Questions fréquemment posées concernant l’intégration linguistique des migrants adultes
La Foire aux questions porte sur des questions d’intérêt général pour tous ceux en charge de l’éducation aux langues et de l’évaluation des migrants adultes.
Elles s’appuient sur les principes, orientations, travaux et instruments du Conseil de l’Europe mais aussi sur des ressources plus larges.
Veuillez également consulter la rubrique « mots clés » qui propose des textes courts sur divers sujets, dont un grand nombre sont couverts par la FAQ ci-dessous
Le Conseil de l'Europe a-t-il une politique d’intégration linguistique des migrants adultes ?
Le Conseil de l'Europe n’a pas de politique d’intégration linguistique des migrants adultes mais il a élaboré des principes pour orienter la conception et la mise en œuvre de politiques dans ce domaine.
Les Etats membres doivent décider s’ils subordonnent l’immigration (l’octroi de visas d’entrée sur le territoire, de permis de séjour et de la nationalité) à des exigences linguistiques ; s’ils fixent des exigences linguistiques, ils doivent décider s’ils vont proposer ou non des cours pour aider les candidats à l’immigration à les remplir ; s’ils proposent des cours, ils doivent déterminer de quelle façon ils seront financés ; enfin, s’ils évaluent les compétences linguistiques des immigrants, ils doivent définir la conduite à tenir à l’égard de ceux qui ne satisfont pas aux exigences.
Pour les aider à prendre ces décisions et des décisions connexes, les Etats membres ont des valeurs fondamentales communes, à savoir les droits de l'homme, la démocratie et l’Etat de droit, et un même souci de promouvoir l’insertion sociale, la cohésion sociale et le respect de la diversité. Dans la Déclaration formulée par les chefs d’Etat et de gouvernement à leur 3e Sommet (mai 2005), les dirigeants européens se sont engagés à faire en sorte que la diversité culturelle devienne une source d’enrichissement mutuel, à protéger les droits des minorités nationales et à garantir la libre circulation des personnes. La Déclaration comprend les affirmations ci-après : « Nous sommes déterminés à édifier des sociétés solidaires en garantissant un accès équitable aux droits sociaux, en luttant contre l’exclusion et en protégeant les groupes sociaux vulnérables… Nous sommes résolus à renforcer la cohésion de nos sociétés dans ses dimensions sociale, éducative, culturelle et de santé ».
La situation des migrants est traitée dans plusieurs conventions, recommandations, résolutions et rapports du Conseil de l'Europe. Une compilation des documents qui portent tout particulièrement sur l’intégration linguistique est disponible en ligne (textes officiels).
Il semble naturel et nécessaire que les migrants apprennent la langue de leur pays d’accueil – pourquoi cette question fait-elle débat ?
Ce n’est pas la question de savoir si les migrants gagnent à apprendre la langue de leur société d’accueil qui fait débat : il est manifeste que la réponse est affirmative ; c’est plutôt la question de savoir si les migrants doivent être tenus ou non d’apprendre la langue ; si oui ou non ils doivent prouver, en réussissant un test, qu’ils l’ont apprise ; si c’est au pays d’accueil d’assumer la charge financière de la mise en place de cours de langue pour les migrants ou si cette charge incombe aux migrants eux-mêmes ; si la participation aux cours de langue doit être facultative ou obligatoire ; s’il convient d’imposer un délai pour remplir les exigences linguistiques et, dans l’affirmative, quel type de délai ; s’il faut prendre des sanctions contre les migrants qui ne satisfont pas aux exigences linguistiques fixées par le pays d’accueil et, dans l’affirmative, pour quelles raisons et quel type de sanctions (compte tenu du danger de prendre des mesures disproportionnées).
Il est important de souligner qu’il est possible de vivre dans un pays sans parler la langue de la majorité de la population. Les citoyens des Etats membres de l’UE, par exemple, peuvent se rendre librement dans d’autres Etats membres sans avoir à satisfaire à des exigences linguistiques. Par ailleurs, lorsqu’un migrant rejoint des membres de sa famille qui connaissent déjà la langue du pays d’accueil, il peut recevoir une assistance linguistique sous forme de traductions et d’explications dans sa langue d’origine.
Quel rôle joue la langue dans l’intégration ?
La langue est un élément essentiel de notre identité personnelle comme de notre identité sociale. Notre nom, la famille à laquelle nous appartenons, nos valeurs culturelles et religieuses sont, dans une plus ou moins large mesure, liés à la langue, généralement la/les langue(s) du pays natal ou la langue maternelle. L’appartenance à un groupe social et la participation à la vie de la communauté locale et de la société dans son ensemble dépendent généralement d’une langue commune. Lorsqu’une personne ne parle pas la langue de la société dans laquelle elle vit, sa capacité de participation est réduite et son sentiment d’appartenance limité.
