur administration générale ou pour exercer des pressions. Il apparaît aussi dans ces pays une tendance à une dispersion encore plus importante des ONG, en partie parce qu’il s’y livre une compétition encore plus forte pour les ressources offertes, et aussi en raison d’une éthique individualiste et des possibilités d’accès aux nouvelles technologies. On a parfois l’impression que chaque activiste disposant de son ordinateur personnel et d’une liste étoffée d’adresses électroniques s’emploie à créer sa propre organisation. Dans ces pays, les ONG ont de plus en plus de mal à participer effectivement aux processus décisionnels à cause de leurs rapports contractuels avec les gouvernements, de la complexité croissante des organisations, du recours au financement par projet et de leur propre dispersion. 3.2 Le modèle de l’Europe occidentale continentale La nouvelle gestion publique n’a pas eu de répercussions aussi fortes dans les pays d’Europe occidentale. Les modèles économiques rationalistes de financement et les structures organisationnelles sont donc moins évidents. Un aspect est toutefois très important pour nos débats au sein de cet atelier : la longue tradition d’intégration verticale entre les structures sociales par le corporatisme, la pillarisation et la subsidiarité. Les ONG ont souvent suivi les orientations de partis politiques, syndicats et organisations religieuses. Tout le monde connaît, ou croit connaître, les affiliations des ONG. Quand je travaillais en Espagne, j’étais toujours surpris, lorsque je mentionnais une ONG ou un organisme de haut niveau, d’entendre presque immédiatement quelqu’un commenter ses affiliations avec, par exemple, un parti politique. En Catalogne, il existe deux organismes de coordination pour les organisations Roma : on estime que l’un est contrôlé par le parti socialiste, et que l’autre est lié au parti nationaliste régional. Ces affiliations compromettent dans l’ensemble toute participation effective des ONG aux processus décisionnels des pays d’Europe occidentale. Les ONG deviennent assujetties à la discipline de parti et ont beaucoup de mal à s’exprimer de manière autonome ou à exercer une influence qui soit indépendante par rapport aux structures d’intérêts qui existaient précédemment. 3.3 Les démocraties naissantes et les économies en développement (nations
Dans le cadre de ce forum, cette classification désigne essentiellement les pays d’Europe de l’Est, mais pourrait aussi convenir à de nombreux pays d’Amérique latine et d’Afrique. Ce sont des pays dont les économies sont encore relativement faibles, dont les gouvernements ne disposent que de fonds restreints pour les ONG et dont les populations ont peu de temps et de revenus à consacrer à la dimension bénévole qui caractérise les ONG dans les démocraties occidentales. L’autre particularité du secteur des ONG dans ces pays est l’impact économique des bailleurs de fonds étrangers et les conséquences politiques et opérationnelles découlant de ce financement international. Une grande partie des fonds des ONG de ces pays proviennent de bailleurs de fonds externes qui paient en monnaies fortes, ce qui fait que certaines ONG se retrouvent dans une situation financière souvent plus stable que celle des structures gouvernementales avec lesquelles elles traitent. Les ONG de ces pays passent aussi parfois pour antigouvernementales et la suspicion règne souvent autour de ce qui est couramment décrit comme une influence étrangère sur des questions internes. Les ONG des démocraties naissantes et des pays en développement ont joué un rôle crucial dans la mise en place de la démocratie et la prestation des services essentiels. Malheureusement, le revers de la médaille est que les quantités considérables de financements étrangers qui ont été mises à la disposition des ONG ont provoqué des abus dans le secteur et que les problèmes de corruption sont extrêmement préoccupants. Nous voulons rarement l’admettre, mais il arrive que le crime organisé utilise les ONG pour voler les donations étrangères ou blanchir des revenus illégaux, et que des partis politiques s’en servent pour financer illégalement leurs campagnes. Il est important de reconnaître que les ONG peuvent parfois constituer un obstacle à la mise en place d’un gouvernement réellement démocratique. Dans certains pays le secteur est encore du mauvais côté de ce qu’on appelle souvent le paradoxe de la société civile : une société civile et démocratique forte a besoin d’un gouvernement démocratique fort pour fonctionner efficacement. La participation efficace des ONG au processus décisionnel est souvent compromise par la faiblesse du secteur, un manque de légitimation et l’impression qu’elles agissent simplement comme un substitut d’opposition. 4. Les facteurs qui déterminent la participation Avant de pouvoir confirmer si les ONG participent effectivement au processus décisionnel public, nous devons examiner la gamme des facteurs qui pourraient déterminer les possibilités d’influence des ONG. Le tableau suivant donne la gamme complète des facteurs qu’il conviendrait, d’après mes propres recherches9, de prendre en considération. Tableau 1 : Les facteurs qui déterminent l’influence des ONG dans le processus décisionnel
Source : l’auteur Ce tableau est utile en ce qu’il permet d’étudier de manière approfondie la réalité de la participation des ONG au processus décisionnel. Par exemple, mes recherches ont démontré que l’environnement politique espagnol offre peu de possibilités au réseau dispersé d’ONG à ressources modiques cherchant à peser sur une politique économique et sociale décisive comme la politique d’immigration. Je n’ai donc pas été surpris de découvrir qu’un processus que j’avais étudié, et qui avait été initialement cité en exemple de la manière dont les ONG pouvaient contribuer au processus décisionnel, était en fait un cas de manipulation, de la part d’un niveau de gouvernement, sur un groupe de coordination d’ONG, pour présenter des politiques déterminées à l’avance à un autre niveau de gouvernement détenant une majorité auprès d’un parti opposé. 5. Ont-elles réellement une influence ? La vérité est que nous ne savons pas et que nous ne pouvons pas réellement savoir si les ONG ont une véritable influence sur les processus décisionnels. Aucune science ne permet de mesurer le pouvoir des différents acteurs d’un processus politique. C’est comme si toutes les actions politiques disparaissaient dans la boîte noire des négociations à huis clos, puis en ressortaient sous la forme de décisions politiques. Nous ne pouvons observer ce qui se passe dans cette boîte noire, nous ne pouvons que spéculer sur la manière dont les décisions sont prises. Presque chaque participant engagé dans une décision politique a une bonne raison de dissimuler la façon dont elle a été réellement prise. J’oserais même dire, au risque de paraître provocateur, que pour ce qui est des questions de gouvernance nationale et de politiques à l’échelle nationale, les ONG ne sont peut-être pas des acteurs clés indépendants. Les ONG ont vraisemblablement plus d’influence à l’échelon local et sur certaines questions particulières. Au niveau national, les ONG ne sont pas des acteurs de premier plan ; en fait, ce sont juste des figurants. Les ONG jouent, au mieux, un rôle de soutien, et même si elles constituent un élément du processus décisionnel avec lequel les gouvernements doivent travailler, elles ne sont pas des acteurs centraux. Pour rester dans l’analogie cinématographique, on ne peut avoir une scène de foule sans la foule, mais ce sont les acteurs principaux qui ont les rôles les plus importants. De nombreux acteurs du processus décisionnel détiennent un plus grand pouvoir technique et positionnel que les ONG. On permet aux ONG de participer aux processus décisionnels pour les persuader, les sensibiliser et fournir une certaine légitimation, mais elles ne sont pas au centre des processus décisionnels. 6. Recommandations Dans le cadre de la situation décrite dans cet exposé, quelles sont les conditions qui favoriseraient la participation des ONG à la gouvernance démocratique ? Comment pouvons-nous créer des mécanismes adaptés et efficaces qui permettraient aux ONG de définir et de regrouper leurs intérêts ? Voici les recommandations, générales et particulières, que je propose aux ONG et aux gouvernements. 6.1 Recommandations générales Il doit se créer un dialogue ininterrompu entre les acteurs du processus décisionnel. Trop souvent, leur perception de ce processus et des mécanismes de participation et leur attente sont différentes. Le plus souvent, les ONG finissent par être exclues de ce processus en raison des tensions engendrées par ces malentendus. Par conséquent, pour créer les conditions d’une participation plus efficace des ONG, tous les acteurs des processus décisionnels devraient s’efforcer de mettre en place :
6.2 Recommandations aux ONG Les ONG devraient, pour améliorer leur efficacité en tant qu’acteurs des processus décisionnels, travailler à une meilleure compréhension de leur rôle dans le cadre de ces processus. Par exemple :
6.3 Recommandations aux gouvernements Les gouvernements devraient décider comment ils peuvent légitimement soutenir les ONG, mais sans utiliser ces appuis pour contrôler démesurément les activités des ONG ni se servir de leur pouvoir de financement pour étouffer les désaccords. Le clientélisme, terme employé pour décrire la manière dont certains gouvernements ne soutiennent que les ONG qui leur sont le plus loyales, peut à court terme donner les résultats escomptés, mais ne peut en fin de compte qu’augmenter le cynisme envers les travaux des gouvernements et des ONG et aggraver ainsi le déficit démocratique. 7. Dernières remarques Avant de conclure, j’aimerais faire encore quelques remarques sur le rôle des ONG dans la gouvernance démocratique. 7.1 L’augmentation de la diversité et de la professionalisation présente des avantages
Il semble assez évident que le secteur des ONG traverse dans tous les pays une période d’expansion qui se traduit par une augmentation du nombre et de la diversité des organisations et une élévation des normes professionnelles de ceux qui y travaillent. De manière générale, ce phénomène devrait être considéré comme positif et à l’avantage du secteur. Un secteur des ONG diversifié et professionnel peut constituer une plate-forme plus solide pour l’action citoyenne et renforcer la société civile. En même temps, il ne faut pas oublier les aspects négatifs de cette évolution : la dispersion croissante du secteur diminue les possibilités d’action unifiée ; le risque de contrôle des gouvernements et des autres acteurs sociaux est plus important ; de nombreux services auparavant offerts gratuitement par les ONG deviennent des services marchands. Par exemple, dans de nombreux pays, les services d’information et d’éducation qui à l’origine étaient fournis gratuitement sont maintenant considérés comme des sources de revenus supplémentaires. 7.2 Le renforcement de la confiance accordée aux gouvernements L’essor des ONG et de la société civile est considéré comme un élément essentiel de la démocratie, gardons néanmoins présent à l’esprit que les ONG qui se contentent de critiquer les institutions démocratiques, qui ne font que s’opposer aux gouvernements élus ou qui cherchent à contourner les entités représentatives, risquent en fait d’affaiblir la confiance envers les démocraties. Nous avons parlé plus tôt du paradoxe de la société civile : une société civile et démocratique forte a besoin d’un gouvernement démocratique fort pour fonctionner efficacement ; il faut éviter de tomber dans le piège qui consiste à croire qu’une société civile qui s’occupe d’elle-même garantit nécessairement un gouvernement démocratique. 7.3 Des ONG informées, engagées et belliqueuses Quel est le rôle des ONG dans la gouvernance ? Je vais vous soumettre ma philosophie personnelle concernant la participation des ONG au processus décisionnel. Après vingt ans d’expérience de travail avec les ONG, je pense qu’elles peuvent atteindre une efficacité maximale si elles sont bien informées, engagées et ... un peu belliqueuses.
Etudes de Cas Ülle Lepp et Tõnis Lukas : la coopération entre le secteur associatif et le secteur public en Estonie
Mon exposé couvrira les points ci-après :
Le concept estonien de développement de la société civile est un document national, qui décrit les diverses fonctions des organisations gouvernementales et des associations à but non lucratif dans le cadre de la coopération entre le secteur public et le secteur associatif. Ce document a pour but général de démontrer qu'il y a une compréhension mutuelle entre les organisations gouvernementales et les associations à but non lucratif concernant leur coopération. Les buts spécifiques de l'EKAK sont liés au soutien du développement d'une société civile en Estonie. Les travaux d'élaboration des projets de concept estonien de développement de la société civile se sont déroulés de 1999 à février 2001, dans le cadre du projet associant le PNUD, le Gouvernement estonien et le réseau des associations estoniennes à but non lucratif intitulé «Renforcer la durabilité des ONG estoniennes» géré par le réseau des associations et fondations estoniennes à but non lucratif. La première mouture de l'EKAK a été composée par le coordonnateur du projet du PNUD. Elle se fondait sur la documentation de tous les groupes de travail qui ont étudié ce concept en 1999-2000. L'élaboration du concept s'est faite en plusieurs phases et de nombreux acteurs ont participé au processus. C'est le secteur associatif qui a joué le rôle le plus actif tandis que les représentants des partis politiques n'ont participé qu'à certaines phases de l'élaboration du concept. En décembre 1999, 10 partis estoniens et 10 organisations ont signé un accord de coopération entre les partis politiques estoniens et les groupements d'associations à but non lucratif. Cet accord comportait une décision officielle pour commencer l'élaboration du projet de concept estonien de développement de la société civile et la décision de soumettre ce document au Parlement estonien, le Riigikogu. De janvier à avril 2000,
En avril 2000,
De juin à décembre 2000,
En octobre 2000,
D'octobre 2000 à janvier 2001,
Le 1er février 2001,
Le 3 février 2001,
Le 23 avril 2001,
D’octobre 2001 à avril 2002,
En juin 2002,
Telle est la longue histoire de la genèse de l’EKAK qui aura duré trois ans. Il est à espérer que cette question figurera bientôt à l’ordre du jour du Parlement estonien. Dans la dernière partie de mon exposé, je voudrais souligner l’importance que revêt l’élaboration de l’EKAK pour l’ensemble des associations à but non lucratif d’Estonie. Les discussions sur l’EKAK ont fait germer l’idée d’un forum pan-estonien ouvert des associations à but non lucratif. La première réunion de ce forum, appelée Table ronde des associations estoniennes à but non lucratif, s’est tenue en février 2001. Les 272 participants étaient répartis en cinq chambres: associations à but non lucratif agréées; groupements d’organisations; associations à but non lucratif non agréées (partenariats informels); et organisations pour les minorités. Ces chambres ont délégué trois représentants chacune (cinq issus de la plus grande chambre, celle des associations à but non lucratif agréées) au Conseil représentatif de la Table ronde. La Table ronde n’est pas déclarée comme personne morale et n’a pas un nombre fixe de membres. C’est ainsi que le Conseil représentatif ne sera élu chaque année que par les organisations ayant envoyé leurs représentants à la Table ronde. Au cours de l’élaboration du concept du développement de la société civile, les ONG estoniennes ont créé un groupe de militants de premier plan ayant des idées précises sur le rôle des ONG comme composantes de la société civile. Grâce à la vulgarisation de l’EKAK par la Table ronde des ONG, l’idée que les associations à but non lucratif ont un rôle important dans le développement de la démocratie participative continuera de se propager dans le secteur. Le Conseil représentatif de la Table ronde a également permis une diffusion de cette idée dans les partis politiques qui ont décidé d’examiner la question. L’EKAK est un bon catalyseur de la fonction de la société civile en Estonie. Outre l’EKAK, le secteur associatif a élaboré et la Table ronde des associations estoniennes à but non lucratif a approuvé un certain nombre d’autres documents importants pour le secteur associatif. Parmi ces documents on peut en citer d’aussi importants que le code d’éthique pour les associations estoniennes à but non lucratif et le document sur la durabilité de la société civile estonienne et des associations à but non lucratif. Plusieurs tables rondes locales de ce secteur associatif se sont constituées et les premiers accords de coopération ont été conclus entre les pouvoirs locaux et les tables rondes locales. Le processus de coopération entre le secteur public et le secteur associatif est désormais enclenché et se développe constamment. Rapport de l’Atelier n°2
Les débats ont permis une richesse des échanges qu’il serait difficile de reproduire avec fidélité sans risquer d’omettre certains aspects. Ce rapport est par définition un condensé de l’ensemble des contenus échangés.
