Comme nous l’avons vu, l’identité d’une personne ne saurait se résumer à une simple étiquette. Souvent, pourtant, nous avons tendance à nous concentrer sur quelques aspects limités, voire déformés. Ceci parce que les réponses de différents groupes face à d’autres sont le produit d’un système compliqué de relations sociales et de pouvoir. Pour découvrir certains de ces mécanismes, nous devons étudier le rôle des stéréotypes, des préjugés et de l’ethnocentrisme.
 

Les stéréotypes

Les stéréotypes consistent essentiellement en des croyances ou des idées partagées par un groupe à propos d’un autre groupe. Un stéréotype est un ensemble de caractéristiques qui résume un groupe, habituellement en termes de comportement et d’habitudes.

L’objectif des stéréotypes consiste à simplifier la réalité : « Ils sont comme ça ». Les patrons sont tyranniques ; ces personnes-ci sont fainéantes, celles-là sont ponctuelles ; les individus vivant dans ces quartiers de la ville sont dangereux. Certes, il se peut effectivement que l’un ou l’autre d’entre eux soit dangereux, mais le sont-ils tous ?

Quelquefois, nous faisons appel aux stéréotypes à propos du groupe auquel nous avons le sentiment d’appartenir, afin de nous sentir plus forts ou supérieurs aux autres ou pour excuser certaines de nos faiblesses : « Que puis-je y faire ? Nous sommes tous comme ça ! ». Les stéréotypes sont généralement basés sur les premiers contacts avec les autres, ou certaines images qui se sont formées à l’école, par le biais des médias ou à la maison, puis qui se sont généralisées pour englober toutes les personnes « apparentées ».

Dans le langage courant, il est quelquefois difficile de faire la différence entre les stéréotypes et les préjugés.
 

Les préjugés

Le préjugé est un jugement que nous formons à propos d’une autre personne ou d’un autre groupe que nous ne connaissons pas réellement. Les préjugés fonctionnent à la manière d’un filtre à travers lequel nous percevons la réalité ; ainsi, l’information seule ne suffit généralement pas à ébranler un préjugé, car le préjugé va précisément modifier notre perception de la réalité. Nous allons donc traiter les informations qui confirment nos préjugés et nous négligerons ou « oublierons » tout ce qui s’y oppose. Les préjugés nous sont inculqués lors du processus de socialisation et sont par conséquent très difficiles à combattre ou à détruire. C’est la raison pour laquelle il est important que nous soyons conscients d’en avoir.

Pour expliquer ce concept plus concrètement, il serait utile d’analyser dans quelle mesure nous connaissons vraiment nos amis. Nous pouvons avoir différents cercles d’amis : pour aller au cinéma, faire des balades, faire nos devoirs à la maison, jouer au football, aller à des concerts. Mais savons-nous quelle musique nos amis footballeurs apprécient ? Ou est-ce que nous « pensons » le savoir ? Il est facile et fréquent de faire des suppositions. S’il est si facile de faire des suppositions à propos des amis, imaginez-vous à quel point il est facile de porter des jugements erronés sur des inconnus…

Les préjugés et les stéréotypes sont des schémas qui nous aident à appréhender la réalité. Lorsque la réalité ne correspond pas à nos idées préconçues, il est alors plus simple d’en modifier notre interprétation plutôt que de modifier l’idée préconçue que nous en avons. Les préjugés nous aident aussi à compléter nos informations lorsque nous n’en possédons qu’une partie.

Siang Be illustre ce processus en demandant à son audience d’écouter le passage suivant :
« Mary entendit la camionnette du vendeur de glaces au bout de la rue. Elle pensa à l’argent reçu pour son anniversaire et courut à la maison. »
Nous pouvons interpréter cette histoire de la façon suivante : Mary est une enfant, elle voudrait une glace et court à la maison pour prendre son argent afin de s’acheter une glace. Mais comment savez-vous que Marie souhaite acheter une glace ? Cela n’est écrit nulle part ! Essayez de changer l’un des termes de ce passage (remplacez par exemple « argent » par « fusil ») et voyez quelle histoire vous allez imaginer.

Les préjugés et les stéréotypes à propos d’autres groupes culturels

Nous assimilons des préjugés et des stéréotypes à propos d’autres individus et groupes culturels, quelquefois de manière inconsciente. Mais ces préjugés et stéréotypes ont bel et bien une origine et, par ailleurs, ils répondent à plusieurs objectifs :

  • ils nous aident à évaluer nos propres cultures ;
  • ils nous aident à évaluer d’autres cultures et modes de vie ;
  • ils nous aident à régir les modes de relations que notre culture entretient avec les autres cultures ;
  • ils nous aident à justifier la façon dont nous traitons les individus d’autres cultures et nos attitudes discriminatoires à leur égard.
     

