Santé et droits humains : le rôle du Conseil de l'Europe dans la protection des personnes et la promotion des soins de santé
L'accès aux soins de santé est un droit fondamental. Pourtant, des problèmes comme la discrimination médicale, les médicaments contrefaits et les inégalités de soins persistent dans toute l'Europe. Dans ce contexte, le Conseil de l'Europe joue un rôle crucial pour promouvoir des soins équitables et de qualité grâce à des cadres juridiques, des traités et des initiatives de politiques générales.
Sauver des vies
Imaginez un monde où vous pourriez mourir d'une infection si vous vous coupiez en jardinant, où les produits chimiques que vous respiriez au travail raccourciraient votre vie, ou encore un monde où votre enfant - ou vous-même - auriez autant de chances de mourir que de vivre pendant l'accouchement.
Ce monde n’est pas si ancien. Les antibiotiques ne sont disponibles que depuis moins d’un siècle. En 1985, le nombre de femmes qui mouraient en couches étaient deux fois plus élevé qu'actuellement. Aujourd'hui encore, on diagnostique quotidiennement chez des personnes une maladie liée à leur environnement de travail dangereux.
L’accès à des médicaments et des soins de santé fiables pour tous
Il est facile d'oublier qu’une bonne santé ne se résume pas au fait d’avoir de bons gènes et une constitution solide. Il s’agit de mettre en place des services médicaux qui ont été testés, qui sont fiables et qui sont accessibles à toutes et tous de manière équitable ; promouvoir des environnements sains dans la collectivité et sur le lieu de travail ; veiller à ce que les nouvelles technologies soient sûres et largement disponibles, et protéger la vie privée des personnes et leur capacité à prendre des décisions éclairées.
Protéger la santé- un droit humain
La protection de la santé est un droit humain. De nombreuses personnes ont ainsi invoqué la Convention européenne des droits de l'homme pour contester des situations dans lesquelles leur santé était menacée ou dans lesquelles elles étaient confrontées à des situations contraires à l'éthique ou injustes. La Cour européenne des droits de l'homme a rendu des arrêts en faveur de femmes roms stérilisées à leur insu et contre leur volonté, de personnes dont le dossier médical confidentiel a été partagé sans autorisation, de personnes victimes de discrimination en raison de leur séropositivité et de patients ayant été transfusés alors qu’on savait qu'ils s’opposaient à cette pratique pour des raisons religieuses. Ces décisions, ainsi que d’autres prises par la Cour révèlent les manquements de l'État à protéger les citoyennes et citoyens, qu’il s’agisse de soldats exposés à des produits chimiques toxiques, de plongeurs en haute mer qui n'ont pas été dûment avertis du danger, ou de personnes travaillant avec l’amiante, une matière dangereuse. La menace que représente le changement climatique pour la vie humaine a conduit la Cour, en avril 2024, a rendre un arrêt en faveur d’un groupe de personnes âgées qui affirmaient que l'inaction du gouvernement suisse face au réchauffement climatique les exposait à la maladie et à la mort pendant les étés de plus en plus chauds.
Harmoniser les normes dans le domaine de la santé dans toute l'Europe
Le Conseil de l'Europe a toujours joué un rôle dans le renforcement de la protection de la santé des citoyens et citoyennes européens. L’Organisation, qui trouve son origine dans la tragédie de la Seconde Guerre mondiale et dans les catastrophes humanitaires qui ont suivi, a reconnu que les pays devaient s'unir pour relever les défis collectifs. Des catastrophes telles que les inondations de 1953 aux Pays-Bas, qui ont fait deux mille victimes, ont donné lieu au premier appel lancé à l'échelle européenne pour obtenir des produits sanguins et des médicaments, mais il s’est avéré que les différences entre les normes d'étiquetage nationales rendaient ces dons inutilisables.
Lutter contre la contrefaçon de médicaments et la criminalité
Aujourd'hui, avec les développements technologiques, l’évolution de la société et la conception nouvelle des droits individuels à des soins de santé, de qualité, la protection de la santé en tant que droit humain et son suivi sont plus que jamais nécessaires. Prenons la question des médicaments contrefaits. Sachant qu’il est aujourd’hui possible de commander des médicaments en ligne par un simple clic sur un écran, il est très facile pour les criminels de recréer des emballages et des pilules qui semblent authentiques. Ces médicaments contrefaits peuvent même se retrouver dans les chaînes d'approvisionnement légitimes, exposant des patients et des patientes à l’absorption de produits toxiques ou de produits n’ayant aucun effet sur leurs problèmes de santé. Face à une criminalité qui dépasse les frontières, les États membres du Conseil de l'Europe ont lancé la Convention Médicrime, premier traité international juridiquement contraignant à s’attaquer au problème des médicaments et produits médicaux contrefaits en érigeant la contrefaçon en infraction pénale, en protégeant les droits des victimes et en intensifiant la coopération internationale pour enquêter sur ces infractions. Dans la même logique, la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains vise à lutter contre le commerce international d'organes humains, qui est souvent pratiqué par les acteurs de la criminalité organisée contre les personnes les plus vulnérables de la société.