En réponse à la question posée ; à savoir si les ONG avaient une influence sur les politiques nationales ? l’intervenant n’a pas hésité à répondre qu’il s’agissait d’une boîte noire où il était difficile de savoir les liens et les enjeux qui s’y déroulaient. Mais il estime que les ONG ne sont pas les protagonistes clefs du débat, mais des figurants…….. sauf s’ils sont parvenus à établir un vrai dialogue, avec un langage commun, en se positionnant comme des experts sur un champ thématique où les limites d’intervention de chacun sont clairement établies. Ces propos ont ouvert très rapidement les débats et ont permis de constater plusieurs aspects : La dimension nationale a fait apparaître une véritable diversité à la fois terminologique, mais également dans les processus de mise en œuvre des partenariats. Cette diversité est étroitement liée à l’histoire, la culture et la situation économique des États. En fait, notre diversité représente déjà une sorte de similitude dont ils nous faut tirer le meilleur parti. Cependant, il nous faut rester prudent, car nous savons que toute diversité présentent des risques dont celui de la confusion. Et cela a été le cas dans notre atelier, puisque nous avons relevé d’importantes confusions dès lors que nous parlions des ONG – de qui parlions nous en utilisant le sigle O.N.G ? Nous avons relevé dans les échanges d’atelier au minimum 6 dénominations différentes pour exprimer le même sigle ONG :
C’est pourquoi nous nous sommes interrogé sur les points communs et sur quels critères les distinguer ? Prenons-nous en compte, par exemple :
Nous avons convenu qu’il était impératif de mieux définir nos terminologies, ce que nous entendons par ONG pouvant intervenir au niveau national pour envisager un partenariat ou un processus de collaboration entre ONG et États. Pour y parvenir, nous pouvons espérer qu’un jour nous puissions faire naître un vrai statut européen des associations qui dépassent les frontières nationales et qui contribuerait à donner un cadre homogène au concept associatif. Cette étape étant franchie, il devient possible de construire les modalités d’intervention conjointe entre ONG et États. L’exemple présenté par Mme Ülle Lepp et Mr Tõnis Lukas d’Estonie reflète une telle volonté où de manière concrète on découvre les formes possibles de coopération avec les Autorités du pays. La difficulté la plus importante repose sur l’absence de clarification des rôles respectifs et des relations et influences qui peuvent en découler. Dès lors des tensions peuvent apparaître entre les autorités nationales – avec leur propre pouvoir légitimé par le scrutin, et les ONG en ce qu’elles sont représentatives d’une partie de la population. Cette clarification des domaines de compétences et des champs d’interventions est un préalable très important que l’Estonie semble avoir accompli, au niveau national avec la participation des parlementaires et d’universitaires, en réalisant un document écrit11 qui reprend et clarifie, après de longues discussions, tous les aspects de cette collaboration. Les craintes relatives à des ONG qui occuperaient trop d’espace ont été évoquées et ne semblent en rien fondée. Dès l’instant où elles ont été créées de manière démocratique et qu’elles ont un but clairement et ouvertement affiché, elles deviennent autant d’exemple de démocratie vivante. C’est pourquoi, nous avons souligné à quel point une société civile forte, composée d’ONG reconnues, légitimées, était propice à générer un État, lui-même fort, car il existe une relation entre les deux. Mais quelque soit les modalités mises en place, les participants ont insisté sur une pièce maîtresse de cette collaboration : la nécessité d’un respect mutuel sans lequel aucune articulation ne permettra un travail constructif, un débat contradictoire, voir une opposition constructive. De plus, cette confiance mutuelle ONG/État est un facteur important d’enrichissement de la démocratie. Nous savons que par définition, nos ONG défendent fréquemment les intérêts d’un groupe de particuliers. Or, comment procéder pour articuler l’intérêt particulier à l’intérêt général ? Nous avons trouvé une forme de réponse plausible par la présentation de l’étude de cas par Mme Anna Belia de la Hongrie où une Fondation (Soros) intervient auprès des ONG locales. Du fait de sa non intervention directe sur le terrain mais auprès des ONG nationales, il se produit une forme de « lissage » des écarts évoqués précédemment entre l’intérêt particulier et l’intérêt général. Selon les participants, cette manière de procéder présente l’avantage de « dépolitiser » les ONG de certains pays. Enfin, l’atelier s’est accordé pour affirmer que si nos ONG veulent intervenir de façon pertinente au niveau national, elles doivent dorénavant savoir utiliser les médias. Ceci requiert un véritable savoir-faire, qui passe par un apprentissage, pour être en mesure de médiatiser ses actions, pour savoir poser les problèmes, non pas de manière individualisée ou localisée, mais de façon général pour être lisible par les professionnels des médias et de la politique. C’est en quelque sorte une manière de légitimer ses actions en tant d’ONG. En conclusion, et contrairement à l’affirmation du Dr Casey qui estimait que les ONG internationales n’étaient plus des protagonistes clefs, les membres de l’atelier sont persuadés que les ONG internationales deviennent des interlocuteurs très importants pour tous les décideurs politiques, car leurs dispositifs en réseaux ainsi que leurs domaines d’interventions leurs permets très souvent de mettre en oeuvre ce que les États ou les individus ne parviennent pas ou plus à réaliser. Cependant, les participants de l’atelier ont souligné l’importance pour nos ONG d’apprendre à travailler ensemble, à coopérer, pour apparaître unis sur certaines orientations devant les autorités. Si la nouvelle gouvernance représente une façon moderne d’établir des rapports de travail et de partenariats au niveau national entre les autorités et la société civile ; elle doit également favoriser une nouvelle approche des relations entre les OING nationales. Atelier 3 – Les ONG en tant qu'acteurs clés de la gouvernance européenne/internationale Discours d'Introduction
Je tiens, tout d'abord, à remercier les agents du Conseil de l'Europe qui ont organisé le Forum ainsi que Cyril Ritchie, qui m'a permis de participer au présent Forum. En décembre 1999, j'ai eu la possibilité de travailler avec Cyril Ritchie à la Conférence mondiale de la société civile (WOCSOC) qui, organisée à Montréal, a rassemblé près de 400 représentants des réseaux de la société civile, afin de proposer des changements et de prendre des mesures pour instaurer de nouveaux partenariats de la gouvernance mondiale, ainsi que pour susciter un soutien plus large en faveur d'une Organisation des Nations Unies renforcée. Mon profond engagement dans le cadre de la WOCSOC est illustré par un ouvrage intitulé «Who's World Is It Anyway?12» «A qui appartient ce monde après tout?» qui est une étude approfondie sur l'évolution des relations entre la société civile et les Nations Unies dans le cadre de la gouvernance mondiale. Cette publication a servi de base de travail aux participants de la WOCSOC. Je suis fière de faire partie de notre groupe et de constater que nous étions en avance sur notre temps. Aujourd'hui, le débat sur la gouvernance a atteint un maximum d'intensité et constitue une priorité pour les gouvernements, les associations de la société civile et les organisations intergouvernementales. Avant de poursuivre, je tiens à rendre hommage aux deux personnes qui ont orienté la vision développée dans notre ouvrage, à savoir Angus Archer et Michael McCoy, deux amis qui sont à l'origine de mon engagement au service du développement; ils ont guidé ma réflexion sur ces questions à partir du moment où j'ai quitté les Philippines en 1983 pour m'installer à New-York. Malheureusement, tous deux sont décédés. Je suis sûre qu'ils sont heureux de ma participation à des réunions comme celle d'aujourd'hui. En 19 ans de travail au sein du système des Nations Unies et des organisations de la société civile (OSC), j'ai toujours agi pour associer davantage les OSC à l'élaboration démocratique des politiques. A l'ordre du jour de nos discussions, cet après-midi, nous proposerons des moyens de renforcer les capacités d'intervention des ONG, d'améliorer leur accès aux travaux des institutions du Conseil de l'Europe ainsi que les relations entre les ONG internationales et le Conseil de l'Europe. Je voudrais vous faire part de mon point de vue s'agissant des ONG en tant qu'acteurs clés de la gouvernance européenne et internationale. Dans notre débat, je voudrais soulever la question de savoir si nous parlons du critère qu'est la nécessité d'être une ONG «organisée» pour pouvoir participer à la gouvernance européenne/internationale. Si oui, le terme «organisé» soulève également la question de savoir comment donner aux ONG les moyens de s'organiser pour participer au débat sur la gouvernance. Je voudrais citer deux cas tirés de ma propre expérience. Premièrement, en ma qualité de conseillère auprès de «Women in Europe for a Common Future» (WECF – Les femmes en Europe pour un avenir commun). Le WECF (basé aux Pays-Bas) est un réseau d'ONG de femmes qui contribue à développer le potentiel des groupes de femmes d'Europe orientale et des pays de la CEI. En préparation du Sommet mondial du développement durable (SMDD), qui s'est tenu récemment à Johannesburg, le WECF a organisé la Conférence des femmes européennes pour un avenir durable qui s'est tenue à Celakovice (République Tchèque), en mars 2002. 120 représentantes d'ONG de 30 pays d'Europe occidentale, centrale et orientale et des pays en transition, dont l'Asie centrale, ont participé à la conférence. Les conclusions de la conférence ont été présentées au comité préparatoire du SMDD et au SMDD. A la conférence de Celakovice, les femmes ont déclaré: «c'est aux femmes qu'est laissée la charge d'assumer seules les séquelles de la guerre». Mon rôle, dans le cadre du WECF, est d'aider ses membres à se tenir informées et d'assurer la liaison entre leurs préoccupations et programme d'action et les initiatives et processus des Nations Unies. J'ai recommandé, par exemple, à la FAO de prendre, dans le cadre de son initiative SARD sur l'agriculture durable et le développement rural, le WECF comme agent de liaison européen dans la mesure où il représente un grand groupe de femmes. Pour assumer ce rôle d'agent de liaison, il faut que le WECF ait le temps et la capacité de suivre l'évolution de l'initiative SARD de la FAO dans le cadre de ses structures administratives et des processus internationaux du SMDD. Le WECF se trouve dans une situation où il n'a ni le temps ni la capacité d'intervenir. Pourquoi? Le temps et la participation exigent des ressources. Partager équitablement son temps et ses efforts entre la participation aux processus et les impératifs concrets de la mise en oeuvre de projets avec des partenaires représente un grand défi pour le WECF. Si l'on considère les processus et les Sommets des années 90, on observe que la région européenne est toujours sous-représentée. En revanche, lorsque je compare ma participation à celle de groupes de femmes des Etats-Unis, j'observe du moins qu'ils parviennent à accéder à ces processus de décision internationaux. Si l'on considère la culture des fondations, on constate que les ONG américaines peuvent compter sur elles pour financer le développement de leurs capacités d'intervention, et obtenir, par exemple, des fonds pour participer à des conférences et se charger des suites à donner. Le deuxième exemple que je voudrais vous soumettre, c'est celui de ma participation à une organisation philippine de migrants à Rome. Les travaux de ce groupe de migrants ont été très bien étudiés et bien présentés dans de nombreux comptes-rendus, non pas par l'association elle-même mais par d'autres, une ONG nationale ou des institutions internationales. Pourquoi? Une fois encore, qui a accès aux ressources financières? Les ONG nationales et internationales, et non pas ces groupes de migrants. Je cite ces deux exemples en espérant que nous pourrons mettre au point des mécanismes concrets permettant aux ONG d'être plus efficaces. Je ne veux pas seulement parler ici des groupes de femmes mais des organisations de la société civile qui devraient participer directement aux processus de décision régionaux et internationaux. Venons-en à la «gouvernance mondiale». Dans notre étude (l'ouvrage que j'ai cité précédemment), nous avons inclus, dans notre définition, non seulement les institutions et organisations officielles, à savoir les institutions gouvernementales, les organismes de coopération intergouvernementale etc, qui édictent (ou non) les règles et les normes qui régissent l'ordre mondial, mais aussi toutes les organisations et groupes de pression, des mouvements sociaux transnationaux à la pléthore d'ONG qui poursuivent des buts et objectifs ayant un impact sur les systèmes de règles et de pouvoirs transnationaux. De même, lorsque l'on traite de la gouvernance mondiale, il faut prendre en compte le contexte de la mondialisation, non seulement dans sa définition restreinte touchant à l'économie, la finance et le commerce, mais aussi en rapport avec les aspects sociaux et environnementaux et dans une perspective fondée sur les droits de l'homme. Ici, je voudrais décrire le processus du SMDD dont on a vanté les mérites en le considérant comme l'un des mécanismes les plus avancés de prise de décisions et de gouvernance au niveau international dans toute l'histoire des conférences des Nations Unies des années 90. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement qui s'est tenue, en 1992, à Rio a ouvert la voie à une nouvelle méthode d'organisation et de présentation des points de vue dans les négociations internationales à travers un processus de concertation entre de multiples partenaires et la participation de neuf grands groupes (à travers le choix de représentants des femmes, de la population locale, des jeunes, des pouvoirs locaux, du secteur privé etc). Au cours des dix dernières années, les ONG participant aux processus de développement durable (à travers les travaux de la commission et la préparation des Sommets) ont appris à s'organiser et à développer leur rôle dans ce cadre à multiples partenaires. Tout en étant considérée comme l'un des modèles les plus avancés en matière de participation des ONG aux processus de décision, cette méthode n'échappe pas à la critique s'agissant de la sélection des représentants des grands groupes. Cette nouvelle ère et ce processus novateur s'écartent effectivement du modèle officiel représenté par le statut consultatif des Nations Unies. Il en va de même au Conseil de l'Europe où la participation des ONG entre dans le cadre d'un statut consultatif et d'autres mécanismes informels de consultation. Au sein des Nations Unies, bien que la résolution 1996/31 de l'ECOSOC reste la résolution de plus haut niveau régissant les ONG participant aux travaux des Nations Unies, nous avons pu, au cours de la dernière décennie, tirer de nombreux enseignements de différentes autres stratégies d'ONG proposant des modèles à la fois formels et informels. En ma qualité de coordinatrice de la Coalition populaire pour le SMDD, je voudrais donner un exemple de mécanisme à multiples partenaires. Selon la Coalition populaire, le passé nous montre que les réformes menées par les gouvernements sans la participation de la société civile, tout comme les initiatives de la société civile sans les politiques de soutien et de facilitation des gouvernements sont vouées à l'échec. En outre, il n'y a pas suffisamment de cohérence dans les politiques d'assistance, notamment technique, et de prêt des bailleurs de fonds internationaux et bilatéraux. Ces leçons ont amené la société civile, les Nations Unies (FIDA, FAO et PAM) ainsi que les institutions financières internationales (la Banque mondiale), l'Union européenne et les gouvernements à décider de constituer une nouvelle coalition afin d'unir leurs efforts pour renforcer l'autonomie des ruraux pauvres, en leur assurant l'accès à la terre et aux biens de production connexes et en renforçant leur capacité à influer sur les politiques publiques qui affectent leurs moyens d'existence. La Conférence sur la faim et la pauvreté organisée en 1995 par le FIDA a créé la Coalition populaire pour éradiquer la faim et la pauvreté. La Coalition s'est constituée en tant que mécanisme distinct doté d'une administration indépendante sous l'égide du Conseil exécutif de la Coalition composé de sept réseaux régionaux de la société civile ONG ainsi que de cinq partenaires intergouvernementaux. Un document distribué aux participants par les organisateurs (deux documents élaborés par la Coalition populaire) explique dans le détail l'expérience de la coalition au cours des sept dernières années. A travers le schéma général, nous avons expliqué le point de vue de la Coalition s'agissant de la démocratisation de ses travaux et de sa conception. L'instauration de la confiance est une première étape qui est le fondement des relations entre ses partenaires. Les partenaires participent aux programmes à travers le Réseau sur la réforme agraire (ARnet), le programme d'information et de mise en réseau et le Mécanisme de potentialisation des communautés (MPC) qui offre de petites subventions pour des projets novateurs de renforcement des capacités d'intervention. Les initiatives menées ensemble au cours des sept dernières années ont permis à la Coalition et à ses partenaires de trouver de nouveaux moyens de travailler ensemble. De nouvelles pratiques ont émergé et se sont développées en réponse aux défis auxquels doivent faire face les partenaires et le Secrétariat, tant au niveau national qu'international. On peut citer, par exemple, le défi de faire prendre en considération le Programme d'accès à la terre au plus haut niveau, tant sur le plan national qu'international. Nous avons profité de l'espace du SMDD pour présenter un programme commun d'accès à la terre fondé sur un processus de consultation biennal entre un large éventail d'acteurs soutenant l'amélioration de l'accès à la terre et la sécurité d'occupation. La Coalition a également lancé, au SMDD, une nouvelle initiative intitulée «Land Alliances for National Development» (Alliances foncières pour le développement national) ou, en d'autres termes, des partenariats LAND. L'idée est de renforcer, au niveau national, entre l'Etat, la société civile et les acteurs bilatéraux et internationaux, une collaboration qui fasse progresser les dialogues participatifs et fonde de futures actions communes concernant l'amélioration de l'accès à la terre, à tous les niveaux. La Coalition estime, en outre, qu'il est essentiel de consacrer davantage d'efforts aux actions de sensibilisation et de trouver de nouveaux moyens pour les partenaires de participer aux processus d'élaboration des politiques et à la prise de décisions. La Coalition juge important d'être «à l'intérieur» du processus, de participer aux négociations politiques réelles en présentant le point de vue de ceux qui sont «à l'extérieur» du processus et qui organisent des manifestations, processus que nous appelons «interne/externe». Pour terminer, je voudrais signaler les défis auxquels il nous faut faire face. Nous avons besoin de dirigeants éclairés. Nous constatons que certains dirigeants et négociateurs de quelques-unes des plus puissantes démocraties se comportent comme des opposants à la démocratie internationale. Nous devons faire en sorte que l'Etat de droit s'applique en permanence et insister en même temps sur l'observance des règles, la transparence et la responsabilité. Quel est le rôle d'institutions comme le Conseil de l'Europe dans la mise en place de mécanismes plus légitimes de démocratisation ascendante permettant au peuple de faire entendre sa voix ? Comment pouvons-nous traiter le grave problème de régler les conflits entre les individus (peut-être la question primordiale) et les organisations (qui fait quoi?) et de surmonter les frontières nationales et régionales qui rendent difficile l'élaboration de stratégies aux niveaux régional et international? Le Conseil de l'Europe est-il préparé à la mise en oeuvre de modèles de partenariat différents en matière de gouvernance mondiale? Enfin, quels sont les mécanismes de suivi permettant de s'assurer que ce que l'on propose ici aujourd'hui sera mis en oeuvre, qu'il y aura accord entre les paroles et les actes? Etudes de Cas Sonja Lokar, Task Force sur l’Egalité du Pacte de stabilité LES ONG FEMININES : DES ACTEURS POLITIQUES CLES EN EUROPE
COMMENT LA SP GTF A-T-ELLE VU LE JOUR ? En 1999, plus de cinquante Etats, y compris ceux d’Europe occidentale, les Etats-Unis, le Canada, le Japon, la Russie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovénie, et tous les pays impliqués dans la guerre des Balkans (Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Albanie, ex-République yougoslave de Macédoine, Roumanie et Bulgarie), ainsi que les principales organisations intergouvernementales internationales, telles que les Nations Unies, la Commission européenne, la Banque mondiale, la BERD, le Conseil de l’Europe et l’OSCE, ont lancé le Pacte de stabilité, sorte de Plan Marshal pour l’Europe du sud-est. A cette date, les gouvernements et les organisations internationales à l’origine du Pacte de stabilité avaient déjà l’obligation claire d’intégrer l’égalité des sexes dans leurs priorités, et de considérer les organisations de femmes comme des partenaires à part entière dans toutes leurs opérations d’aide au développement et de rétablissement de la paix. Tous ces pays avaient formellement souscrit à cette obligation, en tant que signataires et partenaires de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), dans les documents de la Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes qui s’est tenue à Pékin en 1995, et dans toutes les directives de l’Union Européenne et du Conseil de l’Europe concernant le « gender mainstreaming », à savoir l’intégration des questions relatives aux femmes dans les préoccupations politiques, sociétales et économiques. Cependant, il y a eu et il y a encore un monde entre les paroles et les actes. Ainsi, l’Accord de paix de Dayton signé en 1995 ne mentionne à aucun moment le rôle actif des femmes dans le processus de paix. Or, en 1999, les femmes des Balkans, et notamment celles vivant dans les régions les plus ravagées par la guerre, en particulier en Bosnie-Herzégovine, avaient déjà tiré les leçons les plus amères de la fin du 20e siècle :
En 1999, avant même le lancement du Pacte de stabilité, les ONG féminines de Bosnie-Herzégovine avaient appris à utiliser les organisations intergouvernementales internationales pour obtenir un quota de 30% de femmes au parlement. Elles avaient réussi à obtenir une représentation des femmes de 27% dans les parlements des deux entités. Elles avaient organisé des campagnes massives visant à encourager les femmes à voter, à se présenter aux élections, et, par-delà des divisions ethniques, religieuses et politiques, à leur apprendre à devenir les actrices de la nouvelle politique des femmes. Les initiateurs du Pacte de stabilité ne considéraient pas l’égalité femmes/hommes comme l’une de leurs priorités et n’estimaient pas que les femmes devaient être invitées à participer à ce processus, en tant que partenaires majeures. Après la guerre qui avait ravagé la région, ils considéraient les femmes uniquement comme des victimes de la criminalité organisée, c’est-à-dire des proxénètes et des trafiquants d’êtres humains. Mais cette fois, avec le soutien de la mission de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine, les responsables d’ONG féminines à Sarajevo ont réussi à dire : ça suffit, il faut que ça change ! Courant juillet 1999, avec l’aide du Réseau CEE Network for Gender Issues, un appel exigeant la participation pleine et entière des femmes à cette initiative internationale de rétablissement de la paix a été signé en moins de deux semaines par plus de 150 ONG féminines, syndicats de femmes, groupes politiques de femmes, représentantes d’organismes publics œuvrant pour l’égalité femmes/hommes, journalistes célèbres, élues politiques et expertes en matière d’égalité femmes/hommes originaires de 13 Etats de la région couverte par le Pacte de stabilité, ainsi que d’Europe occidentale. L’idée de la SP GTF était née. Dès le départ, les responsables du Pacte de stabilité ont considéré cette proposition inattendue de partenariat avec des mouvements d’ONG féminines de l’Europe du sud-est avec surprise et un certain malaise, se demandant comment une institution intergouvernementale sérieuse pouvait prendre comme partenaire à part entière un interlocuteur dont la légitimité officielle était aussi discutable. La deuxième étape décisive dans la mise en place de la SP GTF était elle aussi liée au soutien qu’allaient apporter la Mission de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine et le CEE Network for Gender Issues aux représentantes des signataires de l’appel dans la préparation de leur demande formelle de création de la SP GTF et de leur premier plan d’action d’octobre 1999. L’OSCE, qui est devenue le sponsor général de la SP GTF, et le CEE Network for Gender Issues ont dû fournir un important travail de lobbying avant que le Secrétariat du PS ne donne son accord à la création informelle de la SP GTF. Le Secrétariat du PS a en outre trouvé une solution au problème de la légitimité, à savoir que tous les Etats bénéficiaires du Pacte soient invités à désigner leur représentante au sein de la SP GTF. DILEMME : COMMENT INTEGRER LES FEMMES DANS UN PROCESSUS INEXISTANT ?