L’ethnocentrisme

Nos jugements, nos appréciations et nos justifications sont fortement influencés par notre ethnocentrisme. Autrement dit, nous sommes convaincus que notre réponse au monde, autrement dit, notre culture, est la bonne, et que les autres réponses, d’une certaine façon, ne sont pas « adaptées ». Nous pensons que nos valeurs et notre mode de vie sont universels et conviennent à tous, et que les « autres » sont dans l’erreur dès lors que leurs valeurs et leurs perspectives ne font pas immédiatement écho aux nôtres. Le simple contact avec des représentants d’autres cultures peut véritablement renforcer nos préjugés, nos lunettes d’ethnocentriques nous empêchant de voir autre chose que ce que nous nous attendons à voir. Certaines cultures peuvent nous sembler attirantes ou exotiques, mais, généralement, notre perception est influencée par nos préjugés et stéréotypes négatifs, et donc nous les rejetons.

Cette réaction de rejet se manifeste par des phénomènes étroitement corrélés : discrimination, xénophobie, intolérance et racisme, sous des formes variées et à des degrés divers. Le pouvoir est une composante essentielle des relations entre les cultures ; de ce fait, les réactions sont encore pires lorsque des majorités rencontrent des minorités.

Pour plus de détails, vous pourriez consulter la section consacrée à la discrimination et à l’intolérance, dans Repères.
 

La discrimination

La discrimination se manifeste par l’entrée en action des préjugés. Des groupes sont perçus comme différents et font l’objet de discrimination. Ils peuvent alors être mis à l’écart, voire incriminés par des lois qui jugent leurs modes de vie illicites. Ils peuvent être contraints de vivre dans des conditions déplorables, privés de voix politique, relégués aux pires emplois ou privés de travail, interdits d’entrée en discothèque ou encore soumis à des contrôles de police aléatoires.

La discrimination peut revêtir de nombreuses formes qui sont désormais reconnues par la loi et sanctionnées de diverses manières. Les formes les plus courantes sont :

  • La discrimination directe – lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre dans une situation similaire et que ce traitement ne peut être objectivement ou raisonnablement justifié.
  • La discrimination indirecte – lorsqu’une règle / une politique / une loi s’applique à tout le monde de manière égale, mais désavantage un ou plusieurs groupes faute de prendre en compte leur situation particulière.
  • La discrimination structurelle – est basée sur la manière même dont notre société est organisée. Le système lui-même désavantage certains groupes de personnes. La discrimination structurelle s’opère par le biais de normes, de routines, de modèles d’attitudes et de comportements qui créent des obstacles à la réalisation d’une égalité réelle ou d’une égalité des chances. Elle se manifeste souvent par des préjugés institutionnels, des mécanismes qui favorisent systématiquement un groupe et le discriminent par rapport à un autre ou plusieurs autres groupes.
     

Ces 30 dernières années, le Conseil de l’Europe a accompli un travail considérable pour combattre la discrimination et aider les États membres à prendre des mesures efficaces pour lutter contre la discrimination et ses conséquences.

La Convention européenne des droits de l’homme interdit la discrimination dans la jouissance et l’accès aux droits qu’elle énonce (article 14). Le Protocole n° 12 de la Convention introduit une interdiction générale de la discrimination.

Ces dernières années, la Cour européenne des droits de l’homme a développé une solide jurisprudence en matière de discrimination. L’Union européenne a également rendu obligatoire l’adoption de lois antidiscriminatoires par les États membres. L’« acquis communautaire » développé par les deux institutions et le travail effectué au niveau national par les institutions nationales de défense des droits de l’homme et les organismes de promotion de l’égalité au cours des 30 dernières années témoignent de progrès significatifs en la matière.

Au sein des groupes minoritaires, certains se sont battus contre cette discrimination négative, quelquefois avec le soutien de membres de la majorité. De leur point de vue, pour instaurer l’égalité, il est nécessaire de promouvoir des mesures de discrimination positive (que l’on appelle parfois aussi « action positive »). Ces mesures, qui visent à réparer des années d’injustice subie par ces communautés, doivent s’appliquer durant une période déterminée de manière à garantir l’élimination des inégalités structurelles.
 

La xénophobie

Le terme de xénophobie vient d’un mot grec qui signifie « peur de l’étranger ». Vous avez ici un exemple parfait de cercle vicieux : « J’ai peur de ceux qui sont différents parce que je ne les connais pas, et je ne les connais pas parce que j’ai peur d’eux. » Comme la discrimination et le racisme, la xénophobie se nourrit des stéréotypes et des préjugés, et trouve ses origines dans l’insécurité et la peur projetée sur « l’autre ». Cette peur de l’autre se traduit souvent par le rejet, l’hostilité ou la violence à l’égard des personnes d’autres pays ou des membres de minorités.
 

La xénophobie a été exploitée par de puissantes élites pour « protéger » leurs pays des influences extérieures, comme l’illustre le cas de l’ex-Président Ceausescu, le dictateur renversé de Roumanie, qui aimait citer le poète Mihai Eminescu :
“He who takes strangers to heart / May the dogs eat his parts /
May the waste eat his home / May ill-fame eat his name!”

(Que celui qui porte les étrangers dans son cœur soit dévoré par les chiens, que sa maison aille à sa perte, que son nom soit sali !)

