Lignes directrices sur l'offre de logements, le financement du logement et les allocations de logement
(approuvé par le Groupe de spécialistes
du Conseil de l’Europe sur la contribution des politiques du logement à la
cohésion sociale (CS-HO), le 8 juin 2006)
1. L’accès au logement des groupes vulnérables est un
défi qui se pose à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. C’est
pourquoi le Conseil de l’Europe a mis en place, en novembre 2004, un Groupe
de spécialistes sur la contribution des politiques du logement à la cohésion
sociale (CS-HO), chargé de recommander, dans des domaines cruciaux des
politiques du logement, des mesures propres à permettre aux groupes
vulnérables de vivre dans des logements convenables.
2. Le CS-HO avait pour objectif de formuler des mesures et
des politiques concrètes concernant l’offre de logements, le financement du
logement et les allocations de logement afin que les groupes vulnérables
puissent accéder au logement et jouir de la sécurité d’occupation.
3. La marginalisation et l’exclusion de certains groupes dues par exemple à
la pauvreté, au racisme et à la xénophobie sont des obstacles à la cohésion
sociale. En conséquence, le CS-HO a été chargé de recommander des mesures en
matière de logement de nature à contribuer à la cohésion sociale.
4. L’importance du droit au logement est reconnue dans
plusieurs instruments internationaux comme la Déclaration universelle des
droits de l’homme (article 25.1), la Charte sociale européenne de 1961 du
Conseil de l’Europe (STE n° 35) (article 16), son Protocole additionnel de
1988 (STE n° 128) (article 4), la Charte sociale européenne révisée de 1996
(STE n° 163) (article 31) et le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (article 11).
5. Les présentes lignes directrices s’appuient sur les conclusions d’une
étude (présentée dans un rapport distinct, « Politique du logement et
populations vulnérables ») et sur les débats et propositions du CS-HO.
6. En mai 2002, le Comité européen pour la cohésion sociale a adopté des
recommandations sur les moyens d’améliorer l’accès au logement pour les
catégories de personnes défavorisées (rapport sur l’« accès aux droits
sociaux en Europe » élaboré par Mary Daly), issues des travaux du Groupe de
spécialistes du Conseil de l’Europe sur l’accès au logement (CS-LO) et
d’autres projets.
7. Les recommandations du CS-HO prolongent et complètent celles du CS-LO.
8. Par groupes vulnérables, on entend des
personnes exposées à un risque de marginalisation socioéconomique (exclusion
du marché du travail, du marché du logement et des services publics de
base). La vulnérabilité est liée à des facteurs régionaux ou économiques
ainsi qu’à des caractéristiques individuelles ou sociales. On distingue
généralement diverses catégories sociales de groupes vulnérables en fonction
de l’âge, du sexe, de l’appartenance ethnique, de la condition de personne
handicapée, du statut familial ou de l’origine géographique. Il existe une
interaction complexe entre les facteurs individuels et les facteurs
sociétaux tels que la discrimination et l’accès aux services publics. La
définition des groupes vulnérables varie selon les pays, car leur existence
est conditionnée par les circonstances – elle dépend en partie du contexte
juridique et historique, en partie des politiques appliquées dans le domaine
social et dans celui du logement.
9. Les politiques du logement en direction des groupes vulnérables devraient
viser les personnes dont on ne peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elles
accèdent sans aide à un logement convenable sur le marché privé.
10. La vulnérabilité dans le secteur du logement fait
référence aux groupes, personnes et ménages dont les conditions de logement
ne sont pas satisfaisantes ou pour lesquels il existe un risque élevé que
tous les critères du logement convenable ne soient pas remplis.
11. Le logement convenable est ainsi défini par le Programme
pour l’habitat de l’ONU (paragraphe 60) : « Vivre dans un logement
convenable, ce n’est pas simplement avoir un toit au-dessus de la tête. Un
logement convenable doit aussi être suffisamment grand, lumineux, chauffé et
aéré, offrir une certaine intimité, être physiquement accessible, permettre
de vivre en sécurité, permettre de jouir de la sécurité d’occupation,
présenter une structure stable et durable, être équipé des infrastructures
de base (approvisionnement en eau, assainissement, gestion des déchets),
être adéquat du point de vue écologique et sanitaire et, enfin, être situé à
une distance raisonnable du lieu de travail et des services de base, le
tout, pour un prix abordable. »
12.Sur cette base, le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (article 11, observation générale 4,
paragraphe 8) a affiné la définition du concept de logement convenable
en mentionnant des aspects tels que la sécurité légale de
l’occupation, la capacité de paiement, l’habitabilité, l’emplacement et
l’accessibilité, notions qui sont reprises dans les présentes lignes
directrices.