Dans le cadre de la mise en place de la SP GTF, les initiateurs de la Task Force avaient pris conscience du fait que les structures du Pacte de Stabilité étaient loin d’être ouvertes au « gender mainstreaming », ce qui s’est confirmé à chaque étape du processus. Toutes les tentatives menées par la SP GTF en vue d’intégrer le « gender mainstream » dans les initiatives des Tables de travail II et II ont échoué. Il est ressorti de toutes les opérations de rationalisation ou de restructuration du Pacte de stabilité que l’égalité femmes/hommes n’était pas une priorité pour le Pacte et que la SP GTF devrait être supprimée. Les fonds que la SP GTF a réussi à collecter auprès du réseau de donateurs du PS n’ont pas dépassé 0,03% du « Quick start package » en 2000-2001, puis ont été multipliés par deux pour les projets que nous avons mis en œuvre en 2002-2003. La SP GTF n’a jamais pu obtenir de financement durable pour son fonctionnement normal à moyen terme aux niveaux régional et national, devant se contenter d’un financement projet par projet pour sa structure logistique, son centre stratégique régional et ses collaborateurs au niveau national. Comment travailler en réseau en l’absence d’une définition du problème, d’une stratégie et d’objectifs communs ? Dans l’ensemble des Etats couverts par le Pacte de stabilité, l’opinion publique était largement marquée par des réactions traditionalistes et empreintes d’intégrisme religieux, par des décennies d’idéologie militariste et agressive considérant les femmes comme les mères de la nation, par une violence inouïe à l’égard des femmes au cours de la guerre mais aussi dans les familles. Les offices d’égalité femmes/hommes dans la société civile étaient dispersés et avaient une démarche essentiellement orientée sur les services, étaient très souvent axés sur les donateurs et en concurrence pour les rares dons étrangers. Aucun Etat d’Europe du sud-est ne disposait d’un réseau national d’ONG dans le domaine de l’égalité femmes/hommes, œuvrant en faveur des droits politiques et économiques des femmes. Le travail de la plupart des ONG se faisait dans l’ombre. Comment faire un travail de lobbying en l’absence de partenaires ? Les femmes affiliées à des organisations syndicales commençaient à peine à s’organiser. Les partis politiques comptaient très peu de femmes et celles-ci étaient très peu organisées, voire pas du tout. Les femmes élues ou nommées à des postes de responsabilité étaient encore moins nombreuses. Après la guerre, les tensions politiques au sein des conseils municipaux et des parlements étaient telles que les femmes appartenant à des partis opposés ne s’adressaient quasiment pas la parole. La plupart des militantes des partis politiques estimaient que leur parti et elles-mêmes avaient plus urgent à faire que de s’engager en faveur de l’égalité femmes/hommes. Comment sensibiliser les gouvernements à l’importance de l’égalité femmes/hommes ? Certains gouvernements d’Europe du sud-est (par ex. Slovénie, Hongrie, Croatie, Macédoine, Roumanie et Albanie) avaient mis en place de petits offices de défense de l’égalité hommes/femmes, généralement peu efficaces ; en revanche, la Bosnie-Herzégovine, la République fédérale de Yougoslavie, le Monténégro, la Bulgarie et la Moldova ne disposaient d’aucun mécanisme en la matière. Aucun gouvernement de cette région n’avait de statistiques fiables sur la représentation des femmes et des hommes au niveau politique et économique. Les initiateurs du SP GTF étaient conscients du fait qu’avant de faire avancer les choses à grande échelle, il fallait les faire bouger à petite échelle.
Pour la première fois dans l’histoire des mouvements modernes de femmes, des organisations féminines en contact entre elles au niveau régional ont demandé directement et obtenu l’intégration d’un mécanisme d’égalité femmes/hommes dans une initiative régionale de rétablissement de la paix lancée par des organisations intergouvernementales, inventant ainsi une nouvelle forme d’institution. Elles ont défini petit à petit le mandat de la SP GTF et obtenu confirmation de celui-ci ; la Task Force a été autorisée à siéger à la Table de travail n°1 du Pacte de stabilité, à intervenir au sein de toutes les Tables de travail, à coopérer avec toutes les Task Forces de son choix ; elle a été invitée aux réunions régionales des Tables de travail du Pacte de stabilité, à la conférence régionale des donateurs et aux réunions du réseau de donateurs du Pacte de stabilité. L’une des étapes les plus difficiles pour les initiatives féminines au niveau local, en particulier en période de transition et d’autant plus lorsque celle-ci fait suite à une guerre, c’est le moment où ces initiatives cessent d’être une protestation des femmes contre la guerre, l’expression de leur opposition contre le système politique en place ou de leur engagement pour la transformation de structures étatiques détruites ou inefficaces, pour devenir la manifestation consciente d’une volonté de participation positive et active au rétablissement de la paix et au processus de développement démocratique. Il s’agit en l’occurrence du passage d’une identité défensive et égocentrique à une identité active et ouverte. Dès le départ, les organisations féminines qui se sont engagées en faveur de la SP GTF n’étaient pas que des ONG classiques, mais aussi des organisations féminines émanant de différents partis politiques, organisations syndicales ou parlementaires, voire d’offices gouvernementaux pour l’égalité femmes/hommes, d’organisations internationales gouvernementales et non-gouvernementales, qui étaient disposées à surmonter toutes les lignes de division : origines ethniques, frontières nationales, rivalités entre gouvernement et opposition, entre gouvernement, parlement et ONG, entre ONG, syndicats et partis politiques, ou encore entre les niveaux local, national, régional et international. Cela explique la structure organisationnelle transversale de la SP GTF. Tout d’abord, avec une représentation bipartite puis, à partir de 2001, tripartite de coordonnateurs originaires de tous les pays/territoires de l’Europe du sud-est : un premier désigné par les ONG, un deuxième par le gouvernement et un troisième par le parlement. La présidence est exercée par une personne originaire d’Europe du sud-est et la vice-présidence par un représentant du Parlement européen. La GTF a un petit comité consultatif, également composé de représentants d’organisations internationales intergouvernementales ou non-gouvernementales (OSCE, Parlement européen, ODIHR, UNIFEM, UNDP, Conseil de l’Europe, CEE Network for Gender Issues, NPA, Qvinna till Kvinna, Star Network for World Learning, ainsi que des représentants de la Task Force sur la traite des êtres humains et de la Task Force sur la coopération parlementaire du Pacte de stabilité). La SP GTF a réussi à imposer dès le début que cette initiative soit portée au niveau régional, et à faire en sorte qu’elle le reste jusqu’ici. Les organisations féminines de la région sont restées inflexibles dans leur décision de formuler elles-mêmes leur plan d’action. Ce sont elles qui procèdent à l’évaluation des besoins lors des réunions régionales annuelles, qui définissent la stratégie, fixent les priorités, élaborent les projets régionaux et les présentent directement à la communauté des donateurs du Pacte de sécurité, projets dont elles organisent et dirigent la mise en œuvre. Les organisations féminines de l’Europe du sud-est, rassemblées au sein de la SP GTF, ont prouvé leur capacité à coopérer directement avec les organismes mondiaux les plus avancés en matière d’égalité femmes/hommes, travaillant sur la question depuis des décennies (gouvernements scandinaves : la Norvège et le Danemark furent les premiers donateurs de la Task Force ; Nations Unies : UNDP, UNIFEM ; Conseil de l’Europe ; Parlement européen), et à obtenir le soutien direct de pays développés (Autriche, Italie, Suisse, Canada, Allemagne) et au premier chef de l’OSCE. Malheureusement, la SP GTF n’a jamais obtenu le soutien de la Banque mondiale ou de la Commission européenne. Dans le cadre de cette coopération, le transfert d’expérience internationale et de bonnes pratiques a toujours été au moins aussi important que l’échange d’expérience et de solutions au niveau régional. LANCER LE PROCESSUS
STRATEGIE SANDWICH
Au fur et à mesure, les Nations Unies, l’OSCE, le Conseil de l’Europe et la Table de travail III du Pacte de stabilité ont commencé à renforcer leurs propres stratégies d’égalité femmes/hommes : le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la Résolution 1325 en 2001 ; dans le cadre d’une mission de rétablissement de la paix au Kosovo, des acteurs internationaux ont mis en œuvre d’emblée des mécanismes d’égalité femmes/hommes dans le gouvernement de transition et soutenu l’instauration d’un quota obligatoire de 30% de femmes dans les instances politiques ; l’OSCE a adopté son plan pour l’égalité femmes/hommes en 2000 ; l’ODIHR a intégré certains aspects liés à l’égalité femmes/hommes dans ses missions d’observation des élections ; le Conseil de l’Europe et la SP GTF ont œuvré ensemble en faveur de la mise en place et de l’amélioration de mécanismes d’égalité femmes/hommes en Europe du sud-est, le Programme de développement des Nations Unies (UNDP) faisant de même de son côté ; les actions menées par plusieurs acteurs internationaux majeurs pour combattre la traite des femmes et des enfants ont commencé à porter leurs fruits ; tout cela dans le cadre de la démarche ascendante. Ainsi, les gouvernements d’Europe du sud-est ont été pris en sandwich entre toutes ces initiatives et ont progressivement commencé à avancer dans la bonne direction. RESULTATS OU QUE SE PASSE-T-IL LORSQUE LES FEMMES SONT INTEGREES OFFICIELLEMENT AU PROCESSUS DE DECISION
CONCLUSIONS QUE L’ON PEUT EN TIRER 1. Les progrès réalisés ne sont toujours pas durables. La Gender Task Force pourrait facilement être remise question à la suite d’un changement dans les priorités politiques internationales ou d’une réorganisation du Pacte de stabilité. Ainsi, la tendance positive pourrait être inversée à la suite d’un changement d’orientation politique au niveau gouvernemental (la Bulgarie a abandonné le projet de loi sur l’égalité des chances après l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement en 2001), d’une modification mineure de la législation électorale (après l’ouverture des listes électorales des partis en Bosnie-Herzégovine, le pourcentage des femmes élues au parlement dans les deux entités est passé de 27% à respectivement 18 et 19 % en 2002) ou d’une amplification des tensions politiques nationales susceptible d’éliminer la question de l’égalité femmes/homme des priorités politiques (après les élections nationales au Monténégro en 2002, le pourcentage de femmes élues au parlement est passé de 10% à seulement 4,5%). 2. Des institutions régionales d’égalité femmes/hommes restent nécessaires pour les femmes de la région. Les progrès sont sérieusement entravés par le fait que la SP GTF ne s’est toujours pas établie à moyen terme en tant qu’institution stable, dotée d’un mandat international clair, et de catalyseur régional favorisant la promotion de l’égalité femmes/hommes dans tous les Etats couverts par le Pacte de stabilité. En l’absence de véritable institution régionale pour l’égalité femmes/hommes apte à servir de centre d’échange d’informations, de cellule de réflexion pour l’élaboration de politiques d’égalité femmes/hommes et de centre de formation, et en l’absence d’offices nationaux dotés d’un équipement minimum et de personnel compétent dans tous les Etats de la région, la SP GTF perdra sa capacité à s’ouvrir à la coopération avec tous les partenaires potentiels de la région, ce qui risque de lui faire perdre sa légitimité dans la région. 3. Un soutien international substantiel et stable en matière de financement et de savoir-faire reste indispensable pour les institutions nationales et les mouvements transversaux d’égalité femme/hommes dans tous les pays de l’Europe du sud-est. En l’absence d’un tel soutien, la représentation des femmes dans les parlements locaux/nationaux et au gouvernement risque de baisser à nouveau, les gouvernements nationaux risquent de réduire le budget et les effectifs de leurs offices pour l’égalité femmes/hommes, et la législation en faveur de l’égalité femmes/hommes pourrait rester lettre morte. UN NOUVEL ENVIRONNEMENT POLITIQUE En 2002, la situation dans l’Europe du sud-est, au sein de l’Union Européenne et dans le reste du monde est très différente de celle de juillet 1999.