En même temps, il est important de reconnaître que la participation à la vie sociale et l’aptitude à comprendre la société dont on est membre ne dépendent pas entièrement du niveau de compétence dans la langue de la population majoritaire. Les règles et valeurs de leur nouveau pays peuvent être transmises aux immigrés de fraîche date par d’autres locuteurs de leur langue maternelle et grâce aux services de traduction et d’interprétation proposés dans plusieurs Etats membres. Au début en particulier, cette initiation est probablement plus efficace pour promouvoir leur intégration que la communication d’informations dans une langue qu’ils commencent tout juste à apprendre.
Le niveau de compétence acquis par les migrants dans la langue de leur pays d’accueil est-il un indicateur fiable de leur intégration ?
Le Conseil de l'Europe définit l’intégration comme un processus bidirectionnel : les migrants doivent remplir leurs obligations (en apprenant la langue du pays d’accueil, par exemple) mais le pays d’accueil aussi a des responsabilités (comme de ne pas restreindre l’accès au marché du travail, d’éviter la discrimination, etc., cf. la Charte sociale européenne et de favoriser l’acceptation des différences sociales et culturelles). Si l’intégration est définie ainsi, la langue n’est qu’un élément du processus. Les migrants qui ont appris la langue de leur pays d’accueil peuvent être considérés comme « intégrés » dans la mesure où ils peuvent participer activement à la vie de la collectivité (pour autant que la collectivité accepte et soutienne cette participation) et où ils enregistrent des succès dans leur travail ou leurs études. Cependant, une personne dont les compétences dans la langue du pays d’accueil sont très limitées peut aussi réussir. Tout le monde n’est pas doué pour l’apprentissage des langues, tout le monde ne vit pas dans des conditions propices à un bon apprentissage des langues et, dans de nombreux domaines de la vie, la réussite ne dépend pas de la langue.
A cet égard, il convient de souligner que les autochtones ont des aptitudes linguistiques dont le niveau varie de l’illettrisme/analphabétisme à une haute compétence mais, quoi qu’il en soit, tous jouissent des mêmes droits civils.
La langue est un instrument dans le processus d’intégration et non pas un indicateur du degré de réussite de ce processus. Rien ne prouve scientifiquement qu’un niveau donné de compétence linguistique puisse servir de critère d’intégration. Au demeurant, le fait que des citoyens d’un pays donné qui sont des locuteurs natifs de la même langue rencontrent souvent des problèmes d’intégration semble indiquer que la langue n’est pas le facteur clé.
Quel niveau de compétence dans la langue du pays d’accueil les migrants doivent-ils atteindre ?
Il n’y a pas une seule et unique réponse à cette question (voir aussi la question n° 4). Certains migrants n’ont besoin d’acquérir que des aptitudes à comprendre, lire et parler assez limitées pour mener à bien leurs activités quotidiennes, à savoir faire des courses et des opérations simples à la poste et à la banque, s’entretenir avec des fonctionnaires, arriver à communiquer au travail, avec le personnel scolaire ou le personnel médical, etc. D’autres peuvent avoir besoin d’acquérir des aptitudes à parler et à écrire plus poussées parce qu’ils ont les compétences requises pour occuper un emploi qui exige d’eux qu’ils fassent des exposés oraux et des comptes rendus écrits détaillés, qu’ils rédigent des lettres ou des rapports, etc. Si l’on imposait à tous les migrants d’acquérir le même niveau de compétence linguistique, il est probable que cela reviendrait à exiger trop de certains et pas assez d’autres. Le mieux serait que les personnes chargées de concevoir et de dispenser des cours de langue aux migrants procèdent à une analyse détaillée des besoins prenant en compte le plus grand nombre possible de profils différents de migrants. Elles devraient ensuite proposer des modules d’apprentissage multiples qui puissent satisfaire les besoins individuels des migrants susceptibles d’évoluer au fur et à mesure du développement de leurs compétences linguistiques. Il faut, en outre, prendre en compte la diversité des populations immigrées s’agissant de la langue d’origine, de la culture et de l’appartenance ethnique, de la formation antérieure, du niveau de connaissance dans la langue d’origine et du degré de compétence dans la langue du pays d’accueil (les migrants ne sont certainement pas tous des débutants). Ces facteurs et d’autres interagissent avec les besoins des migrants pour déterminer le niveau de compétence que l’on peut raisonnablement attendre qu’ils acquièrent individuellement dans un laps de temps déterminé.