13. La cohésion sociale est la capacité d’une société à
assurer le bien-être de tous ses membres, à limiter autant que possible les
disparités et à éviter la polarisation. La cohésion sociale n’est pas
seulement une affaire de lutte contre l’exclusion sociale et la pauvreté.
Elle consiste également à créer au sein de la société une solidarité qui
réduise au minimum l’exclusion. Par ailleurs, la pauvreté et l’exclusion
subsistant, il faut également prendre des mesures spécifiques pour aider les
membres vulnérables de la société (voir la « Stratégie de cohésion sociale
révisée du Conseil de l’Europe », 2004).
14. Les politiques générales en matière de logement devraient
être clairement définies et prévoir des mesures visant spécifiquement les
groupes vulnérables. Elles devraient être coordonnées avec les politiques
économiques et sociales du pays.
15. Il convient de réévaluer et de renforcer la place du secteur du logement
dans la stratégie nationale de développement, en portant une attention
particulière au réexamen des mesures d’aide aux groupes vulnérables
existantes.
16. Il est de la plus haute importance pour la mise en œuvre de toute mesure
en direction des groupes vulnérables que les politiques du logement soient
conduites avec efficacité. Le rôle des pouvoirs publics aux niveaux national,
régional et local dans les politiques du logement devrait être clairement
précisé par la loi. Le système institutionnel et administratif de gouvernance
locale devrait être transparent, rationnel et efficace, définir le rôle de la
société civile/des ONG et permettre la participation des diverses parties
prenantes. Les programmes devraient être conçus de manière à favoriser les
partenariats aux niveaux local, régional et national, selon le cas, en vue de
résoudre les problèmes de logement.
17. Il incombe aux pouvoirs publics aux niveaux national et/ou local de
pourvoir à une offre de logements suffisante pour tous. Une pénurie générale
de logements aggrave la situation des ménages vulnérables.
18. Il est indispensable, si l’on veut s’attaquer aux problèmes rencontrés
notamment par les groupes vulnérables, de disposer d’une base juridique,
financière et institutionnelle appropriée. L’Etat devrait, en prenant des
dispositions contraignantes, intervenir activement dans la réglementation des
relations en matière de logement. Les gouvernements doivent s’attacher à
mettre en place un système opérationnel de financement du logement, à établir
un cadre juridique et réglementaire, à atteindre la stabilité macroéconomique
et à promouvoir une croissance économique durable. L’intervention de l’Etat
devrait compléter et non remplacer les mécanismes de financement du marché.
19. Les autorités compétentes devraient procéder à un examen périodique de
leur législation, de leurs politiques et de leurs pratiques en matière de
logement et éliminer toutes les dispositions ou pratiques administratives qui
ont pour effet l’exclusion directe ou indirecte de groupes vulnérables.
20. L’environnement juridique (réglementation des loyers, droits
d’occupation, etc.) devrait offrir une sécurité aux locataires et aux
propriétaires, en veillant à respecter un équilibre. Pour éviter les
expulsions, l’Etat devrait garantir aux locataires une sécurité d’occupation
suffisante, qu’il s’agisse de logements du secteur public ou privé. Les
locataires devraient être convenablement protégés contre les ruptures de bail
anticipées et les hausses de loyer arbitraires. Dans les pays en transition,
des mesures spéciales sont nécessaires pour garantir la sécurité d’occupation
aux locataires de logements antérieurement détenus et administrés par l’Etat
(« sitting tenants »).
21. La réglementation en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme
devrait assurer une quantité suffisante de terrains à usage résidentiel et
d’investissements en infrastructures. Il est nécessaire qu’un dispositif
juridique établisse et définisse précisément des droits en matière de
propriété foncière et immobilière et de sécurité d’occupation, des procédures
d’expulsion légale et des garanties contre les expulsions illégales.