Dans cet environnement politique en pleine mutation, la SP GTF semble être à l’aube d’une nouvelle ère. En l’occurrence toutefois, le défi n’est plus COMMENT ENGAGER, mais COMMENT POURSUIVRE les efforts au niveau régional en faveur de l’égalité femmes/hommes dans l’Europe du sud-est. Rapport de l’atelier 3
Atelier 3 : Les ONG en tant qu’acteurs clés de la gouvernance européenne/internationale
Chef du regroupement des ONG, « Société civile dans la nouvelle Europe »L'atelier s’est ouvert sur le mot de bienvenue du président, Cyril Ritchie, qui a ensuite exposé les trois principales missions de l’atelier, inspirées du document « Principes fondamentaux sur le statut des organisations non gouvernementales en Europe » : 1. Adapter les structures de gouvernance pour les rendre plus ouvertes,
Les participants à l’atelier sont convenus de l’emploi du temps de la journée et du programme de travail. Puis Mme Jing de la Rosa, de la Coalition populaire pour le développement rural, a présenté un discours d’introduction résumé dans les paragraphes suivants. Mme de la Rosa a commencé par évoquer la réunion du WOCSOC qui s’est tenue à Montréal en 1999, au cours de laquelle 400 réseaux de la société civile se sont demandé ce qu’il fallait faire pour mettre en place une nouvelle forme de gouvernance mondiale. Aujourd’hui, les ONG jouant des rôles clés dans les forums de gouvernance internationale tels que les Nations Unies et le Conseil de l’Europe, la gouvernance est au cœur du débat. Pour permettre une participation des ONG à l’échelle internationale, il est indispensable de renforcer leurs capacités d’intervention. Pour illustrer ce propos, l’exemple de l’ONG Women in Europe for a Common Future (WECF) (Femmes européennes pour un avenir commun), dont l’objectif est de participer au renforcement des moyens d’action des femmes en Europe de l’Est, a été proposé. Selon Mme de la Rosa, sa collaboration avec la WECF lui permet de coordonner son programme avec celui de l’ONU. Elle a fait remarquer que l’Europe est toujours sous-représentée dans les processus décisionnels internationaux. La participation exige des ressources ; aux Etats-Unis, des fondations privées aident les ONG à se donner les moyens de participer, une pratique qui n’existe malheureusement pas en Europe. Il serait extrêmement utile que cet atelier puisse déboucher sur la mise au point de méthodes permettant aux ONG de trouver des fonds pour renforcer leurs capacités d’intervention. La question de la gouvernance mondiale exige que soit prise en considération, en plus de la mondialisation de l’économie et du commerce, celle du développement social et écologique. La dernière décennie a vu un dialogue multilatéral sur le développement durable se mettre en place par l’intermédiaire de l’ONU. Cette initiative a été favorablement accueillie mais n’a pas manqué de susciter des critiques concernant la manière dont les principaux groupes invités à participer à ce dialogue ont été élus ou sélectionnés. Le Sommet de Johannesburg sur le développement durable (2002) a été considéré comme un modèle louable de gouvernance mondiale en ce qu’il différait du dispositif consultatif habituel de l’ONU pour inclure davantage les ONG et leur permettre une participation réelle. C’est à cause de l’incohérence des stratégies des bailleurs de fonds internationaux, en particulier concernant les financements, que la Coalition populaire a été créée pour renforcer les moyens d’action des populations rurales pauvres et augmenter leur participation au processus décisionnel. La Coalition populaire s’emploie à éradiquer la faim et la pauvreté et à relancer dans les programmes nationaux et internationaux l’action en faveur de politiques foncières qui défendent les intérêts des pauvres. Elle favorise la gouvernance entre les organisations de la société civile et les institutions internationales, ainsi qu’au sein de ces structures. Pour ce faire, la première étape consiste à établir des relations de confiance entre les partenaires. La Coalition populaire a créé deux programmes :
Les résultats des deux principaux programmes cités ci-dessus et les leçons tirées des expériences collectives réalisées pendant les sept dernières années ont incité les partenaires et le secrétariat de la Coalition populaire à mettre au point de nouvelles méthodes de travail collectif au niveau national et international, pour permettre aux ruraux pauvres d’accéder à la terre. A l’occasion du Sommet de Johannesburg, la Coalition populaire et le Fond international de développement agricole (FIDA) ont lancé un nouveau projet de partenariat, les partenariats LAND, d’après l’acronyme de l’anglais Land Alliances for National Development. Ces partenariats fonciers visent à renforcer la collaboration entre l’Etat, la société civile, les agences bilatérales et les organisations internationales pour améliorer la concertation et jeter les bases d’une future action commune pour améliorer l’accès à la terre des ruraux pauvres. En général, pour permettre aux perspectives extérieures de réellement participer au processus décisionnel, il faut promouvoir les actions participatives faisant intervenir tous les partenaires, encourager la société civile à organiser de grandes campagnes de sensibilisation et renforcer les processus décisionnels, autant d’initiatives qui exigent des dirigeants clairvoyants. Certaines des démocraties les plus puissantes ne favorisent pas réellement l’adoption de processus décisionnels plus ouverts. La transparence et l’obligation de rendre des comptes devraient être des préoccupations constantes, le problème le plus délicat restant de maintenir le respect tout en permettant l’expression des différences et diversités. Il s’agit aussi de savoir comment mettre au point des dispositifs de suivi permettant de mettre en pratique les mesures que nous préconisons. Pour illustrer à l’échelle régionale l’expérience des ONG en tant qu’acteurs de la gouvernance européenne et internationale, Sonia Lokar, présidente de l’Equipe spéciale sur les questions d’égalité entre les sexes du Pacte de stabilité, a présenté le compte rendu suivant. Mme Lokar a d’abord indiqué qu’en juillet 1999, une initiative régionale spécifique, un plan Marshall pour l’Europe du Sud-Est, s’était fondée sur les trois principes suivants :
Il n’était nulle part fait mention du plus important groupe d’intérêt de la région : les femmes. Les femmes n’étaient pas considérées comme des acteurs potentiels du maintien de la paix, bien que l’égalité entre les sexes fasse théoriquement partie des obligations du Pacte de stabilité. Quoique le Pacte de stabilité ait été négocié dans le cadre de certaines obligations internationales et européennes en matière d’intégration de l’égalité entre les sexes, les Accords de paix de Dayton et de Kosova ne contiennent que peu de références au rôle des femmes dans le maintien de la paix en Europe du Sud-Est, si tant est qu’il y en est. Les groupes de femmes de la région se sont donc concrètement retrouvés dans une impasse pour laquelle il fallait bien trouver des solutions imaginatives :
Une double stratégie était nécessaire pour que les femmes soient officiellement reconnues en tant que participantes à la reconstruction de l’Europe du Sud-Est : il fallait une démarche à la fois ascendante et descendante. A l’échelon local, une pétition a été signée par 150 femmes militant au sein de syndicats, de partis politiques et de sociétés civiles dans treize pays d’Europe du Sud-Est et aussi d’Europe occidentale. Cette pétition a permis aux femmes de demander à siéger officiellement à la table du Pacte de stabilité et de chercher à obtenir la création d’une Equipe spéciale sur les questions d’égalité entre les sexes. Il leur a été demandé, bien qu’une place leur ait été promise, qui elles représentaient exactement. Pour répondre à cette question, les organisatrices ont mis en place une double structure constituée d’une part de représentantes de réseaux d’ONG et de gouvernements régionaux et d’autre part de représentantes d’organisations gouvernementales internationales telles que le Parlement européen, l’OSCE, le Conseil de l’Europe et l’UNIFEM. Le large éventail de contributions ainsi obtenu a permis aux femmes de la société civile de créer une vaste gamme de réseaux s’appuyant sur un grand nombre d’institutions, officielles ou informelles, ce qui a abouti à la création de l’Equipe spéciale sur les questions d’égalité entre les sexes dans le cadre du Pacte de stabilité. Il est apparu essentiel, durant le processus de création d’un * courant +, de faire clairement ressortir les mesures nécessaires pour permettre aux femmes de se manifester et de mettre en évidence leurs intérêts et leurs apports. Parmi ces mesures figurent la sensibilisation, le renforcement des capacités d’intervention politique, la modification des lois électorales et la création de dispositifs nationaux de réforme. L’Equipe spéciale sur les questions d’égalité entre les sexes a choisi une approche transversale qui lui a permis de travailler avec différentes appartenances politiques et d’autres groupes, et s’est efforcée de susciter des synergies associant toute une variété de groupes et d’intérêts. Elle s’est en outre employée à créer un système permettant aux femmes, à leurs besoins et à leurs intérêts de s’inscrire dans les structures de gouvernance, et, en cela, a participé au transfert et à l’échange de connaissances et de bonnes pratiques régionales et internationales. Les efforts de l’Equipe spéciale sur les questions d’égalité entre les sexes pour renforcer la participation des femmes à la gouvernance régionale se sont traduits par toute une série de résultats tangibles, dont une augmentation de la représentation moyenne des femmes au sein des parlements d’Europe du Sud-Est, qui est passée de 7 % en 1999 à 15 % en 2002. Ils ont également abouti à l’introduction de règles de quota dans quatre pays alors que cela n’existait que dans un seul pays auparavant, et à la promulgation de lois favorisant l’équité dans trois pays, dans une région où il n’y avait jamais eu de telles lois. S’il faut tirer une leçon de la création et des activités de l’Equipe spéciale sur les questions d’égalité entre les sexes, c’est que ces progrès ne sont pas encore acquis. Chaque modification du Pacte de stabilité représente une menace pour l’équipe spéciale, qui doit continuellement justifier sa présence au sein du Pacte. Une évaluation récente lui accorde une cote de 40 % pour son travail, assortie d’un commentaire la qualifiant de modeste contribution à un objectif marginal, ce qui a pour effet de menacer sa place autour de la table du Pacte de stabilité à l’avenir. Voilà qui illustre bien à quel point les travaux axés sur les femmes n’ont pas de base solide et que les résultats obtenus pourraient rapidement être anéantis. Des institutions régionales viables sont indispensables pour que la coopération entre les ONG, les gouvernements et les organisations gouvernementales internationales soit possible. En outre, pour que la paix et la démocratie puissent solidement s’enraciner, les institutions d’Europe du Sud-Est ont encore besoin de financements internationaux stables. Pour finir, Mme Lokar a fait un tour d’horizon de la nouvelle situation politique à laquelle l’Europe du Sud-Est est confrontée actuellement. Le 11 septembre, la chute de Milosevic, l’explosion du conflit armé en Macédoine, l’imminence de la première phase de l’élargissement de l’UE, tous ces événements régionaux et internationaux remettent en question l’évolution des politiques en faveur de l’égalité entre les sexes. Le Pacte de stabilité va progressivement décliner et l’équipe spéciale, cessant de le considérer comme partenaire direct, se tourne maintenant vers une concertation accrue avec les institutions de l’UE et la Banque mondiale. Suite à ces deux exposés, le président a recommandé aux participants de garder présents à l’esprit les principaux thèmes et problèmes évoqués et de réfléchir au moyen d’améliorer les structures institutionnelles. Le renforcement institutionnel est lié au financement, ce n’est pas une activité isolée : lorsque les gouvernements parlent de restructuration, cela peut vouloir dire qu’ils envisagent des réductions de budget, et cela s’applique à toutes les activités de réseau avec des institutions internationales. M. Henri Rouillé d’Orfeuil, président de Coordination Sud, France, s’est alors adressé aux participants de l’atelier au sujet des relations entre ONG et institutions dirigeantes à l’échelle mondiale. En résumé, il a fondé le début de son exposé sur trois observations :
Il a alors soulevé trois questions :
Il a souligné la nécessité d’analyser ces questions d’un point de vue formel et informel. La scène non officielle procède des échanges qui se nouent entre toutes sortes d’associations et d’acteurs. Pour pouvoir travailler efficacement dans ce contexte et peser sur le processus décisionnel, les ONG doivent être bien organisées, créer des alliances avec d’autres acteurs sociaux et établir de bonnes relations de travail avec les médias. Plusieurs exemples de questions mises en lumière sans l’intermédiaire du système formel de gouvernance ont été donnés, comme les débats sur les médicaments génériques pour le traitement du SIDA, sur la dette du tiers-monde et sur les mines antipersonnel. Ces problèmes ont d’abord été soulevés et discutés dans la société civile, et c’est l’opinion publique qui a forcé les diplomates à prendre leurs responsabilités par rapport à ces questions. Sur la scène formelle où se déploie le processus de gouvernance et où s’activent les institutions gouvernementales, le principal enjeu est la manière dont les ONG peuvent s’organiser et leur capacité à collaborer avec les organisations officielles. C’est dans ce contexte que la question se pose de savoir qui une ONG représente. Il peut s’agir d’une seule organisation choisie par un organisme international en fonction de ses propres critères. Dans de telles conditions, une ONG ne peut pas parler au nom de la société civile mais ne représente que ce qu’elle est, une seule ONG. L’accréditation de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe ne tient souvent compte que des ONG institutionnelles, mais d’où viennent celles-ci ? Habituellement de la moitié septentrionale du monde, pas d’Afrique ni d’Asie. Elles ne peuvent alors pas légitimement représenter le monde entier. Une approche ascendante pour augmenter la représentation des ONG est possible dans les pays démocratiques et en particulier en Europe. On pourrait donc imaginer une confédération européenne d’ONG qui puisse dialoguer avec l’Union européenne et pondérer les plate-formes nationales et les réseaux européens. Mais qu’en est-il des autres régions du monde ? Il existe un forum d’ONG en Algérie, mais peu d’ONG dans cette région. Il est donc difficile de mettre en place une plate-forme nationale lorsque les gouvernements ne sont pas démocratiques et n’encouragent pas la création d’ONG issues de la société civile. Il a ainsi été conclu qu’une structure ascendante est tout à fait possible en Europe et qu’il est très important de renforcer les organisations nationales pour constituer une collectivité européenne en parallèle avec l’Europe telle qu’elle se construit. Il est indispensable, pour que le dialogue progresse entre gouvernements et ONG, que celles-ci s’améliorent au niveau national et européen. Le président a observé que l’exposé de M. d’Orfeuil constituait une bonne accroche pour la suite des débats : si