La police du XXIème siècle : Renforcement de la
protection des droits des citoyens et nouvelles menaces internationales contre
la sécurité
2ème Réunion à haut niveau des ministères de
l'intérieur
22-23 juin 2000, Bucharest (Romania)
Conclusions
Présentées par M. Constantin DUDU IONESCU, Ministre de l’Intérieur de la
Roumanie
1. Considérant que les objectifs essentiels du Conseil de l'Europe sont de
promouvoir la démocratie pluraliste, l'Etat de droit et les droits et libertés
fondamentaux à l’échelle du continent européen;
2. Rappelant le travail considérable accompli par le Conseil de l'Europe dans le
domaine des problèmes criminels;
3. Rappelant la Déclaration finale des chefs d'Etat et de gouvernement du
Conseil de l'Europe (Strasbourg, 10-11 octobre 1997) selon laquelle la sécurité
des citoyens et la lutte contre le crime organisé doit être considéré comme une
haute priorité;
4. Rappelant également l’action commune de l’action de l’Union européenne du 1er
décembre 1998 sur la définition du crime organisé;
5. Préoccupés par les situations de conflit en Europe qui offrent un champ
propice au développement et à l’intensification des activités criminelles;
6. Conscients de la dimension internationale des activités des groupes criminels
organisés qui font fi des frontières et conscients aussi de la nécessité pour
les services/forces de police de disposer d’instruments efficaces leur
permettant de surmonter les difficultés qu'ils rencontrent dans la coopération
transfrontalière;
7. Rappelant les conclusions du 12e Colloque criminologique sur les pouvoirs et
la responsabilité de la police dans une société démocratique (Strasbourg, 24-26
novembre 1999);
8.Eu égard aux conclusions adoptées à la première Réunion à haut niveau des
ministres de l'Intérieur/responsables de la police (Strasbourg, 5-6 novembre
1998) qui ont mis en relief la gravité de la situation de la criminalité en
Europe et conscients des progrès réalisés depuis lors dans la lutte contre
celle-ci;
9. Nous, ministres, secrétaires d'Etat et responsables des questions de police,
constatons que les problèmes relatifs à la sécurité des citoyens sont désormais
au centre des préoccupations des Etats membres du Conseil de l’Europe et qu’il
est essentiel de trouver un équilibre entre les moyens et les pouvoirs pour
assurer l’efficacité de la police et la protection des droits et libertés
fondamentaux;
10. Nous saluons l’action du Conseil de l'Europe dans le domaine des affaires
intérieures à titre de complément de ses activités bien établies dans le domaine
des «questions de justice». Par conséquent, nous marquons notre ferme appui à la
création d’un « Conseil pour les questions de police» en tant qu’organe
consultatif dans ce domaine, sous l'égide du Comité européen pour les problèmes
criminels (CDPC). Un tel organe permettra de développer une coopération plus
étroite entre les ministères de la Justice et de l'Intérieur, les procureurs, la
police, les services de sécurité intérieure et leurs structures subordonnées;
11. Nous rappelons que la police doit être intégrée pleinement dans la société
et que son efficacité dépend de la confiance et du soutien des citoyens. La
police doit être responsable devant la société qu'elle est censée servir. A cet
égard, nous souhaitons vivement que les travaux en cours au Comité d'experts sur
l'éthique de la police et les problèmes liés à l'exercice de la police (PC-PO)
soient achevés rapidement pour permettre l’adoption prochaine du «Code européen
d'éthique de la police». Ce texte constituera un cadre général pour l'exercice
des fonctions de la police dans une société démocratique. Nous sommes favorables
à l'élaboration d'autres instruments sur les questions mises en relief dans le
projet de code européen d'éthique de la police;
12. Nous considérons que la prévention de la criminalité est une tâche
importante de la police et qu’une large participation de la société est cruciale
à cet égard. Nous soutenons donc les travaux du nouveau Comité d'experts sur le
partenariat dans la prévention de la criminalité (PC PA) qui portera
essentiellement sur les meilleures pratiques en matière de prévention de la
criminalité en Europe, en liaison avec le projet sur «l'insécurité urbaine»;
13. En complément des activités intergouvernementales du Conseil de l’Europe,
nous soulignons l'importance de son Programme d'activités pour le développement
et la consolidation de la stabilité démocratique (ADACS) ainsi que des
Programmes Communs entre le Conseil de l’Europe et la Commission Européenne. Le
projet «La police dans un Etat de droit» devra continuer à se concentrer sur la
prévention de la criminalité, l'éthique, la formation et la réforme de la
police. Nous souhaiterions que le Conseil de l'Europe coopère à l'élaboration de
codes nationaux d'éthique de la police;
14. Nous marquons notre soutien aux efforts du Conseil de l’Europe pour
promouvoir une sensibilisation des forces/services de police en Europe aux
questions relatives à la protection des droits de l’homme;
15. Nous sommes conscients que la tâche qu’incombe aux forces / services de
police est à la fois difficile et essentielle: la sauvegarde de la sécurité des
citoyens et des institutions démocratiques dans le respect des droits et
libertés fondamentaux et la prééminence du droit. A cette fin d’importants
pouvoirs et responsabilités sont confiés à la police. L’exercice de tels
pouvoirs doit rester enserré dans des limites précises et va de pair avec la
mise en place des contrôles efficaces pour prévenir tout risque d’arbitraire.