22. Les politiques du logement devraient s’appuyer sur des faits établis ; il
convient par conséquent d’améliorer la base de connaissances en réalisant des
études et en recueillant systématiquement des données. Une bonne connaissance
de la situation en matière de logement, fondée notamment sur des informations
statistiques, est un préalable indispensable à la conception et à la mise en
œuvre d’une politique du logement efficace. Il convient de collecter
régulièrement des statistiques sur les questions relatives au logement et, en
particulier, d’évaluer les besoins en logements.
23. Il existe un large choix
d’instruments susceptibles d’améliorer les conditions de logement des
groupes vulnérables. Aux fins des présentes lignes directrices, on
distingue :
1) les instruments visant à
accroître l’offre de logements locatifs décents et abordables;
2) les instruments facilitant
l’accès des groupes vulnérables au financement du logement ;
3) les allocations de logement et
leur bon usage.
Pour les différents groupes
vulnérables existant dans un contexte national donné, il peut y avoir
intérêt à combiner ces diverses mesures selon un dosage spécifique.
Augmentation de l’offre de logements locatifs décents et
abordables
24. Lorsqu’ils conçoivent des programmes pour les groupes
vulnérables, les gouvernements doivent envisager différentes mesures de
nature à accroître l’offre de logements locatifs. Il convient de s’assurer
de la viabilité de ces programmes en mesurant les besoins réels en
nouvelles unités d’habitation sur le marché local lorsque le parc
existant ne permet pas en l’espèce de répondre aux besoins en logements
convenables.
25. Une offre abondante de logements locatifs est un bon
moyen d’améliorer l’accès au logement des groupes vulnérables, pour qui
l’accession à la propriété est bien souvent une option trop coûteuse et trop
risquée.
26. Les pays où le secteur locatif est peu développé (moins
de 20 %) devraient étudier comment accroître l’offre de logements dans ce
secteur, notamment dans les zones urbaines. Dans une telle situation, le
logement social a un rôle important à jouer. Il convient de mettre en place
des conditions juridiques, financières et fiscales propres à encourager
l’offre de logements sociaux locatifs.
27. Pour augmenter le parc de logements locatifs convenables
et abordables, il convient de soutenir le secteur privé et le secteur à but
non lucratif par des mesures juridiques et financières. Les gouvernements
devraient prévoir dans la législation, les politiques et les stratégies
nationales une structure et des dispositions destinées à accroître l’offre
de logements locatifs. Il faudrait également mettre en place différentes
formules d’accès au logement telles que les logements sociaux, les
coopératives d’habitation, les logements publics et les formes de logement
et modes d’occupation innovants. Tous les éléments pertinents des modèles de
logement mentionnés (financiers, sociaux et autres) devraient être
clairement définis.
28. Une plus large place devrait être accordée aux
programmes mis en œuvre à l’échelon d’un territoire ou d’un quartier. Les
programmes d’aide à caractère territorial (subventions, exonérations
fiscales, etc.) peuvent contribuer efficacement à la réhabilitation des
territoires en difficulté et à la mixité des quartiers.
29. Les responsables de l’élaboration des politiques
devraient étudier la possibilité de mobiliser les logements vacants à des
fins d’utilité publique, en tenant compte de l’effet positif que cette
mobilisation peut avoir dans certains cas sur la cohésion sociale dans la
zone concernée. Il peut être utile de mobiliser des logements aussi bien en
vue de leur location que de leur acquisition.
30. Si de nouvelles unités d’habitation s’avèrent
nécessaires, diverses politiques publiques peuvent être appliquées. Le plus
souvent, il est fait appel à des programmes spécifiques associant
différentes mesures financières et définissant leur cadre institutionnel.
31. Toute stratégie en matière de logement, qu’elle s’appuie
sur une seule mesure ou sur plusieurs mesures combinées, devrait
s’accompagner d’un mécanisme de ciblage permettant d’orienter
l’action vers les groupes vulnérables ou les territoires en difficulté
identifiés au moyen d’indicateurs.
32. Lorsqu’on met en place des incitations financières
(incitations fiscales, subventions en capital, etc.), il faut veiller
attentivement à répartir les responsabilités entre les diverses parties
prenantes (investisseurs, promoteurs, gérants de sociétés immobilières et
pouvoirs publics).