nous voulons influencer le processus décisionnel, nous devons, en tant qu’acteurs de la société civile, mieux nous organiser et travailler transversalement au-delà des frontières nationales. Il a également souligné à quel point il était important de créer des dispositifs nationaux et régionaux d’un secteur à l’autre : souvent les ONG ne sont pas en contact les unes avec les autres, ce qui les rend vulnérables aux menaces visant leur capacité de représentation, comme l’a montré l’exposé de l’Equipe spéciale sur les questions d’égalité entre les sexes. Il a alors invité les participants à exprimer leurs observations et à participer à un dialogue général entre toutes les personnes présentes à cet atelier. Une vaste discussion s’est engagée sur de nombreux aspects de l’activité internationale des ONG, sur la manière dont elles sont acceptées à l’échelle internationale et sur la difficulté d’une représentation efficace de ces ONG dans les structures internationales. Il a été précisé que dans les pays d’Europe du Sud-Est où la tradition des ONG n’est pas particulièrement enracinée dans la culture politique, la mise en place des activités de réseau peut être très lente. Il est difficile d’exercer des pressions et de participer au processus décisionnel sans appui extérieur. Pour illustrer ce phénomène, on a cité l’exemple de l’activité des ONG en Roumanie, où l’appui externe de la Commission européenne et de l’UNICEF a eu un impact décisif sur la capacité de mobilisation des pouvoirs publics des ONG. Une question a suscité de nombreux commentaires, celle des intérêts qui sont représentés sur la scène internationale et du ou des groupes à qui est accordée cette responsabilité de représentation à un tel niveau. Certaines observations ont voulu élargir ce débat de base à la participation d’un plus large public, au-delà des réseaux d’ONG. Il a paru important de mettre en avant les bonnes pratiques d’intégration des ONG, telles qu’elles s’exercent à la Cour européenne des droits de l’homme, où les ONG peuvent intervenir dans l’examen d’un cas mis en délibération par la Cour. La sensibilisation du public à ce type de bonnes pratiques pourrait l’amener à demander pourquoi d’autres organisations internationales n’adoptent pas des stratégies semblables d’intégration des ONG. Le débat s’est alors élargi à la manière dont les gouvernements considèrent les ONG - comme des menaces ou comme des partenaires - une question qui a suscité des réactions mûrement réfléchies. On a fait observer qu’il existait à Bruxelles de nombreuses familles distinctes d’ONG, qui s’organisent différemment. Les ONG qui participent à la Plate-forme sociale sont financées par la Commission européenne, mais ces financements sont réservés aux ONG d’envergure européenne, et non à celles qui ont une assise nationale. L’UE avait besoin d’ONG pour sa légitimation par la société civile. La formation de la Plate-forme sociale a permis un financement durable des travaux des ONG, et tous les intervenants du secteur des ONG apprécient l’importance de la régularité de ces financements pour le renforcement de la structure des ONG, en comparaison des conditions de travail qui sont les leurs quand elles fonctionnent avec des financements limités. Malheureusement, le concept de la Plate-forme sociale en tant qu’instrument d’un dialogue civil a été rejeté par le Parlement européen, à la grande déception de la Plate-forme. Le président a évoqué le danger inhérent à une dépendance exclusive d’une seule source de financement, que ce soit la Commission européenne, un gouvernement ou des financements privés : si cette source disparaît, les ONG risquent fort d’avoir à cesser leurs activités. Les ONG devraient donc prévoir de modifier leurs dispositions en matière de financement. La situation des ONG américaines et de leur influence sur la politique locale et étrangère aux Etats-Unis a soulevé un intérêt particulier. On a fait valoir qu’en matière de politique étrangère, les ONG n’obtenaient pas de bons résultats aux Etats-Unis, puisque le pays refuse de reconnaître la Cour pénale internationale et de signer les accords internationaux sur le réchauffement de la planète. Par contre, il a aussi été dit que de nombreuses ONG américaines travaillent dans l’ombre à changer ces prises de positions, et bien d’autres, et que le gouvernement des Etats-Unis sera éventuellement obligé de tenir compte de leurs arguments. L’un des participants s’est déclaré surpris de découvrir que les ONG européennes ne sont pas organisées à l’échelle internationale et, par exemple, à l’ONU. Cela s’explique-t-il par le manque de pouvoir et de ressources de l’ONU et par la complexité excessive de ses structures ? Il a par contre été admis que l’ONU joue un rôle crucial en matière de définition de critères et que la société civile influence considérablement l’ONU. Nombreuses sont les conventions onusiennes qui n’existeraient pas sans les pressions exercées par d’importants groupes de la société civile. Le dilemme reste toutefois le même pour les ONG qui doivent surveiller avec vigilance la mise en œuvre de ces critères internationaux, mais sont impuissantes si elles n’ont pas de budgets ou travaillent avec des financements limités. Il faudrait que les ONG travaillent en collaboration avec leurs gouvernements pour donner à l’ONU et au Conseil de l’Europe les financements nécessaires pour permettre à ces organisations de travailler efficacement au mieux-être de l’humanité. Il a été observé que les organisations internationales constituent une nouvelle forme d’états et qu’en demandant aux ONG de faire campagne à ce niveau, on exigeait d’elles de nouvelles compétences. En outre, les institutions européennes ont un impact sur la vie des individus et, au sein de l’UE, les ONG sont beaucoup plus proches du processus décisionnel en matière de finances et de pouvoir que dans les autres organisations internationales. Revenant à la question des relations entre les ONG et les gouvernements, le président a fait observer que les Principes fondamentaux sur le statut des organisations non gouvernementales en Europe ont été adoptés par les gouvernements et que les gouvernements du Conseil de l’Europe reconnaissent maintenant que la collaboration qualifiée du secteur des ONG se traduit par une amélioration notable en matière de définition des politiques et de prise de décisions. La leçon que les ONG doivent tirer de cette constatation est que plus le secteur social démontre sa compétence concernant les problèmes qui se posent aux gouvernements, plus ces ONG auront de chances d’être considérées comme des partenaires, tout en gardant la possibilité de mobiliser l’opinion publique si cela s’avérait nécessaire. Les expériences de formation d’alliances et de coalitions entre ONG à l’échelle nationale, internationale et européenne, ainsi que les tentatives de travail avec d’autres organisations européennes comme l’OSCE, la CEI et bien d’autres, devraient intéresser vivement toutes les ONG, car il y a là beaucoup à apprendre. Les orateurs ont affiné les thèmes du débat dans leurs conclusions. Mme Lokar a repris le thème de la participation des ONG en s’interrogeant sur le moyen d’éviter que les ONG institutionnelles ne monopolisent le point de vue de la société civile dans les discussions avec les organismes internationaux. Elle a fait remarquer que l’arrivée de nouveaux intervenants, que ce soit le secteur des ONG ou de nouvelles ONG, dans le processus décisionnel bouleverse les priorités, les valeurs, les règles et même les institutions. On ne peut plus se contenter de mener les affaires comme d’ordinaire et il n’est pas facile de travailler sur ces nouvelles bases. L’Equipe spéciale sur les questions d’égalité entre les sexes a demandé à tous les groupes de femmes des pays concernés de travailler avec elle. Pour qu’un processus interactif de définition des politiques se mette en place, il faut réunir davantage de ressources, et la mobilisation de ces ressources est vitale si l’on veut peser sur la répartition des pouvoirs dans l’Europe du Sud-Est. Il a aussi été souligné la grande importance de l’ONU pour les femmes, puisque sans elle il n’y aurait pas de tribune pour l’égalité mondiale. Il est donc vital de renforcer le rôle de l’ONU et de faire pression sur les gouvernements nationaux pour qu’ils respectent leurs engagements envers l’ONU. Voilà un exemple des liens qui peuvent exister entre ONG et organisations nationales et internationales. Mme de la Rosa a évoqué la question des ONG aux Etats-Unis et fait observer que ces groupes influencent les délégations gouvernementales et les processus internationaux. Elle a précisé que les Etats-Unis sont très en retard sur les questions d’égalité entre les sexes. Elle estime, d’après son expérience avec la Coalition populaire, que l’appui d’un important organisme international (IFAD) pour ses travaux a permis à la Coalition de progresser plus facilement vers ses objectifs. Elle a enfin demandé aux participants de l’atelier s’ils connaissaient d’autres ententes de ce genre. Il a été constaté que le statut consultatif de la société civile au Conseil de l’Europe, créé quand le Conseil de l’Europe était un club de démocraties occidentales, a maintenant 50 ans. A l’heure actuelle le Conseil de l’Europe englobe l’Europe centrale et orientale, et organise des réunions dans les nouveaux pays membres : c’est un moyen parmi d’autres d’établir un contact avec la société civile dans ces régions, une action importante pour le Conseil de l’Europe qui vise à augmenter le nombre de participants au dialogue institutionnalisé. Il reçoit de nombreuses demandes de réunions et de visites, dues pour la plupart à l’initiative d’ONG nationales : elles ont besoin de se lier avec d’autres ONG au-delà des frontières nationales pour devenir des ONG internationales. L’importance du financement de l’activité des ONG a de nouveau été évoquée dans une question pertinente demandant comment les ONG pouvaient prétendre devenir des partenaires à part entière si elles n’avaient pas les moyens d’être des partenaires réguliers. Des solutions pratiques pour résoudre ce problème ont été proposées, dont une participation du CdE pour payer une partie des frais de déplacement. Le CdE est décidé à ce que les ONG constituent le quatrième pilier de l’organisation aux côtés du Conseil des Ministres, de l’Assemblée parlementaire et du Congrès. Le président a conclu par deux réflexions au sujet de la discussion et des exposés : En premier lieu, l’UE est considérée comme compétente dans la mesure où ses décisions ont une portée sur la vie quotidienne, mais le réseau de l’ONU agit également sur la vie des individus au jour le jour, par exemple par l’intermédiaire de l’OIT. Ensuite, il est important que les ONG se fixent elles-mêmes des règles de conduite, car il est essentiel d’admettre la nécessité de renforcer la capacité institutionnelle, par la définition de codes de conduite, avant que des forces externes ne le demandent et ne s’en chargent elles-mêmes. Les participants ont alors convenu de clore les débats. Le jour suivant pourrait démarrer par la définition de thèmes clés de discussion qui pourraient être examinés en détail lors de la formulation de recommandations pour la session plénière. Les principaux sujets de discussion du premier jour de l’atelier ont été présentés aux participants à nouveau réunis sous forme de questions destinées à approfondir leur réflexion pour préparer la formulation de recommandations. Voici ces questions : 1. Comment appuyer et mettre en œuvre l’autonomisation et le renforcement des capacités des ONG pour leur permettre de jouer un rôle effectif à l’échelle internationale ? Il s’agirait aussi pour elles de fixer leurs propres codes de conduite et de régler leurs propres affaires ; 2. Comment mettre en place un cadre institutionnel durable pour faciliter une participation à long terme des ONG dans la gouvernance régionale, internationale et mondiale ? 3. Quel est le meilleur moyen de permettre à un point de vue représentatif de la société civile de se former pour s’exprimer dans les processus décisionnels internationaux ? Ce thème a été examiné sous deux éclairages : l’attribution de mandats dans le secteur des ONG et les critères de sélection utilisés par les organismes internationaux pour admettre certaines ONG à la table où sont prises les décisions (et en exclure d’autres). 4. Quelles sont les * bonnes pratiques +, règles ou procédures régissant les rapports entre ONG et institutions dans certains domaines qui pourraient être appliquées ou adaptées à d’autres secteurs ? Y a-t-il des exemples d’ONG qui utilisent des stratégies imaginatives et novatrices pour peser sur les processus décisionnels internationaux ? Comment s’informer sur ces stratégies ? 5. Quels sont les mécanismes de financement les plus utiles et pertinents susceptibles de permettre aux ONG de collaborer régulièrement et durablement avec les décideurs ? 6. La participation des ONG à la gouvernance mondiale ne leur permet-elle d’apporter que des * retouches + au système décisionnel, ou jusqu’où peut-elle modifier les valeurs, priorités et processus décisionnels ? Peut-on se référer à des exemples précis ? Le deuxième jour, les débats ont commencé avec une description de la Plate-forme nationale de la Région de la mer Baltique qui associe des pays occidentaux caractérisés par une longue tradition démocratique, et des pays de l’Est dans lesquels la société civile et la démocratie commencent juste à se développer. Ce réseau d’ONG a été créé il y a deux ans au sein du Conseil des Etats de la mer Baltique et la troisième réunion de la Plate-forme est prévue en Finlande en mai 2003. Les objectifs de cet organisme sont d’organiser les ONG autour d’une Plate-forme commune et de dialoguer à l’extérieur avec les décideurs de la région balte. Parce que quatre des pays qui forment la Plate-forme font partie de l’UE et que l’adhésion à l’UE va encore être élargie, les frontières de l’UE sont repoussées bien au-delà des limites d’origine. La Plate-forme fait face à des difficultés de représentation et de financement. Pour ce qui est de la représentation, les voix de la région balte occidentale sont dominantes, les ONG européennes ne voyant pas la nécessité de s’organiser : elles craignent, en déléguant leurs voix à un autre organisme, de devenir plus bureaucratiques. L’accès aux ressources financières pose problème à la fois sous l’angle du financement et de la représentation. Seules quelques ONG danoises ont participé à une réunion à Saint-Pétersbourg ; le gouvernement danois ayant déjà satisfait les demandes des ONG, elles n’ont pas vu la nécessité de leur participation à un réseau international. Le financement constitue toutefois le problème le plus important ; il faut des fondations indépendantes pour financer les activités et initiatives ultérieures. Par contre, il convient de se féliciter des efforts consentis pour associer des ONG de différents secteurs dans le cadre de la Plate-forme, et pour planifier des activités en partant de critères régionaux plutôt que sectoriels. Parmi les projets pratiques pris en charge par la Plate-forme, on trouve des projets écologiques et sociaux financés par plusieurs fondations basées dans la partie occidentale de la Baltique, mais il y a peu de projets mis en train par les ONG. Le problème central du financement a encore été repris par le président, qui a fait observer que rares sont les bailleurs de fonds volontaires pour démarrer de nouveaux projets, et que de