Aussi, nous exprimons la conviction que les personnes choisies pour exercer le
pouvoir et les prérogatives des fonctionnaires de police doivent être
rigoureusement sélectionnées et bénéficier d’une formation convenable –en début
et tout au long de leur carrière- pour remplir leurs difficiles obligations;
16. Nous apprécions les activités d’assistance conduites par le Conseil de
l'Europe dans le domaine de la formation de la police qui couvrent un large
éventail de questions telles que l’éthique, la réforme et l’organisation de la
police, le renforcement des valeurs démocratiques, l’élaboration de programmes,
la délinquance des jeunes et la prévention du crime. Nous reconnaissons qu'il
existe certains principes et valeurs universellement applicables à
l’accomplissement de la mission de la police qui devraient se trouver à la base
de la formation de celle-ci. Par ailleurs, les enseignements et l'expérience
tirées des activités menées dans le domaine de la formation devraient être plus
largement disséminées grâce à une meilleure utilisation de la technologie de
l'information. Nous demandons donc au Conseil de l'Europe de faciliter l'échange
d'informations et d’expertise sur les questions d’intérêt pour la police;
17. L'évolution rapide des nouvelles technologies de l’information et leur
utilisation à des fins criminelles est devenue un problème sérieux, difficile à
régler par les moyens traditionnels de la coopération internationale. Nous
prenons note avec satisfaction qu'une Convention sur la cybercriminalité est à
un stade très avancé d’élaboration au sein du Conseil de l'Europe et demandons
instamment l'adoption de cette convention dans les meilleurs délais;
18. Nous réitérons notre soutien aux mesures de lutte contre la corruption
élaborées par le Conseil de l'Europe et à ses efforts en vue de faciliter la
coopération internationale dans ce domaine. Nous nous félicitons de l'adoption
de la Convention pénale sur la corruption (1998), la Convention civile sur la
corruption (1999) et la Recommandation (2000) 10 sur les codes de conduite pour
les agents publics, instruments qui sont venus compléter la Résolution (97) 24
sur les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption. Nous
sommes d'avis que la signature rapide et la ratification des conventions pénale
et civile doivent être considérées comme une priorité afin de permettre l'entrée
en vigueur de ces deux importants instruments. Nous demandons également la mise
en œuvre rapide de la Recommandation (2000) 10;
19. Il nous paraît essentiel d'adhérer au Groupe d'Etats contre la corruption
(GRECO) qui assure le suivi de la mise en oeuvre des normes du Conseil de
l’Europe contre la corruption grâce à un processus d'évaluation mutuelle et de
pression des pairs. Nous notons avec satisfaction que le GRECO a récemment
décidé de se concentrer, pendant son premier cycle de contrôle, sur
l'organisation, les pouvoirs et le fonctionnement des autorités chargées de la
prévention, des enquêtes, des poursuites et des sanctions en ce qui concerne les
infractions liées à la corruption. Nous demandons aux Etats qui ne sont pas
encore membres du GRECO d'y adhérer le plus rapidement possible;
20. Nous appuyons pleinement les nouvelles initiatives lancées dans le cadre du
Groupe multidisciplinaire sur la corruption (GMC), portant sur la prévention de
la corruption dans le financement des partis politiques et la corruption des
arbitres;
21. Nous demandons l'adoption rapide par le Conseil de l'Europe du projet de
Recommandation sur les principes directeurs contre la criminalité organisée;
22. Nous jugeons utile que le Conseil de l'Europe continue à recueillir des
informations sur le crime organisé en Europe conformément au mandat du Groupe de
spécialistes sur les aspects de droit pénal et les aspects criminologiques du
crime organisé (PC-S-CO). La publication de rapports annuels sur la situation du
crime organisé en Europe et les études sur les bonnes pratiques relatives aux
mesures contre le crime organisé contribueront à nos efforts en vue de lutter