33. Les subventions en capital sont un moyen
efficace d’accroître l’offre de logements destinés aux groupes vulnérables,
à condition qu’elles ne soient octroyées qu’à des organismes investis d’une
obligation de service public clairement définie. La subvention en capital
est puissamment incitative et son coût est prévisible. Il convient de
l’utiliser en association avec d’autres mesures telles que les allocations
de logement, et ce dans un cadre institutionnel spécifique, propre à
garantir la réalisation des objectifs du programme. En cas de forte pénurie
de logements et de problèmes sociaux graves, la subvention en capital est
l’instrument le plus indiqué pour assurer l’accès des groupes vulnérables au
logement.
34. Les avantages fiscaux accordés aux
bailleurs sont des incitations financières très couramment utilisées pour
augmenter l’offre de logements. La forme de ces avantages fiscaux est très
variable, allant d’une exonération partielle ou totale de l’impôt sur les
bénéfices à une réduction partielle de la TVA en passant par un
amortissement accéléré des biens mis en location. Les programmes devraient
prévoir des avantages stables, prévisibles et durables pour les bailleurs de
logements sociaux. Les mesures de ce type peuvent contribuer au
développement de l’offre de logements en général, mais elles ne visent pas
nécessairement les groupes vulnérables. Pour cibler ces derniers, la
réduction de TVA semble être la mesure fiscale la mieux adaptée.
35. Les programmes de bonification d’intérêt
revêtaient autrefois une importance cruciale dans un contexte de forte
inflation. Cet instrument peut entraîner une distorsion indésirable du
marché s’il est utilisé pour accroître l’offre en général. Aussi faut-il
veiller à bien cibler les groupes vulnérables. La bonification d’intérêt
peut être très utile dans les pays en transition où l’inflation est
relativement élevée.
36. Les garanties hypothécaires pour les
bailleurs de logements sociaux s’avèrent efficaces pour améliorer l’offre de
logements abordables dans un cadre institutionnel bien conçu.
Instruments de financement du logement pour les groupes
vulnérables, visant à faciliter l’accession à la propriété
37. Compte tenu des risques et des coûts associés à la
propriété, les politiques favorisant l’accès au logement locatif sont
souvent préférées aux mesures visant à faciliter l’accès au financement en
vue de l’acquisition du logement. Néanmoins, dans les pays et les régions où
les marchés locatif et hypothécaire ne sont pas bien établis ainsi que dans
les zones rurales, les politiques d’accession à la propriété peuvent être un
moyen d’améliorer l’accès au logement des groupes vulnérables.
38. Le gouvernement devrait
choisir, parmi les instruments agissant sur la demande, ceux qui s’intègrent
dans le cadre juridique et financier du pays et sont adaptés aux besoins
spécifiques des groupes vulnérables. Là encore, un ciblage est nécessaire
pour maîtriser les incidences budgétaires.
39. Outre la mise en place d’un cadre juridique et
institutionnel judicieux, plusieurs instruments spécifiques peuvent être
utilisés pour favoriser l’accès des groupes vulnérables à la propriété du
logement.
40. Les garanties offertes par des organismes
publics ou des établissements privés sont un bon moyen de promouvoir les
programmes d’acquisition de logements à bas prix dans un cadre juridique et
financier évolué. Grâce à ces dispositifs de garantie, qui diminuent les
risques liés aux prêts consentis à des personnes à faible revenu et
réduisent ainsi le rationnement du crédit, les groupes vulnérables accèdent
plus facilement à l’emprunt.
41. Les allocations aux propriétaires accédants
aident les ménages à faible revenu à payer les dépenses liées à la nouvelle
habitation. Il s’agit d’une aide accordée, sous condition de ressources, aux
personnes appartenant à un groupe vulnérable qui font l’acquisition de leur
logement. Les allocations de logement sont examinées plus en détail dans la
section suivante.
42. Les subventions en capital sont
considérées comme très utiles pour favoriser l’accès au logement des groupes
à faible revenu dans un contexte de financement qui n’est pas parvenu à
maturité. Les avantages de cet instrument sont la transparence et la
prévisibilité du coût total. Pour des groupes cibles bien définis (par
exemple les primo-acquéreurs), il peut apporter une contribution très
efficace même dans un contexte évolué de financement du logement.