nombreuses fondations ont des critères de financement restrictifs. Les fondations ont mieux réussi à maintenir leurs investissements en stocks que les investisseurs individuels. Le Centre européen des fondations, à Bruxelles, est une excellente source d’information sur les financements privés. Une session d’information a ensuite décrit la place des ONG dans le cadre du Conseil de l’Europe. Il existe au sein du Conseil de l’Europe un vaste éventail d’ONG internationales disposant d’un statut consultatif. Les ONG non internationales ont été invitées à prendre contact avec le Conseil de l’Europe dans la perspective d’un renforcement et d’un élargissement du secteur des ONG internationales. L’absence de statut consultatif n’empêche toutefois pas les ONG de dialoguer avec le CdE. Les critères de sélection utilisés par le CdE sont très généraux, et une volonté de modifier le statut consultatif en statut participatif s’est manifestée. Les ONG disposent au sein du CdE d’une instance qui se réunit une fois par an en séance plénière et décide de l’orientation de ses travaux. Un comité de liaison est élu à la séance plénière et dix groupes thématiques se partagent l’essentiel du travail. Ces groupes ont de plus en plus d’influence sur les processus de définition des politiques. Il existe également un statut d’observateur et certaines ONG individuelles ont un statut consultatif auprès des Comités directeurs du CdE. Récemment le Comité de liaison a été chargé d’avertir les ONG susceptibles de perdre leur statut consultatif. L’importance du rapport entre démocratie participative et financement a été réaffirmée et il a été souligné que la démocratie participative est une révolution, et non une ancienne manière d’élaborer des politiques. Il faudrait non seulement informer et écouter les ONG, mais aussi les traiter comme des partenaires. Il est impossible de faire face à des problèmes tels que la pauvreté sans partenariats avec les ONG. Le financement des ONG par la Commission européenne présente certains avantages, puisqu’elle a alors intérêt à utiliser le secteur social et à l’intégrer dans ses concertations. Par exemple, dans le cas du Bureau européen de l’environnement, la Commission a établi un accord structuré avec des ONG œuvrant dans le domaine de l’environnement et leur offre ainsi des financements pour elles-mêmes et leurs secrétariats. Les ONG humanitaires fonctionnent différemment, puisqu’elles ont décidé de ne recevoir de financements que de leurs membres, ce qui les rend plus indépendantes. En ce qui concerne les ONG s’intéressant aux politiques sociales, elles ont besoin de la Commission comme partenaire et cela est réciproque. Il n’existe pas de méthode unique pour financer les ONG et leur permettre de participer à la définition des politiques ; tout dépend du secteur et du modèle suivi. La manière dont les fonds sont utilisés a également son importance. Les ONG qui reçoivent des financements de l’étranger peuvent être forcées d’en affecter jusqu’à 30 % aux prélèvements fiscaux. Il faudrait mettre au point des mesures financières pour éviter que les ONG aient à payer des impôts et soutenir ainsi l’essor de la société civile. Le thème tout aussi pertinent de la légitimité des ONG lorsqu’elles s’expriment au nom de la société civile a aussi suscité de nombreux commentaires. L’on s’est demandé, et c’est une question cruciale, dans quelle mesure les ONG disposant d’un statut consultatif pouvaient prendre collectivement position contre les valeurs de l’organisme international qui leur accorde ce statut. Un autre point de vue a défendu l’idée que ce n’est pas parce qu’une ONG a obtenu un statut consultatif auprès d’une organisation internationale qu’elle se retrouve obligée de prêter inconditionnellement allégeance à cet organisme. Il importe plutôt de pouvoir penser sans entraves et il est normal que les ONG admettent les divergences d’opinion dans leurs rangs, mais il faut aussi que des décisions internes soient prises par des voies démocratiques. Il est souvent arrivé qu’une position critique adoptée par une ONG à l’égard d’un organisme gouvernemental ne pose pas de problème parce qu’il ne s’agit pas d’une critique de l’organisme lui-même mais des décisions que les membres de cet organisme ont prises. Par conséquent, la consultation ne devrait pas constituer une restriction dans l’expression des opinions. Les gouvernements les moins bienveillants à l’égard de la société civile seront toujours gênés par les attitudes critiques des ONG, mais au bout du compte il reste indispensable que les ONG gardent leur indépendance d’esprit. Il est aussi nécessaire de disposer de mécanismes de surveillance pour veiller à ce que les gouvernements continuent à exercer une politique du libre accès. La difficulté est d’assurer la transparence de ces mécanismes. Tout bien considéré, il faut que la valeur de base reste le respect de la démocratie à tous les niveaux. Il faut d’abord que l’autonomie et l’indépendance des ONG soient admises. Il faut ensuite accepter le fait qu’une organisation peut parler au nom de ses membres, sans plus. Pour parler au nom d’un plus grand regroupement, il faut mettre en place une fédération qui peut à son tour s’exprimer pour de multiples organisations. Il peut être avantageux d’exprimer une opinion ou voix collective émanant d’un accord entre de nombreux organismes. Cela renforce la position des ONG face aux gouvernements. Au niveau international, un point de vue collectif est nécessaire et doit s’exprimer par l’intermédiaire d’un comité fédéré d’ONG. La difficulté reste qu’un point de vue collectif ne peut représenter que ceux qui sont d’accord sur une question donnée, et dans certains domaines il n’est pas facile de s’entendre pour exprimer une opinion collective. Il est toujours à craindre que les gouvernements n’imposent l’obligation de parler collectivement comme unique moyen de faire entendre la voix de la société civile. C’est un réel dilemme. De nombreuses ONG n’acceptent pas d’être dirigées par d’autres mais elles devraient modérer cette position en se demandant aussi quelle est la meilleure manière de faire entendre la voix de la société civile. Le débat s’est alors organisé autour des six sujets de discussion du premier jour, avec l’objectif d’élaborer des recommandations en vue de la session plénière. L’autonomisation et le renforcement des capacités des ONG : Il a paru important de savoir quelles étaient les informations et ressources disponibles pour éviter d’avoir à les redécouvrir, le renforcement des capacités constituant l’un des premiers objectifs des ONG. Des informations supplémentaires concernant les codes de conduite ont donc été fournies dans cette perspective. Suite à la Conférence mondiale de la société civile de Montréal, en 1999, l’Université des Nations Unies a rassemblé, à l’intention des ONG et du monde des affaires, les informations existant sur ce sujet dans un ouvrage. Il existe au Conseil de l’Europe plusieurs programmes destinés à aider la société civile dans les nouveaux états membres ; le CdE fait également venir les ONG des nouveaux états membres à Strasbourg pour participer à des réunions et apprendre comment il fonctionne. Ces activités visent à faire des ONG des partenaires plus actifs et mieux informés en vue de leur participation au dialogue instauré par le Conseil de l’Europe. Le renforcement des fédérations nationales, à l’échelon sectoriel ou plus généralement, est un autre exemple d’autonomisation, et le journal de l’Union des associations internationales propose de nombreux articles sur ce sujet. Il existe également une documentation sur le renforcement des capacités dans les pays et régions de l’hémisphère sud. Certains ont émis l’avis qu’un projet de recherche qui dresserait la carte des activités des ONG serait utile, puisqu’il n’existe aucun inventaire de ce type et que les ONG n’ont pas les moyens d’entreprendre une pareille étude. Les participants ont poussé ce raisonnement plus loin et convenu que les états ont le devoir de favoriser une société civile active car cela fait partie du soutien à la démocratie, et que par conséquent les gouvernements devraient investir dans leurs propres sociétés en finançant des ONG nationales qui fonctionnent. L’attention de l’assemblée a été attirée sur le paragraphe des Principes fondamentaux qui traite spécifiquement des devoirs de l’état relativement au fonctionnement actif de la société civile. On a également constaté qu’il était nécessaire d’améliorer la coopération au sein des ONG et entre les ONG, et qu’une plate-forme nationale faciliterait cette coopération. Le financement étant l’une des principales préoccupations de cet atelier, on a observé qu’il pourrait être utile de créer une fondation afin d’assurer des ressources pour le renforcement des capacités des ONG en Europe et que cette idée mériterait d’être approfondie. Les possibilités de financement présentées par les dispositifs d’imposition ont aussi été examinés, ainsi que l’augmentation du budget que les organisations internationales réservent à l’activité des ONG et qui devrait répercuter le passage du statut de partenaire consultant à celui de participant. Par exemple, il pourrait s’agir d’une pièce et d’un ordinateur mis à la disposition des ONG pendant les réunions d’organismes internationaux auxquelles assistent les représentants d’ONG. Le thème du financement exige que soient explorées les options possibles dans la situation propre à chaque pays et la formulation d’une recommandation non limitative a été suggérée à cet effet. Les Principes fondamentaux ont de nouveau été évoqués, ainsi que les dispositions que ce document contient concernant la transparence de l’appui offert aux ONG et la consultation des ONG pour l’élaboration préliminaire des politiques et lois régissant la nature de ces appuis. Un cadre institutionnel durable : Dans le cadre de cet atelier, ce thème a été traité sur le plan de la création et du renforcement des coalitions ou réseaux d’ONG en vue de l’amélioration de leur fonctionnement collectif à l’échelle nationale et internationale. De nombreux exemples de coalitions efficaces d’ONG ont été donnés, dont celui de l’Irlande où une coalition d’ONG collabore avec des intérêts professionnels et commerciaux et l’Etat pour l’élaboration de plans sociaux et économiques sur trois ans. L’expérience montre que le pouvoir conjugué de plusieurs ONG donne de meilleurs résultats pour tous que si chacune travaille de son côté. L’organisme national roumain de protection de l’enfance, créé il y a cinq ans, est maintenant reconnu par le gouvernement et joue un rôle crucial en ce qu’il fait progresser le débat national sur les questions de protection de l’enfance. Il est maintenant lié à un nouveau réseau UNICEF qui encourage les coalitions régionales sur ce thème dans vingt anciens pays communistes. Par ailleurs, un projet s’est formé dans la région flamande de la Belgique autour d’ONG intéressées par le développement, une initiative qui leur a permis de coopérer transversalement entre différents domaines et secteurs pour faire pression sur les décideurs régionaux et nationaux concernant des questions intéressant l’ensemble du réseau. Cette discussion montre combien il est important d’établir des liens au sein du secteur des ONG à l’échelle nationale, régionale et internationale pour influencer au maximum le processus décisionnel. On a également constaté que les coalitions à l’échelle de l’Europe ne représentent pas seulement la somme des plate-formes nationales qu’elles rassemblent mais que la nature supranationale de l’UE trouve ses propres solutions aux questions de coopération (et crée ses propres enjeux). La représentation du point de vue de la société civile : Ce thème a de nouveau traité de la latitude qu’ont les ONG à exprimer leurs points de vue indépendamment des gouvernements nationaux. Les ONG peuvent critiquer les gouvernements devant les organismes internationaux, comme la Banque mondiale, pour laquelle les perspectives critiques des ONG sont nécessaires et représentent une partie importante de leur participation. Ces points de vue rigoureux ont manifestement amené la Banque mondiale à modifier sa ligne de conduite, ce qui montre combien la compétence des regroupements d’ONG est importante. L’intervention de la voix de la société civile dans le marché économique peut dans certains cas n’être considérée que comme un événement ponctuel, mais les réseaux d’ONG veulent continuer à participer par ce type de circuits. Un exemple de l’accès direct des voix des ONG est donné par la structure ministérielle balte qui dans un premier temps accordait une réunion de 15 minutes aux ONG ; maintenant les ONG participent au Northern Action Plan (Plan d’action du Nord). Au sein du Conseil de l’Europe, les ONG ont un statut consultatif et il existe de nombreux exemples de bonnes pratiques à cet égard. La Convention européenne contre la torture est issue de la mobilisation du Conseil de l’Europe par les ONG et l’action des ONG s’est aussi révélée cruciale dans le cas d’autres conventions internationales. La mission de représentation de la société civile est aussi liée à la question de l’accès en général : les coalitions d’ONG offrent un accès à la société civile pour qu’elle puisse s’exprimer, mais pour autant cela n’implique aucune exclusivité pour les ONG participantes. Il importe que l’accès ouvert, libre et démocratique à la prise de décisions au niveau international bénéficie à l’ensemble du processus. C’est pourquoi il est important d’être organisé, mais pas cristallisé. La vraie difficulté est d’organiser avec souplesse : il faut se méfier des structures d’ONG professionnalisées, dont les employés deviennent des bureaucrates. Il n’y a pas de solution unique pour tous les problèmes : des contextes différents appellent des solutions diverses et à cette fin, les coalitions doivent rester souples pour permettre aux ONG de former et reformer librement leurs alliances. Si les ONG ont besoin de se structurer, elles ne peuvent former un monopole ni détenir un droit exclusif de représentation de la société civile ; le concept de la * désorganisation heureuse + décrit assez précisément l’environnement idéal pour que les ONG et l’opinion de la société civile puissent s’épanouir. Les bonnes pratiques : La mission de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine a constaté qu’elle ne pouvait pas faire avancer le processus de réconciliation sans la participation des femmes. Elle a commencé à travailler avec les femmes par l’intermédiaire du Pacte de stabilité et l’activité des ONG s’est développée à partir de là ; un mouvement d’ONG s’est alors mis à collaborer avec le gouvernement pour mettre en place l’égalité entre les sexes dans la région. La capacité de réellement créer des conditions d’égalité entre les sexes dépend toutefois du financement des ONG par les sources nationales et internationales. Un autre aspect du rapport entre le secteur des ONG et la société civile est la mutiplication des concertations à plusieurs intervenants, qui permettent aux ONG et à la société civile de conjuguer leurs efforts avec ceux d’autres parties intéressées, par exemple le secteur privé, pour peser sur les politiques gouvernementales. Ce type d’entente peut être observé dans le cadre du système des organismes des Nations Unies : l’ONU attend maintenant des parties intéressées qu’elles se présentent avec, en plus de leurs points de vue individuels, une position commune, qui ne sont d’ailleurs pas toujours nécessairement