Diffamation
Des lois trop protectrices en matière de diffamation de la réputation peuvent avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté d’expression et sur le débat public. Conscient de ce risque, le Conseil de l'Europe encourage la dépénalisation de la diffamation et donne à ses États membres des orientations pour les aider à garantir que ces lois et leur mise en œuvre respectent le principe de proportionnalité, appliqué aux droits de l'homme qui sont en concurrence.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme est une référence importante pour évaluer les risques de violations des droits de l'homme inhérents à la structure et au contenu des lois nationales.
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En raison de l’interconnexion croissante des sociétés mod-ernes, les contenus publiés en ligne dans un État peuvent être consultés instantanément et partout dans le monde, ce qui peut avoir un impact énorme. Une déclaration prétendu-ment diffamatoire peut donc être considérée comme ayant causé des dommages dans plusieurs États, ce qui peut entraî-ner des litiges juridiques internationaux complexes. En effet, le forum shopping est devenu plus fréquent et plus créatif ces dernières années, ce qui peut avoir un impact négatif sur la liberté d’expression.
Cette étude vise à mieux comprendre le phénomène du forum shopping dans les affaires contemporaines de diffa-mation et à distinguer les facteurs qui peuvent y être favo-rables, en vue d’identifier les bonnes pratiques existantes ou émergentes.
Étudesur les formes de responsabilitéet questions de compétence juridictionnellerelatives à l’application du droit civil et administratifen matière de diffamationdansles États membres du Conseil de l’Europe préparée par le Comité d’experts sur les dimensions des droits de l’homme dans le traitement automatisé des données et les différentes formes d’intelligence artificielle (MSI-AUT)
Dans sa Déclaration sur la liberté du discours politique dans les médias, adoptée le 12 février 2004, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a énoncé les principes de base destinés à protéger la liberté d’expression garantie par l’article10 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) lorsque la couverture médiatique du discours politique concerne l’État, des institutions publiques ou des personnalités politiques.
Compte tenu des engagements précédents du Conseil de l'Europe, le Comité des Ministres a adopté, le 4 juillet 2012, sa Déclaration sur l’utilité de normes internationales relatives à la recherche opportuniste de juridiction dans les cas de diffamation (libel tourism) afin d’assurer la liberté d’expression. Dans cette déclaration, le Comité des Ministres explique que le libel tourism est « la recherche d’une juridiction que l’on puisse saisir facilement et que l’on estime être la plus à même de rendre la décision la plus favorable (y compris dans les procédures par défaut) ».
Il souligne que la prévention du phénomène de libel tourism devrait faire partie d’une réforme de la législation sur la diffamation dans les États membres, qui viserait à établir un juste équilibre entre des droits en concurrence, à savoir le droit à la liberté d’expression (article 10 de la CEDH) et le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8 de la CEDH). Le Comité des Ministres insiste également sur la menace grave que ce phénomène représente pour la liberté d’expression et d’information.
En réaction à cette menace, il est prévu d’étudier les questions de responsabilité et de compétence liées à l’application des lois nationales relatives à la diffamation dans les États membres du Conseil de l'Europe. Cette étude pourrait être suivie de l’élaboration d’un instrument normatif.
Résolution 1577 & Recommandation 1814 de l’Assemblée parlementaire
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L’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), de son côté, a plaidé pour la dépénalisation de la diffamation dans sa Résolution 1577 (2007) intitulée « Vers une dépénalisation de la diffamation » et dans la Recommandation 1814 (2007).
L’APCE a invité les États membres du Conseil de l'Europe à abolir sans attendre les peines d’emprisonnement pour diffamation, à garantir qu’il n’y a pas de recours abusif aux poursuites pénales, à assurer l’indépendance du ministère public dans ces cas, et à définir plus précisément dans leur législation le concept de diffamation dans le but d’éviter une application arbitraire de la loi et de garantir que le droit civil apporte une protection effective de la dignité de la personne affectée par la diffamation.
L’APCE a également invité les États membres à instaurer des plafonds raisonnables et proportionnés en matière de montants des dommages et intérêts dans les affaires de diffamation, de sorte qu’ils ne soient pas susceptibles de mettre en péril la viabilité même du média poursuivi, et à prévoir des garanties législatives adéquates contre des montants disproportionnés par rapport au préjudice réel subi.
Résolution 2035 & Résolution 2141 de l’Assemblée parlementaire
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Dans sa Résolution 2035 (2015) sur la protection de la sécurité des journalistes et de la liberté des médias en Europe, puis dans sa Résolution 2141 (2017), intitulée « Attaques contre les journalistes et la liberté des médias en Europe», l’APCE a examiné attentivement les dispositions déjà prises et celles qui restent à prendre dans les États membres pour dépénaliser la diffamation et respecter les normes de la CEDH.
S’appuyant sur ces instruments du Comité des Ministres et de l’APCE, le Comité directeur sur les médias et la société de l'information (CDMSI) a travaillé sur plusieurs aspects qui revêtent une importance particulière, compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
Étude sur l’harmonisation des lois relatives à la diffamation avec la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment sous l’angle de la dépénalisation de la diffamation
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L'étude sur l’harmonisation des lois relatives à la diffamation avec la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme, notamment sous l’angle de la dépénalisation de la diffamation (2005) visait à mettre en évidence les principales questions et les critères qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour concernant les procédures en diffamation et la liberté d’expression. L’étude a aussi fait le point sur la législation relative à la diffamation dans les États membres du Conseil de l'Europe et conclu que la diffamation restait passible de sanctions pénales dans la majorité des États.
En tant que suivi, une étude sur l’harmonisation des législations et pratiques relatives à la diffamation avec la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression, notamment sous l’angle du principe de proportionnalité a été réalisée en 2012. Elle accordait une attention particulière à la manière dont la Cour avait appliqué ce principe dans ses arrêts les plus récents.
Liberté d’expression et diffamation. Étude de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme
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En 2016, la jurisprudence de la Cour relative à la diffamation a fait l’objet d’une nouvelle analyse - réalisée par Tarlach McGonagle en collaboration avec Marie McGonagle et Ronan Ó Fathaigh - dans la publication intitulée « Liberté d’expression et diffamation. Étude de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ». Cette étude s’intéresse aux problèmes que la Cour a identifiés concernant la définition de la diffamation, le type et la proportionnalité des sanctions, ainsi que les moyens de défense pouvant être invoqués dans les procédures en diffamation. L’étude traite aussi de l’effet dissuasif que des lois en matière de diffamation trop protectrices de la réputation risquent d’avoir sur l’exercice de la liberté d’expression.
« Toute personne a droit à la liberté d’expression »
Art. 10 de la Convention européenne des droits de l’homme