Dans un avis adopté le vendredi 10 mars 2013, la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, composée d’experts en droit constitutionnel, a conclu que l’Espagne devrait revoir certaines modifications de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, qui habilitent la Cour à faire exécuter ses propres décisions, bien que selon la Commission, ces modifications ne soient pas contraires aux normes européennes. Les nouvelles compétences conférées à la Cour comprennent la mise à pied de titulaires de fonctions publiques qui refuseraient d’exécuter ses décisions.
La Commission de Venise a adopté, à sa 110e réunion plénière, tenue les 10-11 mars à Venise, son Avis concernant la loi du 16 octobre 2015 portant révision de la loi organique n° 2/1979 sur la Cour constitutionnelle espagnole. L’Avis a été publié à la demande de la Commission de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
La Commission de Venise a commencé par rappeler que les décisions des Cours constitutionnelles ont un caractère définitif et contraignant et qu’elles doivent être respectées par l’ensemble des personnes de droit public et privé. Le mépris d’une telle décision équivaut à bafouer la Constitution et le pouvoir constituant. Quand le titulaire d’une fonction publique refuse d’exécuter la décision de la Cour constitutionnelle, il viole les principes d’état de droit, de séparation des pouvoirs et de coopération loyale entre les branches du pouvoir politique. Les mesures prises pour exécuter ces décisions sont donc légitimes. L’Avis examine dans quelle mesure les modifications sont un moyen approprié de viser cet objectif légitime.
Sur la base d’une brève analyse comparée, la Commission constate qu’en contribuant à l’exécution de ses propres décisions, la Cour constitutionnelle assume des responsabilités exceptionnelles et que cette tâche est d’ordinaire confiée à d’autres institutions de l’Etat. Il convient de réexaminer l’octroi de la responsabilité globale et directe de la Cour constitutionnelle elle-même en matière d’exécution de ses décisions afin de conforter le rôle d’arbitre neutre que joue la Cour aux yeux de l’opinion en se prononçant sur les lois. Quelles que soient les mesures d’exécution, la Cour ne devrait pas intervenir d’office, mais uniquement à la demande de parties.
Alors que certaines mesures examinées ne posent pas de problème (par exemple demander aux autorités nationales d’assurer l’exécution, ou requérir l’ouverture de poursuites contre l’auteur d’une infraction devant les juridictions de droit commun), on peut s’interroger sur les lourdes peines répétitives et coercitives appliquées aux personnes et sur la mise à pied de titulaires de fonctions publiques. La Commission de Venise est préoccupée par le fait que la Cour constitutionnelle devrait prendre des mesures d’exécution dans une situation où elle se heurte déjà à un refus d’exécuter ses décisions. Le refus d’exécuter également les mesures d’exécution pourrait également contester le pouvoir de la Cour constitutionnelle et par là même la validité de la Constitution elle-même.
Dans un tel cas, il faudrait que d’autres institutions de l’Etat interviennent pour défendre la Constitution et la Cour. L’octroi à la Cour constitutionnelle du pouvoir d’exécuter ses décisions peut paraître à première vue une augmentation de pouvoir. Cependant, la division des compétences judiciaires d’une part, et d’exécution de leur résultat d’autre part, renforce le système de contre-pouvoirs dans son ensemble et en fin de compte, l’indépendance de la Cour.
Alors que la Commission de Venise recommande de ne pas attribuer de telles compétences à la Cour constitutionnelle, elle conclut qu’en l’absence de normes communes européennes dans ce domaine, l’adoption de ces compétences n’est pas contraire à de tels normes.
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