Dans ce site web, nous utilisons le terme « animateur.rice » pour désigner la personne qui prépare, présente et coordonne les activités destinées aux participant.e.s. Un.e animateur.rice est quelqu’un qui permet à chaque participant.e de découvrir les connaissances que celui.celle-ci possède déjà, l’encourage à développer son savoir et à explorer son potentiel personnel.


L’animation diffère du processus où une personne – « l’expert.e » – transmet des connaissances et des compétences à d’autres. Cette terminologie aide à souligner que le travail éducatif sur les thèmes du genre et de la violence fondée sur le genre nécessite une approche démocratique et participative. Nous partons du principe que toutes ces personnes animent des groupes de jeunes, par exemple en classe, dans le cadre d’un club de jeunes, d’un cycle de formation, d’un camp de jeunesse ou encore d’un séminaire.

Vous trouverez ci-après des conseils généraux d’animation applicables aux groupes de jeunes, mais également des conseils spécifiques pour traiter les questions particulièrement sensibles abordées par ce manuel. Il existe de multiples approches de l’animation ; toutes exigent une sensibilité aux environnements des participant.e.s ainsi qu’à leur situation et besoins spécifiques. Toutes peuvent être adaptées à des circonstances particulières avec un petit effort. Quoi qu’il en soit, l’animation de groupes sur les questions de genre, et plus encore la violence fondée sur le genre, exige énormément de doigté, ainsi qu’une prise en compte attentive des questions d’éthique et de responsabilité.


Conseils pour l'animation

Ce site web n’exige pas que les animateur.rice.s aient une expérience préalable. Il part toutefois du principe que le travail sur les questions de genre et de violence fondée sur le genre peut être difficile. Une approche interactive et participative est essentielle, de même qu’une approche sensible des questions, en particulier lorsque la discussion est susceptible d’aboutir à des révélations sur des questions très personnelles.

Le travail sur les questions de genre – comme d’autres thématiques de l’éducation aux droits humains – exige des compétences spécifiques. En premier lieu, les éducateurs.rice.s de jeunes, les formateur.trice.s et les militant.e.s doivent de leur côté réfléchir aux attitudes, croyances, connaissances et comportements qu’il.elle.s vont amener dans leur travail avec les jeunes en général et concernant les questions de genre en particulier.

Les utilisateur.rice.s de ce site web n’ont pas besoin de le lire dans son intégralité pour pouvoir l’utiliser : cela dépendra de leur propre connaissance d’eux.elles-mêmes, des besoins de leur groupe et de la mesure dans laquelle il.elle.s se sentent compétent.e.s dans ce domaine. Cependant, l’utilisation de cette ressource devrait toujours être précédée d’un processus de réflexion sur les questions à l’étude.

Ce site web invite ses utilisateur.rice.s à jouer le rôle d’« interprètes » afin de l’adapter à des réalités spécifiques. Les informations fournies doivent être complétées par des informations provenant, par exemple, des institutions nationales, des ONG, des systèmes juridiques et judiciaires et des contextes locaux. Il est également important que les utilisateur.rice.s réfléchissent à la question de savoir si des perspectives particulières reflètent leur propre expérience et le contexte du travail de jeunesse et qu’il.elle.s adaptent ou remplacent les exemples, idées et explications, le cas échéant.

Enfin, aborder le genre, le sexe, la violence fondée sur le genre et les diverses questions corrélées devrait être un aspect essentiel de tout travail de jeunesse, car ce sont des questions qui concernent tous les jeunes. Les questions et concepts abordés dans ce travail sont tous pertinents pour la vie des jeunes et en relation directe avec le monde dans lequel il.elle.s vivent.
 


Considérations spécifiques du point de vue pratique et éthique

Les considérations éthiques sont inhérentes à toute activité éducative qui réunit des participant.e.s ; ces considérations sont renforcées lorsque sont en jeu des questions d’identité et de pouvoir, comme dans le cas de la plupart des activités sur le genre et la violence fondée sur le genre. Plusieurs questions importantes exigent d’être prises en compte au moment de commencer à travailler avec des groupes de jeunes sur la question du genre et de la violence fondée sur le genre, en particulier au moment de prendre des décisions quant au choix des exercices.
 

