La sexualité
Aujourd’hui, la sexualité est omniprésente : dans les livres, les films, à la télévision, dans les vidéos en ligne, les clips vidéo, les jeux en ligne, les publicités, les sites web.
Elle impacte la façon dont nous nous habillons ou parlons avec les autres, notre façon de penser et d’imaginer les choses. La sexualité fait partie de nous. Il est probablement difficile de trouver un autre domaine de la vie humaine aussi chargé de controverses, de stéréotypes, de préjugés, de normes et de tabous.
La sexualité est une question complexe
Dans les diverses tentatives de définition de ce terme, deux aspects sont généralement pris en compte : l’aspect biologique (approche essentialiste) et l’aspect socioculturel (approche constructiviste). Bien que la sexualité ait une composante biologique indéniable, généralement liée à l’impératif de la reproduction, d’autres composantes, telles que les besoins et désirs personnels, les émotions, les pratiques et les identités, ont une importance égale et parfois supérieure. L’Organisation mondiale de la santé définit la sexualité comme suit :
« … un aspect central de la personne humaine tout au long de la vie, qui comprend le sexe biologique, l’identité et le rôle sexuels, l’orientation sexuelle, l’érotisme, le plaisir, l’intimité et la reproduction. La sexualité est vécue sous forme de pensées, de fantasmes, de désirs, de croyances, d’attitudes, de valeurs, de comportements, de pratiques, de rôles et de relations. Alors que la sexualité peut inclure toutes ces dimensions, ces dernières ne sont pas toujours vécues ou exprimées simultanément. La sexualité est influencée par des facteurs biologiques, psychologiques, sociaux, économiques, politiques, culturels, éthiques, juridiques, historiques, religieux et spirituels.76 »
L’une des premières études sociologiques à remettre en question la perception de la sexualité humaine comme un aspect invariable a été menée aux États-Unis par Alfred Kinsey et son équipe, à la fin des années 40 et au début des années 50. Les résultats de ces travaux à grande échelle ont fait scandale, car ils ont révélé d’importants écarts entre les normes et attentes sociales, d’une part, et les pratiques et comportements sexuels humains, d’autre part. Par exemple, la masturbation et les rapports sexuels entre personnes du même sexe ont été identifiés comme des pratiques courantes et naturelles. Ces travaux ont ainsi contribué à une meilleure compréhension de la sexualité, au-delà de la biologie et de la physiologie.
L’idée de catégories de sexualité fixes, à l’image d’identités sexuelles immuables et fondamentales, est ébranlée par l’histoire de la sexualité qui révèle des pratiques et des valeurs changeantes attachées aux comportements sexuels. L’une des oeuvres les plus célèbres sur la question est l’Histoire de la sexualité du philosophe français Michel Foucault, en trois volumes. Dans le volume 1, par exemple, il explique qu’avant que l’homosexualité ne devienne une forme d’identité sexuelle, au XIXe siècle, les relations sexuelles entre hommes étaient considérées selon le contexte comme un acte qu’il fallait glorifier ou punir, mais en aucun cas elles ne définissaient l’identité des personnes concernées. Dans son ouvrage, Foucault a également montré comment la sexualité a été déterminée à travers l’histoire et comment elle est devenue un outil de pouvoir. Ses théories viendront influencer les idées et les mouvements queer et féministes.
Les conceptions de la sexualité ont évolué tout au long de l’histoire et, aujourd’hui, la sexualité est de plus en plus considérée comme une dimension de la vie que chacun.e peut définir et façonner en fonction de ses propres besoins. Cependant, en matière de comportements sexuels, chaque société établit certaines normes qui s’apprennent au cours du processus de socialisation. Ces normes sont souvent intégrées dans les lois qui interdisent ou restreignent certains comportements sexuels. Par exemple, dans chaque société, il existe un « âge de consentement » légal, autrement dit, l’âge qu’il faut avoir pour être considéré comme capable de décider en conscience d’avoir des relations sexuelles. Dans la plupart des pays, c’est le Code pénal qui fixe cet âge et qui pénalise le fait d’avoir des relations sexuelles avec une personne n’ayant pas atteint l’âge du consentement. Cet âge varie d’un pays à l’autre, mais il se situe généralement entre 14 et 18 ans. La violence sexuelle est un autre exemple de norme sociale intégrée dans la législation : le sexe n’est légal que s’il est consenti. Les pratiques qui forcent un.e ou plusieurs partenaires à se livrer à des pratiques ou à des comportements sexuels, ou qui causent un préjudice (psychologique ou physique) sont punissables par la loi.
