La population carcérale en Europe a diminué durant les confinements du printemps. Durant les mois d’été qui ont suivi ces confinements, le taux d’incarcération est demeuré stable dans la plupart des pays européens, mais a commencé à augmenter dans plusieurs d’entre eux, d’après une étude réalisée par l’université de Lausanne pour le Conseil de l’Europe publiée aujourd’hui. Malgré ce changement de tendance, l’étude montre qu’entre le 1er janvier et le 15 septembre, le taux d’incarcération moyen a baissé de 4,6 %, tombant de 121,4 à 115,8 détenus pour 100 000 habitants, dans les 35 administrations pénales qui ont communiqué des données pour les quatre dates retenues dans l’étude. Plusieurs raisons expliquent la diminution, dont la libération de détenus pour éviter la propagation de la covid-19.
L’étude « Une évaluation de l’impact à moyen terme de la covid-19 sur les populations carcérales » s’inscrit dans le cadre des Statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe (SPACE) et analyse l’évolution de la population carcérale en Europe en 2020 à quatre moments : avant la pandémie (1er janvier), à l’issue du premier mois des confinements (15 avril), à la fin des confinements (15 juin) et à la fin de l’été (15 septembre).
La contribution du confinement à la diminution de la population carcérale est corroborée par une analyse de la situation à la fin du confinement. Le 15 juin, sur les 43 administrations pénitentiaires qui avaient communiqué des données, le nombre d’administrations où le taux de la population carcérale avait baissé depuis janvier était passé à 27, alors que 14 affichaient des tendances stables, et que seules la Suède et la Grèce enregistraient en juin des taux supérieurs à ceux de janvier. Pendant l’été, et sans confinement, la tendance à la baisse de la population carcérale s’est inversée dans les administrations pénitentiaires de 12 pays, où les taux au 15 septembre étaient supérieurs à ceux enregistrés au 15 juin : Monaco (+30%), Andorre (+22%), Norvège (+16,8%), Luxembourg (+12,1%), Slovénie (+10,9%), Finlande (+8,3%), Écosse (+7,7%), Chypre (+7,2%), Danemark (+6,7%), Belgique (+4,8%), Roumanie (+4,7%), et Irlande du Nord (+4,5%). La population carcérale est demeurée stable dans 22 administrations pénitentiaires, alors que la Bulgarie (-13,2%) et le Monténégro (-7,7%) ont été les deux seuls pays dont les administrations pénitentiaires, parmi les 36 qui ont fourni des données, ont observé une baisse du taux d’incarcération de juin à septembre.
Dans l’ensemble cependant, les taux de population carcérale à la mi-septembre étaient d’une manière générale inférieurs à ceux du début de 2020, ce qui confirme que l’année de la pandémie est une année très particulière en termes de criminalité et de l’action des acteurs du droit pénal pour contrer cette dernière.
D’après le Professeur Marcelo Aebi, directeur de l’étude, les tendances européennes peuvent s’expliquer par plusieurs facteurs, dont une baisse de l’activité du système de justice pénale en raison du confinement, la libération de détenus à titre de mesure préventive pour réduire la propagation de la covid-19 et la diminution de la criminalité entraînée par le confinement, qui a sans doute réduit les possibilités de commettre des infractions traditionnelles. Cette explication est étayée par la tendance inverse observée en Suède et par le fait que la population carcérale a cessé de baisser dès la fin du confinement. L’étude montre aussi qu’au moins 3 300 détenus et 5 100 agents pénitentiaires avaient été infectés par la covid-19 jusqu’au 15 septembre dans les 38 administrations pénitentiaires européennes qui ont fourni des données.
Etude « Prisons et prisonniers en Europe en temps de pandémie »