43. La bonification d’intérêt était très
couramment employée pour augmenter la capacité d’acquisition des
bénéficiaires, mais cet instrument a perdu en importance dans une situation
d’inflation faible. En général, ces programmes ne sont pas subordonnés à des
conditions de ressources et ne sont donc pas ciblés, sauf s’ils prévoient
des critères d’admissibilité (familles dont un membre est handicapé,
primo-acquéreurs, immigrés, etc.). S’ils visent les groupes vulnérables, ils
peuvent être utiles pour faciliter leur accès au logement.
44. L’exonération fiscaleest fréquemment utilisée pour aider à l’acquisition d’un logement. Cet
instrument n’est pas adapté aux groupes vulnérables, car l’aide bénéficie
davantage aux groupes ayant un revenu plus élevé. Il ne présente aucun
intérêt pour les personnes qui ne paient pas d’impôts.
45. Les dispositifs d’épargne contractuelle
sont des produits d’épargne volontaire qui offrent aux épargnants des
incitations financières sous la forme de primes, de prêts à taux
préférentiel ou d’avantages fiscaux. Cet instrument n’est pas très indiqué
dans un contexte de forte inflation ni pour les ménages à faible revenu. Il
n’est pas recommandé d’y faire appel pour aider les groupes vulnérables à
accéder au logement, car les personnes à faible revenu ont peu de
possibilités d’en bénéficier et le coût risque d’être très élevé pour le
budget public.
46. Pour les groupes sociaux qui ont difficilement accès aux
instruments de crédit classiques, il peut être utile d’envisager des
formules de microfinancement, qui offrent la possibilité d’obtenir
des prêts de faible montant pour rénover ou autoconstruire un logement.
47. La propriété partagée
(« shared ownership »), système permettant d’acquérir
progressivement des parts de son logement jusqu’à en devenir propriétaire en
totalité, peut alléger les charges financières pesant sur le groupe cible en
combinant les avantages de l’occupation en propriété et en location. Ce
dispositif peut être associé à d’autres instruments comme des prêts à taux
zéro. Toutefois, les systèmes de propriété partagée exigent un cadre
juridique spécifique et une pratique bien établie.
Bon usage des allocations de logement
48. Un régime d’allocations de logement devrait avoir pour
buts de permettre à tous les ménages à faible revenu d’accéder à un logement
décent et abordable et de les protéger contre l’augmentation du coût du
logement ou la diminution de leur revenu.
49. Les allocations de logement sont une aide tendant à agir
sur la demande, qui est accordée sous conditions de ressources aux ménages à
faible revenu et leur permet de consacrer au logement un budget supérieur à
ce qu’ils pourraient débourser sans cette prestation. La plupart des pays
d’Europe ont mis en place une forme ou une autre d’allocations de logement.
Cet instrument complète, voire remplace, dans une large mesure les
subventions tendant à agir sur l’offre. En effet, on considère souvent que
les allocations de logement ont un meilleur rapport coût/efficacité que ces
dernières parce qu’elles peuvent être orientées plus aisément et plus
précisément vers le groupe cible et qu’elles sont plus souples, s’ajustant
automatiquement aux changements survenant dans le revenu du ménage, sa
dépense de logement, etc.
50. En cas de pénurie de logements
convenables pour les ménages à faible revenu, il convient d’envisager
d’associer les allocations de logement à des aides destinées à agir sur
l’offre. En effet, les allocations de logement ont par elles-mêmes peu
d’effet, ou pas du tout, sur l’offre de logements.
51. Pour qu’un régime
d’allocations de logement fonctionne efficacement, il faut faire en sorte de
disposer de données répondant aux conditions ci-après.
- Il convient de disposer :
>>
de données fiables
sur le revenu des ménages pour vérifier si les conditions de ressources sont
remplies ;
>> de données sur les
frais de logement des ménages pour déterminer le montant du budget
raisonnablement consacré au logement dans différentes situations ;
>> de données fiables
sur la composition des ménages pour évaluer la nécessité de leur octroyer
des allocations en fonction de leur revenu, de leur taille et d’autres
indicateurs de leurs besoins.
Les données devraient être mises à jour régulièrement. Si ces données ne sont pas disponibles, des données
indirectes ou des indicateurs devraient être utilisés pour mettre au point
les allocations de logement.
52. Un régime d’allocations de logement devrait comporter
les éléments suivants :
- Des niveaux de revenu acceptables après déboursement des
frais de logement devraient être définis pour différents types de ménages,
de modes d’occupation, de localisation, etc. Ces niveaux de revenu
permettent d’apprécier le besoin d’allocations dans différentes situations
de dépense de logement raisonnable. Ainsi, les allocations réduisent la
nécessité d’apporter une aide par le biais des prestations sociales.