De nombreuses questions liées à la sexualité, comme le commerce du sexe, la pornographie ou l’avortement, donnent lieu à des débats animés. Ces questions seront toujours sujettes à controverse, car elles touchent à des valeurs et des normes sociales établies, qui ne sont jamais neutres : à certaines personnes, ces normes sembleront naturelles et essentielles à la préservation de l’ordre social, tandis qu’à d’autres, elles sembleront injustes et porteuses d’une restriction à leur autonomie et à leur droit à l’autodétermination.
L’éducation sexuelle et le travail de jeunesse
L’éducation sexuelle couvre un certain nombre de questions pertinentes pour les enfants et les jeunes, liées aux aspects biologiques, émotionnels et sociaux de la sexualité. La Fédération internationale pour le planning familial (IPPF) définit une approche de l’éducation sexuelle globale fondée sur les droits comme une approche qui « cherche à doter les jeunes des connaissances, des compétences, des attitudes et des valeurs dont il.elle.s ont besoin pour déterminer et apprécier leur sexualité - physiquement et émotionnellement, individuellement et dans leurs relations. La Fédération envisage la “sexualité” de manière holistique et dans le contexte du développement émotionnel et social, et reconnaît que l’information seule ne suffit pas. Il faut donner aux jeunes la possibilité d’acquérir les compétences indispensables dans la vie courante et de développer des attitudes et des valeurs positives ». L’IPFF définit sept dimensions essentielles de l’éducation sexuelle : genre, santé sexuelle et reproductive et VIH, droits sexuels et citoyenneté sexuelle, plaisir, violence, diversité et relations.
L’éducation sexuelle a pour objectif essentiel de favoriser une conscience du corps, d’apprendre à créer et entretenir des relations saines, de renforcer la confiance en soi, d’apprendre à accepter et de développer des attitudes de tolérance et de non-discrimination. Cependant, dans bien des cas, l’éducation sexuelle n’est pas dispensée aux jeunes ou alors, elle est purement informative, concentrée sur les aspects biologiques de la sexualité. Dans le même temps, des questions telles que l’identité de genre, l’orientation sexuelle et même la violence fondée sur le genre, considérées comme tabous, ne sont pas abordées parce que jugées « immorales ». Une telle approche de l’éducation sexuelle ne contribue pas au bien-être des jeunes. Elle peut même avoir des conséquences dramatiques pour les personnes qui n’acceptent pas les normes qui leur ont été imposées ou ne s’y reconnaissent pas. Lorsque le système d’éducation formelle ne se charge pas de l’éducation sexuelle du jeune public, celui-ci va avoir tendance à chercher de l’information sur internet ou auprès de ses pairs.
Mais, c’est là la porte ouverte à des informations trompeuses, car les sources en ligne réduisent bien souvent la question de la sexualité aux seules pratiques sexuelles, et les partenaires sexuel. le.s à de simples objets. Les opinions divergent quant à savoir si l’éducation sexuelle doit être dispensée par des animateur.rice.s de jeunesse ou si elle doit être confiée à des professionnels. Les animateur.rice.s sont en réalité parfaitement en mesure d’apporter une aide importante aux jeunes en leur permettant d’aborder des questions liées à la sexualité et de répondre à leurs préoccupations. Cela peut se faire dans le cadre de discussions informelles ou d’ateliers organisés sur des sujets tels que la négociation et la communication, la lutte contre la discrimination ou encore l’éducation aux droits humains.
Le Conseil de l’Europe a produit de nombreuses ressources relatives à l’éducation sexuelle qui peuvent être utilisées pour travailler avec les enfants et les jeunes.
Des sexualités diverses
Il y a de nombreux types de sexualité et de nombreuses formes d’expression de la sexualité. Une personne peut mettre du temps à trouver ce qui lui convient à elle. Bien que la sexualité présente de multiples aspects, tels que l’identité de genre, l’identité sexuelle et l’orientation sexuelle, c’est principalement sur ce dernier aspect que portent les questions de diversité sexuelle.