Le genre est une question politiquement sensible

Les questions liées au genre sont politiquement très sensibles.

Des questions comme des droits égaux pour les personnes LGBT+ ou les droits des jeunes femmes à choisir leur avenir reproductif ont alimenté de vastes débats souvent virulents dans les sphères publiques et politiques entre personnes de diverses couleurs politiques et/ou de différents antécédents, sociaux, culturels ou religieux.

Dans la sphère privée, les personnes en position d’autorité dans l’entourage des jeunes (parents, enseignant.e.s et animateur. rice.s de jeunesse professionnel.le.s, par exemple) peuvent s’opposer à ce que certaines questions (par exemple, la sexualité) soient débattues ou soulevées dans le contexte du travail de jeunesse ou d’activités récréatives.

En tant qu’animateur.rice, vous devez en être conscient.e avant de commencer à travailler sur ces questions avec les jeunes et au moment de choisir les exercices à utiliser.

Il est également important de s’assurer que votre organisation vous soutiendra et que ses politiques et approches n’entrent pas en conflit avec le travail que vous souhaitez mener à bien.


Les différences culturelles comptent aussi

Les antécédents culturels des membres de votre groupe comptent pour le choix de votre approche et des activités. Pour certaines personnes et dans certaines communautés, il est des questions liées au genre (comme le sexe, les relations amoureuses et la sexualité) qui ne doivent pas être abordées en public ou dans des cadres mélangeant filles et garçons. Pour beaucoup de jeunes, il peut être difficile de participer à des discussions ouvertes sur ces sujets, en particulier en présence de représentant.e.s de l’autre sexe ou de personnes qu’il.elle.s ne connaissent pas. En outre, l’existence de la violence domestique et des violences sexuelles est souvent niée dans les communautés traditionnelles (mais également dans les communautés modernes/laïques). Les conditions de la socialisation d’un.e participant.e vont donc en partie déterminer sa volonté de discuter ou sa résistance à s’engager dans les activités proposées.

Mais l’importance des antécédents culturels peut parfois être surestimée. Tous les jeunes issu.e.s de « communautés traditionnelles » n’auront pas forcément de difficultés face à ces questions. Le milieu social peut parfois compter davantage que la religion au moment d’aborder ces questions. Cela étant, le fait que les jeunes avec lesquel.le.s vous travaillez viennent de divers horizons culturels et sociaux, chacun.e avec son approche de ces questions, vous demande de prendre en considération la nature interculturelle du groupe, tant dans la conception de votre programme éducatif que dans le choix des activités.


Le contexte de votre travail

Il vous sera utile d’examiner vos raisons personnelles de traiter les questions liées au genre dans le contexte du travail de jeunesse (général). Posez-vous alors ces questions :

  • Quelle est la pertinence de ces questions, et pourquoi est-il nécessaire de les aborder dans ce contexte ?
  • Pourquoi les jeunes avec qui vous travaillez ont-il.elle.s le désir ou le besoin d’aborder ces questions ?
  • Quels sont les objectifs éducatifs que vous visez en explorant ces questions ?

Avant de commencer, vous devez vous poser de telles questions. Les réponses que vous y apporterez-vous amèneront à réfléchir au type de travail de jeunesse le plus adapté à vos objectifs en particulier au moment de prendre des décisions quant au choix des exercices.

Il est important de réfléchir aux groupes que vous voulez former compte tenu de vos objectifs éducatifs au moment considéré. Par exemple, si vous désirez évoquer la sexualité féminine, vous pouvez envisager de démarrer avec des groupes non mixtes. Cela évitera de mettre les participantes dans l’embarras parce qu’elles se sentent obligées d’aborder le sujet avec des représentants de l’autre sexe.

Enfin, même si vous avez choisi en toute conscience de vous lancer dans un travail de jeunesse avec l’un ou l’autre groupe cible pour des raisons propres au contexte dans lequel vous travaillez, n’oubliez pas que vous ne savez jamais véritablement « qui est dans la salle ». Par exemple, si vous travaillez avec un groupe de filles, vous n’avez pas forcément connaissance des préférences sexuelles de chacune.