- Le montant des allocations devrait être basé sur les
besoins des ménages vulnérables.
- Les prestations devraient augmenter en proportion de la
dépense de logement et diminuer en proportion du revenu. Le régime
d’allocations devrait mettre autant que possible un frein au cercle vicieux
de la pauvreté et réduire au minimum les autres effets défavorables.
- Pour les différents types de ménages, un niveau maximal
admissible de dépense de logement devrait être défini pour le calcul des
allocations.
53. Tous les types de ménages devraient pouvoir bénéficier
d’allocations de logement, et ce quel que soit le mode d’occupation, afin
d’éviter la ségrégation et des distorsions du marché du logement.
54. Le mode d’occupation devrait être indifférent, à moins
que le gouvernement n’ait une raison de favoriser un mode particulier, par
exemple pour renforcer la cohésion sociale en accordant des allocations plus
importantes pour les modes d’occupation relativement peu accessibles aux
ménages à faible revenu.
55. Le régime d’allocations de logement devrait faire
l’objet d’une coordination avec la politique et les systèmes de transferts
sociaux.
56. Le régime d’allocations de logement devrait être
transparent pour les consommateurs et pour les organes administratifs. Toute
complexité superflue devrait être évitée.
57. Les allocations devraient être d’un montant suffisant
pour avoir une incidence sur le comportement des ménages visés et leur
attribution devrait être rigoureusement contrôlée.
58. Le risque de « déperdition » devrait être réduit au
minimum. Par exemple, dans une situation de pénurie de logements pour les
ménages à faible revenu, les allocations de logement peuvent entraîner une
hausse des loyers ; ce sont alors les propriétaires qui en sont les premiers
bénéficiaires.
59. Les allocations ne devraient pas encourager la surconsommation ; en
d’autres termes, elles ne devraient pas couvrir 100 % de la dépense de
logement.
60. Lors de la conception et de la mise en œuvre des
politiques du logement en direction des groupes vulnérables, il convient de
tenir compte des politiques générales en matière de logement et des
politiques relatives à des secteurs connexes comme l’éducation, la santé,
l’emploi, les transports, l’urbanisme et la protection sociale. Ainsi, il
faut veiller à ce qu’il y ait une correspondance entre la localisation des
logements sociaux locatifs et les zones où existent des possibilités
d’emploi et de formation afin de faciliter l’insertion des ménages à faible
revenu sur le marché du travail. Il importe de coordonner les efforts des
autorités compétentes, de rechercher et d’exploiter les synergies entre les
différents secteurs et d’encourager les pouvoirs publics à tous les niveaux
à adopter des approches et des politiques globales.
61. Il convient de créer un cadre
juridique ou de réviser le cadre existant pour étayer la politique du
logement. Ce cadre devrait assurer la transparence des accords contractuels
entre les différentes parties prenantes, comprendre des dispositions
relatives à la sécurité d’occupation et à la sécurité de propriété et
fournir un fondement juridique pour les législations en matière financière,
foncière et hypothécaire, bancaire, administrative et procédurale,
concernant notamment les expulsions forcées, la location, les diverses
formes de planification, de partenariat et de logement (comme la copropriété
et les coopératives).
62. Des mesures coordonnées en faveur du logement doivent
être mises en œuvre pour les différents groupes vulnérables. La définition
et la composition sociale de ces groupes varient selon les pays. C’est
pourquoi il importe que les gouvernements mettent sur pied des programmes
spécifiques pour apporter des solutions à leurs problèmes de logement.
63. Ces programmes devraient conjuguer les diverses méthodes
exposées dans les sections précédentes et tendre notamment à mettre en place
ou à développer l’ensemble de l’infrastructure physique et sociale
nécessaire pour assurer durablement un logement convenable.
64. Outre le gouvernement central, les collectivités
régionales et locales devraient élaborer des politiques, des stratégies et
des plans d’action pour faire face aux problèmes locaux en matière de
logement, en prenant en considération le rôle que peuvent jouer le secteur
privé et les organisations non gouvernementales.
65. Une structure institutionnelle
efficace et transparente, établissant les procédures administratives à tous
les niveaux et définissant le rôle de tous les acteurs des politiques du
logement, devrait être mise en place.