En termes d’orientation sexuelle, une personne peut se considérer comme hétérosexuelle (attirée par les individus du sexe opposé), gay ou lesbienne (attirée par les individus du même sexe), ou bisexuelle (attirée par les individus des deux sexes). Toutefois, il arrive souvent que le choix entre ces trois possibilités ne soit pas aussi clair et ne s’applique pas pour toute la vie. L’orientation sexuelle devrait donc plutôt être envisagée comme se déclinant en plusieurs nuances, qui vont de l’hétérosexualité à l’homosexualité. Il y a aussi des personnes qui ne se reconnaissent dans aucune de ces catégories. Vous trouverez de plus amples informations sur l’orientation sexuelle dans la section consacrée aux personnes LGBT+.
Cela dit, la diversité sexuelle est loin de se réduire à l’orientation sexuelle. Ainsi, il y a des personnes asexuées, transsexuelles (transgenres) ou intersexes.
L’asexualité
Tout le monde n’a pas besoin de sexualité pour s’exprimer et être heureux. Une personne asexuée est une personne qui ne ressent pas d’attirance sexuelle et qui n’a pas, ou très peu, de pulsions sexuelles. Ce n’est pas la même chose que le célibat, qui est un choix. L’asexualité est une partie intrinsèque d’une personne, une partie de son identité. Bien que l’absence d’attirance sexuelle ou de pulsion sexuelle puisse, dans certains cas, être le résultat de problèmes de santé, l’asexualité n’est pas considérée aujourd’hui comme un état pathologique. Les personnes qui s’identifient comme asexuées ont les mêmes besoins émotionnels que tout le monde ; elles peuvent décider de vivre leur vie de façon autonome et même d’avoir des relations amoureuses. Cependant, elles ne ressentent pas le besoin d’être impliquées dans les pratiques et les comportements sexuels. Ces personnes peuvent se sentir attirées par un genre en particulier et peuvent donc s’identifier comme gays, lesbiennes, bisexuelles ou hétérosexuelles.
La transsexualité
« Naître dans le mauvais corps » ; c’est ainsi que beaucoup de personnes transsexuelles décriraient leur expérience. Par exemple, leur corps peut être féminin, mais leur identité de genre est masculine. Ou, ce peut être l’inverse : elles sont nées avec un corps masculin, mais elles se sentent femmes. Ce phénomène est appelé transsexualité (ou dysphorie de genre, dans la littérature médicale) : il décrit le cas d’une personne qui présente l’anatomie physique typique d’un sexe, mais dont l’identité de genre est à l’opposé. Il est des personnes transsexuelles qui préfèrent le terme transgenres (la transsexualité étant généralement considéré comme une catégorie relevant de la transidentité), mais certaines refusent cette identification. Naître dans le mauvais corps est une expérience très douloureuse : la vie d’une personne transsexuelle est un combat permanent, contre son propre corps, contre la détérioration de sa santé mentale, contre la discrimination et la violence. En général, la seule façon d’y remédier est la chirurgie de changement de sexe, qui va permettre à la personne concernée de faire coïncider son physique avec son identité de genre intime. Ce processus passe généralement par une série de tests psychologiques, une hormonothérapie - généralement à vie - et un changement de nom et de sexe légal, si la loi le permet. En 2017, il y avait encore 22 pays en Europe qui exigeaient la stérilisation des personnes transsexuelles pour accéder à une chirurgie de changement de sexe. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que cette pratique constituait une violation des droits de l’homme (A. P., E. Garçon et S. Nicot c. France)77.
L’intersexualité
Le sexe d’une personne lui est attribué à la naissance : les médecins ou le personnel médical qui assistent une femme pendant le travail déterminent généralement si le nouveau-né est une fille ou en garçon, en fonction de caractéristiques sexuelles telles que le type d’organes sexuels. Les personnes intersexuées naissent avec des caractéristiques sexuelles (y compris les organes génitaux, les gonades et les chromosomes) qui ne correspondent pas à la classification binaire des sexes masculin et féminin. Dans certains cas, les traits intersexes sont visibles à la naissance, mais, souvent, ils n’apparaissent qu’à la puberté. Certaines caractéristiques chromosomiques intersexuelles peuvent ne jamais être visibles.