Protéger la santé et le bien-être des personnes
Si les avancées en matière de technologies et de sciences médicales font naître un espoir de futurs traitements pour beaucoup de personnes, elles soulèvent aussi de nombreuses questions éthiques. En 1997, le Conseil de l'Europe s’est penché sur la protection des droits des patients en matière de santé et a lancé la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine. Il s'agit du seul traité international juridiquement contraignant visant à protéger la dignité et l'identité de tous les êtres humains et à garantir à toute personne, sans discrimination, le respect de son intégrité dans le domaine biomédical. Un an plus tard a été introduite l'interdiction du clonage humain, puis des protocoles couvrant la transplantation d'organes et de tissus, la recherche biomédicale et les tests génétiques ont suivi.
Les nombreux défis posés par les développements biomédicaux auxquels répond le Conseil de l'Europe vont de l'interdiction du clonage humain , de l’utilisation des embryons et de l’accès à la procréation médicalement assistée, à l’éthique des tests génétiques, en passant par les soins en fin de vie et l’intelligence artificielle. De la naissance à la mort, la protection de la santé et du bien-être des personnes nécessite une attention et une protection constantes.
Direction européenne de la qualité du médicament et des soins de santé (EDQM) : une référence en matière de qualité
C’est une secteur du Conseil de l'Europe qui a littéralement créé une « Europe du médicament », la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé (EDQM). Née de la décision, prise en 1954, de créer un Comité européen de la santé, l'EDQM est aujourd'hui l'un des principaux organismes dans ce domaine. Elle réunit des pays pour garantir des soins de santé de la plus haute qualité pour toutes et tous, travaille avec des groupes tels que les fabricants de médicaments, de cosmétiques et de matériaux destinés à être en contact avec les aliments, les hôpitaux, les pharmaciens et pharmaciennes, les médecins, les infirmiers et infirmières et encore bien d'autres professionnels. Depuis 1964, elle élabore la Pharmacopée européenne, le texte de référence pour tous les fabricants de médicaments qui garantit que tous les médicaments et produits médicaux utilisés pour les humains ou les animaux sont sûrs et répondent aux normes. Son périmètre de travail continue de s'étendre pour couvrir des domaines tels que la transfusion sanguine, la protection des consommateurs et la lutte contre les médicaments contrefaits.
Promouvoir l’équité en matière de santé et l’accès équitable aux médicaments
Les progrès dans le domaine des soins de santé doivent être accessibles à tous et toutes, sans discrimination. Cela signifie que chaque personne doit avoir une chance équitable d'atteindre son plein potentiel en matière de santé et que personne ne doit être désavantagé dans l’atteinte de cet objectif. Cela implique de promouvoir des moyens d'améliorer la littératie en santé, comme le montre le Guide sur la littératie en santé du Conseil de l'Europe.
Pourtant il reste des lacunes dans l’offre de soins de santé. L'un des épisodes les plus révélateurs est survenu pendant la pandémie de covid-19, lorsque les sociétés ont commencé à poser des questions sur l’accès aux traitementsles plus nécessaires. Cela a conduit, en 2023, à la Recommandation sur l'accès équitable aux médicaments et aux équipements médicaux dans une situation de pénurie, dont l’objectif est de garantir une répartition équitable des ressources médicales, surtout en temps de crise. Au-delà de la pandémie, les exemples de discrimination et d’inégalités en matière de soins de santé restent une réalité pour de nombreuses personnes en Europe. La Charte sociale européenne peut faire évoluer la situation dans ce domaine, car cette instance travaille avec les gouvernements pour suivre et améliorer les normes et les pratiques, en veillant à ce que les services de santé soient accessibles à toutes et tous, en particulier aux groupes marginalisés tels que les migrants, aux enfants et aux personnes âgées. La Commission pour l'égalité de genre du Conseil de l'Europe œuvre pour que les politiques de santé tiennent compte des besoins spécifiques des femmes et des groupes marginalisés et un guide sur la participation des enfants aux décisions concernant leur santé a été élaboré, qui reconnaît que les jeunes patientes et patients ont le droit de faire des choix éclairés au sujet de leur prise en charge médicale. Les projets menés par le Conseil de l'Europe avec les Roms et les Gens du voyage et la communauté LGBTI sont très axés sur l'accès aux soins de santé.
Les droits humains – dont le droit à la protection de la santé – s'appliquent à tous, même ceux qui sont en marge de la société. C'est pourquoi le Comité anti-torture du Conseil de l'Europe (CPT) travaille sur la santé et l'accès aux soins des détenus et des personnes privées de liberté dans les hôpitaux psychiatriques. Son action a permis des améliorations notables, comme l'arrêt du recours à la contention et à des cages. Quant au Groupe Pompidou du Conseil de l'Europe, il examine les politiques en matière de drogues et d’addictions sous l'angle des droits humains, en promouvant des stratégies de réduction des risques et l'utilisation de salles de consommation de drogues.
Aujourd’hui encore, la protection de la santé en tant que droit humain, la réduction des inégalités et l'amélioration de l'accès à des soins de qualité restent une priorité pour le Conseil de l'Europe. En harmonisant les normes visant l’excellence, en œuvrant pour qu'elles se diffusent partout et bénéficient aux populations les plus démunies, nous pouvons bâtir un avenir où la protection de la santé ne soit pas un privilège, mais un droit garanti pour toutes et tous.