Des progrès ont été accomplis en Fédération de Russie au niveau institutionnel dans la lutte contre les infractions motivées par la haine, et le nombre de meurtres racistes et les agressions à caractère néonazi ont reculé ces dernières années. Cela étant, il n’y a toujours pas de législation complète contre la discrimination, et les discours de haine raciste et homo/transphobe sont très présents dans le débat public.
Telles sont les conclusions, parmi d’autres, du dernier rapport sur la Fédération de Russie publié aujourd’hui par l’organe du Conseil de l’Europe pour la lutte contre le racisme, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), qui couvre la période allant de 2013 à juin 2018.
Parmi les évolutions positives saluées par l’ECRI, on peut citer la nomination de médiateurs régionaux dans tous les Sujets de la Fédération, la création de l’Agence fédérale pour les affaires de nationalité, qui assure le suivi des relations interethniques et interreligieuses et la prévention des conflits, la formation de la police à l’identification des infractions motivées par la haine, l’adoption de plans d’action nationaux pour les Roms et la création à Sakharovo d’un « guichet unique » qui permet aux migrants bénéficiant du régime d’exemption de visa d’obtenir un « brevet ». Un soutien immédiat à grande échelle a été apporté aux très nombreuses personnes fuyant le conflit armé qui sévit dans l’est de l’Ukraine depuis 2014, et le nouveau règlement du ministère de la Santé pour la délivrance de certificats de conversion sexuelle a rendu plus accessible la procédure de changement de marqueur de genre.
Toutefois, certains points demeurent préoccupants : des responsables politiques et des chefs religieux tiennent fréquemment des propos haineux à caractère raciste et homophobe ou transphobe, et ces discours de haine sont monnaie courante dans le milieu du football russe. « L’intolérance du débat public reste incontestée et impunie », souligne l’ECRI. En avril 2017, des informations ont révélé que plus d’une centaine d’hommes considérés comme homosexuels avaient été arrêtés, placés en détention et maltraités en Tchétchénie ; l’ECRI appelle aux autorités à rendre publics les résultats de toutes les enquêtes.
Le profilage racial n’est ni défini ni interdit par la loi. Cette pratique, qui demeure répandue, vise en particulier les migrants originaires d’Asie centrale et du Caucase ainsi que les Roms.
Les usages excessifs et abusifs de la législation contre l’extrémisme demeurent préoccupants : le nombre de poursuites est extrêmement élevé et augmente tous les ans, et seulement 0,4 % des affaires se soldent par un acquittement. La procédure employée pour bloquer l’accès à des sites web peut être utilisée pour filtrer l’internet et étouffer la dissidence. La loi sur les « agents étrangers » et son application autoritaire compromettent l’action de la société civile. Les modifications législatives de 2013 qui interdisent de communiquer aux mineurs des informations sur les relations sexuelles prétendument non traditionnelles sont ambiguës et ont un effet dissuasif sur les groupes qui œuvrent en faveur des personnes LGBT.
L’ECRI formule une série de recommandations à l’intention des autorités russes et leur demande de mettre en œuvre en priorité les deux suivantes, pour lesquelles elle prévoit d’assurer un suivi au plus tard dans deux ans :
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Créer un organe indépendant de la police et du parquet chargé d’enquêter sur toutes les plaintes déposées contre la police ;
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Abolir l’interdiction de communiquer des informations sur l’homosexualité aux mineurs, conformément à l’arrêt de la Cour européenne Bayev c. Russie.
L’organe du Conseil de l’Europe a également recommandé de créer un organisme de promotion de l’égalité indépendant et spécialisé dans la lutte contre le racisme et l’intolérance. De plus, il recommande une nouvelle fois aux autorités de réviser la législation contre l’extrémisme et son application afin qu’elle ne soit pas utilisée pour réprimer les critiques légitimes envers les politiques officielles, l’opposition politique ou les convictions religieuses. L’expression « agent étranger » qui figure dans la loi sur les organisations non commerciales devrait être abandonnée, et les sanctions prévues par la loi ne devraient être appliquées qu’en cas de manquement grave. Les autorités devraient en outre lever l’interdiction qui frappe les témoins de Jéhovah et abandonner toutes les mesures connexes applicables aux enfants de cette communauté.