L’intersexualité est liée aux caractéristiques biologiques ; elle est donc distincte de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Malheureusement, bien souvent, le sexe d’une personne intersexuée est choisi par le personnel médical, parfois après consultation avec les parents. L’enfant est alors contraint de subir une intervention chirurgicale pour faire correspondre ses organes génitaux au sexe assigné. Plus tard, à la puberté, l’assignation sexuelle peut s’avérer incompatible avec l’identité de genre. En 2013, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a, dans une déclaration, condamné l’utilisation non consensuelle de la chirurgie de mise en conformité sur des personnes intersexuées, alors que ces procédures « (…) peuvent provoquer des cicatrices, la perte des sensations sexuelles, des douleurs, de l’incontinence et une dépression chronique, et ont été en outre critiquées comme étant dénuées de fondement scientifique, potentiellement préjudiciables et propices à la stigmatisation »78.
Droits en matière de santé sexuelle et reproductive
L’Organisation mondiale de la santé définit la santé sexuelle comme suit :
« … un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité, et non pas simplement l’absence de maladies, de dysfonctionnements ou d’infirmités. La santé sexuelle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles agréables et sûres, sans contrainte, discrimination et violence…79»
La définition de la santé reproductive (ou génésique) élaborée par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, qui s’apparente à celle de l’Organisation mondiale de la santé, comporte un paragraphe supplémentaire expliquant que « la santé génésique implique que les gens sont capables d’avoir une vie sexuelle satisfaisante et sans danger et qu’ils ont la capacité de se reproduire et la liberté de décider si, quand et à quelle fréquence ils le feront »80.
Pour que les conditions de la santé sexuelle et reproductive soient réunies, les droits sexuels et reproductifs d’une personne doivent être respectés et protégés.
Les droits sexuels et reproductifs sont des droits humains reconnus dans les documents internationaux et régionaux de défense des droits fondamentaux, et notamment :
- le droit à l’égalité et à la non-discrimination ;
- le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
- le droit à la vie privée ;
- le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint ;
- le droit de se marier et de fonder une famille et de contracter mariage avec le libre et plein consentement des futurs époux, ainsi que le droit à l’égalité dans le mariage et lors de sa dissolution ;
- le droit de décider du nombre et de l’espacement des naissances ;
- le droit à l’information et à l’éducation ;
- le droit à la liberté d’opinion et d’expression ; et
- le droit à un recours effectif en cas de violation des droits fondamentaux.
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, dans un document thématique sur la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes en Europe (2017)81 , a identifié plusieurs obstacles à la réalisation et à la protection de ces droits, notamment :
- l’absence d’accès ou l’accès restreint à la contraception et à un avortement légal et sécurisé ;
- les stéréotypes sexistes préjudiciables, les normes sociales néfastes et la stigmatisation concernant la sexualité et les capacités de reproduction des femmes ;
- la violence, les menaces, les discours de haine et les campagnes de diffamation contre les personnes et les organisations qui défendent les droits des femmes ;
- des programmes d’éducation sexuelle dans toute l’Europe qui ne répondent pas aux exigences internationales en matière de droits humains et aux normes de l’Organisation mondiale de la santé en matière d’éducation sexuelle globale ;
- l’accès inadapté à des recours effectifs et à des réparations pour les victimes de coercition sexuelle et reproductive, y compris les violations passées des droits humains telles que la stérilisation forcée des femmes roms dans certains pays.
La Cour européenne des droits de l’homme a examiné de nombreuses plaintes contre des États membres concernant des questions relatives aux droits reproductifs, par exemple : l’accès à l’avortement légal, le don d’embryons et la recherche scientifique, la naissance à domicile, la procréation médicalement assistée, les opérations de stérilisation et la maternité de substitution.82
76 World Health Organization, Sexual and reproductive health, Defining sexual health
77 Résolution CM/ResDH(2018)179 - Exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme A.P., Garçon et Nicot contre France
78 Rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Juan E. Méndez (anglais uniquement)
79 World Health Organization, Sexual and reproductive health, Defining sexual health (anglais uniquement)
80 Les droits reproductifs sont des droits humains, un manuel pour les institutions nationales des droits de l’homme, Nations Unies, 2014 (anglais uniquement)
81 Santé et droits sexuels et reproductifs des femmes en Europe, document thématique publié par le Commissaire aux droits de l’homme, Conseil de l’Europe, décembre 2017, Issue Paper published by the Council of Europe Commissioner for Human Rights, Council of Europe, December 2017
82 Droits en matière de procréation - Fiche thématique. Cour européenne des droits de l'homme, juillet 2017