Vous devez donc également prendre en compte que, dans le cadre de groupes mixtes et non mixtes, il existe toujours un minimum de diversité qui va venir enrayer la dynamique, ou au contraire la favoriser. N’oubliez pas que les personnes opprimées et marginalisées ne sont pas plus exemptes de préjugés que les membres des classes privilégiées et de la majorité. L’essentiel est que chacun.e se sente à l’aise et respecté.e pour pouvoir s’engager pleinement dans l’exercice.
 


Des révélations peuvent être faites

Sachant que l’on ne peut jamais véritablement savoir « qui est dans la salle », n’oubliez pas qu’il n’existe aucune garantie qu’un.e participant.e n’a pas été victime de violence sexuelle, de maltraitance par un.e partenaire ou d’autres formes de violence fondée sur le genre. Créer un espace dans lequel les participant.e.s peuvent, en toute sécurité, discuter de questions sensibles en relation avec le genre et la violence fondée sur le genre est une condition préalable tout à fait cruciale. Cela étant, vous devez être préparé.e à l’éventualité que des participant.e.s, dans ce climat de sécurité et compte tenu de la dynamique de l’activité, « révèlent » une expérience douloureuse de violence fondée sur le genre. C’est une situation qui peut être difficile, tant pour la personne concernée, à savoir le.la participant.e à l’origine de la révélation, que le reste du groupe et l’animateur.rice.

Pour un.e animateur.rice, il est difficile de se préparer à une telle situation. Le.la participant.e concerné.e peut être très ému.e, tout comme les autres participant.e.s qui l’écoutent.

Vous devez donc respecter les conseils suivants :

  • Vous ne devez pas interrompre la personne ou tenter de l’interrompre.
  • Faites-en sorte d’écouter la personne autant et aussi loin qu’elle le souhaite.
  • Évitez de presser quiconque à aller plus loin dans le partage d’expériences.
  • Un bon moyen de détendre l’atmosphère est d’inviter les participant.e.s à une pause et de leur proposer de se rafraîchir.
  • Accordez une attention particulière à la personne concernée et veillez à ce qu’elle ne reste pas seule, à moins qu’elle ne le souhaite. Vous ou une autre personne de confiance peut l’accompagner dans une autre pièce pour qu’elle se calme et se ressaisisse. Elle peut avoir besoin de se tenir à l’écart du groupe, voire de rester seule un petit moment.
  • Il peut être nécessaire, immédiatement ou plus tard, de revenir sur la révélation et de souligner le fait qu’elle a eu lieu au sein du groupe.
  • Quoi que vous et votre équipe décidiez de faire, la décision doit être prise en consultation avec le.la participant.e concerné.e. Cela vaut aussi pour la façon dont la révélation doit être gérée au sein du groupe.
     

Les animateur.rice.s ne devraient pas tenter d’apporter un soutien psychologique ou d’offrir une « thérapie » aux participant.e.s. Un tel soutien peut s’avérer nécessaire, mais ce n’est ni la responsabilité ni le rôle d’un.e animateur.rice dans un cadre éducatif. Vous pouvez toutefois proposer de fournir des détails sur le soutien disponible.

Enfin, concernant la révélation dans le contexte du travail de jeunesse, il ne s’agit pas seulement de gérer une dynamique de groupe enrayée ou une situation chargée au plan émotionnel. Lorsqu’un.e participant.e fait part d’une expérience qui constitue un crime (viol, abus sexuels, blessures physiques graves), vous pouvez être obligé.e d’en informer les autorités compétentes (police, services sociaux, etc.), en particulier si la personne qui a fait des révélations est un enfant (une personne de moins de 18 ans). Vous devez donc être parfaitement informé.e de vos obligations légales en la matière. Au minimum, et nonobstant l’importance de la confidentialité, vous devez rapporter l’histoire à votre supérieur.e (que ce soit le.la président.e de votre organisation, l’animateur.rice de jeunesse responsable, votre supérieur.e hiérarchique ou encore votre employeur.euse). Vous devrez alors décider ensemble s’il est nécessaire de donner suite à l’affaire. Bien sûr, dans de telles circonstances, vous devez tenir le.la participant.e pleinement informé.e et faire en sorte que votre action ne l’expose pas à un risque aggravé.