 

L’intolérance

L’intolérance est le manque de respect pour des pratiques et des croyances autres que les siennes. Elle se manifeste lorsque quelqu’un refuse de laisser les autres agir de manière différente ou défendre des opinions différentes. L’intolérance peut se traduire par le rejet ou l’exclusion de personnes à cause de leurs croyances religieuses, de leur orientation sexuelle, voire de leur tenue vestimentaire ou encore de leur coupe de cheveux.
 

Le discours de haine

Le terme discours de haine doit être compris comme couvrant « toutes formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’antisémitisme ou d’autres formes de haine fondées sur l’intolérance, y compris : l’intolérance qui s’exprime sous forme de nationalisme agressif et d’ethnocentrisme, de discrimination et d’hostilité à l’encontre des minorités, des immigrés et des personnes issues de l’immigration »1. Le discours de haine peut inciter à la violence contre des groupes ciblés. Les propos haineux ont un impact important tant au niveau individuel que communautaire. Si l’internet et les réseaux sociaux nous permettent d’être plus connectés et d’exercer notre liberté d’expression auprès d’une plus large audience, ils offrent également une tribune sans précédent au discours de haine. La campagne du Mouvement contre le discours de haine, coordonnée et mise en œuvre par le Service de la jeunesse du Conseil de l’Europe entre 2013 et 2018, s’inscrivait dans la lutte contre ce fléau et se focalisait notamment sur le rôle des jeunes.

 

Pour plus d’informations sur le thème du discours de haine et sur ce que les jeunes peuvent faire pour y remédier, veuillez consulter Connexions, le manuel pour la lutte contre le discours de haine en ligne par l’éducation aux droits de l’homme, ainsi que Alternatives, le manuel sur les contre-récits pour combattre le discours de haine.
 

Les crimes de haine (motivés par des préjugés)

Les crimes de haine sont des infractions pénales motivées par des préjugés. Cette motivation est considérée comme une circonstance aggravante qui entraîne des peines plus sévères. La poursuite pénale des crimes de haine est importante pour témoigner de l’engagement d’une communauté à éradiquer le racisme. Parmi les exemples de crimes de haine, on peut citer les agressions physiques ou encore la dégradation de biens.

Pour en savoir plus sur les crimes de haine, vous pouvez tester en toute autonomie les ressources d’apprentissage à distance de la plateforme de formation HELP (Programme européen de formation pour les professionnels du droit) du Conseil de l’Europe.
 

Le racisme

Les conséquences du racisme sont terrifiantes, le mot lui-même est effrayant. Définir le « racisme » n’est pas facile. Le définir de sorte qu’il soit possible de déterminer, à l’échelle de l’Europe, si un acte, une pensée ou un processus spécifique peut être qualifié de raciste, semble relever de l’impossible.

Le racisme repose sur la combinaison de croyances selon lesquelles des caractéristiques humaines et des aptitudes spécifiques, entre autres, sont déterminées par la race et qu’il y a des races supérieures et des races inférieures. Logiquement, pour adhérer à cet argument, vous devez croire qu’il existe des races humaines différentes.

Les expressions du racisme évoluent avec le temps et peuvent même porter des noms différents dans des lieux différents. Le plus dangereux, c’est le concept de supériorité d’un groupe d’individus par rapport à un autre. Si nous commençons à adhérer à de telles théories, à des époques et en des lieux différents, alors, d’une certaine façon, tacitement, nous apportons notre soutien aux thèses et actes ci-dessous :

  • le massacre de 400 000 Roms ou Tsiganes sous le régime nazi ;
  • le massacre et la destruction de communautés entières dans l’ex-Yougoslavie, sous le prétexte de « l’épuration ethnique » ;
  • la réservation de certains emplois et services à certains groupes de la société : « L’Europe aux Européens, « La France aux Français », « La Russie aux Russes », etc.
  • « L’Algérie est là pour les Algériens - alors, pourquoi ne rentrent-ils pas tous chez eux », « La Turquie est là pour les Turcs - alors, pourquoi ne rentrent-ils pas tous chez eux », etc.
  • l’incarcération de défenseurs des droits humains et des droits des minorités, la commission d’actes de violence à leur encontre ;
  • les déportations massives de personnes et leur spoliation ;
  • la violence à l’égard des femmes, notamment les viols et les violences sexuelles dans les situations de conflit ;
  • le déni des droits humains à certains individus au motif de leur religion ou de leurs croyances ;
  • la stérilisation forcée des femmes ;
  • le profilage racial.

Ce Kit pédagogique est basé sur le rejet absolu de telles théories ou croyances. L’espèce à laquelle tous les hommes et les femmes appartiennent est l’espèce humaine. Il n'y a qu'une seule race : la race humaine.

 

1 Recommandation n° R(97)20 du Comité des Ministres sur le « discours de haine. Pour une définition plus récente et complète, voir la Recommandation de politique générale n°15 de l'ECRI sur la lutte contre le discours de haine