Les sanctions ou mesures d’encouragement incitent-elles les migrants à assister aux cours et à apprendre la langue de leur pays d’accueil ?
Plusieurs mesures incitatives sont souvent appliquées pour encourager les migrants à assister aux cours de langue et à faire tout leur possible pour apprendre la langue de leur pays d’accueil. Des cours peuvent être proposés gratuitement, des services de garde d’enfants assurés et l’octroi de prestations sociales peut dépendre de l’assiduité aux cours, par exemple. Des mesures incitatives peuvent aussi être liées aux tests linguistiques. Si les migrants doivent s’acquitter de frais d’inscription aux cours de langue, par exemple, ils peuvent bénéficier d’un remboursement partiel si, à la fin, ils passent le test avec succès. Parmi les autres mesures incitatives possibles figurent un accès plus facile au marché du travail, le droit de vote aux élections locales et régionales et la réduction du délai pour demander un titre de séjour permanent ou la nationalité. Cependant, la récompense immédiate que représente l’obtention d’un visa d’entrée ou d’un permis de séjour est généralement considérée comme le plus grand encouragement qui soit.
On soutient parfois que le risque, pour un migrant, d’être privé de ces récompenses s’il échoue à un test constitue aussi un stimulant de poids. Toutefois, la menace de sanctions peut aussi accroître l’insécurité qui caractérise déjà la situation des migrants et l’on sait bien qu’un degré élevé d’anxiété risque d’entraver l’apprentissage. Les études sur les motivations à apprendre tendent à montrer que le meilleur moyen pour l’apprenant de continuer à être motivé est d’atteindre ses objectifs d’apprentissage : un succès en entraîne un autre. Si l’on veut que les migrants réussissent leur apprentissage linguistique, il faut leur donner des objectifs réalisables et les cours doivent les aider à acquérir des aptitudes à la communication susceptibles d’être mises immédiatement en pratique. C’est une tâche difficile si tout dépend de la réussite à un test car, dans ces cas-là, les apprenants et leurs enseignants se concentrent tout naturellement sur le test et apprendre une langue dans l’optique d’un test n’a rien à voir avec le fait d’apprendre une langue pour se débrouiller dans la vie quotidienne.
Certains pays exigent des migrants qu’ils passent avec succès un test linguistique avant de leur accorder un visa d’entrée. Quelle est l’utilité de ces tests ?
Pour justifier la mise en place de tests linguistiques avant l’entrée sur le territoire, on avance généralement l’argument selon lequel ces tests permettent de s’assurer que les migrants arrivent dans leur pays d’accueil avec un minimum de connaissances et qu’ils ont fait la preuve de leur volonté d’intégration linguistique. Cependant, les migrants n’ont pas toujours la possibilité de bien se préparer à ce type de tests, d’autant plus qu’ils doivent parfois parcourir de longues distances pour se rendre dans les centres d’examen. En outre, ils peuvent très bien se trouver dans l’impossibilité d’organiser leur propre formation linguistique pour des raisons financières, sociales, éducatives, voire géographiques. De surcroît, à moins de se voir délivrer un visa d’entrée peu de temps après avoir passé le test avec succès, ils risquent d’avoir oublié la plupart des connaissances acquises lorsqu’ils arrivent enfin dans leur pays d’accueil car il est peu probable qu’ils aient eu l’occasion de s’en servir avant leur départ.
Les Etats devraient-ils proposer aux migrants adultes des cours adaptés à leurs besoins particuliers ?
Les besoins linguistiques des migrants varient en fonction de leur situation dans le pays d’accueil et des différents contextes sociaux et professionnels dans lesquels ils devraient être capables de communiquer. Les migrants qui ont de jeunes enfants, par exemple, doivent pouvoir s’entretenir avec les enseignants et les professionnels de santé ; les migrants récemment qualifiés pour exercer une profession dans leur pays d’origine, doivent, quant à eux, apprendre la langue correspondant à l’exercice de cette profession dans leur pays d’accueil. En général, les exigences linguistiques varient selon les secteurs d’emploi. Les besoins des migrants varient également en fonction de facteurs tels que : leurs études (dont leur expérience antérieure, s’ils en ont une, de l’apprentissage formel des langues) ; leur capacité ou non à lire et à écrire dans leur langue d’origine ; le recours ou non de cette langue au même système d’écriture que la langue de leur pays d’accueil, etc. Les cours de langue pour les migrants devraient être aussi variés que possible dans leur contenu et aussi souples que possible dans leur approche. Les apprenants en langue expérimentés sont susceptibles de tirer profit des cours qui s’appuient sur leur précédente expérience d’apprentissage et favorisent des progrès rapides tandis que les migrants qui ne sont pas très instruits ou appartiennent à un groupe vulnérable progressent généralement plus lentement et peuvent avoir avantage à être placés dans des classes à effectif plus restreint. Des études menées suggèrent que les apprenants sont motivés pour apprendre lorsque le contenu et les modalités de leur apprentissage correspondent à leurs besoins.