conflictuels. Le quadrilogue du Conseil de l’Europe illustre un type de démarche qui devrait être renforcé et appliqué à d’autres organismes internationaux. Les mécanismes de financement : Le Conseil de l’Europe permet aux ONG de venir à l’Assemblée parlementaire rencontrer les parlementaires et faire pression sur eux. Le Comité des Ministres est obligé d’écouter au moins les recommandations de l’Assemblée parlementaire et d’y réagir beaucoup plus rapidement et exhaustivement qu’aux propositions des seules ONG. Il est par conséquent très utile que les ONG puissent travailler davantage avec les parlementaires. Par contre, aucun statut consultatif n’est prévu pour les ONG ou la société civile dans le cadre du Parlement européen. L’expérience du secteur des ONG en Pologne a été cité : les décisions nationales se rapportant au secteur tertiaire ont été prises sans que les ONG soient consultées. Le budget 2002 attribué aux ONG a été adopté sans consultation, ce qui a fait naître un effort de mobilisation du secteur tertiaire. Le conseil des ONG est maintenant en pourparlers avec le gouvernement pour évaluer leurs besoins et définir ce que le secteur voudrait obtenir du gouvernement et de l’UE. Les dispositions des Principes fondamentaux sur la consultation des ONG pour ce qui touche à leur financement ont de nouveau été évoquées. Il a été constaté que les membres du Conseil de l’Europe en sont à différentes phases de développement ; le parlement russe, par exemple, est une institution fermée et corrompue, ce qui empêche la société civile de peser sur ses délibérations. Le Conseil de l’Europe pourrait toutefois exercer des pressions pour redresser la situation, en particulier si les Principes fondamentaux étaient entérinés par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. La participation des ONG à la gouvernance mondiale n’apporte-t-elle que des * retouches + au système décisionnel, ou offre-t-elle la possibilité de modifier les valeurs ? Le président, soutenu par les participants à l’atelier, a sur ce point fait observer que les valeurs humaines représentées par les organisations de la société civile sont tellement fondamentales pour une bonne gouvernance que les ONG doivent œuvrer dans le respect de ces principes, même si le système gouvernemental estime que les résultats sont dérisoires. Ces valeurs humaines devraient être placées au-dessus des valeurs commerciales ; ce sont celles que le secteur des ONG veut voir acceptées et mises en œuvre dans la gouvernance nationale et internationale. Pour conclure le débat, le président a fait remarquer que les trois missions fixées au démarrage de l’atelier avaient été largement remplies. L’atelier s’est terminé sur cette constatation, et le président a remercié tous les participants et orateurs. Le président et le rapporteur se sont alors mis à tirer des recommandations concrètes des points nombreux et extrêmement variés soulevés au cours des débats. Ces recommandations sont regroupées en trois catégories : les recommandations générales (4), les recommandations sur les financements (5) et les recommandations sur le renforcement des ONG (6). Il est clairement apparu, à l’occasion de la formulation de ces recommandations, que les Principes fondamentaux sur le statut des organisations non gouvernementales en Europe constituent un cadre essentiel pour structurer les rapports entre les ONG et la société civile, et aussi les relations que celles-ci entretiennent avec les gouvernements et organismes décisionnels nationaux et internationaux. Recommandations générales 1. Les Principes fondamentaux sur le statut des organisations non gouvernementales en Europe devraient être entérinés par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ;
Recommandations sur les financements 1. Les gouvernements nationaux doivent investir dans leurs sociétés en finançant les ONG pour qu’elles puissent fonctionner comme il convient ;
Recommandations sur le renforcement des ONG 1. Le Conseil de l’Europe devrait commanditer ou financer un inventaire de l’activité des ONG et réunir des informations de cet ordre dans les Etats membres où celles-ci n’existent pas actuellement ;
5. Toutes les parties intéressées, ONG, gouvernements et organismes internationaux, devraient garder à l’esprit que l’accès doit rester ouvert à l’expression du point de vue de la société civile, mais que l’accès au processus décisionnel n’accorde aucun droit exclusif sur le processus et ses mécanismes. Il faut préserver, du côté des ONG, une souplesse de fonctionnement, à laquelle doit faire écho une certaine compréhension et une certaine souplesse de la part des gouvernements et des organismes internationaux, pour que cette diversité de représentation soit prise en considération ;
Dernières remarques d’une perspective d’ONG Anne-Marie Franchi, Vice-Présidente de LA Commission de Liaison Le Quadrilogue existe. Il existe de plus en plus, dans les esprits, dans les faits et il est même provisoirement matérialisé, j’ai envie de dire incarné derrière cette table. Je voudrais m’en réjouir et mesurer avec vous et pour vous tout ce qui reste à faire. Il reste encore beaucoup à faire. Les Projets Intégrés ont permis aux acteurs des quatre catégories de travailler ensemble dans un climat que je voudrais souligner comme extrêmement satisfaisant. J’espère que nous aurons de multiples occasions, au Conseil de l’Europe, de reprendre un travail de cette qualité. Madame a parlé du Comité des Ministres et je l’en remercie. J’ajouterai une information pour un certain nombre d’ONG qui s’en réjouiront : le Comité de l’Education a invité tout récemment le regroupement Education et Culture à participer, en tant qu’observateur, à ses travaux ; cela nous fait plaisir et nous oblige à travailler toujours un peu plus. Ce sera le cas au fur et à mesure de nos progrès. Vis-à-vis du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux, j’aurais bien entendu parlé de Budapest. Mais vous l’avez fait, je m’en réjouis ainsi que du titre donné à cette rencontre : «Les ONG et la démocratie locale et régionale». Je vois cela comme une suite directe, concrète de notre travail de ces deux jours. Alors je me retourne vers mon voisin représentant l’Assemblée Parlementaire pour mentionner un point très prometteur et déjà bien engagé. C’est le travail commun entre nos différents regroupements d’ONG et les Commissions Parlementaires correspondantes. Ce n’est qu’un début, mais déjà de nombreux regroupements peuvent être entendus, échanger des projets, avoir des travaux communs. Bien sûr, il faut aller plus loin, par des approches politiques, au vrai sens du terme politique, et aussi par des propositions concrètes. En ce domaine, une voie très riche est ouverte devant nous. La Commission de Liaison des ONG est très attentive aux évolutions aujourd’hui en Europe, à tout ce qui se prépare pour l’Europe de demain. Et elle se sent en quelque sorte garante et gardienne des acquis du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme. Je veux parler de la continuité des droits, des différents droits (il n’y pas de catégorie secondaire), des droits sociaux, des droits politiques… Nous sentons très fort à la fois cette qualité du droit tel qu’il a été énoncé au Conseil de l’Europe cette originalité mondiale de la contrainte à partir des engagements souscrits. Contrainte, évaluation avec différentes mesures quelquefois souples d’ailleurs, mais toujours dans un esprit de respect des engagements souscrits. Cela nous semble un vrai trésor pour l’Europe, pour l’humanité. Je pourrais le dire au nom de l’ensemble des ONG qui travaillent ici, mais je suis chargée aujourd’hui de le dire plus particulièrement au nom de la Commission de Liaison. Madame a évoqué le travail prévu en janvier ; nous allons proposer un programme de travail dont ces préoccupations ne seront pas absentes, avec des propositions précises pour continuer à travailler notamment avec les Parlementaires, mais aussi avec tous les acteurs du Quadrilogue dans l’esprit que je viens d’indiquer. Cela oblige les ONG à exercer ce que j’appellerai volontiers une « lucidité autocritique » : il faut que nous réfléchissions sur les conditions d’exercice de la citoyenneté, de la gouvernance démocratique, sur la nature et les fonctions des ONG. Trois remarques générales à cet égard. Tout d’abord le concept de gouvernance démocratique. Il faut le situer dans une perspective un peu plus vaste qui est celle de la citoyenneté démocratique. Nous sommes dans cette salle trois acteurs mandatés par l’ensemble des ONG qui avons travaillé énormément dans le cadre du projet du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique parce que nous y avons beaucoup cru, parce que nous y croyons encore et parce que ce travail ne sera jamais fini. Parfois, et c’est regrettable, on se limite à un projet, à un programme, et on passe à autre chose. Heureusement la méthode des Projets Intégrés permet de reprendre les acquis et de les reconsidérer, de les remanier pour continuer à avancer. Cela je tenais à le dire pour citer un passage du texte qui tentait de résumer la portée de la citoyenneté démocratique et qui me semble toujours d’actualité : « s’engager pour l’ensemble des citoyens dans le champ le plus large possible de relations de citoyenneté ». N’est-ce pas l’un des objectifs de Budapest ? Cela me conduit à vous citer une des très nombreuses définitions de l’association en général, donc des ONG : « être collectif producteur de citoyenneté, de lien social, d’anticipation sociale. C’est superbe et c’est en partie vrai. Si nous voulons que cela soit tout à fait vrai, il faut que nous essayions de nous interroger sur les écueils, sur les risques ; pourquoi cela ne marche pas de temps à autres, pourquoi les ONG ne sont pas toujours en mesure de satisfaire les très nombreux espoirs que les populations dans leur ensemble mais aussi les pouvoirs institués placent en elles. Pour cela je vais essayer de m’appuyer sur une des typologies des associations, celle qui est liée à leur nature. On distingue en gros trois types : regroupements d’intérêt, regroupements sur une base normative donc de valeur, regroupements sur la base des appartenances. Si on n’y prenait pas garde, et heureusement on y prend garde en général, les regroupements d’intérêt conduiraient à ce qu’on a beaucoup dénoncé ce matin dans l’atelier 1, c’est–à-dire à l’exclusion de ceux qui sont à la marge, peut-être à une forme de corporatisme qui pourrait éloigner un certain nombre de citoyens. Si on prend la base normative des valeurs (et ce n’est certainement pas moi qui récuserai les valeurs et l’éthique), un autre écueil serait celui de tous les sectarismes, des convictions absolues, du rejet de ceux qui pensent différemment, de l’impossibilité de travailler avec les autres. Si l’on considère la base dite communautaire, celle des appartenances, le risque est celui d’aller vers une rupture du lien social. Je ne veux surtout pas que vous pensiez que je suis pessimiste sur la nature et les fonctions des ONG, tant s’en faut, mais je reviens à ce terme de lucidité autocritique car nous ne pouvons jamais faire l’économie de voir ce qui nous guette si nous oublions une forme de vigilance nécessaire. J’en viens à la dernière de mes trois remarques avec la question de la légitimité. On reconnaît volontiers aux ONG un rôle d’intermédiaire, on dit parfois de médiateurs, mais quelle est leur légitimité? Voilà une question récurrente. Si nous avions eu plus de temps, j’aurais fait un détour par l’histoire de la Révolution française, histoire extrêmement instructive pour situer les corps intermédiaires : comment on les a d’abord récusés, comment ensuite ils sont revenus à leur façon et comment peu à peu on a fini par placer en eux des espoirs mesurés ou peut-être démesurés, c’est selon. Cela revient à poser l’éternelle question du « qui t’a fait roi ? ». Pourquoi t’a-t-on fait roi ? Et qu’est ce que tu as fait de cette royauté ? Ces questions-là ne se posent pas seulement aux ONG mais à toutes les formes de pouvoir : représentatif, participatif... Elles se poseront toujours. Pour nous, ONGs, il y a au moins deux réponses que je voudrais vous proposer en guise d’incitation à la réflexion et pour terminer. La première réponse est celle de l’ouverture. Si les ONG sont refermées sur leur caractère, leur fonction, leur vocation, oui, elles courent et font courir des risques. Mais si elles savent s’ouvrir au partenariat, si elles savent écouter, si elles savent aller sur le terrain à l’épreuve des faits, à l’épreuve de tout ce qui est déstabilisation quotidienne, alors, elles remplissent leur mission. Et toujours dans l’ordre de la légitimité, je voudrais faire écho à ce que disait Daniel Zielinski hier, et qui a beaucoup frappé les esprits ; il parlait de démocratie durable. Et bien j’ajouterai à cette démocratie durable, comme une condition d’exercice, ce que j’appellerais volontiers une légitimité perpétuellement questionnée et partagée. ANNEXE I – PROGRAMME
Lundi 4 novembre
9 h 30 Ouverture du Forum Participation des ONG aux travaux du Conseil de l'Europe – réalités et perspectives
Discours d’introduction par :
10 h 30
11 h 00 Première séance plénière: le cadre analytique
Interventions des participants et débat
Introduction aux ateliers
14 h 15 Première séance de travail en atelier
Atelier n° 1
Président : Gianfranco Martini, AICCRE, Membre du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe
Atelier n° 2
Président :
Atelier n° 3
18 h 15
Mardi 5 novembre
12 h 30
14 h 00 Deuxième séance plénière
Président : Michael Remmert, Directeur du projet intégré “Les institutions démocratiques en action”
14 h 45 Réunion–débat: la participation de la société civile et le quadrilogue au niveau du Conseil de l'Europe
15 h 30
16 h 00 Séance de clôture
17 h 00
|
1 Extrait de la Déclaration de la Conférence commune ONG/Parlementaires intitulée «citoyenneté, solidarité: Quelle Europe voulons-nous?», Strasbourg, 6-7 novembre 2001 |
2 Processus de consultation et de cooperation entre ONG, le Comité des ministres, l’Assemblé parlementaire et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe |
3 Dans ce document, nous employons indifféremment les termes associations à but non lucratif, ONG, organisations bénévoles et secteur associatif. |
4 Garon, Sheldon (2002). The Evolution of Civil Society: From Meiji to Heisei. Civil Society in the Asia-Pacific, Monograph Series. Harvard University. Program on US-Japan Relations. p. 3. |
5 Salamon, Lester M., Helmut K. Anheier, Regina List, Stefan Toepler, S. Wojciech Sokolowski and Associates (1999). Global civil society: Dimensions of the nonprofit sector. Baltimore: The Johns Hopkins Center for Civil Society Studies.
6 Peut être consulté sur http://www1.oecd.org/puma/
7 Esping-Andersen, Gøsta (1990). The three worlds of welfare capitalism. Princeton: Princeton University Press.
8 Anheier, Helmut et Jeremy Kendall (2001). Third sector policy at the crossroads: An international nonprofit analysis. London: Routledge.
9 Casey, John (1998). Non-governement organisations as policy actors: The case of immigration policies in Spain. Thèse de doctorat, Universitat Autonoma de Barcelona. Peut être consulté sur http://blues.uab.es/mgp/papers/casey2.html.
10 Résumé : Leading actors or just ’extras’? The factors that determine whether NGOs are key players |
11 Estonian Civil Society Development Concept, code of Ethnics for Estonian Nonprofit organisations, www.emy.ee |
12 . N.d.T.: ne faut-il pas lire plutôt «Who’s world is it»? |