contre ces formes de criminalité;
23. Nous confirmons l'importance des travaux du Comité restreint d'experts sur
l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux (PC-R-EV),
notamment en ce qui concerne les recommandations adressées aux autorités de
police en vue d'améliorer les systèmes nationaux de lutte contre le blanchiment
des capitaux. Nous demandons également que ce mécanisme d’évaluation soit
prolongé lorsque le premier cycle d'évaluation s'achèvera à la fin de 2000;
24. Nous considérons que la Convention du Conseil de l’Europe relative au
blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du
crime devrait être renforcée avec de nouvelles dispositions afin de faciliter et
d’accélérer les enquêtes et la confiscation des produits du crime au niveau
international, trouver des réponses communes aux abus des centres offshore à des
fins criminelles, lever le secret bancaire dans le cadre d’enquêtes pénales et
partager les avoirs confisqués;
25. Nous saluons les activités mises en oeuvre dans le cadre du Programme commun
entre la Commission européenne et le Conseil de l'Europe, «Octopus», ont assuré
une coopération renforcée dans la lutte contre la corruption et le crime
organisé entre les pays d'Europe centrale et orientale et les autres Etats
membres du Conseil de l'Europe. Nous demandons que ce programme soit poursuivi
afin de permettre la mise en œuvre concrète et efficace des recommandations
élaborées dans le cadre de «Octopus II», préparant ainsi les Etats candidats à
l’adhésion à l’Union européenne;
26. Nous rappelons que les conflits en Europe donnent souvent lieu à une
recrudescence d'activités criminelles, y compris la corruption, le crime
organisé et le blanchiment de capitaux. En vue de contrer ces phénomènes, nous
saluons l’effet catalyseur du Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est qui
mobilise et amplifie les efforts de l’ensemble de la communauté internationale
pour rendre cette région de l’Europe plus sure et plus stable. Nous
encourageons, dans cette perspective, le Conseil de l’Europe à poursuivre la
mise en oeuvre de son Programme contre la corruption et la criminalité organisée
en Europe du Sud-Est (PACO) qui s’intègre parfaitement dans les initiatives
anti-corruption (SPAI) et contre la criminalité organisée (SPOC) du Pacte de
stabilité. Nous encourageons les pays à y participer, à coopérer avec le Centre
régional pour combattre la criminalité transnationale, sis à Bucarest, et à
s’impliquer dans les «Groupes d’action», traitant, notamment, des trafics des
êtres humains, de drogues et de véhicules volés;
27. La nécessité d’améliorer la coopération policière internationale est apparue
évidente tout au long de la réunion. La coopération internationale en matière
policière devenant de plus en plus opérationnelle, il convient de la faciliter
en établissant des bases juridiques solides à cet effet. Nous soutenons donc
l'idée d’examiner la possibilité d’élaborer des conventions européennes,
notamment sur la coopération policière, afin de compléter la Convention
européenne d'entraide judiciaire en matière pénale. Ces instruments devraient
par exemple traiter de la coopération policière transfrontalière, de l'emploi de
techniques et de mesures d'investigation, des dépositions des témoins et de leur
protection, le partage d’informations et la coopération contre la criminalité
organisée transnationale;
28. Nous avons été profondément choqués et affigés par le tragique décès de
cinquante–huit ressortissants étrangers arrivant au Royaume Uni. Nous condamnons
sévèrement les actes criminels perpétrés par des groupes organisés se livrant à
la traite des êtres humains. Nous estimons que le Conseil de l’Europe, dans ses
domaines de compétence, devrait contribuer à lutter contre le fléau que
constituent de tels trafics qui bafouent les droits les plus élémentaires de la
personne humaine;
29. Nous exprimons notre profonde gratitude au Président et au Gouvernement de
la Roumanie pour leur généreuse hospitalité et la parfaite organisation de cette
réunion.