Pourquoi les cours de langue pour les migrants adultes devraient-ils être financés par des fonds publics ?
Les conventions du Conseil de l'Europe ainsi que les résolutions et recommandations du Comité des Ministres précisent qu’il incombe au pays d’accueil d’aider les migrants de tous âges à apprendre la langue de leur pays d’accueil. Par exemple, les signataires de la Charte sociale européenne (rév. – STE 163) s’engagent « à favoriser et à faciliter l’enseignement de la langue nationale de l’Etat d’accueil ou, s’il y en a plusieurs, de l’une d’entre elles, aux travailleurs migrants et aux membres de leurs familles » (article 19/11). Cette responsabilité découle d’un souci de protéger les droits des migrants. Une autre raison de financer les cours de langue pour les migrants avec les deniers publics, c’est que cela fait sens socialement et économiquement. Meilleure est la maîtrise de la langue du pays d’accueil par le migrant, plus grande est sa contribution potentielle à la cohésion sociale et à l’économie nationale.
La formulation d’exigences linguistiques spécifiques conduit-elle à une meilleure intégration ?
D’une manière générale, il n’y a pas suffisamment de preuves pour pouvoir affirmer que la formulation d’exigences linguistiques conduit à une meilleure intégration. Les études d’évaluation des cours de langue pour les migrants adultes tendent à montrer que les migrants qui n’ont ni problèmes financiers, ni difficultés d’apprentissage et satisfont à toutes les exigences réagissent très positivement. Par ailleurs, les migrants interrogés quelques années après avoir suivi des cours de langue affirmeraient qu’ils n’ont pas besoin, et donc qu’ils n’utilisent pas, la langue qu’on leur a enseignée. Il y a peu d’informations sur ceux qui ne satisfont pas aux exigences et échouent aux tests mais les études montrent que les niveaux de compétence requis des migrants ayant une expérience limitée de l’apprentissage formel sont généralement trop élevés pour être atteints dans le temps imparti. Il faut noter que si les cours de langue pour les migrants adultes sont dispensés indépendamment du reste de la formation des adultes, ils tendent à entraver plutôt qu’à faciliter la participation sociale des migrants.
Les langues que les migrants véhiculent ont-elles un rôle à jouer en dehors de la sphère privée?
La langue que nous apprenons en premier, lorsque nous sommes enfant, est un élément essentiel de notre personnalité et de notre identité, le moyen de communication dans lequel nous nous sentons le plus à l’aise et le plus compétent et la base sur laquelle nous apprenons d’autres langues. Le fait d’empêcher les migrants, ou de leur interdire, d’employer leur première langue viole un droit de l’homme fondamental ; il risque aussi d’entraver leur apprentissage de la langue du pays d’accueil. Du fait de l’hétérogénéité linguistique des populations migrantes, il est rarement possible de proposer des cours de langue bilingues dans lesquels l’accès à la nouvelle langue passe, en partie, par la première langue des migrants. Cependant, il faudrait tout mettre en œuvre pour montrer aux migrants adultes que les langues qu’ils véhiculent constituent une ressource précieuse pour renforcer le capital culturel et linguistique de leur pays d’accueil et les encourager à entretenir leur connaissance de ces langues.
Les migrants tendent à combiner l’emploi de plusieurs langues. Cette tendance les empêche-t-elle de progresser dans l’apprentissage de la nouvelle langue ?
Les différentes langues qu’une personne possède déjà (langue maternelle, autres langues de la famille, langues étudiées à l’école, langues apprises pendant la migration) n’occupent pas des compartiments distincts dans le cerveau. Personne ne peut empêcher son cerveau de comparer et de mélanger les langues : l’alternance de code linguistique et le mélange des langues sont des processus naturels. Généralement, ils indiquent que quelqu’un est désireux de dire (ou d’écrire) quelque chose et utilise toutes ses ressources linguistiques pour le faire. Dans la plupart des situations, il est beaucoup plus important qu’une personne puisse exprimer ce qu’elle veut exprimer, même si c’est grammaticalement incorrect ou si les langues sont mélangées. La manière « correcte » de s’exprimer peut être définie par la suite. Si l’on insiste sur la justesse de l’expression dès le début, on court le risque que les apprenants préfèrent se taire.