66. Les organisations non gouvernementales, en particulier celles qui
travaillent auprès des groupes vulnérables ou représentent leurs intérêts,
devraient être associées à la conception, à l’élaboration, à la mise en
œuvre et au suivi des politiques et des programmes visant à améliorer leurs
conditions de logement.
67. Une politique du logement devrait avoir pour objectif
d’assurer l’accès à un logement d’un prix abordable et d’un niveau
convenable, de garantir à chacun la sécurité de logement et de renforcer la
cohésion sociale. Lors de la conception de nouvelles politiques du logement
et de l’évaluation des politiques en vigueur, il faudrait également prendre
en considération la dimension de la cohésion sociale, dont l’importance
devrait être reconnue par toutes les parties prenantes.
68. Par le passé, la cohésion sociale n’a guère retenu
l’attention dans le débat sur les politiques du logement et dans leur mise
en œuvre. Certaines de ces politiques peuvent même être préjudiciables à la
cohésion sociale ou entraîner des conflits, ou encore conduire à une
polarisation ou à la stigmatisation de tel ou tel groupe.
69. Les stratégies de promotion de la cohésion sociale
devraient inclure une politique du logement qui s’intéresse en priorité aux
groupes vulnérables.
70. Outre les facteurs du marché, l’ampleur et la nature des
problèmes de logement dépendent aussi de l’efficacité du système de
protection sociale en vigueur. Si ce système fonctionne mal et ne remplit
pas son rôle de filet de sécurité, un moins grand nombre de personnes ont
les moyens d’accéder à un logement convenable et un plus grand nombre de
problèmes sont à régler au moyen de la politique du logement. En revanche,
un système de protection sociale efficace peut réduire dans une certaine
mesure les tâches incombant à la politique du logement. Cette dernière est
liée aux autres politiques publiques (en matière d’emploi ou d’urbanisme par
exemple) et la contribution qu’elle peut apporter à la cohésion sociale est
en partie tributaire de la bonne marche de ces autres politiques.
71.
Pour promouvoir la cohésion sociale, toute politique du logement devrait
porter une attention particulière aux groupes vulnérables :
- Les
instruments utilisés devraient viser à assurer l’accès effectif des groupes
vulnérables aux prestations prévues par la politique du logement.
- Les
politiques publiques devraient chercher à accroître l’offre de logements
pour les groupes vulnérables et à favoriser le développement de la mixité
sociale dans les quartiers.
- Les
politiques du logement devraient prévoir des services d’information et de
conseil à l’intention des groupes vulnérables pour que ceux-ci tirent le
meilleur parti des programmes existants. Il arrive en effet que les
programmes d’aide au logement échouent parce que les ménages à faible
revenu, qui devraient en être les premiers bénéficiaires, manquent
d’informations sur les options disponibles.
- Il faut éviter que les
personnes qui ont des besoins spécifiques ne fassent l’objet d’une
ségrégation et leur offrir des services sociaux adaptés pour faciliter leur
participation à la société.
72. Les politiques du logement
visant les besoins spécifiques des groupes vulnérables doivent contribuer au
développement de quartiers harmonieux et ouverts, où tous les groupes de la
société ont accès aux services de base.
73. Un ciblage territorial peut être nécessaire pour
améliorer la qualité de vie des habitants de la zone concernée, limiter les
phénomènes de ségrégation et développer la mixité. La mixité des quartiers
est souhaitable pour autant qu’elle n’entraîne pas l’exclusion des personnes
à faible revenu.
74. Il convient de mettre en œuvre des mesures pour lutter
au cas par cas contre la discrimination dans l’aménagement et la gestion des
ensembles d’habitation, des quartiers et des territoires, et d’assurer le
suivi de ces mesures.
75. Lors de l’élaboration de politiques du logement en
général et de mesures en faveur du logement des groupes vulnérables en
particulier, il y a lieu de procéder systématiquement à une évaluation
préalable de leurs conséquences pour la cohésion sociale.
76. Le suivi et l’évaluation des politiques du logement en direction des
groupes vulnérables devraient comprendre un bilan de leurs effets sur la
cohésion sociale. A cette fin, il faudrait mettre au point des indicateurs,
recueillir périodiquement des données statistiques et réaliser des études à
ce sujet.